18. Case départ.
«— Que peux-tu m'apprendre sur Ruby ?»
Grim leva un sourcil à la question du démon de la radio, assit même sur son canapé. Face à lui, le basané ne savait pas trop quoi dire quand il avait beaucoup de choses qui entraient dans son esprit à cette question.
Tellement de trucs qu'il pourrait lui dire, et pourtant, si peu. Ironique, dans un sens. Mais le démon coyote n'était pas le genre à être le journal intime de ses potes et sûrement pas celui à dévoiler les secrets de ces derniers à n'importe qui.
Surtout pas à cet enfoiré de mytho.
«— Et si je te disais qu'elle aime pas qu'on parle dans son dos ? Pourquoi tu lui poses pas la question directement ?
— Parce qu'elle est inconsciente depuis 3 jours. Parler aux comateux n'est pas l'un de mes pouvoirs, amateur.
— Tiens donc ? La faute à qui, connard ?»
L'insulte passa au-dessus de la tête d'Alastor. Le faisant rire brièvement cependant sous le regard rouge à nuances noires de Grim. Quel grand con, n'empêche. Et dire que la louve arrivait à se le coltiner h24 sans se transformer ? Putain, elle était forte. Mais il savait combien elle avait de patience compte tenu de leur propre amitié..
Il l'en avait fait baver, c'était un fait évident.
Si les deux souriants s'offraient leurs dents pointues l'un à l'autre, autant leur regard était mêlé à la haine et à la rancœur. L'un détestait l'autre et inversement. Il était clair qu'ils ne s'aimaient absolument pas.
Ruby avait vraiment le don d'avoir des fréquentations qu'elle seule pouvait gérer. Au moins, elle ne risquait aucune trahison, c'était un point.
«— Quand elle est revenue, bizarrement de chez toi, elle était dans cet état lorsque je l'ai retrouvé dans la cuisine. Ce serait de ta faute, en toute logique.
— Parce que je lui ai dit une vérité qui fait mal plutôt qu'un mensonge. Voilà une information, la concernant ; Ne lui mens jamais. Elle hait les mensonges plus que tout.»
Alastor pouvait au moins avoir ça comme connaissance sur Ruby. Ça, c'était un point à connaître. Intéressant..
«— Quoi d'autre ?
— T'as cru j'étais le Figarou, ou quoi ? Cherche tes réponses toi-même, Inspecteur Gadget, j'suis pas ton clebs.
— . . . AH-AH-AH !»
Le rire soudain du rouge fit plisser des yeux le métisse, incertain quant à cette hilarité sans contexte. Entre l'envie de le faire dégager d'ici ou le buter sur place, Grim avait une préférence..
Étonnamment, non, il ne voulait pas la mort du cerf. Le démon coyote n'était pas en enfer dû aux meurtres. Il était puissant, certes, pas plus qu'un être suprême, fallait pas déconner, mais il avait quelques.. "relations".
«— Comment la folle peut-elle te supporter, bordel.» grogna Grim en roulant des yeux, désespéré.
Le surnom fit tilter Alastor qui plissa les yeux en retour. La louve lui avait déjà dit qu'elle avait développé des problèmes mentaux dans sa vie, c'était intéressant de constater que le bicolore avait vraiment des connaissances plus profondes sur elle que lui n'en avait. Ça l'emmerdait de devoir poser des questions à un démon si insignifiant en temps normal.
«— Je suis incroyablement attachant~
— Chiant. Incroyablement chiant, tu voulais dire.
— Tu me vexes, mon cher.
— Bon, tu dégages quand de chez moi ?
— . . . Donne-moi juste le nom de son père.»
Grim tourna la tête vers le rouge, surprit de la demande. Honnêtement, c'était déjà plus.. Concret que simplement "des trucs" sur Ruby. Alors Alastor voulait faire face au père de son amie ?
Le plus jeune démon soupira longuement en passant une main dans ses cheveux, hésitant quant à la chose. Il y avait du regret, de la peine et une grande responsabilité qui se posaient sur ses épaules quand il se rendait compte qu'à une seule parole tremblante, il pourrait aussi bien le regretter que de se torturer l'esprit.
S'il le disait, Alastor irait certainement le voir. Ruby le saurait. Son père saura où elle est. Et avec le peu de chance qu'elle avait dans sa vie, il arriverait à la rejoindre. Démon de la radio sur son chemin ou non.
S'il ne le disait pas, son père la trouvera quand même. Et Grim ne pouvait pas savoir s'il la trouverait vraiment. Mais en même temps, si Alastor pouvait faire ralentir la quête de cet enfoiré, alors..
Le basané se mit à battre maigrement des ailes pour tenter de dissiper ses pensées, ses idées, ses malheurs et ses envies. Il y avait tellement de possibilités à la fin qu'il se tuait l'esprit.
Alastor fit un mouvement de vague avec ses doigts sur sa canne-micro, un sourcil relevé, un sourire aux lèvres. Attendant simplement une réponse quelconque avant de s'en aller sans un regard en arrière sous la détresse psychologique du coyote.
☆~☆
Ruby posa sa bouteille sur le comptoir en buvant sa dernière gorgée. Elle venait de se réveiller après ces derniers jours de longs repos et la première chose qu'elle pensait à faire était juste de vider le bar pour s'intoxiquer le foie. Si la perte de sang n'avait pas fonctionné, il y avait toujours d'autres manières de se buter sans rendre de compte à personne.
Ses yeux se posèrent sur ses bandages à son bras charcuté d'il y a de ça plusieurs heures, maintenant. La douleur était à peine sensible malgré les mouvements qu'elle faisait. Si elle avait des tendances masochistes quand elle était encore jeune, à force, elle s'était juste habituée à la douleur et ne ressentait plus rien.
La seule vraie douleur qui la faisait pleurer étaient ses attributs animaux. Seules ses oreilles et sa queue avaient le pouvoir de la faire demander pitié. Autrement, il n'était possible de rien autre part..
Sauf que son père connaissait différentes manières de la faire prier une mort rapide. Ses tortures à lui étaient son pire cauchemar et elle en avait rêvé, une fois dans ces derniers jours.
Mais bizarrement, cette fois-là, quelque chose, ou quelqu'un, elle n'était pas trop sûre, l'avait calmée. C'était un contact doux qu'elle ne voulait plus lâcher, une voix tendre qu'elle voulait entendre à nouveau et le pire dans tout ça, c'est qu'elle avait eu l'image d'un réconfort en tête auquel elle n'aurait jamais pensé.
Alastor.
Pourquoi il était venu dans sa tête pour faire disparaître ses angoisses ? Pourquoi avait-elle l'impression qu'il était là, à ce moment précis, pour la sauver de ces cauchemars ? Pourquoi avait-elle besoin de le voir depuis qu'elle s'était réveillée.
C'était étrange, ce sentiment qui pesait en elle et, pourtant, elle savait aussi qu'elle ne voulait plus jamais le revoir. Parce qu'il devait PUTAIN de s'expliquer.
Ce fût quand elle se baissa pour récupérer une autre bouteille derrière le comptoir, à la place même d'Husk, qu'elle releva les oreilles quand les portes de l'hôtel s'ouvrirent. Pensant que Charlie et Compagnie venaient de rentrer d'elle ne savait où, elle resta cependant clouée sur place quand les interférences radios remontaient jusqu'à elle.
Quand on parle loup, on en voit la queue.. Ironique lorsque c'était elle, la prédatrice dans cette histoire.
Disons plutôt : quand on parle du cerf, on en voit ses bois ?
Ouais, elle était pas trop certaine de la formulation. Mais ce n'était pas sa top priorité en ce moment.
C'est alors qu'elle entendit ses bruits de pas prendre le chemin de l'étage, elle se releva pour le voir disparaître dans une intersection de couloir. Oh. Il allait dans sa chambre ? Pourquoi avait-il l'air si.. Énervé ? Quel culot lorsque c'était à elle de péter un câble !
Putain d'enfoiré.
Sur cette pensée parfaitement justifiée, elle ouvrit une nouvelle bouteille et récupéra le liquide avec un besoin pas vraiment nécessaire.
«— Que fais-tu hors de ta chambre, ma chère ?»
L'apparition sans prévention d'Alastor ne fit ni chaud ni froid à la damnée qui se contenta de boire en continu sa bouteille, les coudes sur le bar, les oreilles tournées derrière elle quand il y était. Elle allait se retourner et lui faire face quand son dos était à découvert mais elle sentit la présence du cerf se presser dans son dos, la faisant grogner pendant qu'elle éloignait l'alcool de ses lèvres.
Le torse d'Alastor contre elle, ses mains posées, sur le bar, de chaque côté d'une possible échappatoire, Ruby fronça les sourcils quand elle sentit le souffle du rouge frôler l'une de ses oreilles baissées.
«— Dégage.
— Chérie, retourne te coucher.»
La louve ferma les yeux lorsque la voix préventive, étrangement, du démon lui prenait tout le corps. Non, il ne s'inquiétait pas. S'il aurait vraiment voulu la protéger, il ne l'aurait pas laissé espérer le 7ᵉ ciel. Il voulait réellement qu'elle souffre, hein ?
«— Alastor. DÉ-GAGE.» se répéta-t-elle, elle qui détestait dire deux fois la même chose, penchant la tête vers le cerf qui la regardait fermement et avec un sentiment indescriptible dans le fond de ses iris.
Le démon hésita un moment, l'air franchement ennuyé malgré son sourire collé à son visage. Le ton de Ruby était sans appel et il reconnaissait ce timbre de voix quand il l'avait souvent entendu parler avec d'autres démons, ces derniers mois.
Haine. Rage. Colère. Agressive. Sans remords.
Pourquoi le détestait-elle, maintenant ? S'il savait quelques petites choses sur elle depuis sa visite chez Grim, il savait qu'elle haïssait les mensonges. Mais quand avait-il menti ? Il n'avait rien dit.. Qu'avait-elle contre lui pour qu'elle le regarde comme s'il n'existait déjà plus, comme s'ils n'avaient rien partagé ?
Après un long silence, Alastor recula finalement pour la laisser lui faire face. Ainsi, son dos protégé contre le comptoir, Ruby se sentait déjà plus sereine. Mais la colère dans ses yeux brûlait tel l'alcool le plus fort dans la gorge d'un petit consommateur. Un feu ardent que même l'enfer ne pouvait rivaliser. Une lueur à faire pâlir la lune. Le cerf ne pouvait détourner le regard malgré l'envie de vouloir s'expliquer sur une chose dont il n'avait aucun contexte, juste pour revoir ce regard ennuyé qu'il lui connaissait.
Juste pour retrouver ce désintérêt mais à la fois ce petit quelque chose qui l'avait tant intéressé le premier jour. Il était prêt à n'importe quoi pour qu'elle lui parle de ce sentiment négatif à son encontre.
Le monde pouvait le détester, le haïr, lui balancer les pires insultes.. Il s'en foutait ! Mais venant d'elle, venant de la jeune femme auquel il s'était plus qu'attacher à ce niveau, c'était quelque chose qu'il ne pourrait pas supporter.
«— . . . Pourquoi tu m'as promis le Paradis ? Tu m'as promis une chose dont je n'aurai pas les clefs pour entrer. Tu m'as PROMIS littéralement le CIEL, putain ! Et je découvre que je ne verrais jamais un seul FOUTU nuage paradisiaque ?! Que je ne rencontrerai jamais Saint-Pierre ou je ne sais qui ?! Que je ne verrai JAMAIS ma MÈRE ?!»
La douleur était cachée dans sa colère, Alastor voyait bien comme elle souffrait de la vérité. Elle avait espéré trop longtemps que sa furie pouvait qu'être compréhensible. Il s'en voulait, aussi surprenant soit-il venant de lui, de lui avoir dit ce simple mot il y a quelques mois. Il aurait dû lui dire, alors pourquoi il n'avait pas pu ?
Peut-être pour ne pas la voir pleurer davantage ce jour-là ? Sûrement parce qu'il voulait qu'elle finisse cette conversation sur une note positive ? Parce qu'il n'osait pas la voir déprimer encore plus ? Parce qu'elle aurait tenté de se suicider plus tôt ?
«— Ruby..
— Tu savais que je voulais la revoir, que je voulais quitter cet enfer pour la serrer dans mes bras ! Tu savais que je l'aimais plus que tout au monde ! Tu savais et pourtant t'as quand même réussi à me PROMETTRE une chose impossible ! Me REPENTIR ?! Pourquoi faire, maintenant ?! Je n'ai plus rien, plus personne, plus d'objectif et surtout PLUS ENVIE ! Merci, connard !
— Écoute, je voulais jus-
— VA TE FAIRE FOUTRE, PROIE !»
Habituellement, ce simple surnom le faisait grésiller. Mais cette fois le mot le fit baisser les oreilles tandis que ses lèvres s'ouvraient sans savoir que dire de plus. Ses yeux la suivaient juste du regard quand elle prenait la direction de l'étage avec sa bouteille en main, une fumée noire et rouge l'entourant dans son ascension et sa colère plus que palpable.
Le cerf lâcha un soupir léger une fois qu'elle n'était plus dans son champ de vision. Il ferma les yeux un long instant, repassant ses mots douloureux en boucle dans sa tête, avant de poser ses yeux sur la bouteille vide qu'elle avait délaissée sur le comptoir.
«— J-Je suis désolé..» réussit-il à dire en récupérant le récipient d'une main, sentant de légères gouttes glisser sur ses joues pendant que son sourire se perdait, en se rendant compte que tout était revenu à la case départ.
Voir pire.
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