Inasa vit ses cibles s'allumer et entendit une voix électronique émaner des petits appareils :

« Bip Bip... Les qualifiés sont priés de se diriger vers l'espace réservé aux participants ! On se dépêche ! »

« Quelle technologie ! J'adore !! »

Content de sa qualification, Inasa allait faire demi-tour quand l'idée de jeter un petit coup d'œil à la rue qu'il venait d'attaquer lui traversa l'esprit. Le garçon se retourna pour découvrir tous ses adversaires terrassés au sol, venant de se prendre une tempête de balles en pleine figure. La poussière s'estompait et il pouvait voir les jeunes gens peinant à se remettre sur pied et geignant de leur fulgurante défaite. Cependant, un détail attira son regard.

Là, parmi les corps épuisés, une jeune fille portant d'étranges lunettes se tenait encore debout, comme si la bourrasque ne l'avait même pas touchée, ni effleurée.

Haruka désactiva son bouclier et leva les yeux vers l'auteur de ce carnage.

Son rire fort résonna dans la rue et elle le vit se pencher au-dessus du vide, il semblait presque la regarder.

« Trop fort !! Ça s'appelle avoir du CRAN !!! T'es une fille de Yuei, nan ?! On se revoie à la seconde épreuve, MISS !! »

Sur ce, il tourna les talons et disparut de son toit. Haruka, tout de même essoufflée par tous les coups qu'elle avait dû encaisser, finit d'écouter les paroles du puissant taré et regarda autour d'elle.

Tout le monde se relevait avec difficulté, s'entre-aidant car, de toutes façons, ils ne pouvaient plus se battre. Cent vingt éliminés, comme clamait la voix de Monsieur Mera à travers les haut-parleurs, et tout ça pour le premier qualifié de l'épreuve.

« Qu'est-ce qu'il est fort celui-là..., songea la jeune fille. »

Ses pensées se ramenèrent vers Shoto. Elle espérait qu'il s'en sortait et que les autres aussi. S'être faite attraper ainsi dans l'embuscade du garçon de tout à l'heure avait été une véritable erreur. Maintenant, elle était seule et ne pouvait compter que sur elle-même.

Haruka quitta la zone de ville, ne pouvant en tirer aucun bénéfice puisque tout le monde, à part elle, s'était fait éliminer. Elle pensa à retrouver les autres mais le terrain était immense et elle n'avait aucun indice sur leur emplacement.

La jeune fille se mit à courir, son bâton rétracté dans la main et les sens aux aguets. Elle tomba sur quelques affrontements mais fit en sorte de s'en extirper rapidement. Son bouclier avait déjà encaissé beaucoup d'énergie et il lui manquait une balle et une cible, se jeter dans une bagarre au hasard n'était donc pas une très bonne idée.

Il lui fallait trouver une stratégie rapidement si elle ne retrouvait pas ses camarades d'ici quelques temps. Seule, elle se sentait trop faible pour gagner une bataille, mais l'adolescente allait devoir y faire face si elle voulait gagner ce « jeu ».

Soudain, alors qu'elle courait dans un terrain de terre sèche semblable à celui de sa première attaque. Une voix la stoppa immédiatement :

« A l'aide ! »

Haruka arrêta sa course, le corps crispé, les sens aux aguets. Elle regarda frénétiquement à droite, à gauche, puis devant et derrière elle. Songeant qu'elle avait dû mal entendre, la jeune fille s'apprêtait à se remettre en route.

« A l'aide ! »

Cette fois-ci, elle avait bien entendu, et la voix provenait d'un bloc de pierre qui lui encombrait la vue. Alarmée mais prudente, Haruka se dirigea vers le son et contourna le bloc. Là, elle découvrit une jeune fille en costume d'héroïne semblable à celui d'une princesse, assise sur le sol.

La jeune fille Eraser se mit en position d'attaque, quand le visage larmoyant de la princesse se tourna vers elle. Ses grands yeux violets étaient brouillés par les larmes. Le regard noisette d'Haruka tomba sur la jambe gauche de la jeune fille, prise sous un énorme bloc de pierre. Du sang, du vrai sang, giclait de la plaie venant tâcher le sol et la robe assortie aux yeux de l'inconnue.

Le cœur d'Haruka balançait. Elle ne savait si elle devait se méfier de la jeune fille ou lui porter secours. Si elle en profitait pour l'attaquer ? Cependant, un autre détail lui sauta aux yeux : deux des cibles de la princesse aux cheveux dorés étaient illuminées. En clair, dans l'état dans lequel était la jeune fille, bloquée ainsi, c'était Haruka qui avait l'avantage. Il lui suffisait de prendre une de ses munitions et de l'éliminer immédiatement.

Cette pensée lui avait traversé l'esprit, mais juste traversé. La fille d'Aizawa ne voulait pas profiter de la situation alors qu'elle avait, en face d'elle, quelqu'un de blessé et aux abois. Non, c'était impensable. Alors elle se dirigea vers elle.

« Attends, je vais t'aider. »

Haruka se saisit de son bâton et le plaça comme un pied de biche entre le sol et le bloc. Ce dernier était assez compact pour qu'il ne s'effrite pas si on le touche et, ainsi, on pouvait le soulever sans problème.

« M-Merci, pleurnicha la princesse,Tu es trop gentille.

-C'est normal, ne t'en fais pas. »

La jeune fille allait pousser sur son gadget pour faire levier quand une main s'approchant trop près de son ventre la fit sursauter. Haruka fit un bond en arrière et atterrit à quelques mètres de la princesse, en position d'attaque. Cette dernière, la jambe toujours coincée, ricana. Plus aucune trace de douleur ne se lisait dans ses yeux, dorénavant, c'était une lueur de fierté qui mettait ses pupilles violettes en valeur.

« Trop gentille mais pas débile, susurra-t-elle dans un rictus moqueur. »

A peine avait-elle prononcé ces quelques mots que la princesse se mit à chanter d'une voix incroyablement mélodieuse. Comme un réflexe, Haruka se plaqua les mains sur les oreilles. Elle en avait l'habitude avec Hizashi. Mais son adversaire ne semblait pas se soucier de ce détail et continuait de chanter sur un air plutôt contemporain.

Cette mascarade devait s'arrêter au plus vite, la jeune fille aux cheveux châtain se résigna à la laisser en plan sous son bloc tout en lui volant sa dernière cible. Elle était peut-être gentille mais il ne fallait pas se moquer d'elle non plus.

Ses yeux se teintèrent de rouge derrière le grillage des lunettes de son père, prêts à user de son effacement pour mettre fin à ce petit jeu. Quand, soudain, un être dénué de visage surgit du sol, juste devant elle. Paniquée, elle poussa un long cri de surprise.

Deux autres êtres sans visage apparurent brutalement aux côtés du premier. Haruka fit quelques pas en arrière et se cogna contre une autre de ses créatures qui faisaient deux têtes de plus qu'elle. Bien vite, la jeune fille se retrouva encerclée sans aucune issue de sortie.

Au loin, elle entendait la princesse chanter et, dans son air, celle-ci lui parlait :

« Mes serviteurs t'empêchent de me voir ! Ton effacement ne peut m'avoir ! »

Soudain, un déchirement retentit aux oreilles d'Haruka. La jeune fille fit volte-face pour se retrouver devant les longs ongles acérés des créatures qui venait d'entailler sa veste. Un cri aigu sortit de sa gorge alors qu'elle actionnait son bouclier, ayant laissé son arme près du rocher. Les êtres commencèrent à se déchaîner sur elle, la frappant tous ensemble de leurs griffes aiguisées. Ils ne lui laissèrent aucune brèche si bien qu'il lui était impossible de supprimer l'alter de la princesse.

La jeune fille sentit chaque coup retomber sur son bouclier le faisant trembler de plus en plus. Son blouson lui tomba sur les poignets, parfaitement coupé en deux par la première attaque des créatures. Haruka fulminait, ils avaient détruit sa veste.

Ne pouvant se contenter de rester cloîtrée dans son bouclier alors que celui-ci s'épuisait, la jeune fille se défit de ses deux manches hors d'usage et décida d'attaquer à son tour. Un à un, elle frappait les êtres sans visage, expulsant ainsi de l'énergie tandis que les autres essayaient sans cesse de la griffer. Mais, elle avait beau en éliminer de plus en plus, leur nombre ne diminuait pas. Dès qu'elle en explosait un, un autre refaisait surface, flambant neuf, amené à la vie par le chant mélodieux.

Haruka redoubla d'effort, frappant de plus en plus fort et de plus en plus rapidement. Des gouttes de sueur lui coulaient sur le front mais elle ne lâchait rien. Même si ses bras et son bouclier commençaient à lui crier à l'aide, elle ne lâchait rien. Ce n'était pas une bande de monstre sans visage dirigés par une princesse qui chante qui allait la faire plier.

Soudain, un puissant coup lui tomba sur la tête. Submergé par l'énergie qu'il venait d'encaisser, le bouclier disparut. Haruka fut contrainte de poser un genou à terre à cause de la violence du choc qui l'avait comme sonné.

Les griffes des créatures s'enfoncèrent dans sa chair privée de protection. La jeune fille cria de douleur alors que son regard se retournait vers l'auteur de son fléchissement. Il s'agissait d'un immense marteau bariolé d'étoiles colorées et flottant juste au-dessus d'elle. Celui-ci fondit de nouveau sur elle. Haruka eut tout juste le temps de s'entourer une seconde fois de son champ de force avant de ressentir toutes les vibrations de ce nouveau coup.

Les créatures continuaient de l'attaquer tandis que ce marteau géant se balançait dans les airs, la frappant à rythme régulier. Roulée en boule sur le sol, la jeune fille ne pouvait faire autre chose que de subir tous ces assauts, puisant dans ses propres ressources physiques pour ne pas faillir.

Si c'était la princesse qui faisait tout cela, ses alter étaient à la fois étranges et impressionnants. Mais, derrière la barrière de monstres et près du chant de son adversaire, Haruka entendit une seconde voix, féminine elle-aussi.

« Voyons combien de temps ton bouclier va pouvoir te protéger ! Si tu peux détruire quatre murs de béton lors du Championnat, peux-tu résister au joug de mon marteau ? »

Un deuxième adversaire ? Aux côtés de la princesse ? La jeune fille se rendit compte qu'elle était tombée dans une embuscade. De nouveau. L'appel à l'aide et le bloc de terre n'avaient été que des leurres pour la prendre au piège. De plus, leurs techniques d'attaques semblaient la viser, elle, personnellement. Depuis quand Haruka était-elle suivie seulement pour cette embuscade ?

Les coups martelaient et la fille d'Aizawa réfléchissait à toute allure. Les haut-parleurs clamaient qu'ils étaient bientôt à la fin de la première épreuve, à onze places plus précisément. Il ne lui restait donc que très peu de temps.

Haruka essayait de se relever, de donner des coups aux monstres mais le marteau revenait toujours à la charge, l'écrasant un peu plus. Si ça continuait, elle allait bientôt finir en crêpe et la seconde épreuve restera un doux songe pour elle.

Mais elle ne devait pas perdre ainsi, c'était impensable. Quelle serait sa honte quand elle avouera à ses camarades qu'elle avait échoué ? Et, surtout, que penserait son père d'elle ?

La jeune fille réfléchissait encore et encore. Elle évaluait la situation, se demandant si elle prenait la bonne ou la mauvaise décision. Il ne lui restait que très peu de temps, c'était une situation critique.

Les sbires ne cessaient de la frapper de leurs ongles pointus. Sans visage, sans personnalité, sans rien, ils écoutaient les ordres chantés de leur princesse comme de gentils petites esclaves. Le marteau se balançait à un rythme régulier comme l'aiguille d'un métronome, venant écraser sa tête contre sa victime dans une force incroyable.

Soudain, Haruka réussit à se relever.

Doucement, elle déplia les jambes jusqu'à redresser chaque vertèbre de son dos. Son crâne et tout son corps étaient crispés, signe qu'elle se concentrait du mieux qu'elle le pouvait. La jeune fille ferma les yeux, puisant dans toute cette rage de vaincre qui bouillonnait dans ses veines. Perdre ? Ce mot ne lui venait même pas à l'esprit. Comme pour se donner du courage, comme pour ramener toutes ses forces à elle, elle hurla :

« Ultra Shield !!! »

Ecartés par une puissante énergie, les sbires volèrent dans les airs comme de simples pantins de chiffon. Le marteau fut balayé par la vague de force et tomba quelques mètres plus loin dans un immense fracas. Au milieu de cette implosion, Haruka se tenait debout, face aux deux jeunes filles qui la regardèrent avec effroi.

Ne leur laissant même pas le temps de répliquer, la jeune fille rouvrit les yeux et fondit sur elles comme un démon. Son regard noisette, pointé sur ses adversaires, devint rouge sang. Les chasseurs devinrent les proies.

« Eraser dans ta face !!!! »