On ne peut pas faire taire tout ce qu'on ressent, surtout lorsqu'on est comme moi. Je veux dire, je dois être hypersensible pour ressentir tout ça avec tant d'intensité, je ne vois pas d'autre explication. Enfin, haha, je le suis, c'est évident. Je ne vois pas comment je pourrais ne pas l'être. Je ressens la musique, les films, la vie, à une telle intensité que personne ne semble me comprendre, exceptés les autres zèbres.

Et parmi tout ceux qui m'ont fait un effet particulier, il y a un film qui me touche à un point incroyable aujourd'hui, qui a pris un autre sens depuis que je te connais. C'est un film, qui je suppose, est plus destiné aux enfants qu'aux personnes de mon âge. C'est un Disney. Pirates des Caraïbes 3, « Jusqu'au bout du monde » ou "At World's End" si tu préfères, darling. Je me demande si tu l'as vu.

Dans tous les cas, ce film m'est tout particulièrement précieux en raison de l'apparition de Davy Jones. Tu sais, le "méchant". Il attendu dix ans celle qu'il aimait pour qu'au final elle ne soit pas là. Moi je le comprends, je comprends qu'il se soit arraché le cœur pour ne plus rien ressentir. 

J'aurais bien aimé faire pareil un certain nombre de fois, et particulièrement depuis que je te connais. Parfois je me demande s'il y a un moyen de bannir la douleur de soi, de lui bloquer le passage. Parce que s'il y a une chose que j'ai bien apprise d'elle, c'est que de la nier ne changera rien. Elle est comme l'amour, et quand ils sont liés aussi étroitement, on ne peut littéralement rien faire pour les faire taire. 

Alors, moi je te le demande, darling : est-ce que tu connais une solution ? Moi non. Chaque jour j'ai l'impression de mourir un peu plus, alors que le jour précédent j'étais persuadée que la douleur avait atteint son summum.

En fait, ce qui est dérangeant, c'est que je meurs à l'intérieur. Personne ne le sait. J'enferme mes émotions derrière une forteresse de faux-semblants, d'éclats de rire. Alors quand je suis seule, tout s'écroule et plus rien ne fait barrage aux larmes. Parfois j'aimerais crier au monde entier que j'ai mal, mais je ne le fais pas. Parce qu'ils ne comprendraient pas. Parce que personne ne peut comprendre. 

Alors je laisse le surplus d'émotions s'évacuer dans mes larmes, comme si de l'eau sur mes joues pouvait valoir la tempête qui rugit au fond de moi.