Haruka fronça les sourcils d'incompréhension, puis ses yeux s'ouvrirent de stupéfaction. Sa mâchoire ne pouvait plus tenir toute seule. Une expression d'hébétude se plaqua sur son visage.

Shota esquissa un sourire satisfait sous ses multiples bandages.

« Voilà, elle n'avait pas à déprimer autant comme une idiote, songea-t-il. »

Soudain, sans qu'il ne s'y attende, il sentit deux bras lui enlacer le cou et un petit corps, pas très léger, écraser ses bras enrubannés.

D'abord surpris, Shota eut un mouvement de recul avant de soupirer d'agacement face à l'élan incontrôlé de sa fille. Malgré son comportement réticent, au fond de lui, il était tout de même soulagé de retrouver la Haruka joviale qui l'avait quitté depuis un bon mois.

Enfin, elle allait arrêter de faire sa tête de chien battu du matin jusqu'au soir.

La jeune fille finit par le lâcher et se mit à trépigner sur place. De légères rougeurs étaient apparues sur ses joues et un immense sourire lui barrait le visage. Elle était aux anges.

Tout en grognant, l'homme se leva du canapé et fit mine de s'étirer les jambes avec nonchalance.

« Bon, t'as été acceptée en filière héroïque, c'est cool, mais ce n'est pas pour autant que tu sais contrôler tes alters. Bien loin de là. Va te préparer, on retourne sur la plage.

-D'accord ! Je passe un coup de fil et j'arrive ! »

Plus qu'heureuse, Haruka se rua dans sa chambre en manquant de peu d'écraser un Neko terrifié par la soudaine énergie de la jeune fille. Elle claqua sa porte derrière elle et composa à la hâte le numéro de ses grands-parents. Aussitôt, une voix masculine lui répondit au bout du fil.

« Allô ? Papi ? Mamie est dans le coin ? ... Vous ne devinerez jamais !... Je suis acceptée en filière héroïque !! »

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       Planté en plein milieu du salon, Shota écoutait les exclamations de sa fille depuis sa chambre. Il soupira entre ses bandages et vint se poster devant sa fenêtre, fixant l'horizon dessiné par les immeubles gris du quartier.

Une part de lui-même se sentait rassurée, Haruka allait pouvoir se protéger du danger qui menaçait leur société grâce à ses études. Ce n'était encore qu'une enfant, qu'un minuscule embryon d'héroïne, mais elle allait apprendre et, peut-être même, réussir.

Seulement, la voilà aux premières lignes, et incapable d'avoir une once de confiance en ses pouvoirs. Comment progresser lorsqu'on s'emprisonne de doutes ? Le jeune père comptait bien la secouer un peu pour qu'elle prenne de l'assurance.

Dans tous les cas, il n'avait pas vraiment le choix.

« Shota. Attends quelques secondes veux-tu, j'ai à te parler.

-Je t'écoute, Nezu.

-Assis toi, je t'en prie. Tu veux du thé ?

-...

-... Bon, l'intégration d'Haruka en filière héroïque est une bonne nouvelle pour nous tous et nous sommes très fiers d'elle... Mais ce n'est pas exactement de ça dont je veux te parler. Les deux classes de secondes héroïques sont pleines et aucun de ses élèves ne mérite d'être expulsé. Ce qui veut dire qu'elle va devoir intégrer une des deux classes qui sera alors en surnombre. Tu vois où je veux en venir ?

-Hum...

-Une classe en surnombre est synonyme de dossiers en plus à gérer, d'exercices en plus à donner, d'entraînements à arranger, en clair, une surcharge de travail !

-Oui.

-Ce que tu as fait à l'établissement est grave... Et pour ta propre fille, c'est impardonnable... Donc, dans deux jours, Haruka intégrera la seconde A. C'est ta punition, Shota. »

L'homme soupira. Nezu ne lui en voudrait pas autant s'il avait été dans la même situation que lui.

Car, d'un côté, que l'adolescente soit en filière héroïque le rassurait, mais de l'autre, il avait encore plus peur. Et si elle n'arrivait jamais à maîtriser ses alters ? Si sa fille n'arrivait pas à se protéger ? Si Haruka finissait comme elle ?

Qu'elle soit en générale ou en héroïque, les risques étaient grands et vacillaient sur une immense balance à l'équilibre instable. Peu importaient les choix, peu importait le chemin prit, le danger était toujours présent.

Shota n'arrivait à chasser ces questionnements de sa tête, ni à effacer l'image de cette gigantesque balance qui l'obnubilait nuit et jour.

Soudain, il se rendit compte que sa fille ne s'exclamait plus comme une folle depuis sa chambre. A la place, le grand homme réussit à percevoir des chuchotements qui semblaient vouloir être cachés.

Suspicieux, il s'approcha de la chambre fermée. L'adolescente ne parlait visiblement plus à ses grands-parents, elle discutait avec quelqu'un d'autre, et cette conversation dont il put entendre quelques brides déplaisait fortement à l'homme enrubanné.

Shota ouvrit brusquement la porte de la chambre, faisant sursauter sa fille. Haruka était assise sur son canapé-lit ouvert, son smartphone dans la main d'où émanaient quelques grésillements.

« Allô ?... Haruka ? »

Le grand brun reconnut immédiatement la voix, faisant encore plus froncer ses sourcils d'irritation.

« Raccroche et changes-toi vite, je ne vais pas attendre le coucher du soleil. »

Son ton était glacial et agressif. Il tourna les talons aussi sèchement qu'il n'était arrivé. Surprise, la jeune fille salua prestement son locuteur avant de raccrocher. Le comportement de son père la déconcerta, elle ne comprenait pas la violence de sa réaction.

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       Quelques heures plus tard, alors que la Lune était déjà haute dans le ciel, les ronflements de Shota s'élevèrent dans tout l'appartement, faisant trembler les murs et couvrant même le son de la télévision encore allumée. Neko, habitué depuis longtemps à ce bruit incommode, avait trouvé le sommeil enroulé sur le lit de son maître quasiment jamais occupé.

Quant à Haruka, elle était toujours éveillée malgré son dur entraînement et avait trouvé refuge dans sa chambre. Encore heureuse et surexcitée de sa bonne nouvelle, elle sauta sur son lit et s'enveloppa confortablement dans sa couette avant de sortir la deuxième lettre de son sac.

« N'ouvre pas si ton père est dans les parages !! »

Pas de soucis, il dormait comme un loir.

La jeune fille décocha prestement l'enveloppe et en sortit un unique boîtier rond, aucune note n'avait été ajoutée.

Sans plus attendre, elle l'activa.

Comme pour la lettre d'admission, une image holographique de grande qualité surgit de l'appareil. Trois bouilles apparurent devant elle, fixant bêtement l'objectif.

Rien ne se passa pendant les premières secondes et Haruka dû se coller la main sur la bouche pour ne pas exploser de rires face aux trois mines hébétées et complètement ahuries.

« Bon, ça tourne ou pas ? »

Visiblement embêté, Cementoss, ou plutôt Ken Ishiyama, venait de se tourner vers une personne hors champ qui répondit immédiatement à sa question.

« Bah oui, ça tourne depuis tout à l'heure ! »

Aussitôt, comme si on venait de lui remettre ses piles, Hizashi, en tenue de civil, sortit de sa torpeur et s'exclama devant l'objectif :

« Heeeeyyyy, ma petite Haruka-chaaaaaaaaaaaaaan !!! On voulait juste te faire un petit coucou tant qu'on avait accès au studio et surtout te féliciter pour ton admission en filière héroïque ! C'est extraaaaaaaa !! »

Haruka ne put retenir un petit rire, la bonne humeur de celui qui se faisait appeler Present Mic lui était toujours agréable. Sur l'écran, Nemuri, affublé d'un haut à manches longues et col roulé contrastant avec son costume habituel, prit la parole avec beaucoup plus de douceur :

« Comme dit Hizashi-kun, tout le monde te félicite, on est très fiers de toi et de ce que tu as fait pendant le Championnat...

-Comme casser une partie de l'arène ! renchérit une voix en hors champ que Nemuri ignora complètement.

-Saches que tu mérites amplement cette admission car nous avons tous voté avec une grande impartialité très professionnelle ! Enfin presque tois... N'est-ce pas Hizashi ? Mmmh... ?

-Je ne vois pas du tout de quoi tu parles !! Dix-neuf est une note tout à fait correcte pour la prestation de ma filleule adorée !

-Au moins, Hizashi, ta note a comblé le manque d'objectivité de Shota...

-Sekijiro ! »

Ken venait de rouspéter contre une voix derrière la caméra. Haruka reconnut Sekijiro Kan, alias Blood King. Comme si elle voulait éviter le sujet, Nemuri balaya l'air des mains et reprit :

« Enfin bon, on est très heureux pour toi, ma chérie, et on t'attend de pied ferme en cours. Les choses sérieuses commencent ici ! Gros bisous et à demain pour le règlement de ton dossier ! »

La grande brune et le blond surexcité envoyèrent des baisers volants à l'objectif. Ken fit un petit salut de la main et quelques têtes passèrent devant l'écran pour la féliciter et la saluer. Sekijiro, le héros Snipe, Numéro Treize, Ectoplasm, Nezu...

L'image holographique s'évanouit dans le boîtier, plongeant la petite chambre dans la pénombre.

De fines gouttelettes coulèrent le long des joues d'Haruka.

Des larmes de joies.

Elle était heureuse, simplement heureuse d'être entourée de tous ces gens formidables et de pouvoir entrer dans la filière qu'elle voulait depuis toute petite. Enfin, elle était en marche pour réaliser son rêve.

Sur cette note de joie, elle ferme les yeux et se laissa plonger dans un profond sommeil de doux rêves remplis de bonheur tandis que, dehors, dans un vieux bar miteux, le mal complotait.