Chapitre 28.
« Vas-y, tu peux bouger les doigts. »
Chiyo Shuzenji s'éloigna de son patient pour jeter les bandages qui avaient enveloppé ses bras pendant trop longtemps, du moins, au goût de Shota.
Ce dernier, aussi blasé que d'habitude, remua doucement ses mains devant son visage.
Face à lui, Haruka observait avec inquiétude le déroulement des opérations et Hizashi, adossé au mur, fixait une fissure au plafond depuis une bonne vingtaine de minutes.
« On va pouvoir passer à la tête. »
Le petite bonne femme se rapprocha une nouvelle fois du grand homme et détacha l'agrafe au bas de son crâne. Aussitôt, les rubans de tissus se défirent devant son regard. Il allait enfin pouvoir manger sans problème.
Mais, sa fille prit une soudaine et inquiétante expression d'effroi.
« C'est horrible ! »
Hizashi quitta un instant sa fissure pour jeter un coup d'œil à son vieux camarade :
« T'avais oublié à quel point il était moche ? »
Sans quitter son père des yeux, Haruka donna un coup de pied au grand blond qui se plia sous la douleur.
« Je ne parles pas de ça, mais de ça ! »
Sur ces mots, elle pointa du bout du doigt quelque chose au coin du visage du brun. Chiyo devança la demande de Shota et lui apporta un miroir.
Le héros underground découvrit alors une vilaine cicatrice s'étirant sous son œil droit.
Une taillade qui restera un vestige de son combat pour protéger ses élèves.
Devant tout ce petit monde qui le fixait comme s'il était un rat de laboratoire, Shota resta de marbre. Aux yeux de Chiyo, ce n'était qu'une petite cicatrice de rien du tout par rapport à ce qu'il avait subi. Aux yeux d'Hizashi, elle lui donnait un côté dur à cuir, aux yeux d'Haruka, elle le défigurait complètement. Mais à ces yeux, cela était tout autre.
Une marque indélébile de l'affaiblissement de son alter, de son propre affaiblissement.
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L'annonce de sa nouvelle classe l'avait rendue soucieuse et inquiète. Haruka était toujours aussi heureuse d'intégrer la filière héroïque, mais elle ne s'attendait pas à être en seconde A.
La classe de son père.
Soit la classe qui avait essuyé un combat contre des vilains. Un vrai combat.
Cet évènement ne faisait que creuser l'écart entre ses nouveaux camarades et elle, déjà qu'elle avait du retard à rattraper. Plus elle y pensait, plus elle appréhendait son intégration.
Elle n'en restait pas moins heureuse. Heureuse, mais anxieuse.
Soudain, la sonnerie du lycée résonna dans tout l'établissement. Au même moment, grâce à un minutage parfait, Haruka s'arrêta devant l'immense porte d'une salle de classe. Sentant une petite pression lui enserrer le cœur, elle prit une grande inspiration et recoiffa ses cheveux à la hâte.
Madame Nodostu fut la première à sortir de la salle, elle salua la jeune fille sobrement avant de quitter les lieux d'un pas maussade. Bientôt, les élèves de la classe C sortirent à leur tour et dévisagèrent celle qui était leur ancienne camarade, mais ça, ils ne le savaient pas encore.
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Un bon quart d'heure plus tard, les félicitations et les ovations cessèrent enfin et les élèves de filière générale s'éparpillèrent gaiement vers la sortie du lycée. La plupart restèrent dans le bâtiment, se dirigeant vers leurs clubs respectifs. Tranquillement, la soirée reprenait son cours habituel.
La jeune fille se retrouva démunie.
Elle avait accepté tous les louanges, remercié tous ses camarades et avait ri avec eux, mais un des leurs avait manqué à l'appel. Et il était le plus important de tous.
Cela faisait plusieurs minutes qu'Haruka courrait dans les couloirs de l'immense bâtiment, c'était interdit mais elle s'en moquait éperdument. Pour toutes les bêtises qu'elle avait faites étant enfant dans Yuei, le règlement lui passait au-dessus de la tête.
Soudain, au détour d'un couloir désert, elle le vit.
« Hitoshi ! »
En la voyant surgir ainsi, ses yeux violets prirent une lueur de surprise qui s'éteignit aussitôt dans sa nonchalance habituelle. Le garçon stoppa sa marche tandis que la jeune fille s'avançait vers lui en reprenant difficilement son souffle.
« Tu-tu aurais dû venir me voir quand... pfiou... quand j'étais devant la classe !
-Tu avais assez d'admirateurs comme ça. »
Le ton glacial de son ami la figea sur place. Elle le dévisagea avec inquiétude, essayant de décrypter une quelconque émotion à travers son impassibilité.
« En tous cas, ... Bravo pour ton affectation.
-Tu ne m'en veux pas ? »
Hitoshi avait toutes les raisons du monde de lui en vouloir, mais la jeune fille craignait de perdre son ami. Elle n'avait pas envie de quitter sa classe de générale avec l'impression d'avoir trahi la parole du garçon. Ils s'étaient dit qu'ils réussiraient le Championnat ensemble et là, un désagréable sentiment de l'abandonner qui lui fendait le cœur.
L'idée de refuser son affectation traversa son esprit une fraction de seconde.
« Comment pourrais-je t'en vouloir ? Tu as réussi et j'ai échoué, c'est le jeu. »
Ces paroles jetées avec froideur ne réussirent pas à convaincre Haruka, chose que le garçon remarqua devant la mine soucieuse de son ancienne camarade. Il esquissa alors un sourire qui se voulait rassurant.
« Je retenterais l'année prochaine, tu le sais, et je réussirais. »
La jeune fille lui rendit son sourire, légèrement rassurée, et lui lança :
« Je ferais en sorte que tu gagnes alors ! »
Puis, elle tendit une main amicale vers son ancien camarade :
« A l'année prochaine ! »
Hitoshi ne saisit pas sa main et répondit simplement :
« Bonne chance chez les héros.
-Merc-... »
Soudain, un brouillard désagréable s'empara de son esprit. La jeune fille ne sentit plus ses sens, ni son corps, elle n'arrivait plus à réfléchir correctement. Que se passait-il ? Elle avait l'impression que tout son être était brouillé. Seules ses pensées tourbillonnantes d'incompréhension lui parvenaient au cerveau. Le reste, plus rien. Plus d'emprise, plus de sensation, juste le brouillard.
Lorsqu'elle reprit conscience, aussi brutalement qu'elle ne l'avait perdu, l'adolescente se rendit compte qu'elle n'avait pas bougé d'un cil. Toujours à la même place, la main tendue vers le vide, mais plus personne ne se tenait devant elle.
Immédiatement, Haruka fit volte-face vers Hitoshi, qui s'éloignait nonchalamment vers la sortie du lycée.
« Qu'est-ce que tu m'as fait ?! »
Le garçon esquissa un doux rictus malicieux.
« On se retrouva au Championnat, l'année prochaine, Haruka-chan... »
Puis il disparut entre les couloirs, laissant la jeune fille hébétée, et seule.
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Le soleil devenait de plus en plus orange, baignant la mer d'une douce chaleur. La plage était déserte, vidée de ses promeneurs. La houle était forte, les vagues aussi brutales.
Haruka absorbait chaque immense vague sur son champ de force, les bras fermement alignés le long de son corps.
L'eau jusqu'à la taille, l'entraînement que lui avait imposé son père était celui ne de jamais remettre les bras devant elle tout en encaissant toujours plus de chocs, de faire tenir son bouclier personnel le plus longtemps possible contre la houle.
« Si tu rentres avec le moindre bout de vêtement trempé, tu n'auras pas de dîner. »
Cette menace en tête, la jeune fille tâchait de se concentrer sur son exercice, en vain. De multiples pensées lui envahissaient l'esprit et elle avait la tête totalement ailleurs.
Dans un jour, elle intègrera la seconde A de filière héroïque, celle de son propre père.
Elle reverra Tokoyami, Aoyama, Ojiro, Tenya... Elle fera partie de la classe de l'explosif Bakugo, du puissant Todoroki, du mystérieux Midoriya...
Tant d'élèves plus talentueux les uns que les autres alors qu'elle, elle ne supportait même pas les exercices de son père. Incapable de maîtriser ses propres alters comme si elle était redevenue une enfant, sans force, sans endurance, sans rien.
Dire que c'était son propre père qui allait être son professeur principal...
La joie de pouvoir réaliser son rêve était toujours aussi présente dans son cœur, elle ne la quittait pas, mais l'anxiété de son nouveau départ ne faisait que l'inquiéter de plus en plus.
Après tout, le Championnat ne voulait rien dire. Entre des épreuves opposant des adolescents et un combat contre un vrai vilain, la différence était monumentale.
Et son père avait raison, si elle se retrouvait devant un vilain, il ne l'attendra pas pour qu'elle puisse se protéger, et elle perdra sûrement.
« Tu as eu un comportement digne des plus grands héros. »
Les paroles de Tokoyami étaient les seules qui remontaient un peu le moral de la jeune fille toujours soucieuse.
Elles étaient les seules qui réussissaient à maintenir une lueur d'espoir au bout du tunnel.
Tant de questionnements qui lui rongeaient l'esprit, lui faisant presque oublier son exercice si bien qu'Haruka ne remarqua pas sa pellicule blanche devenir beaucoup trop dense.
Une immense vague s'abattit sur elle, faisant exploser son bouclier et l'emportant en fond de l'eau.
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