Quelque peu sonnée, Haruka jeta un coup d'œil hagard sur ses camarades au sol. Chacun se relevait avec difficulté de ce choc dont ils ne connaissaient l'origine, et qui ne présageait rien de bien. L'inquiétude prit bientôt le contrôle des adolescents et Eijiro retourna rapidement sur les épaules de Tenya pour voir ce qui se passait. Haruka laissa Momo monter sur les siennes malgré la différence de gabarit.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda la jeune Aizawa retenant sa panique.

-Je vois... Mount Lady, Gang Orca ! ... Et même Best Jeanist ! s'exclama Eijiro surpris.

-Tora des Wild Wild Pussycat est là aussi, continua la vice-déléguée. »

Les deux jeunes gens descendirent des épaules de leurs camarades pour faire le point sur la situation. Aussitôt, Tenya déclara :

« Vous voyez ? Les pros sont déjà sur le coup ! Allez, on rentre, on n'a plus besoin de nous ici ! »

Le garçon à la fausse moustache ne cachait pas son soulagement, soupirant d'aise et entamant déjà sa marche vers la sortie. Mais il avait fallu qu'Izuku ouvre sa bouche, pensif et planté comme un piquet à espionner ce qui se passait derrière la palissade de béton :

« Mount Lady avait l'air de dire qu'All Might intervenait ailleurs... Katchan se trouve peut-être là-bas ! »

Haruka leva les yeux vers le mur qui les séparaient des évènements avant de répondre :

« Alors on n'a plus à s'en faire pour Katsuki, les pros gèrent la situation.

-Dépêchez-vous, souffla alors Momo pressée de s'en aller, Mieux vaut ne pas traîner dans le coin ! »

Izuku, Eijiro et Shoto, qui avait perdu sa perruque, suivirent leurs délégués dans l'étroit chemin d'où ils étaient venus, à contre-cœur. La jeune fille aux cheveux châtain ferma la marche, s'assurant qu'aucun des trois ne reste à l'arrière.

Soudain, une voix venant de l'outre-tombe s'éleva des débris des bâtiments, juste à plusieurs mètres des adolescents.

« Navré Tora, dit la voix masculine d'un calme glacial en s'adressant au membre des Pussycats. »

L'homme-chat tenait dans ses pattes de velours le corps inerte de sa collègue Ragdoll. La pétillante héroïne qui faisait tant rire les élèves de secondes au camp avait perdu tout son éclat, c'était à peine si on pouvait sentir son souffle.

« J'avais l'alter de ton amie dans le collimateur depuis un moment... continua la voix, J'ai sauté l'occasion de m'en emparer. Il faut dire que j'en ai beaucoup moins en stock... depuis qu'on m'a mis dans cet état. »

De l'autre côté de la palissade, les adolescents restèrent figés, à seulement quelques mètres de leur première position, inquiets par cette étrange apparition dont la voix leur était inconnue, et peu rassurante.

D'un simple mouvement de poignet, Best Jeanist pris le contrôle de ce qui semblait être un homme, n'attendant même pas de savoir s'il était un civil ou non, ses mots n'avaient rien d'affable et, comme il le redoutait, le possesseur de la voix ne se laissa pas faire.

Une gigantesque vague de force s'échappa de la silhouette, rasant tout ce qui était autour de lui et projetant le troisième du classement des héros au sol. Celui-ci sauva de justesse ses collègues en les éloignant un peu plus avant de s'écraser lourdement sur le sol, meurtri.

« Tomura commence enfin à réfléchir par lui-même et à se comporter comme un leader, reprit la voix comme si de rien était, Merci de ne pas vous mettre en travers de son chemin. »

Là, plantés derrière un pan de palissade qui n'avait pas été soufflé par l'attaque. Les six adolescents étaient figés, tremblant d'effroi et de terreur. L'aura de l'homme avait éveillé en eux une peur des plus sombres et des plus terrifiantes, coupant leur respiration, leurs pensées et les coulant sur place.

Ils n'esquissaient plus le moindre mouvement, n'osaient plus bouger d'un millimètre. Certains se retrouvèrent pris de nausées, essayant de contenir l'horreur que le personnage éveillait en eux. Il leur avait fait voir, par la simple force de sa présence, une atrocité qui les prenait à la gorge, les étranglant presque.

Les adolescents avaient vu la mort, ils avaient vu leur mort.

La puissance du pouvoir de cet homme les incitait à fuir, à détaller de cet endroit pour ne pas risquer leur vie, mais son aura si oppressant les laissait figés sur place, impuissants face à leur sort.

Shoto voulait se défaire de ce poids qui pesait sur sa poitrine, l'empêchant de respirer correctement, mais il n'y avait rien à faire, ce monstre était trop horrible et lui trop faible. Le jeune garçon releva les yeux en face de lui, s'efforçant de reprendre peu à peu le contrôle de son corps crispé par la terreur. Mais ses yeux hétérochromes rencontrèrent une barrière opaque et blanchâtre qui dansait devant lui, et qui ne lui était pas inconnue.

D'un effort considérable, il tourna la tête vers son amie aux cheveux châtains défais. Le teint de celle-ci était devenu blafard, son souffle était court et ses yeux fermement fermés crispaient son visage, témoignant de toute l'horreur qui habitait son cœur à ce moment précis, de toute la peur qui coulait dans ses veines. Mais, malgré cela, malgré l'angoisse et l'effroi, une bulle de bouclier entourait son corps et ceux de ses camarades.

Expansion.

La terreur paralysait ses membres, envahissait ses veines, compressait son cœur mais Haruka, entre les rideaux de la mort, ne pensait qu'à une chose : les protéger. Son esprit meurtri et torturé ne pouvait s'empêcher de concentrer tous ses efforts sur le devoir qu'elle s'était donner tandis que les débris des palissades ricochaient contre son bouclier étendu sur ses camarades.

Si la puissance de la première attaque de l'être ne les avait pas soufflés avec facilité, c'était bien grâce à cela.

Tremblant de tout son long, Haruka s'épuisait à maintenir son champ de force alors que, soudainement, une voix reconnaissable s'éleva du centre des évènements accompagnée d'un étrange bruit de suçon :

« Beurk, ça schlingue ! C'est quoi cette merde ?! »

Les cœurs des six adolescents bondirent à l'unisson tandis que leurs pensées s'écrièrent :

« Katsuki ?! »

En effet, le jeune garçon à la chevelure cendrée se tenait face à l'homme qui portait d'ailleurs un étrange masque, loin de la vue de ses camarades, toujours cachés et pétrifiés derrière leur mur. Seul le son de sa voix parvenait à leurs oreilles, accompagné de plusieurs autres bruits de suçon signalant l'apparition de nouvelles personnes sur les ruines des bâtiments.

L'homme masqué, dont le visage n'avait rien de celui d'un homme, s'adressa rapidement au garçon avant de se détourner de lui pour parler à un deuxième. Ce dernier était en réalité le jeune homme au teint pâle dont le visage était couvert de multiples mains sans corps, celui qui avait agressé Izuku au centre commercial.

Le fameux Tomura Shigaraki.

D'ailleurs, Izuku.

Depuis qu'il avait entendu la voix de son ami d'enfance, le garçon ne pensait qu'à une chose : le sauver. Prenant son courage à deux mains, il essayait de se délivrer de la force horrifique qui le maintenait pétrifié pour se retourner et, peut-être, venir au secours de Katsuki. Mais une main l'attrapa brusquement par la veste.

Cette main, dont le bras bloquait également Shoto, appartenait à Tenya qui, dans un effort surhumain, s'interposait aux pensées de son ami qu'il avait deviné. Il ne voulait pas qu'ils fassent une telle bêtise, ils ne devaient pas se mettre en danger. C'était pour cela que le délégué était venu, et il avait bien l'attention d'accomplir sa tâche coûte que coûte. Momo, de son côté, agrippait fermement le bras d'Eijiro, prévenant toute réaction impulsive du garçon.

Quant à Haruka, la jeune fille, vidée de l'énergie libérée de son bouclier, ne put empêcher son alter de se désactiver et s'appuya contre le pan de mur, vidée de toutes ses forces. Son visage était blême, son regard vitreux et ses mains tremblantes d'effort. Le souffle encore court par l'influence de l'homme masqué et de son propre alter, elle dévisageait d'un œil alarmé ses camarades à côté d'elle. Il fallait qu'ils partent, et vite, pour leurs vies, mais les trois garçons ne permettraient jamais de laisser leur camarade seul.

Katsuki était à portée de main.

Soudain, le résonnement d'un puissant coup fit sursauter les jeunes gens, les délivrant soudainement de l'emprise de l'aura horrifique. Une nouvelle voix, rauque et fière, s'éleva du terrain rasé d'une telle puissance qu'elle fit trembler le pan de palissade encore debout.

« Tu vas nous rendre tout ce que tu as pris... All for One !

-Tu comptes me tuer encore une fois... All Might ? »

All Might !