Chapitre 44.
Haruka se retrouva à clopiner dans les couloirs de l'hôpital aux côtés de son père.
Celui-ci, après avoir pris des nouvelles des trois garçons, lui avait demandé de sortir de la chambre et, depuis, ne disait plus un mot.
La jeune fille ne savait pas non plus que dire, elle se concentrait plus pour suivre le pas rapide de son père que pour trouver un sujet de conversation. Elle, qui ne s'était jamais cassé une jambe, découvrait maintenant la joie des béquilles.
Enfin, le grand homme finit par apercevoir à quel point l'adolescente était en difficulté et décida de marcher encore jusqu'à la cafétéria. Là, ils purent s'asseoir, l'un en face de l'autre, toujours en silence.
Gênée par ce silence et ne sachant pas comment se comporter, Haruka se mit à observer les gens autour d'elle. Quelques vieilles personnes réunies autour d'un jeu de société dans un coin de la pièce ; deux jeunes gens, dont un branché à plusieurs tuyaux, roucoulant devant leurs verres de jus de fruit ; une femme seule dévorant un sandwich avec une main dans le plâtre.
« Comment ça s'est passé ? »
Elle sursauta en entendant la voix de son père qui venait de briser le silence et se tourna vers lui. Il fixait avec intensité le bout de la table en plastique avec son air éternellement neutre.
« De quoi ?
-De comment tu t'es fourrée dans cette histoire avec les trois autres. Les rapports de police ont masqué ces informations.
-Mon maître de stage s'est fait attaquer, Iida voulait se venger, Midoriya savait ce que voulait Iida, Todoroki a été alerté par Midoriya. »
C'était simple, concis et l'adolescente ne voulait pas détailler les évènements qu'elle souhaitait oublier. Décidemment, on ne la laissera jamais tranquille avec cela.
« Et toi ? »
La jeune fille releva les yeux vers son père, le cœur serré. Elle appréhendait cette question et ne voulait pas y répondre. RedSkin l'avait pardonné, le commissaire aussi, pourquoi devait-elle encore parler du comportement qu'elle avait eu ce soir-là ? Bien que son esprit se soit apaisé, la culpabilité à la fois de sa lâcheté et de sa désobéissance restait en elle, menaçant de lui refaire violence. La complexité et le déséquilibre de ses deux situations lui donnait des maux de tête, accentuée par la plaie de son choc. Ses pensées se séparaient en deux et se combattaient presque pour savoir lequel de ses choix avait été le plus juste, mais aucun vainqueur ne sortait, la laissant dans sa culpabilité à double tranchant.
« Ne te fâche pas, demanda-t-elle anxiété. »
Intrigué, Shota haussa un sourcil en la regardant. De quoi avait-elle peur qu'il se fâche ?
« Quand RedSkin s'est fait attaquer, il m'a dit de partir et... j'ai fui... »
Elle rabaissait la tête, son front presque collé sur la table blanche. L'adolescente n'osait à présent croiser le regard de son père, craignant sa réponse. Mais aucune ne se fit, elle continua alors :
« J'ai fui mais je suis revenue... Je n'ai pas écouté RedSkin mais Tenya aurait peut-être toujours eu ses deux bras si je ne m'étais pas enfuie dès le début... »
Elle garda le front baissé, prête à recevoir un sermon. Haruka songea à quel point elle devait décevoir son père. Dans les deux situations, elle avait été indigne, d'un côté lâche, de l'autre désobéissante. Elle ne savait encore lequel des deux allait lui être reproché en premier.
A ce moment, deux pensées traversèrent l'esprit de Shota. Deux pensées contradictoires, comme cette situation, et il ne savait laquelle choisir :
« Tu as eu un comportement indigne d'un héros. »
« Tu aurais dû continuer de fuir, tu aurais dû rentrer à la maison. »
Aucune de ces phrases ne passa la barrière de ses lèvres.
La jeune fille resta courbée, front à terre, cachée par ses cheveux châtains retombant sur son visage.
Shota ne pouvait s'empêcher de penser à l'immense courage qu'il avait fallu à l'adolescente pour faire demi-tour et venir affronter de plein gré le Tueur. Il songea également à cet esprit suicidaire. Pourquoi diable avait-elle choisi ce moment-là pour arrêter d'écouter aveuglement tout ce qu'on lui dit de faire ? Il ne pouvait non plus s'empêcher de noter à quel point elle continuait de se soucier de ce qu'il pensait d'elle, de son jugement de père et ce, malgré leurs cinq années éloignés l'un de l'autre.
Maladroitement, il leva sa grande main au-dessus de la tête de sa fille, essayant d'être le plus tendre possible. Ses doigts restèrent en suspens, à quelques centimètres de cette masse de cheveux châtains et doux.
Il se ravisa.
Sa main revint vers lui et attrapa une compote dans sa veste qu'il ouvrit d'un geste nonchalant.
« Tss, j't'en veux surtout de m'avoir fait de la paperasse en plus à remplir. »
Le cœur d'Haruka se serra brutalement. Il se moquait à ce point de sa vie ?
Feignant l'insensibilité à ces mots, la jeune fille se redressa sur son siège en soupirant et fit mine de s'étirer le dos. Son père aspirait le contenu de sa compote sans un mot.
Ils étaient revenus au point de départ. Revenus au silence.
Les vieilles personnes avaient changé de jeu pour un tarot ; le couple venait de s'embrasser goulument ; la femme attaquait avec ferveur un dessert débordant de chocolat.
Ses yeux noisette se posèrent sur son pied enrubanné. Celui-ci lui lançait encore de vives douleurs quand elle le posait à terre mais elle s'y était accoutumée, comme pour son abdomen. Le bleu avait tourné à un merveilleux jaune, signe qu'il continuait de guérir tranquillement. Tout ce qu'elle devait éviter de faire, pour ne pas avoir plus mai, était de ne pas tousser ou de ne pas rire. Ça tombait bien, elle n'avait aucunement envie de rire à ce moment-là, mais elle souffrait quand même.
Alors qu'elle se perdait dans ses pensées, n'ayant autre chose à faire dans ce silence pesant, quelque chose lui traversa soudainement l'esprit. Une image du combat contre Stain dont elle n'avait pas mesuré l'importance jusqu'alors. Cette image lui mit de la chaleur dans le ventre et de l'adrénaline dans les veines ainsi qu'une certaine dose de fierté inespérée.
Oubliant immédiatement ses précédentes paroles blessantes, Haruka se retourna vers son père, un sourire dans le vague sur le visage.
« J'ai réussi.
-De quoi ?
-J'ai réussi à partager mon bouclier. »
Tout d'abord, le grand homme ne comprit pas, puis il se retint de sourire.
Finalement, ses entraînements n'étaient pas complètement inutiles et portaient leurs fruits, même si cela avait eu lieu sur une si triste bataille.
Il allait enfin pouvoir passer à l'étape suivante.
Une nouvelle compote dans la bouche, Shota raccompagnait sa fille jusqu'à sa chambre. Entendant l'incessant bruit de son clopinement sur le sol blanc, il lui demanda de sa voix neutre :
« Combien de temps tu vas encore avoir besoin de béquilles ?
-Jusqu'à la date de fin de stage, souffla-t-elle entre deux efforts, je boiterais encore un peu pour quelques semaines, mais je pourrais quand même suivre les cours de pratique !
-Au moins, tu n'as qu'une seule blessure, en plus de la petite égratignure sur ta tête.
-Pas vraiment.
-Comment ça ? »
Haruka soupira entre deux coups de béquille.
« J'ai un bleu sur le ventre.
-Comment tu t'es fait ça ? »
Un sentiment contradictoire vint la déranger. D'un côté elle était contente, même heureuse, que son père s'intéresse à ce qui lui était arrivé mais, de l'autre, elle commençait à en avoir terriblement assez de parler de cette soirée. Aussi calmement qu'elle le put, l'adolescente répondit :
« Le Tueur de héros m'a juste mis un coup de botte. »
Le grand homme prit une discrète inspiration, imaginer sa fille en corps-à-corps avec ce vilain lui donnait quelques sueurs froides.
Il chassa cette étrange pensée avec une nouvelle question qui lui passa par l'esprit :
« Au fait, quel est l'objet miraculeux que tu n'as pas explosé ?
-Todoroki. »
Shota faillit s'étrangler avec sa compote.
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