Assise dans la salle d'attente de la seconde C, Haruka Aizawa fixait ses mains, en silence.

La jeune fille n'avait pipé mot depuis de nombreuses minutes. Elle restait muette, comme après la fin de la course qu'elle avait cru perdre.

Mais là, ce n'était pas la même chose.

La défaite était bien réelle.

« Haruka Aizawa est hors-ring... Fumikage Tokoyami passe en demie finale... »

Les longs sillons tracés sur ses joues pâles trahissaient son immense tristesse. L'adolescente avait pleuré toutes les larmes de son corps, si bien que ses yeux n'avaient eu besoin des gouttes de son père pour se guérir de leur sécheresse.

D'ailleurs, son père. Que pouvait-il bien penser de son cuisant échec ?

Haruka imaginait déjà les piques de son géniteur. Il lui dirait qu'elle ne savait pas utiliser ses alters, qu'elle était irréfléchie, et pathétique. Qu'elle s'était ridiculisée devant tout le pays. Que son comportement n'avait rien de celui d'une héroïne.

Parce qu'elle avait fait souffrir quelqu'un.

L'image de Fumikage Tokoyami embarqué par les robots-brancardiers était gravée dans sa mémoire, tout comme les traces de sang qu'elle pouvait encore dessiner sur ses mains, redevenus blanches.

Le sang. Elle avait fait souffrir quelqu'un.

La culpabilité et la tristesse lui rongeaient l'esprit, ajoutant à cela la douleur d'avoir échoué.

Jamais elle ne montera sur ce podium, jamais elle n'ira en filière héroïque. Son sort était scellé et son rêve déjà enterré au fond de son cœur.

Ces quelques pensées serrèrent sa poitrine un peu plus à chaque instant. Les larmes menaçaient de couler de nouveau et une douce déprime s'installait maintenant en elle.

Soudain, une sonnerie se fit entendre.

Haruka se leva de son siège avec difficulté et vint ouvrir un des casiers de la pièce, celui dans lequel logeaient ses affaires personnelles. Après une courte fouille, elle se saisit de l'objet sonnant puis revint s'asseoir à sa table pour décrocher l'appel :

« Allô... Mamie ? »

Les deux premiers mots qu'elle prononça depuis sa défaite lui raclèrent la groge comme de minuscules petits couteaux aiguisés.

Ce fut une voix douce et réconfortante qui lui répondit. De petites larmes se mirent à couler, suivant le chemin tout tracé des sillons salés.

« Mamie ? Papi ? J-J'ai... J'ai tout raté ! »

Un nouveau torrent de pleurs s'échappa de ses yeux. La jeune fille pleura ainsi de longues minutes durant lesquels ses fidèles grands-parents firent tout pour la réconforter. Tout ce qui était en leur pouvoir de là où ils étaient, cela voulait dire bien peu de choses.

Ils ne parlèrent pas de ses alters, ni de leurs conséquences, ils essayèrent juste de remonter le moral de leur petite-fille, prenant bien soin de la ménager le plus possible, tout en luttant pour ne pas pleurer avec elle. Ce Championnat leur avait fait peur et la défaite de leur Haruka les avait rendus plus que tristes. Leur adorée venait de perdre son rêve, une seconde fois.

La jeune fille finit par quitter ses deux êtres aimants et par raccrocher, ses larmes avaient fini par cesser de couler. Elle ne lâcha pas pour autant son smartphone, gardant les yeux fixés sur le petit écran.

Haruka resta en suspens quelques secondes avant de composer un nouveau numéro sans la moindre hésitation. Un bip résonna dans ses oreilles avant de laisser place à un décrochement au bout de la ligne.

« Allô ? »

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       Shota fixait les duels suivants sans réellement les regarder, seuls les cris d'Hizashi lui parvenaient aux oreilles, manquant même de le rendre sourd.

Son esprit était totalement ailleurs, préoccupé.

Rares étaient ceux qui avaient remarqué la souffrance du jeune Tokoyami pendant son dernier duel. Shota faisait partie de ces quelques personnes qui avaient vu la déformation du visage du garçon.

Les plumes qui se détachaient, le bec qui se modifiait, le sang qui coulait...

Comment était-ce possible ?

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       Enfin, la jeune fille finit par sortir de sa salle de repos. Elle ne pouvait pas rester éternellement là-bas, même si elle aurait bien voulu y rester cachée comme une petite souris, et désirait tout de même assister aux autres duels. De plus, son dernier appel lui avait donné assez de forces pour s'extirper de la petite pièce.

Ses chaussures encore salies par la poussière claquaient sur le sol du couloir. Au loin, le bruit de la foule résonnait. Il y en avait de l'animation dans l'arène.

« Aizawa ! »

Intriguée, Haruka se retourna.

Quelques mètres derrière elle, au bout du couloir, Fumikage Tokoyami s'avançait dans sa direction, les mains dans les poches de son uniforme de sport. Son visage était comme au début du combat, sec et calme. Il se tenait droit et semblait être remis sur pieds, aucun bandage ne lui recouvrait la tête.

Immédiatement, les souvenirs de ses yeux emplis de souffrance revinrent en cascade dans l'esprit de l'adolescente. Son cœur se mit à se serrer. Elle pouvait presque ressentir la chaleur de son sang entre ses doigts.

« Comment tu vas ? demanda-t-elle aussitôt. »

Fumikage fut surpris de l'inquiétude de la jeune fille, il ne le laissa pourtant pas paraître sur son visage et lui répondit :

« Je vais bien, merci. Recovery Girl fait des miracles. »

Elle eut un faible soupir de soulagement, tant mieux alors, mais les horribles images restaient dans sa tête.

Un léger silence s'installa entre les deux jeunes gens. Se sentant coupable malgré elle, la jeune fille baissa les yeux, ne pouvant affronter le visage de son ancien adversaire. Elle le voyait encore, tordu de douleur, torturé par sa faute, sa faute à elle.

« Je souhaitais te remercier... »

Surprise, Haruka redressa la tête, les yeux grands ouverts d'incompréhension. Les quelques mots du garçon ne lui semblaient pas réels. Elle lui avait fait du mal, pourquoi vouloir la remercier ?

L'adolescent continuait de regarder la jeune fille sans prendre en compte son étonnement. Il semblait toujours n'avoir aucune émotion, mais sa voix grave et soudainement rassurante démontrait une réelle sincérité dans ses mots :

« Merci de m'avoir épargné. Très peu de personnes auraient eu la bonté d'arrêter mes souffrances dans un cas comme celui-ci, tu étais tellement proche de gagner. Et je sais que me faire autant de mal n'était pas dans tes intentions, je l'ai vu dans tes yeux quad tu as répondu à mon appel. Alors, merci, tu as eu un comportement digne des plus grands héros. »

Fumikage était réellement sincère.

Il ne faisait pas ses remerciements et ses éloges par une obligation malsaine, se sentant forcé de faire bonne figure face à la fille de son professeur pour éviter les représailles. Bien au contraire, il souhaitait remercier une personne qu'il estimait fortement par ses actes, Haruka.

Cette dernière resta muette, touchée et impressionnés par les dires de celui qu'elle ne considérait plus comme un adversaire. Il fallait une mentalité incroyable pour remercier quelqu'un de cette façon, pour seulement avoir l'idée de prononcer de telles paroles, et elle l'estima beaucoup pour cela.

« Et... Pardonne-moi. »

La voix du garçon se brisa, légèrement. Il baissa la tête comme s'il n'arrivait plus à regarder la jeune fille en face, à son tour.

Haruka se sentit de nouveau surprise. Une grande émotion la submergeait tandis qu'elle essayait de comprendre cette situation peu commune et pleine de sincérité.

« Pardonne-moi, et pardonne ma faiblesse... Si je n'avais pas été aussi faible, si je n'avais pas imploré ta clémence comme je l'ai fait, tu aurais sans doute gagné notre combat et... et tu aurais eu ta place sur le podium. Je t'ai entendu, quand nous nous battions, pour intégrer la filière héroïque, tu devais atteindre le podium, c'est cela ?... Pardonne-moi alors d'avoir gâcher ta chance pour une victoire non méritée. Et... J'ai perdu mon combat de demi-finale. Je voulais gagner pour ne pas rendre ton sacrifice vain, mais cela n'a servi à rien, je suis désolé... »

Il allait continuer de quémander son pardon quand Haruka lui répondit, d'une voix posée :

« Tôt ou tard, j'aurais cligné des yeux. »

Fumikage releva les yeux sur elle, sans comprendre, à son tour.

« Mes yeux me brûlaient, je n'aurais pas pu tenir jusqu'au bout du ring. Dans tous les cas, j'aurais fini par cligner des yeux et ton ombre m'aurait éjectée hors du terrain. Ta victoire était méritée. Et, ne t'inquiètes pas pour moi, si je n'ai pas réussi à intégrer la filière héroïque aujourd'hui, je retenterais l'année prochaine. »

En gage de sa sincérité, Haruka lui offrit son plus beau sourire. Il n'avait plus à se torturer plus longtemps dans ses excuses, et elle allait pouvoir calmer sa terreur du mal qu'elle avait commis. Le garçon sembla rassuré, il opina du chef comme pour accepter le discours de son ancienne adversaire.

L'atmosphère devint plus détendue. Côte à côte, les deux jeunes gens retournèrent à leurs gradins respectifs pour assister à la grande finale du Championnat de Yuei.

A son arrivée, aucun de ses camarades ne firent de commentaires, se contentant de fixer l'adolescente d'un air triste, presque déçu. Hitoshi ne fit aucune réflexion sur cet évènement, se contentant de l'éloigner des regards trop dépités.

Ne disant rien non plus sur sa défaite, Haruka demanda, avec le plus de naturel possible :

« Je n'ai pas assisté aux combats précédents. Qui sont en finale ?

-Katsuki Bakugo et Shoto Todoroki. »

Cela promettait d'être intéressant...