Le jour du retour au lycée, la classe seconde A, toute chamboulée par les évènements qu'elle avait dus endurer mais aussi excitée d'être passée à la télévision à la suite de l'attaque de l'aire, ne s'attendait pas à voir débarquer, dans la salle, leur professeur principal, Monsieur Aizawa.

En effet, après les dommages qu'il avait reçu pendant l'embuscade par un monstre de muscles nommé Brainless, les élèves pensaient que le grand homme n'allait pas refaire surface avant un bon moment. Cependant, il était là, face à eux, les deux bras et le visage enrubannés, toujours aussi blasé et aimable.

« Le Championnat sportif de Yuei approche, dit-il simplement en ignorant les regards inquiets tournés vers lui. »

Sur ses mots, la classe devint complètement folle, oubliant leur tourment pour crier dans tous les sens. Mais la joie fut de courte durée, subitement remplacée par la crainte d'une nouvelle attaque.

Effectivement, les adolescents n'étaient pas très rassurés. Le Championnat, avec tous les élèves et tout le public, avait parfaitement l'air d'être le moment idéal pour que l'Alliance des Vilains renouvelle leur embuscade mise en échec la première fois. Et si, cette fois-ci, ils réussissaient leur coup ?

Aizawa leur expliqua alors qu'il ne fallait pas s'affoler :

« Un tel évènement montre que les lycéens gèrent parfaitement les situations de crise. De plus, la sécurité sera renforcée. Et, surtout, c'est un tremplin important pour vous, on ne va pas annuler pour quelques vilains. »

Si ces paroles, aussi simples étaient-elles, avaient remonté le moral de certains, ce n'était pas le cas d'un petit adolescent, tremblant comme une feuille, dont la chevelure faisait plus penser à une grappe de raisons gluants qu'à de véritables cheveux :

« Perso, j'annulerais direct ! Ce n'est qu'un tournoi sportif après tout ! »

Ce que ce garçon-là, du nom de Minoru Mineta, ne comprenait pas, c'était que le Championnat sportif de Yuei était l'évènement de l'année. Pas seulement pour les apprentis héros, mais aussi pour les civils, les médias et même les héros professionnels.

Après l'apparition des alters, les Jeux Olympiques de Tokyo n'avaient plus été si impartiaux si bien qu'ils disparurent pour de bon. A la place, ce fut le Championnat qui devint la rencontre sportive la plus suivie du Japon.

De plus, tous les héros, les héroïnes et les agences héroïques auront les yeux braqués sur cet évènement afin de juger la génération future, choisir un stagiaire pour quelques semaines, et peut-être même les embaucher en tant qu'alliés à la fin de leurs trois ans d'études.

En clair, annuler le Championnat serait la pire des idées. Pour tout le monde.

Au fond, Minoru savait tout cela, mais sa peur de se refaire attaquer prenait le dessus, au point où il commençait à se poser des questions sur sa vocation de héros.

Après avoir essayer de calmer l'adolescent, Aizawa reprit son discours :

« Intégrer l'agence d'un super-héros réputé vous apportera... »

Mais il se fit soudainement interrompre par Monsieur le Principal qui fit irruption dans la salle.

Ses poils étaient hérissés, ses petits yeux froncés, il semblait extrêmement contrarié.

Par respect et par habitude, les élèves se mirent debout tout en craignant la raison pour laquelle le Principal était venu leur rendre visite, après cette attaque de vilains et dans cet état-là. L'avenir de Yuei semblait être incertain, surtout selon la presse, et tout pouvait arriver.

Cependant, il ne dit rien sur l'embuscade et garda le regard rivé sur l'homme debout sur l'estrade.

« Vous pouvez vous asseoir les enfants. Shot... Monsieur Aizawa, puis-je vous parler quelques minutes dans le couloir, s'il-vous-plait ? »

Cela ressemblait plus à un ordre qu'à une réelle question.

Le demandé, qui avait plus l'air d'une momie que d'un être humain, ne répondit pas et suivit le Principal courroucé jusqu'à l'extérieur de la salle.

La grande porte coulissante n'ayant pas été bien refermée, toute la classe pouvait entendre ce que les deux adultes se disaient, laissant la curiosité de certains l'emporter sur le respect de leurs aînés.

« Shota... commença la voix du Principal suivie d'un bruissement de feuille, J'ai appris que tu ne m'avais pas fait parvenir ceci. Tu reconnais ce papier ? Peux-tu m'expliquer cela ?

-Vous avez fouillé dans mes affaires.

-Ce n'est pas la question, Shota, il fallait qu'on le fasse. Tu te rends compte de ce que tu as fait ?!

- Écoute Nezu, ... je ne la juge pas assez...

-Non ! Je n'accepte pas ça ! Je me moque de ton jugement ! Il s'agit de documents cachés à l'administration de l'Académie ! Et il s'agit de ta propre fille, Shota !! »

La plus grande partie de la seconde A se redressa soudainement à l'entente de ce dernier éclat de colère de la part de leur petit principal. Ils dévisagèrent la porte entrebâillée avec étonnement et surprise.

Une fille à la peau et aux cheveux roses, dont les grands yeux noirs et les cornes sortaient de l'ordinaire, s'exclama, complètement choquée :

« Aizawa-sensei à une fille ! »

Un des élèves, celui aux cheveux verts en bataille, releva un peu plus la tête de stupeur en entendant sa camarade, confirmant les paroles discernées à travers la porte.

La fille de leur professeur. S'agissait-il de l'adolescente qu'il avait aperçu à l'infirmerie après l'attaque ? Celle dont le père gisait dans la pièce d'à côté selon les dires de Recovery Girl ?

« Mais il est trop jeune pour avoir une fille, il a à peine trente ans ! continua un garçon aux cheveux rouges en piques.

-Bah non, lui répondit un blond, mes parents m'ont eu dans la vingtaine, donc il doit avoir un bébé fille !

-Elle a un an de moins que nous. »

Surpris par ce commentaire, tout le monde se retourna vers le délégué de leur classe, un grand garçon aux lunettes carrées. Il se nommait Tenya Iida et avait pour alter des pots d'échappement au niveau des tibias. Un garçon aux allures de premier de la classe, respectant le règlement à la moindre de ligne et aimant l'ordre plus que tout.

C'était lui, l'élève au pouvoir de rapidité qui avait été envoyé par Numéro 13 pour signaler l'attaque des vilains et chercher des secours au lycée.

« Comment tu sais ça, toi ? demanda le blond du nom de Denki Kaminari. »

Tenya redressa ses lunettes en se réprimandant intérieurement, il n'aurait pas dû dire cela. Les mots lui avaient presque échappés de la bouche, ce qui n'était pas habituel de sa part et il en était fortement contrarié.

Pourtant, le grand garçon jugea que ses camarades méritaient quelques explications sur ses propos.

« J'étais en classe de quatrième et de cinquième année dans la même école primaire qu'elle. Une fille sage qui avait sauté une classe pour son travail, autrement dit, nous sommes vite devenus de bons amis. Ça m'a d'ailleurs étonné de ne pas l'avoir vu dans l'une des classes héroïques à la rentrée... »

L'adolescent devint pensif. Evoquer cette personne lui rappela quelques souvenirs, des bons comme des mauvais. Depuis ces années-là, il portait toujours le regret d'avoir perdu contact avec elle. Il se demandait si elle allait bien, si elle souriait de nouveau, et l'espoir de la revoir en classe héroïque lui avait donné du réconfort.

Cependant, Tenya ne l'avait pas vu dans les rangs de sa classe, ni dans ceux de la seconde B, et il s'en était inquiété. Pourtant, il pouvait poser des questions à son professeur principal, qui était aussi le père de cette lointaine amie, mais le sujet était si sensible et si indiscret qu'il n'en avait le courage.

Cette amitié avait beau avoir duré à peine une année et demie, elle comptait au garçon qui gardait toujours en lui le désarroi de leur brutale séparation.

« Attends, t'avais une info ultra privée sur Sensei et tu nous en as même pas parlé ! s'exclama de nouveau Mina Ashido, la fille rose.

-Je n'en avais pas trouvé l'utilité, soupira le garçon, et puis je n'aurais pas dû vous en... »

Soudain, la porte s'ouvrit dans un grand fracas, faisant sursauter quelques élèves. Aizawa entra dans la salle, en silence. Il semblait plus sombre et plus austère qu'à son habitude, se faire disputer par Monsieur le Principal ne devait pas être une expérience très agréable.

Presque tous le détaillèrent avec un regard différent d'avant son absence, quelques questions indiscrètes fusèrent dans les esprits des jeunes gens : « Lui, avoir une fille ? » ; « Il est marié alors ? » ; « Qui peut bien être la mère ? » ; « A quoi ressemble cette fille ? » ; « La pauvre, elle doit être vraiment moche ».

Puis le professeur reprit son cours, comme si de rien était :

« Pfff... Bon, j'en étais où... Ah, oui. Donc : Intégrer l'agence d'un super-héros réputé vous apportera expérience et renommée. Si un ro vous remarque, votre avenir est assuré... Cependant, le temps vous est compté. Un Championnat par an, une chance par an. Pas plus de trois donc ! C'est au Championnat qu'il faut être si vous voulez devenir des héros. Si c'est votre cas, tenez-vous prêts... »

L'adrénaline emplit tous les élèves. Ils étaient prêts à tout pour se faire remarquer au Championnat et obtenir un stage chez les plus grands héros. Leur détermination était sans limite et chacun comptait bien faire ses preuves pendant cet évènement.

Le début de leur entraînement intensif pour la première place du podium leur fit totalement oublier la discussion entre Aizawa et le Principal. Cependant, un seul y songea encore, Tenya, qui se demandait où son ancienne amie pouvait bien être.

.

.

.

.

       « Non ! Je n'accepte pas ça ! Je me moque de ton jugement ! Il s'agit de documents cachés à l'administration de l'Académie ! Et il s'agit de ta propre fille, Shota !! »

Fatigué, le grand homme trainait ses pieds sur le chemin de sa maison.

« Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait ? Tu as manqué à ton devoir de professeur envers Yuei ! Tu as caché une lettre de recommandation ! C'est du sabotage ! Et... Shota... Comment as-tu osé faire ça à Haruka ? A ta fille ?... Tu sais très bien que c'était son rêve...

-J'ai pris la bonne décision.

-La bonne décision de quoi ? Détruire ses espoirs ? La rendre malheureuse ?

-Non.

-Pourquoi alors ? »

Perdu dans ses pensées, au plus profond de son esprit, il shoota dans une canette vide, sans faire attention où il visait.

« Pour sa protection.

-Shota... Non, non, ... Ne pense pas à ça, ne lui fait pas de mal pour ça, ne brise pas ses rêves pour ça... »

La canette rebondit quelques mètres avant de tomber mollement dans un bac à sable vide d'enfants.

« Tu comprends que c'est son rêve... Shota... Elle est plus forte que tu ne le pense. Elle est si courageuse et si intelligente... Elle ne va pas finir comme...

-Elle lui ressemble tellement. »

« Papa ? »

Le grand homme sursauta discrètement puis se retourna.

Elle était là. Ses cheveux châtains joliment attachés dans une pince à l'arrière de la tête et ses grands yeux noisette le fixant avec incompréhension. Son visage rond tourné vers lui et ses joues généreuses dans une mine perplexe.

« Elle lui ressemble tellement. »

« Papa, tu vas où ? »

Ne comprenant le sens de sa question, le professeur leva les yeux sur son chemin. Ses pieds l'avaient emmené sur une rue bien éloigné de celui de son appartement.

« J'étais ailleurs. »

Ailleurs n'était pas le mot adapté. En réalité, Shota était complètement égaré, perdu. Tiraillé.