Chapitre 10.
Epuisée, Haruka se laissa tomber sur l'un des canapés du salon, aux côtés de Kyoka qui baillait de fatigue. Autour de la petite table basse, les filles s'étaient installées comme pour profiter de la soirée toutes ensemble. Pas l'ombre d'un garçon ou d'un gros lourd, soit Minoru, en vue, juste un petit moment entre filles.
« Pfiou... souffla Mina, Tous les soirs, on finit complètement H.S !
-Les profs ne plaisantaient pas quand ils parlaient d'entraînement intensif, soupira à son tour Toru.
-C'est normal, renchérit l'éternelle sérieuse Momo, il nous reste moins d'une semaine. »
A l'entente de ce compte à rebours, Haruka balança la tête en arrière et arrêta d'écouter la conversation de ses camarades. Non pas que cela l'ennuyait, seulement elle n'avait pas trop envie de se rappeler que l'examen arrivait à grand pas et qu'elle ne se sentait toujours pas prête.
« Et toi, Haruka ? demanda la jeune invisible, Tu as trouvé des techniques spéciales ?
-Hum, fit l'intéressée, Mon expansion...
-N'oublie pas de lui trouver un autre nom, lui rappela Momo.
-Oui... Mon expansion, je sais comment elle fonctionne ensuite la maîtriser en conditions réelles, c'est pas la même chose... Et je ne travaille plus vraiment sur ma deuxième technique, je préfère être sûre de savoir me défendre avec mon bâton avant toutes choses.
-A ça aussi, il va falloir lui trouver un nom plus héroïque que bâton ! »
Haruka gloussa sous les paroles de la vice-déléguée. Trouver un nom à son bâton ? C'était à la fois une bonne et une drôle d'idée.
« Le Shield's Stick ! s'écria Mina, L'Eraser Stick ! Le Stick de la mort qui tue !
-J'y penserais, j'y penserais, rigola la jeune fille aux cheveux châtains.
-Et toi, Tsuyu ? reprit l'invisible, Niveau entraînement ?
-Je continue de développer mes pouvoirs de grenouille, lui répondit la verte, Tu ne pas en croire tes yeux, Toru !
-J'ai hâte de voir ça alors ! Tu en es où, de ton côté, Ochaco ? »
L'appelée ne réagit pas, ce fut la grenouille qui la sortit de sa réflexion en lui touchant le bras. Surprise, la brunette sursauta faisant même renverser quelques gouttes de la brique de jus qu'elle buvait.
« Tu as l'air au bout du rouleau, dis donc, nota Haruka en dévisageant son amie.
-Non, non, non ! leur répondit-elle, Je ne peux pas me permettre d'être fatiguée alors qu'on commence à peine ! »
Elle se calma doucement avant de rajouter, presque dans un murmure :
« Du moins, je ne devrais pas l'être. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens souvent oppressée ces derniers temps...
-Ça, c'est l'amour ! s'exclama immédiatement Mina. »
Aussitôt, la brune devint blême avant de s'écrier, presque paniquée :
« Q-Quoi ? Où tu vas chercher une idée pareille ?!
-C'est Izuku ? Ou bien Tenya ? continua la rose, Tu es souvent avec eux !
-Mais non, enfin ! Qu'est-ce que tu racontes ?! »
Mal-à-l'aise, Ochaco se mit à flotter dans les airs.
« Tu évites le sujet en lévitant ? »
Mina ne lâcha pas la jeune brune, lui posant encore une tonne de questions qui ne fit que la rendre plus embarrassée. Venant à son secours, Tsuyu finit par dire :
« Arrête de la harceler, la pauvre.
-Oui, surtout qu'on se lève tôt demain ! déclara Momo, Il est l'heure d'aller se coucher ! »
Sur ces mots, la vice-déléguée se leva, dit « bonne nuit » aux filles et quitta la pièce commune. Tsuyu fit de même bientôt suivie par Kyoka. Puis Toru réussit à faire sortir Mina qui rageait de ne pas avoir eu plus d'informations.
Ochaco resta en l'air pendant un moment, pensive, avant de se rendre compte qu'Haruka était toujours présente, étalée sur le canapé. Les cheveux en pagaille et l'air complètement fatiguée, la brune pensa que son amie était bien la fille d'Aizawa. Parfois, ils se ressemblaient beaucoup.
« Haruka... souffla Ochaco à son amie.
-Hum... grogna l'appelée.
-Je... »
Pendant l'espace de quelques secondes, elle aurait voulu se confesser. Avouer que, oui, comme le disait Mina, elle était, peut-être, amoureuse et que ce sentiment la détournait parfois de son devoir. Vider son sac lui aurait fait du bien, selon les dires de la rose, mais elle n'en avait pas le courage. Pour l'instant, elle devait garder cela secret, juste pour elle. Personne ne devait savoir qu'elle aimait Izuku.
« Je vais aller me coucher, finit-elle par dire en détournant sa première parole, Tu restes là ?
-Non, j'y vais aussi. »
Haruka se leva alors et se dirigea vers son amie. Celle-ci était encore en l'air, la tête en bas, alors elle glissa sa main dans la sienne et partit vers les ascenseurs, la tenant comme un ballon flottant.
En chemin, elles croisèrent Tenya qui leur fit la morale pour qu'elles aillent vite se coucher ainsi qu'Eijiro qui, sortant de son sommeil pour aller boire un verre d'eau, n'avait pas bien compris la situation et les dévisagèrent comme s'il pensait encore rêver.
Enfin, Haruka laissa Ochaco à son étage et, arrivée au sien, rentra dans sa chambre. Elle s'avachit sur son fauteuil de bureau et se saisit de son smartphone. Un certain numéro s'y afficha, signe qu'elle avait raté un appel. Reconnaissant les chiffres, la jeune fille observa qu'elle avait loupé un coup de fil de sa mère.
Sans grande émotion, elle laissa son appareil retombé sur son bureau et se mit à réfléchir. Ce n'était pas le seul appel qu'elle manquait de sa mère, elle était assez occupée avec les entraînements pour l'examen et avait très peu de temps libre à l'internat.
En réalité, c'étaient plutôt des excuses que la jeune fille se donnait pour rater ces coups de fil.
Haruka n'avait pas trop envie de parler à sa mère, surtout depuis la colère de son père. En soi, indirectement, ce n'était pas vraiment de sa faute, ce n'était pas elle qui avait dit cette phrase, mais la jeune fille n'avait pas envie d'entendre sa voix, ni les messages automatiques annonçant le décompte des minutes autorisées. Elle n'avait pas envie d'entendre la voix de sa mère avec, en guise de fond, le brouhaha de la prison.
Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait, ce genre de passage où elle préférait laisser son smartphone en mode hors-ligne plutôt que de répondre à un appel de sa propre mère. Il suffisait d'un article qui ressortait, d'une remarque d'un camarade ou d'une dispute entre ses grands-parents pour qu'elle décide d'abandonner un moment sa mère au détriment de celle-ci.
Elle allait sûrement lui faire un petit caprice quand elle daignerait décrocher, surtout qu'elle avait l'air d'avoir envie de lui dire pleins de choses à son tout dernier appel, celui où la jeune fille lui avait dit qu'elle était occupée, mais cela ne la dérangeait guère.
Pendant ces moments où elle ne voulait plus entendre sa voix, Haruka oubliait. Elle oubliait la femme derrière les barreaux, celle qui avait fait toutes ces choses horribles, celle qui avait hurlé son nom alors que la police l'emmenait loin d'elle. Elle oubliait tout. Haruka oubliait tout pour se souvenir de Lady Shield, de ses exploits et de ses combats, de sa prestance et de sa détermination, de sa force. Pour se souvenir de ce sourire maternelle qu'elle aimait tant.
Ne souhaitant pas s'enfoncer dans sa tristesse plus longtemps, la jeune fille se saisit de son appareil photo qui trainait sur son bureau pour venir trier ses derniers clichés. Rien de bien intéressant en réalité, ils dataient de la fois où elle était retournée à la campagne avec son pied enrubanné. Ne pouvant pas marcher, elle avait pris ses propres meubles en photo, s'attardant sur les lignes de leur coupe et sur le détail du bois.
Soudain, trois petits coups résonnèrent à sa porte. Sans même attendre de réponse, Momo entra dans la pièce en pyjama et vint s'installer sur le lit de son amie.
« Ce n'est pas l'heure de dormir ? demanda la jeune fille aux cheveux châtain avec un petit sourire ironique, rappelant à la vice-déléguée la morale qu'elle avait fait aux autres filles quelques minutes plus tôt.
-Je ne suis pas encore assez fatiguée, lui répondit son amie, et puis la discussion entre Mina et Ochaco me trotte encore dans la tête.
-C'était plus du harcèlement qu'une discussion.
-Tu es amoureuse ? »
Haruka se sentit se crisper sur sa chaise à roulette. Son cœur se mit à lui faire mal, elle souffrait d'avance en appréhendant la suite. Faisant semblant d'être plongée dans la contemplation de ses photos, elle essayait de garder un comportement naturel.
« Non, mentit-elle. »
Elle sentit sa poitrine se serrer tandis que des millions d'images de Shoto défilaient dans son esprit. La première fois qu'il lui a parlé lors du Championnat, sa tête si sérieuse alors qu'il se décrivait comme un broyeur de mains, leurs échanges quand ils mangeaient ensemble au camp d'entraînement, le compliment qu'il lui a fait sur son nouveau costume. Et son cœur se serra de nouveau.
Cela lui faisait mal de mentir alors que son esprit criait autre chose, cependant, elle n'avait pas vraiment le choix. Momo était tellement belle et intelligente et, s'il s'avérait qu'elle avait les mêmes sentiments envers Shoto, Haruka n'avait plu qu'à faire taire définitivement les battements de son cœur. C'était ce qu'elle s'était promis après tout.
Momo esquissa une moue déçue. Puis, un sourire tendre s'afficha sur ses lèvres tandis que ses yeux se perdirent dans la contemplation de la mèche de cheveux noire qu'elle tournait entre ses doigts.
« Moi, oui. »
Ce fut comme un coup de poignard dans la poitrine de la fille du professeur. En apparence, elle garda la tête froide, dévisageant toujours et encore la même photo de pied de lit qu'elle avait sur l'écran de son appareil.
Quitte à passer à la chaise électrique, autant le faire tout de suite.
« Ah, bon ? De qui ? »
Le jeune Creaty laissa un léger rire s'échapper d'entre ses lèvres. Elle leva le regard sur Haruka, qui fit mine d'aller bien, et lui lança un clin d'œil.
« C'est secret. »
Puis Momo se leva du lit, s'étira de tout son long avant de bailler un coup. Ce ne fut qu'à ce moment-là que la fille du professeur, l'âme au bord de la falaise, remarqua qu'elle tenait un petit paquet dans ses mains.
« C'est quoi, ça ? lui demanda-t-elle alors. »
La vice-déléguée lui adressa un nouveau sourire plein de mystères.
« Tu crois que je suis venue seulement pour te parler d'amour ? C'est pour toi ! »
Elle lui tendit alors le paquet. La jeune fille quitta son appareil photo pour scruter un moment l'objet sans vraiment comprendre tandis que son amie lui expliquait :
« Je sais que l'examen te stresse un peu et, du coup, je voulais te remonter un peu le moral ! »
En laissant tomber le papier sur le sol, Haruka découvrit, lovée entre ses doigts, une poupée matriochka peinte à son effigie. Tout y était, le nœud dans les cheveux, les mèches rebelles sur le visage, le costume rouge foncé et les initiales sur la veste et la ceinture.
« Elle est magnifique, murmura la jeune fille de l'émotion dans la voix. »
Immédiatement, elle se jeta sur son amie pour la serrer dans ses bras. Momo rit de ce soudain élan d'affection qui n'était pas dans les habitudes d'Haruka et répondit à son étreinte.
Cette effusion de tendresse pressa le cœur de la jeune fille d'une émotion forte. Tout son corps se décrispa d'un coup et elle se sentit fondre entre la chaleur des bras de Momo. Elle sentit son esprit s'écouler, ne se contenant plus pour ne laisser rien paraître, laissant le flot de ses pensées s'échapper de sa tête, telles des vagues brisant un barrage. Son père, sa mère, Yuei, Kamino, la forêt, ... Tout. Tout se déversa en dehors d'elle et chaque pensée se transformèrent en larmes salées qui ruisselèrent sur ses joues.
Alarmée par ces soudains sanglots, la vide-déléguée lui demanda de sa voix douce :
« Tu pleures, Haruka-chan ?
-O-Oui..., réussit-elle à lui répondre, L-laisse-moi... juste... »
Comprenant sa demande malgré ses hoquètements, Momo ne dit plus rien. Elle serra sa prise autour de la taille de son amie et la laissa pleurer sur son épaule encore de longues minutes, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de larmes en elle, jusqu'à ce que la douleur s'apaise, jusqu'à ce qu'elle s'endorme dans ses bras, le visage enfin serein.
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