Chapitre 32.
La dernière sonnerie retentit dans l'immense bâtiment. Presque immédiatement, tous les élèves se ruèrent hors des salles de classe, heureux d'avoir essuyé une énième journée de dur labeur.
Appliqué comme à son habitude, Tenya rangeait scrupuleusement ses affaires, laissant ses amis Ochaco et Izuku partir avant lui. Lorsqu'il sortit enfin de la classe, il aperçut, juste à côté de la porte, Haruka qui semblait l'attendre.
Elle avait bien grandi depuis leur enfance, tout autant que lui d'ailleurs. La gamine potelée aux longues couettes était devenue une agréable jeune fille au doux visage. Et le garçon était très content de la revoir après toutes ces années.
Seul un détail venait obscurcir ces retrouvailles, détail que seul Tenya pouvait remarquer. La constante joie dans les yeux de l'enfant timide, mais indéniablement brillante, avait laissé place à une certaine mélancolie.
Certes, ses yeux n'avaient pas perdu de leur éclat mais le garçon, qui avait connu la jeune fille avant son malheur, voyait clairement que cet évènement l'avait changé au plus profond d'elle-même.
Cet évènement qui était aussi la raison pour laquelle elle avait dû quitter brutalement leur école pour la vie isolée de la campagne.
Après avoir vérifié que tous les autres élèves étaient bien partis, Haruka s'approcha de son camarade d'enfance. Quelque peu hésitante, elle lui tendit une brique de jus d'orange comme un signe de compassion :
« Je suis désolée pour ton frère. »
Le regard pourtant si chaleureux de Tenya se baissa vers le sol avec douleur.
Son frère.
La raison de son absence sur le podium du Championnat.
Son frère, le héros Ingenium, fier héritier de la famille des Iida, avait été sauvagement attaqué par le tristement célèbre Tueur de héros.
Ingenium qui ne pourra plus jamais protéger les citoyens du danger.
Tels des milliers de petits éclats de verre brisé, les images de son frère allongé dans son lit d'hôpital lui revinrent en tête. Il était encore en vie, bien heureusement, mais ses blessures étaient telles qu'il ne pourrait plus reprendre son nom de héros.
Dorénavant, il revenait à Tenya. Mais lui-même ne savait pas s'il en était digne.
D'un geste robotique, le garçon attrapa la brique de jus, sa boisson préférée depuis toujours. Il ravala ses larmes avant de relever son visage souriant face à celui d'Haruka.
« Ne t'en fais pas, il est hors de danger maintenant ! Merci de t'en être inquiétée. »
Contente de ces paroles, la jeune fille lui fit un sourire et lui proposa de rentrer avec lui. Le grand délégué de la seconde A accepta immédiatement, évidemment heureux de se retrouver avec cette fille qui l'avait toujours encouragé dans sa folle admiration pour son frère.
Une pointe de remords apparut tout de même dans le cœur de Tenya, voilant d'un nuage gris le bon moment qu'il était en train de passer avec la jeune fille. Haruka semblait si soulagée pour lui et pour son frère, elle ne se doutait pas de ce que l'adolescent préparait derrière le dos de ses proches. Elle ne devait pas s'en douter, elle ne devait pas s'en inquiéter. Ni Izuku, ni Ochaco, ni ses parents.
Même si Tenya aimait parler avec sa camarade retrouvée, il devait garder ses plans pour lui-même. Il devait garder sa vengeance loin des doutes.
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« De ce que tu sais depuis toujours, ton alter de bouclier t'est individuel. Les comportements que tu as pu observés démontrent que tu ne peux utiliser ton champ de force que sur toi, sur la totalité de ton corps. Mais tu vas essayer d'aller au-dessus de ces limites que tu t'imposes et te concentrer pour partager ton pouvoir. Pour ça, tu vas essayer de protéger... ce bâton. »
Shota continua de regarder la gamine debout devant lui en tenant ledit bâton d'une main, une énième compote à boire de l'autre.
La jeune fille le fixait, une expression d'hébétude sur le visage, signe qu'elle n'avait pas compris la consigne. Blasé, le grand homme soupire :
« D'abord, actionne ton alter. »
Son regard se porta sur les deux mains finies qui tremblaient, comme muées par une force invisible qui essayait de les faire se lever.
« Tes bras... soupira Shota entre deux gorgées de compote. »
Réprimandée, Haruka se concentra pour ne pas reprendre son tic. Elle avait tout de même fait des progrès à ce niveau-là et pouvait à présent encaisser plusieurs chocs sans se protéger avec ses bras.
Encaisser plusieurs chocs... cela restait un euphémisme puisque Shota n'était toujours pas satisfait de la capacité de résistance de la jeune fille malgré tout son travail, surtout depuis la fois où elle était rentrée trempée à l'appartement, incapable de résister à une simple petite houle.
La fine pellicule blanche qui lui était si familière entoura la jeune fille.
« Voilà. Maintenant que tu sais comment utiliser ton alter, désactive-le et prends ce bâton. »
L'adolescente obéit et attrapa l'objet que lui tendait son père.
« Actionne ton alter et partage-le avec le bâton. »
Il y eut un silence.
« Je ne peux pas faire ça.
-Essaye. »
La jeune fille hésita encore quelques secondes, puis se décida à enclencher la fine pellicule blanche presque transparente.
A son contact, le bouclier déchargea une petite dose d'énergie faisant sauter le bâton des mains d'Haruka. L'objet traversa les airs pour venir se planter quelques mètres plus loin dans le sable.
« Je t'ai dit de le protéger, pas de le faire voler. »
Trainant des pieds, le grand homme vint ramasser le bâton puis se replaça devant sa fille. Celle-ci se ressaisit du bout de bois sans grande volonté.
« Je ne peux pas faire ça, tu en as la preuve.
-Réfléchi juste deux secondes. »
L'adolescente croisa le regard fatigué de son père. Visiblement, la journée de cours l'avait épuisé, mais il restait tout de même là, sur cette plage, à l'entrainer dans le but de... Quel but cherchait-il exactement ?
« Regarde-toi quelques secondes et, pour une fois, connecte deux neurones... »
Il soupira avant de reprendre :
« Ton bouclier émane de ton corps, de ta peau, comme si cette force venait de tes organes, et il englobe la totalité de ce que tu touches ! Regarde-toi un peu : tes vêtements, tes bijoux, tes chaussures... Tout cela est enveloppé dans ton champ de force sans que tu ne t'en rendes compte. Si tu ne pouvais pas partager ton pouvoir, tes vêtements éclateraient à chaque fois que tu l'utiliserais. Or, ce n'est pas le cas... Alors maintenant fais corps avec ce bâton comme s'il était une extension de toi. Imagine que c'est le t-shirt que tu portes ou ta chaussette... »
Attentive, la jeune fille buvait le discours de son père. Même si, parfois, ses exercices n'étaient pas tendres, elle écoutait chacun de ses conseils avec aveuglement.
Un aveuglement qui déplaisait à Shota lui-même. Sa fille irait jusqu'au bout du monde s'il le lui demandait. La confiance qu'elle lui accordait était démesurée pour une gamine qui n'avait vu son père qu'à de rares occasions en cinq ans. Alors que lui, il lui mentait un peu plus chaque jour.
Que se passerait-il si elle finissait par apprendre la vérité ? Par apprendre pourquoi elle n'avait pas été reçue en filière héroïque, malgré sa lettre de recommandation ? Pourquoi elle n'avait même pas passé l'examen d'entrée ?
Comment réagirait-elle ? Lui parlerait-elle encore ?
Mais cela ne devait pas arriver, coûte que coûte. Cela n'arrivera pas.
Elle ne devait pas finir comme elle.
Et, grâce à son entraînement et à sa surveillance, Shota veillait à que cela ne lui arrive pas.
Jamais.
Un cri joyeux et aigu le sortit de ses pensées.
Le grand homme reposa les yeux vers sa gamine qui tenait fièrement le bâton entre ses mains, celui-ci recouvert de son propre bouclier.
Haruka affichait un large sourire triomphant, elle avait réussi l'exercice.
Mais soudain, le bâton explosa entre ses mains, obligeant Shota à se couvrir le visage pour éviter de recevoir quelques bouts de bois dans ses yeux déjà abîmés.
Le grand sourire se fondit dans une mine surprise, puis déçue.
Maintenant qu'elle savait qu'elle pouvait partager son pouvoir, il ne lui manquait pas qu'à apprendre à doser la force de son bouclier.
Encore.
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Il ne restait plus qu'un jour à patienter avant le début des stages. Chacun avait sélectionné une agence dans laquelle ils comptaient bien faire de grands progrès et tous, enfin presque tous, avaient hâte que cette nouvelle aventure commence.
Lorsque la sonnerie de Yuei retentit, Izuku sortit de son sac un vieux cahier rempli de notes en tout genre. Sur la couverture était marquée un large « En vue de ma carrière de super-héros, numéro 4. »
Depuis le temps qu'il tenait cette série de carnet, le jeune ébouriffé devait bien en être au numéro quatorze. Cependant, une certaine information l'avait poussé à replonger son nez dans les numéros précédents, à la recherche d'un détail qui ne cessait de le questionner.
« Erasershield. »
Alors que ses camarades quittaient un à un la salle de classe, le garçon restait à son bureau, feuilletant avec assiduité le contenu de son cahier tout en marmonnant.
« Eraser... Shield... »
Izuku était tellement absorbé par sa recherche que cela fit sourire son amie Ochaco qui l'attendait patiemment devant la porte. Katsuki passa devant son ancien ami d'enfance dans un soupir qui pouvait se traduire par : « encore avec ses cahiers celui-là... ».
Soudain, au bout d'une dizaine de pages, un nom sauta aux yeux d'Izuku. Un nom écrit en gras qui alluma une lumière brusque dans l'esprit du garçon.
Ni une, ni deux, il bondit de sa chaise, balaya la salle de classe du regard et trouva la personne qu'il cherchait.
« Aizawa ! »
La fille du professeur, au pas de la porte, stoppa brusquement sa marche et se retourna vers son camarade. Son visage prit une légère teinte rouge, surprise de se faire appeler ainsi à travers la classe.
Le reste des élèves présents dévisagea la scène avec étonnement, l'exclamation d'Izuku avait été quelque peu déconcertante.
Ayant retenu l'attention de l'intéressée, le garçon aux cheveux ébouriffés brandit son carnet devant lui, un grand sourire aux lèvres, oubliant instantanément son habituelle gêne face à la fille de son tyrannique professeur.
« Je me disais bien que ton nom de code m'en rappelait un autre ! Tu es la fille de Lady Shield ! Trop classe ! »
Très heureux de sa découverte, Izuku en trépignait presque sur place. Il ne s'était pas trompé, il y avait bien quelque chose derrière ce nom de code.
Une main forte se posa lourdement sur son épaule, l'incitant à se calmer.
Le garçon tourna la tête vers Tenya dont le regard était fixé au sol, comme assombri.
Il releva alors ses yeux verts sur la jeune fille, debout non loin de lui.
Le visage d'Haruka Aizawa était baissé. Son expression autrefois si douce et amicale était soudainement devenue froide et austère. Le dos courbé, les poings serrés, elle ne répondit pas à la déclaration d'Izuku.
Comprenant que quelque chose n'allait pas, le jeune garçon reprit fébrilement son carnet, ce furent quelques tristes notes en bas de page qui l'éclaira sur le sombre état de la jeune fille. Un sentiment de honte et de culpabilité s'empara de lui.
Mais lorsqu'il leva les yeux, elle avait déjà disparu de la salle.
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