Chapitre 17.
Le coude posé sur le bord de la fenêtre et la tête écrasée dans sa main, elle regardait d'un air endormi le paysage qui défilait devant elle. Les hautes tours de la grande ville de Musutafu firent doucement place à des décors champêtres bordant les autoroutes.
Des voitures passèrent près de sa vitre, la laissant dévisager quelques inconnus installés dans leurs véhicules. Des jeunes, des vieux, des groupes, des solitaires, des familles, des amis. Que faisaient-ils ? Où allaient-ils ? Etaient-ils pressés ou simplement heureux de parcourir les routes ?
La jeune fille s'occupait à leurs inventer des passés, des anecdotes et des buts différents et farfelus. Les enfants de cette voiture-là allaient devenir des héros, brillants étudiants de Yuei, la fille dans celle-ci était en route pour demander sa moitié en mariage, cet homme aigri partait pour une énième missive ennuyante sans savoir que celle-ci allait changer sa vie pour toujours. Tant de vies différentes et tant d'histoires à raconter.
Un léger coup de coude vint la sortir de ses pensées.
Elle se retourna en sursautant presque. Le brouhaha insoutenable produit par les élèves de sa classe s'engouffra alors dans ses oreilles, brisant le sommeil came qui avait commencé à l'envelopper. La jeune fille, tirée de sa rêverie, bailla en s'étirant sommairement.
« Haruka-chan, ce n'est pas le moment de dormir. »
Ses yeux noisette et tout juste réveillés se posèrent sur ceux courroucés de son amie Momo. La vice-déléguée de la seconde A avait longtemps insisté pour les deux jeunes filles se mettent à côté dans le car, elle avait espéré pouvoir discuter avec son amie tout le long du voyage mais voilà que la jeune Aizawa préférait faire une sieste.
Se rendant tout de même compte de l'état dans lequel Haruka était, yeux fatigués et paupières cherchant à se fermer toutes les minutes, Momo laissa de côté sa déception pour s'inquiéter :
« Tu n'as pas bien dormi hier ?
-Au contraire, répondit Haruka en reposant son coude au bord de la vitre, Comme une masse, mais il me manque quand même quelques heures.
-Les entraînements de ton père ? »
Un petit sourire songeur s'afficha sur le visage de l'adolescente aux cheveux châtain. Bien qu'elles ne sympathisassent que depuis quelques semaines, Momo connaissait déjà une grande partie de la vie de la jeune Aizawa, la partie émergente en tous cas, et réussissait parfois à deviner ce qu'elle voulait dire. A chaque fois, Haruka ressentait un étrange et agréable crépitement dans son cœur, un discret éclair de bonheur qu'elle n'avait jusqu'alors jamais connu, habituée à sa vie en solitaire. Momo était son amie, et cela ne faisait aucun doute.
Elle hocha la tête en signe d'approbation.
« Il te fait te coucher de plus en plus tard, ce n'est pas très sérieux de la part d'un professeur !
-Non, c'est juste que ça devient de plus en plus... compliqué.
-Même ! Ce n'est pas une raison de te fatiguer encore plus. Au moins, tu vas pouvoir te reposer avec ce camp de vacances. »
Un nouveau sourire apparut sur son visage rond, moins tranquille, plus malin et mystérieux. Le même qu'elle avait porté juste avant que son père annonce leur départ de vacances ainsi que la participation de ceux qui avaient échoué à l'examen. Un sourire qui, cette fois-ci, était presque sadique, cachant la mauvaise surprise que les élèves allaient avoir. Haruka s'en amusait, comme à son habitude.
« Tu n'as plus envie de dormir ? s'étonna Momo en voyant que son amie avait attrapé son téléphone portable et jouait maintenant à casser des briques virtuelles d'un geste las.
-Non, je n'y arriverais plus avec tout ce bruit. »
Cela n'était pas une mauvaise excuse, bien au contraire. Tous ses petites camarades ne cessaient de hurler dans tous les sens possibles au détriment de leur ouïe respective. Personne ne pouvait vraiment leur en vouloir, il s'agissait d'adolescents après tout.
« File-moi un Mikado ! cria une voix au loin.
-Qui a des Mikados ? demanda immédiatement Momo. »
Haruka releva la tête de son écran, très intéressée par cette question. Son ventre venait de remuer dans un gargouillement gourmand, elle aurait dû manger un peu plus au petit-déjeuner.
Rikido Sato, un grand garçon musclé qui se faisait surnommer Sugarman, répondit par l'affirmatif et tendit aux deux jeunes filles un sachet des gâteaux tant désirés. Les demoiselles piochèrent dans le paquet de sucreries en remerciant leur camarade.
Pour ceci, Haruka dû se relever légèrement de son siège et obtint alors une vue panoramique de l'ensemble du car. Rapidement, son regard tomba sur le voisin de son ami Fumikage, Shoto. Silencieux, les deux garçons étaient occupés à ne rien faire, fixant le paysage pour l'un et un point sur le plafond pour l'autre.
« Haruka-chan ! Assis toi bien sur ton siège ! Montre l'exemple quand même ! »
La jeune fille fit la moue avant de retomber mollement sur son derrière. Tenya, non loin de là et assis à côté d'Izuku, ne pouvait se détacher de son rôle de délégué, guettant le moindre souci autour de lui.
Tout en croquant dans son gâteau, l'adolescente ressortit son téléphone portable de sa veste et pianota un petit message. Elle hésita quelques secondes, songeuse, avant de cliquer sur le bouton « Envoyer ». La réponse ne se fit presque pas attendre :
De : Broyeur de mains
Non, je ne m'ennuie pas
Et toi ?
« Ça va, Haruka-chan ? Tu souris bizarrement ? »
La jeune fille sursauta avant de cacher précipitamment l'écran de son appareil au regard de Momo qui la dévisageait en fronçant les sourcils.
« M-Mais non, je souris pas !
-Si, tu rougis maintenant.
-Non, ce n'est pas vrai !
-Enfin, Haruk...
-Rikido a d'autres gâteaux ! »
Il n'en fallut pas plus pour détourner l'attention de Momo qui se retourna brusquement sur son siège, cherchant à répondre à l'appel de son grand appétit, et de sa gourmandise.
Haruka eut un léger soupir de soulagement puis tapota une réponse à son message. Ses joues étaient encore brûlantes et son cœur battait étrangement vite.
« Ça doit être le chauffage, essaya-t-elle de se persuader. »
.
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Une éternité plus tard, le car s'arrêta enfin sur le bord de la route au grand plaisir de tous les élèves, fatigués d'entendre Minoru se plaindre de son envie pressante depuis une bonne demie-heure.
Après avoir posé un pied à terre, Haruka s'étira de tout son long, courbaturée d'être restée aussi longtemps assise. Momo ne tarda pas à arriver derrière elle et fit de même. Puis, la jeune fille fit passer ses longs doigts dans la chevelure châtain de son amie et s'appliqua à renouer son nœud pourpre qui s'était détaché pendant le voyage.
« Pourquoi on s'arrête ici ? Ce n'est pas une aire d'autoroute ! s'exclama une voix parmi le petit groupe d'adolescents.
-Où sont les secondes B ? demanda une autre. »
En relevant la tête après avoir laissé Momo faire son minutieux travail, Haruka se rendit que, en effet, l'endroit était bien singulier pour un arrêt en car.
Il s'agissait d'un parking improvisé près de la route. Un grand espace de terre sèche installé au bord d'une falaise délimité seulement pas de petites barrières de bois cloutées. Il donnait sur une incroyable vue sur une immense forêt d'arbres verts et des montagnes bleues s'élevant au loin.
La jeune fille aux cheveux châtain eut un mauvais pressentiment et tourna le regard vers son paternel qui ne tarda pas à s'expliquer :
« Je ne vais pas prétendre qu'on est descendus ici par hasard... »
Au même moment, deux longues silhouettes firent leur apparition.
« Salut Eraser !!
-Bonjour... Ça faisait longtemps.
-Mais ce sont... murmura la fille de l'appelé en écarquillant les yeux. »
Dans une agilité animale, les silhouettes exécutèrent quelques mouvements de danse tout en déclamant leur slogan :
« Leurs yeux brillants sont braqués sur vous ! s'écria l'une.
-Fuyez devant les féroces félins ! continua l'autre.
-Wild Wild... Pussycats !! »
Devant les enfants surpris par cette drôle de démonstration, deux femmes en costumes de chat, larges jupes et gants en fourrure, prient la pose. Près d'elles, un petit garçon apparut, silencieux, le regard noir et une casquette dotée de cornes à l'avant sur la tête.
« Je vous présente les Pussycats, dit Shota d'un ton neutre comme si cette petite danse n'avait jamais eu lieu, L'équipe de professionnels chez qui on va passer la semaine. »
Haruka se sentit étonnée, de toutes ses hypothèses sur le changement de destination du camp, aucune ne se révéla alors correcte, et elle ne savait pas si elle devait s'en réjouir ou non.
Près d'elle, Izuku venait d'activer son mode fanatique de l'extrême et déblatérait ses connaissances héroïques comme un fou. Au début, la jeune fille avait eu du mal avec cet étrange comportement du garçon mais, à présent, elle avait commencé à s'y habituer.
« C'est un quatuor de héros qui a fondé une agence commune, s'exclamait-il, Des vétérans spécialisés dans le sauvetage en montagne ! Cette année, ils fêtent leurs douze ans de carriè...
-On a dix-huit ans dans nos cœurs ! »
Izuku arrêta immédiatement son monologue, violemment interrompu par une patte de chat qu'il s'était pris sur le visage et qui appartenait à une femme aux longs cheveux blonds visiblement susceptible sur son âge. Cette dernière croisa le regard d'Haruka et s'écria, surprise :
« Mini-Eraser ! T'as bien grandi dis donc !
-Salut... »
Mal-à-l'aise à cause de ce surnom qu'on ne lui avait pas sorti depuis bien longtemps, et qui venait d'être exposé à toute sa classe, la jeune fille conclue qu'elle ne devait pas se sentir réjouie par la situation, surtout avec le mauvais pressentiment qui stagnait dans son esprit. Elle n'avait rien contre les Pussycats, bien évidemment, cependant le groupe l'avait déjà rencontré alors qu'elle n'était encore qu'une enfant et qu'elle connaissait le côté mesquin de certains de ses membres. Autrement dit, elle allait avoir droit à ce surnom pour toute la durée du camp.
Pixie Bob, tel était le nom d'héroïne de la femme blonde, lâcha la face d'Izuku pour se tourner vers sa collègue aux cheveux bruns et courts, Mandalay. Celle-ci, plus sérieuse et rigoureuse, expliquait aux adolescents :
« Toute la forêt qu'on voit d'ici nous appartient. L'endroit où vous allez loger se trouve au pied de cette montagne ! »
Ladite montagne était loin, trop loin. Le mauvais pressentiment de « Mini-Eraser » redoubla d'intensité.
« Moi, je propose qu'on remonte à bord du car... et sans traîner ! chuchota Hanta ressentant la même crainte que la jeune fille.
-Il est neuve heure trente, continua Mandalay avec un grand sourire, Si vous vous dépêchez, vous serez sur place vers midi ! Les petits chatons qui arriveront vers midi trente seront privés de déjeuner...
-Tout le monde dans le car ! Vite !! hurla Eijiro alors que le piège se refermait sur les adolescents. »
La plupart des jeunes gens détalèrent comme des fous vers le véhicule, complètement paniqués.
Haruka resta plantée là, le cœur battant, tétanisée en craignant la suite. De toute façon, ils ne pourraient échapper au sort que leurs réservaient les sadiques Pussycats. Ses yeux se tournèrent lentement vers son père, posté non loin de là, en sécurité, et murmurant :
« Désolé les enfants... »
Était-il réellement désolé ?
Sa fille savait pertinemment que non.
Au même moment, une violente avalanche de terre s'abattit sur les pauvres élèves de secondes A agités comme de petits insectes pris au piège. Les vingt-et-un corps se retrouvèrent projetés par-dessus les petites barrières de bois, éjectés tels de vulgaires cailloux dans l'immense forêt dense.
Vive le camp de vacances.
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