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4. Prédateur et proie.

La visite s'était faite paisible. En marchant aux côtés de Charlie, Ruby ne pouvait profiter d'un quelconque instant pour penser à de sombres choses complexes dont elle avait l'habitude de faire, qu'elle soit seule ou non. Le fait que la démone était si expressive et de bonne humeur à chaque pièce qu'elle montrait avait au moins le don d'attirer l'attention de la louve sur tout et rien.

Bientôt, le tour de l'hôtel fût terminée et Charlie conduisait Ruby jusqu'à une chambre. Sans se soucier du numéro qu'on lui avait attribué parce qu'elle comptait rester dans sa chambre jusqu'à elle ne savait quand, peut-être demain, elle salua la princesse d'un hochement de tête avant de fermer la porte dans son dos.

Une fois seule, la monochrome lâcha un long soupir et observa la chambre. Il n'y avait que le strict nécessaire, comme dans tout hôtel sur Terre.. À quelques décorations près, évidemment.

Comme elle n'était arrivée il n'y a qu'une semaine, elle n'avait pas grand-chose à prendre avant de s'installer ici. En fait, elle n'avait que ce qu'elle avait sur elle en arrivant. Avec un maigre porte-monnaie qu'elle avait "emprunté" à des démons qui l'avaient un peu trop fait chier.

Se disant qu'elle irait faire des courses demain, elle se posa sur son lit et ferma les yeux sans trouver le sommeil, comme toujours. Vivante ou morte, le repos n'était jamais éternel visiblement. Elle finit par se relever, récupérer un carnet dans un des tiroirs du bureau dans la chambre, un crayon et commença à dessiner pour le reste de ce début de nuit.

☆~☆

Le lendemain, elle pencha la tête en observant ses nombreux dessins. Passer des heures sur ces croquis lui avait fait oublier le temps qui passait, si bien qu'elle haussa un sourcil quand on toqua à sa porte. Ruby pesta à voix basse quand la voix radiophonique se percutait à ses oreilles.

«— Chère voisine, nous t'attendons pour le petit-déjeuner !

— Mangez. J'ai autre chose à faire.

— Plus important que de manger quelque chose ? Dis-moi !

— . . . T'es pas mon journal intime, le cerf, aux dernières nouvelles.

— Ahahaha ! Mais si tu comptes sortir aujourd'hui, je peux toujours te guider ! J'ai cru remarquer que tu n'avais pas de bagages avec toi ! Tu comptais faire des emplettes ?»

Merde, il était fort. Ruby grogna doucement alors qu'elle posait son matériel de dessin pour se lever et rejoindre la porte, qu'elle ouvrit et y découvrir ce sourire jaunâtre et ces yeux espiègles. Elle avait juste envie de foutre son stupide visage dans un mixeur.

«— Tu comptes me lâcher la grappe, un jour ?

— Certainement ! Quand tu ne m'intéresseras plus autant ! Suis-moi, ma louve !» offrit-il en s'éloignant jusqu'à l'ascenseur tandis que Ruby aboya dans son dos, le faisant sourire davantage.

«— Je vais te faire bouffer tes dents, connard !» s'écria-t-elle en le suivant tout de même.

Oubliant complètement de regarder quel était le numéro de sa chambre, à cause d'Alastor..

☆~☆

«— Et ce magasin ? N'est-il pas à ton goût ?

— J'ai une gueule à porter des robes ?

— Si tu souriais davantage, alors oui.

— . . . Je suis morte, en quoi ça me servirait de sourire en enfer ?

— Pourquoi je souris d'après toi ?

— Réponds pas à une question avec une autre question, putain.»

Alastor se mit à rire doucement à la vulgarité de cette pécheresse, les yeux baissés vers elle. Cette dernière observait la prochaine vitrine avec un ennui démesuré tandis que le bout de sa queue remuait vaguement. Les yeux du démon cerf observèrent ensuite les alentours pour voir les autres habitants de l'Enfer se cacher plus ou moins de lui, ou certains essayant de le prendre en photo en compagnie de la louve.

Si leur photo n'était pas les meilleures quand Alastor n'apparaissait presque jamais dessus, il plissa cependant les yeux à la technologie. Préférant ne pas perdre son temps avec ces crétins, il rejoignit paisiblement Ruby jusqu'à une autre boutique.

Finalement, Ruby avait trouvé son bonheur. Enfin, c'était un grand mot pour des vêtements, mais elle avait récupéré certaines choses pas trop mal et repartait avec un sac en main. Elle n'avait même pas essayé les vêtements pour vérifier s'ils lui allaient, se contentant juste de regarder la taille et de tout mettre dans un sac. Alastor trouvait qu'elle bâclait un peu trop vite ses achats, mais pour une fois, il se contenta de se taire.

En marchant silencieusement dans la ville, une devanture attira l'attention de Ruby alors qu'elle s'approchait vaguement quand une foule de personne était déjà entassée là. Comme elle préférait avoir son espace vitale, elle restait en retrait, tout comme son compagnon de route.

Alastor serra les dents en voyant apparaître sur les nombreux écrans un vieil ami à lui chanter en son honneur.

«— L'émission commence et nous vous informons qu'un certain Hazbin a été vu en train de gambader dans les rues après 7 ans d'absences. Est-ce qu'il vous aurait manqué ? Aviez-vous seulement remarqué ? Plus d'informations après cet énoncé.»

Ruby fronça les sourcils avant de tourner les yeux vers Alastor à ses côtés. Celui-ci souriait toujours, mais quelque chose dans ses yeux restait mitigé. Ça devait parler de lui, d'après ce qu'elle comprenait vaguement. Ça parlait d'Hazbin, comme l'hôtel, et il n'y avait qu'eux dans les rues en cet instant. Et 7 ans, elle n'était là que depuis une semaine, elle n'avait pas besoin de plus d'indices pour comprendre.

La suite de la petite chanson au loin lui confirma son hypothèse.

«— Donc le démon de la radio est revenu. Mais que peut-il bien faire dans nos rues ? Qu'est-ce que ça change pour vos familles ? Pas d'inquiétude, j'ai une bonne nouvelle. C'est un perdant, un fossile ! Je ne voudrais pas être hostile, mais ce démon est un raté !»

La louve pencha la tête sur le côté. Elle se demandait vraiment pourquoi cet étrange personnage à tête de télévision s'en prenait à Alastor. D'accord, il était exaspérant, mais au point de s'en inquiéter comme ça, de le traiter de raté ?

Le mot la fit frissonner tout le long de son corps sans remarquer que le démon cerf la regardait. Voulant savoir ce qu'elle pensait jusqu'à là avant de voir son frisson. Il ne faisait pas si froid, à moins qu'elle ne soit vraiment frileuse, mais le fait de voir aussi une maigre douleur dans ses yeux le fit lever un sourcil. Tiens donc..

«— Vous pouvez me faire confiance. Voler mon public ?! Impossible. Son blabla n'a plus aucune cible. Ce n'est qu'une voix qui parasite, un vieux bruit de fond qui crépite. Qu'il reparte en vacances et vite, IL DEVRAIT PRENDRE LA FUITE !

— Viens.» fit soudain Alastor de sa voix "qui parasite", attirant l'attention de la louve. Sans trop demander d'explications quand il marchait déjà dans la rue, Ruby sortit son téléphone pour continuer d'écouter l'étrange chanson malgré l'agacement de son accompagnant dû à sa technologie.

Les yeux plongés sur son téléphone, elle suivait Alastor grâce à son ouïe. Mais soudain, elle se prit le dos d'Alastor si vite en seulement deux pas qu'elle pensait qu'il se fichait d'elle quant à "le suivre". Ils venaient à peine de reprendre la marche !

Mais l'endroit où ils étaient la fit papillonner des yeux, se trouvant alors dans une sorte de cabine bancale.

«— Dites adieu à la radio, nous, on préfère la vidéo, on veut du son et des images en enfer ! Depuis qu'il a foutu l'camp, putain, c'qu'on est bien maintenant !»

«— Salutations, quel plaisir de vous distraire !» commença alors le démon de la radio dans sa canne-micro, Ruby l'observant en silence lorsqu'il s'installait sur son siège. En observant à peine l'endroit, elle découvrit que tout était rouge.

Wow, ce qu'elle était surprise..

«— Vous avez longtemps réclamé un média stylé qui vous propose de la qualité, écoutez-moi !

— C'est quoi cette vieille voix ?» se moqua Vox en retour par le téléphone de Ruby.

«— Plutôt qu'un de ces médiocres petits show télé putassier.

— T'es sérieux ?

— Vox est-il ringard ou juste un tocard ? A-t-il vraiment trouvé sa place ? Qui intéresse-t-il ?

— Toi, t'es inutile !

— Chaque jour, il tente un nouveau format.

— Mais moi, je suis le futur, LUI C'EST LA MERDE QUI VIENT AVANT ÇA !»

Bordel, elle en avait connu des clashs sur Terre, mais alors de ce genre, c'était stupéfiant. Elle était même aux premières loges, putain. Observant Alastor continuer de sourire malgré les insultes contrairement à ce Vox qui semblait vite contre-attaquer à chacune qu'il recevait, Ruby s'étonna de vouloir voir le cerf gagner sur ce coup-là. Pas qu'elle irait faire une banderole de son nom en l'encourageant non plus, hein.. Mentalement, c'était bien aussi.

«— Vox est-il indispensable ? Ou bien tout juste passable ? Son image et sa voix me donnent la migraine !

— J'ai la haine !

— Ho, et il faut que vous sachiez, qu'il me voulait à ses côtés !

— De quoi ?!

— J'ai refusé, il s'est vexé, quel boulet.

— Espèce de vieux connard ! J'vais t'faire souffrir #€€##&&**

— Oh oh, la télé est en train de frire.

— Tu vas CREVER *@Â#=/

— J'ai bien peur que la connexion ne soit brouillée.»

Ruby eut un vague sursaut quand, devant eux, la ville paraissait soudain se plonger dans le noir total. Attends, ce Vox était-il possesseur de l'électricité dans tout l'Enfer ou quoi ? Même son téléphone venait de lâcher ! Eh, rendez-lui Internet bordel !

La louve, trop occupée sur son téléphone, ne remarqua qu'à un certain moment une ombre se redresser devant elle, si grande, si menaçante, et une puissance infinie envahir l'air. Levant les yeux, elle baissa les oreilles face à ce qu'elle voyait.

«— Laissez-moi.. Vous rappelez simplement qui JE SUIS. Car ma voix est votre AMIE. Vox va regretter d'avoir joué, on va s'régaler.» Alastor, ou ce monstre qui lui ressemblait tout autant, se mit à rire lugubrement, si bien que Ruby retenait son souffle pour éviter d'attirer l'attention sur elle.

Comme il semblait s'être enfin arrêté, la jeune femme prit sur elle. En rangeant son téléphone, posant ses iris un instant sur la canne d'Alastor pour la première fois hors de ses mains, elle s'approcha discrètement de lui.

«— . . . J'ai compris que ta couleur préférée était le rouge, t'avais pas besoin de m'emmener ici, tu sais ?»

La voix de Ruby fit relever les oreilles duveteuses d'Alastor sur sa tête alors qu'il se rendait enfin compte de sa présence. Honnêtement, il l'avait temporairement oublié à cause de Vox. Mais bien vite, il se reprit, sentant ses yeux en forme de cadrans revenir à la normale tandis que son corps reprenait sa forme originelle. Son sourire toujours aux lèvres, il se tourna enfin vers la cliente de l'hôtel.

C'était bizarre. Elle semblait prendre la chose aussi bien que de savoir Charlie princesse des enfers. Franchement, il était surpris, et en bien, en plus d'être de plus en plus intéressé. Ruby le regardait comme elle le faisait hier, comme tout à l'heure dans la rue. Ses yeux ne montraient rien, son visage était toujours inexpressif.. Mh, lui qui pensait que les sourires cachaient les réelles intentions, Ruby venait de lui prouver le contraire, en cet instant.

«— Ahaha ! Je préférais m'en assurer. Maintenant, tu ne pourras pas dire que tu ne le savais pas à l'avenir !

— Et en quoi ça va me servir, même ?

— Quand tu m'offriras des cadeaux ?

— Mais tu rêves.» souffla-t-elle en roulant des yeux, permettant au démon cerf de se calmer plus aisément. Le fait qu'elle évite de le questionner sur sa forme démoniaque était quelque chose qu'il appréciait vraiment, préférant évidemment parler d'autre chose, surtout quand elle était forte pour changer de sujet comme ça.

Il l'aimait bien. Aimer dans le meilleur sens qu'il pouvait, bien sûr. "Tolérer" était peut-être plus approprié que le mot "aimer".. De toute façon, il savait qu'elle l'intéressait depuis le premier jour, son instinct ne l'avait pas trompé.

«— Bon, maintenant, tu viens manger ! Je vais préparer un bon repas, tu m'en diras des nouvelles !» fit-il alors en se dirigeant vers la sortie de sa cabine de diffusion, avant de s'arrêter quand la louve se posta entre lui et la sortie.

«— Et bien ? Je ne suis pas un homme facile, ma louve, retiens-toi donc !

— . . . Je vais juste ignorer tes conneries, vu comme t'en as bouffé assez de l'autre tête carrée. Je te donnais juste ta canne, t'allais l'oublier.»

Alastor haussa brièvement les sourcils quand elle lui tendit sa fameuse canne, le faisant tourner la tête vers l'endroit où il allait la laisser, en récupérant ce qu'elle lui redonnait. Oh. En se retournant vers Ruby, il ouvrit les lèvres dans le geste, mais ne pût dire un mot quand elle avait déjà disparue de la pièce.

Dans un sourire plus prononcé, il sortit à son tour en repensant à cette matinée particulière et si informatrice pour lui.

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