Chapitre 26.
Le lendemain, Haruka retourna dans sa classe de seconde C, comme si le Championnat n'avait jamais existé.
Le lycée reprenait son cours pour les élèves de filière générale, tandis que les apprentis héros jouissaient de deux jours de repos dédiés au tri de leurs demandes de stage.
Des stages qui leurs étaient proposés par les agences de super-héros elles-mêmes. Des stages que la jeune fille leur enviait d'une jalousie maladive.
Hitoshi la forçait à prendre les cours en note, à écouter les professeurs, mais, rien n'y faisait, l'adolescente avait, pour de bon, perdu l'espoir de devenir une super-héroïne.
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Dans la salle des professeurs, Shota Aizawa s'activait à trier tous ses mails, toutes les demandes de stage pour ses élèves.
Huit mille huit cent vingt-deux demandes de stage.
S'il n'avait pas été un professeur dévoué dans son travail, il aurait déjà jeté tous ses courriels à la poubelle pour venir faire une bonne sieste dans son sac de couchage. Cependant, comme ses cinq autres collègues, tous professeurs principaux de classes héroïques, il répartissait avec une patience de fer, et à l'aide de ses mains enrubannées, toutes les offres dans un petit tableur.
« Euh... Aizawa ? Tu peux venir voir quelques minutes, s'il-te-plait ? »
Le grand homme leva le nez vers Sekijiro Kan, le héros Vlad King. Celui-ci le fixait en retour, un léger air incertain sur le visage.
Shota se leva alors de son confortable fauteuil et vint se pencher sur l'ordinateur de son collègue. Ce qu'il vit sur l'écran lui fit soudainement froncer les sourcils.
Devait-il être mécontent ou satisfait de ces quelques inscriptions en pixels sombres ?
Après tout, il s'y attendait.
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Haruka trainait des pieds en rentrant dans son petit quartier gris. Neko vint gambader entre ses jambes, mais elle n'y fit même pas attention.
La jeune fille entra dans le petit hall où trainait encore deux poussettes et des vélos. L'éternelle feuille « en panne » toujours accrochée sur la porte de l'ascenseur.
Elle s'approcha de la boîte au lettre ornée d'un triste « Aizawa » ainsi que d'un « Pas de pubs. » catégorique, et sortit les clefs de sa poche. Le ruban rouge lui caressa les doigts lui rappelant le sang sur sa paume. Elle s'efforça de garder ses tristes émotions bien enfouies dans son cœur et ouvrit la petite porte de ferraille avant de se saisir des bouts de papier.
Deux lettres attirèrent son attention.
Plus lourdes que les autres, elles étaient parées du cachet de l'académie de Yuei et semblaient être notées à son nom. L'une des deux était même taguée d'un gros « N'ouvres pas si ton père est dans les parages !! ».
Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?
Une vague d'émotion s'empara de la jeune fille mais elle la calma immédiatement. Elle n'oubliait pas l'immense déception qu'elle avait ressenti dans la même situation, il y avait presque un mois. Les faux espoirs, elle n'en voulait plus.
Neko s'était mis à miauler bruyamment depuis le onzième étage. Il avait visiblement faim et souhaitait ardument que l'adolescente daigne lui ouvrir la porte.
Haruka fourra la seconde lettre dans son sac, sans grande émotion, et grimpa les marches deux à deux, le reste du courrier en main.
« Tais-toi ! Tu vas ameuter tout l'immeuble ! »
Le chat n'écouta pas les prières de la fille de son maître et continuait de chanter de ses miaulements rauques. Il s'arrêta enfin en s'engouffrant dans le petit appartement au grand soulagement de la jeune fille. Elle le suivit dans la pièce principale encore vide de son père et posa les lettres sur la table de la cuisine. Ses yeux se posèrent un moment sur la première lettre ornée du blason tant désiré, mais elle ne l'ouvrit pas et la laissa à sa place. Elle ne voulait pas être encore plus triste.
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Lorsque Shota Aizawa poussa la porte de son appartement, il laissa échapper un long soupir éreinté en présage de la soirée qui s'annonçait. S'attendant à un torrent de joie et d'incessants sourires, l'homme avait déjà préparé sa moue nonchalante et son air désabusé.
Mais, quand il mit un pied dans la pièce principale grise, toutes ses prédictions tombèrent au sol, lui laissant une expression d'incompréhension sur le visage, cachée par ses bandages.
Sa fille était allongée sur le canapé, un bol de céréale dans sa main et une grande couverture bleu pâle étalée sur elle. L'adolescente fixait d'un regard vide le petit poste de télévision grésillant. Son visage n'affichait qu'une mine neutre et morne.
« Salut. »
Sa voix même n'exprimait aucune émotion positive. Shota se rendit soudainement compte qu'il était face à son double féminin, aussi maussade et paresseux. Et cela l'inquiéta au plus haut point.
Ses yeux blessés se posèrent sur la table de la cuisine où étaient déposés, en vrac, le courrier du jour. Parmi les lettres, il reconnut celle tapée du blason de Yuei. Elle était encore fermée, ce qui expliquait tout, tout en étant terriblement étrange.
S'efforçant de prendre une voix naturelle, Shota feint la surprise dans un jeu digne d'un comédien âgé de quatre ans :
« Tu as vu ? Il y a une lettre pour toi !
-Oui, je sais.
-Tu ne l'ouvres pas ?
-Mmph, pas envie. »
L'incompréhension s'empara complètement du père. La larve qui était devant lui ne pouvait être la Haruka qu'il connaissait.
Il attrapa avec difficulté le bout de papier et vint l'apporter à la jeune fille qui leva sur lui un regard interrogateur.
Haruka dévisagea son père. Il voulait la rendre triste à ce point ? Impossible de savoir réellement ses émotions derrière ses bandages. Un sourire sadique déformait-il ses traits ? Ou bien était-ce de l'inquiétude qu'elle déchiffra dans son regard ?
Impossible, son père n'était presque jamais inquiet pour elle, surtout pas pour son orientation scolaire.
« Sauf quand tu risques de perdre la vie, lui souffla une petite voix lui rappelant l'attaque de l'aire d'entrainement. »
L'adolescente chassa ces pensées de sa tête et posa à contre-cœur son bol de céréales sur le sol. Elle se saisit de la lettre avec nonchalance et l'observa quelques minutes.
Son père s'assit sur le canapé, à quelques centimètres d'elle.
Haruka déchira l'enveloppe faisant tomber un petit boitier rond accompagné d'un papier plié. Elle ramassa l'objet et l'activa dans sa main.
Une image holographique de son cher Nezu surgit de l'appareil.
L'adolescente se mit soudainement à douter. Pourquoi se seraient-ils donnés la peine d'utiliser une cabine d'enregistrement pour lui annoncer sa défaite ? Ils ne le faisaient même pas pour les élèves de la filière générale alors pourquoi pour elle ?
Le petit animal en costard se mit à parler de sa voix calme et professionnelle :
« Bonjour, mademoiselle Haruka Aizawa ! Le Championnat de Yuei est enfin achevé et avec lui, votre examen d'entrée spécial pour la filière héroïque. Tous les professeurs présents aux épreuves des élèves de secondes viennent de finir leur réunion à votre sujet... »
Trop de bla-bla, elle sentit son ennui doubler d'intensité. Shota scrutait le visage de sa fille, voulant saisir la moindre de ses expressions, mais elle restait aussi neutre qu'à son arrivée.
« ...Ils ont partagé leur avis sur vous et vous ont donné chacun une note sur vingt basée sur un tableau de critères. Le personnel enseignant s'est mis d'accord pour vous accorder votre passage en filière héroïque si, et seulement si, la moyenne de toutes ces notes était au-dessus de quinze. Trêve de bavardages, je vais maintenant vous annoncer la note globale que vous avez reçu à cet examen d'entrée très spécial... »
Nezu aimait faire monter la tension chez ses élèves, mais, cette fois-ci, cela ne marcha pas sur l'adolescente désenchantée. Cette dernière continuait de fixer l'hologramme, le visage appuyé sur sa main, comme s'il pesait une tonne.
« Quinze et demi !! »
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