Chapitre 3.
Lorsque la douce lumière du jour filtra à travers les volets, Haruka ouvrit lentement les yeux. A peine réveillée, la jeune fille resta de longue minute sans bouger, profitant du confort de sa couverture et de son oreiller. Puis, elle s'étira sommairement et se décida à sortir de son lit.
Ne se privant pas de bailler à gorge déployée, elle traina des pieds jusqu'à la petite cuisine. La porte de la seconde chambre de l'appartement était grande ouverte et des chaussons noirs trainaient dans l'entrée, signe que son père était déjà parti.
Soudain, une joyeuse ampoule s'alluma dans son esprit : si elle allait lui rendre visite à Yuei ?
Après tout, elle avait des courses à faire en ville, cela ferait un bon prétexte pour venir le voir, et voir le lycée. Et, pourquoi pas en profiter pour lui apporter un bento en plus ?
Ne prenant même pas le temps de se faire un petit-déjeuner, la jeune fille s'attaqua aux fourneaux. En quelques temps seulement, les maigres ingrédients que stockait son père finir dans un bento qu'elle jugea assez présentable.
Satisfaite de son travail, elle se précipita dans la salle de bain pour faire un brin de toilette, enfila un jean et un t-shirt simples et quitta l'appartement, le bento bien rangé dans son sac à dos.
Une fois dehors, Haruka remarqua que le quartier était un peu plus animé que la veille. Quelques mères passaient dans les allées, poussettes devant elles et enfants à leurs côtés. Deux ou trois personnes faisaient leur course à pied tandis que les plus âgés se baladaient tranquillement. Visiblement, c'était l'heure de la sortie matinale.
Alors que la jeune fille marchait d'un pas rapide, une petite bestiole grise vint lui tenir compagnie.
« Ah bah, te voilà, Neko ! »
Étonnamment, le chat avait pour nom « Neko », qui se traduisait simplement par « chat » en japonais. Il s'agissait en réalité d'une autre marque de manque d'imagination de la part de son père. Et la jeune fille avait été présente le jour de l'adoption de l'animal, il y avait quatre ans de cela.
De magnifiques chats aux poils dorés, tachetés, zebrés, et aux grands yeux teintés de vert et de bleu attendaient patiemment qu'on les adopte. Ils jouaient doucement avec des pelotes de laine, des petites souris, et s'approchaient timidement pour se faire câliner. Leurs ronronnements s'élevaient dans le centre comme une tendre berceuse. Haruka les avaient trouvés tellement adorable qu'elle aurait voulu tous les ramener avec elle.
Mais, à la place, son père avait choisi un chat gris, sans marque particulière, sans rien de spécial. Un chat de base qui, à leur arrivée au centre, était parti faire ses besoins dans sa litière tout en fixant les nouveaux venus de ses yeux ternes.
Quelle avait été la tête de la vendeuse quand son père lui avait indiqué le nom choisi à l'animal !
Ce jour-là, la jeune Haruka s'était persuadée que son père, en choisissant ce chat, lui avait donné une nouvelle leçon : même si on n'avait rien d'extraordinaire, on pouvait être exceptionnel aux yeux des gens qui nous aiment et nous acceptent.
Et, maintenant, Neko avait pris quatre ans et une satané habitude à vomir sur le paillasson du voisin.
La jeune fille monta dans un métro, abandonnant son quartier et son chat gris. Au bout de seulement quelques arrêts, elle descendit du véhicule et se trouva, quelques mètres plus tard, face à une immense porte de fer aux allures indestructibles. L'Académie de Yuei.
Un frisson d'excitation lui parcourut l'échine et un doux sourire barra son visage.
Cela ne faisait que quelques mois qu'elle n'avait pas revu cet endroit et, pourtant, il lui avait beaucoup manqué. Rien que ce portail et ces murailles de ciment la faisait se sentir heureuse d'être ici. Surtout qu'elle allait y être élève, et non plus une simple visiteuse. Enfin !
Sans plus d'hésitation, l'adolescente se dirigea vers l'interphone de la porte et appuya sur le bouton d'appel. L'appareil ne tarda pas à grésiller.
« Accueil du lycée de Yuei, bonjoooouuuuuur ! Je vous signale que les journalistes et tout autre métier de l'information ne sont pas autorisés à entrer dans l'enceinte du lycée même hors période scolaaaaaaire !
-Bonjour, je ne suis pas journaliste, c'est Haruka !
-Haruka-chan ! Quelle surprise ! T'aurais pu me le dire plus tôt ! Je te laisse entrer, ma belle !
-Merci ! »
Aussitôt, une petite porte dérobée s'ouvrit dans l'immense portail et la jeune fille s'y engouffra immédiatement. Après avoir vérifiée que l'ouverture s'était bien refermée derrière elle, évitant tout intru, elle se mit en marche sur une longue allée bordée de cerisiers. Devant elle, un gigantesque bâtiment composé de quatre tours de baies vitrées s'élevait dans les airs, imposant sa grandeur sur toute la ville.
Souriante, Haruka continua son avancée sur l'avenue vide, presque fantomatique. Habituée à n'y venir que pendant les vacances scolaires, elle ne fit pas attention au silence pesant qui flottait dans l'endroit.
Enfin arrivée à l'une des tours, elle se dirigea directement vers l'accueil. Là, elle salua un jeune homme aux yeux violets et à l'incroyable chevelure brune :
« Salut, Kimitomo ! Comment ça va depuis la dernière fois ?
-Toujours la pêche ! Et toi ? Que me vaut l'honneur de ta présence ici ? Tu viens visiter ton futur lycée ?
-Haha ! Je le connais déjà par cœur. Non, je viens voir mon père.
-Dans sa salle, je ne t'indique pas le chemin ! Allez, tchao !
-Salut ! »
Sur ces mots, Haruka quitta le dynamique concierge pour filer dans les étages. Elle se faufila avec aisance dans les couloirs, les connaissant par cœur pour y avoir passé tellement de temps lorsqu'elle était plus jeune.
Lorsque son père avait dû la garder et préparer ses cours en même temps, la jeune fille, alors enfant, avait passé son temps à jouer avec ses figurines de super-héros, ses petites voitures et ses peluches dans les couloirs du lycée, sur le toit, sur le terrain, partout. Même avant que le brun n'ait obtenu son poste de professeur, Yuei avait été le terrain de jeu de sa plus tendre enfance, si bien qu'il n'avait plus de secret pour elle.
Après avoir décidé de faire un petit détour pour profiter un peu plus de sa balade, l'adolescente passa devant un mur vandalisé par des traits de crayons de toutes les couleurs, vestiges de sa fibre artistique d'enfant.
Ce jour-là, tout le personnel et les professeurs avaient rigolés devant la fresque bariolée avant de gentiment gronder la gamine. Et, malgré tous les nettoyages possibles, ces traces maladroites représentaient toujours aussi bien les personnes que connaissaient l'enfant. Représenter était un bien grand mot, puisqu'il s'agissait plus de patates aux couleurs criardes qu'à autre chose.
Enfin, la jeune fille s'arrêta devant une salle précise et ouvrit un peu trop brusquement la grande porte. La personne qui y était ne sursauta pas, se contentant d'hausser un sourcil.
« Qu'est-ce que tu fais là ? »
Assis à son bureau, surplombant la vingtaine de tables et des chaises qui s'étalaient devant lui, l'homme aux cheveux bruns dévisagea l'adolescente qui venait de faire apparition. Ne faisant pas attention à cet accueil chaleureux, cette dernière reprit son grand sourire et se rapprocha du bureau. Elle posa son sac sur un coin qui n'était pas rempli de feuilles administratives et en sortit son fameux bento.
« Je te ramène ton repas ! »
Le professeur maussade ne réagit pas tandis qu'elle lui posa la gamelle sous le nez, tout en continuant de parler :
« Je vais au centre commercial, je me suis dit que je pouvais passer te dire bonjour au travail.
-D'accord.
-Mamie et Papi m'ont donné un peu d'argent pour que je puisse m'installer confortablement dans ma chambre.
-T'as un lit, un bureau et une commode, c'est confortable.
-Oui, mais c'est... plutôt vide.
-... »
Elle garda son sourire, lui, son expression totalement neutre.
Après avoir remis son sac sur le dos, Haruka se mit à zieuter les feuilles sur lesquelles le professeur qui lui servait de père travaillait.
« Todoroki ? Ce n'est pas le nom du héros Endeavor, le numéro deux des super-héros ? »
Le grand brun plaqua sa main sur la feuille en question, l'empêchant de lire la suite.
« Ça se pourrait.
-Tu as un enfant d'Endeavor dans ta classe ? Ouah, il y a du niveau cette année... »
Il ne répondit pas et reprit son travail comme si de rien était. La jeune fille, devant ce silence, quitta le bureau et se mit à déambuler dans la classe vide. Vingt bureaux parfaitement rangés, propres, robustes et dignes d'accueillir les meilleurs élèves du pays occupaient cette salle. Elle flâna entre eux, pensive, regardant avec attention les plans de travail admirablement lisses.
Puis, arrivée à la dernière rangée, elle s'assit sur la chaise confortable d'un de ces bureaux, comme si elle était une élève. L'impression de faire partie de cette école en tant qu'étudiante lui donnait des frissons dans le dos. Un sourire léger se forma sur ses lèvres.
Au même moment, son père leva les yeux sur elle et la dévisagea, remarquant qu'elle ne se conduisait pas comme d'habitude. Pour la première fois, elle ne se comportait pas avec cette étrange manière d'agir qu'elle avait quand il était avec elle, cette manière d'être aussi joviale et euphorique.
Son interminable conversation avait fait place au silence, son grand sourire exagéré à un air plus doux et son énergie forcée à quelque chose de plus paisible, de plus serein. En effet, cette fois-ci, sa fille observait tranquillement le plan de travail devant elle, un tendre regard rêveur sur le visage. Elle lui sembla soudainement si naturelle, si calme.
Le jeune père sentit une pointe de remord s'enfoncer dans sa poitrine.
« Aizawa commence par un A, c'est devant. »
La jeune fille leva ses yeux noisette sur lui et barra son visage adouci par son large sourire habituel.
« Laisse-moi profiter des tables du fond, pour une fois ! »
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