soixante-douzième
Une théière en verre remplie au quart, des tranches de pain empilées sur un plat en porcelaine, un toast préparé avec amour, et deux assiettes à moitié consommées reposaient sur une table quatre places autour de laquelle les deux membres de la famille Mcgarden prenaient leur petit-déjeuner dans une ambiance plutôt reposante malgré le silence de chacun. La petite sonnette qui retentit vint légèrement briser ce paisible calme.
Mathias posa sa tasse de thé en relevant un sourcil. Il n'attendait pourtant personne et cela ne pouvait pas être une visite de courtoisie, car en effet, il ne s'était toujours pas familiarisé avec quelqu'un dans cette ville pour recevoir un visiteur, et encore moins à une telle heure matinale.
— Je n'attends pourtant personne, s'étonna-t-il.
Levy s'essuya la bouche à l'aide d'un mouchoir de table et tourna son regard en direction de la porte.
<< Je viens te chercher demain ? >>
Gajeel ?
La jeune fille se mit à sourire.
— Je crois que c'est un camarade qui est venu me chercher, dit-elle, se levant de sa chaise en prenant appui sur sa béquille.
Après avoir récupéré son sac à dos posé sur le troisième siège vide de la petite salle à manger, elle partit faire un bisou à son père pour lui souhaiter une bonne journée.
— Je vais ouvrir, j'ai terminé de déjeuner. À ce soir papa.
Monsieur Mcgarden regarda sa jeune fille se diriger vers la sortie, et il entendit le déclic du verrou lorsqu'elle déverrouilla la porte.
— J'ai bien cru qu'il y'avait personne chez toi, commenta Gajeel, ayant été sur le point de sonner à nouveau.
— J'étais encore à table.
Gajeel rangea ses mains dans les poches de son pantalon et l'adolescente lui sourit.
— Tu es vraiment venu.
— Parce que tu doutais ?
— Un peu, avoua-t-elle. Tu as dû te lever très tôt pour pouvoir arriver à cette heure si matinal. Tu es sûr que ça va aller ? Tu risques de t'endormir en salle.
— Même si je dors dix heures par jour je vais toujours m'endormir en salle, les cours sont chiants et les profs me rendent dingue.
— Tu es fou, rit-elle.
— Fou de toi ? Je sais, rétorqua-t-il.
Les joues de la jeune fille se colorèrent, mais Gajeel n'eut pas le temps de s'en satisfaire car une silhouette se dessina dans le dos de l'adolescente.
— Bonjour monsieur Mcgarden, salua-t-il.
La bleutée se retourna instantanément, embarrassée.
— Oh papa, je pensais t'avoir laissé à table.
— Tu m'as dis qu'un camarade est venu te chercher mais tu t'es arrêtée devant la porte, alors j'ai cru qu'il y'avait un problème. Tout va bien ?
— Oui, c'est juste Gajeel, répondit-elle.
Monsieur Mcgarden dévisagea longuement le lycéen. Il aurait dû se douter qu'il s'agirait de ce garçon ; sa fille n'avait pas spécialement d'autres amis dans son lycée. Et cela le dérangeait assez.
— D'accord, j'ai l'habitude d'oublier son nom, je le retiendrai cette fois-ci. Ferme bien derrière toi, dit-il, les laissant désormais seuls.
La blonde referma la porte et s'excusa auprès de Gajeel pour l'indifférence froide de son père à son égard. D'habitude, il n'était pas comme ça. Pourquoi il n'aimait pas Gajeel ?
Le brun attira doucement la jeune fille contre lui en la prenant par la taille.
— De quoi tu t'inquiètes au juste ?
Il avait l'habitude de ces regards méfiants à son égard. Ça ne l'affectait plus autant qu'au départ.
— Non, rien. Merci d'être venu, le remercia-t-elle.
— Comment tu te sens ?
— Bien, c'est passé.
— T'as réussi à t'endormir ?
— Oui, j'ai vraiment dormi tranquille après ton appel.
Le brun resserra son étreinte autour de sa taille pour la rapprocher davantage de lui et il déposa un furtif baiser sur ses lèvres avant de continuer le chemin pour emprunter le bus, lui tenant la main durant tout le trajet.
* *
Des regards curieux se posèrent discrètement presque toutes les minutes dans sa direction depuis leur arrivée, contribuant au brouhaha infernal régnant dans la salle de classe déjà très bruyante. Nul doute que sa mésaventure survenue à la salle de théâtre avait filtré, car certains élèves de sa classe y étaient présents hier.
Cette désagréable situation n'était en rien une surprise pour l'adolescente ; bien qu'elle aurait aimé passer inaperçue, surtout aujourd'hui. Mais, elle en demandait sûrement beaucoup, les gens aimaient bien trop les nouveaux potins et ils ne manqueront certainement pas d'ajouter leurs grains de sel – la bleutée poussa un soupir – leurs paroles odieuses lui laissaient plutôt de marbre après toutes les horreurs déjà subies, mais ce qui la choquait véritablement, c'était les quelques propos chaleureux à son égard.
– J'ai envie d'aller la saluer, elle chante trop bien.
– Si elle chante si bien que tu le dis, on l'aurait sélectionnée.
– Bien sûr qu'on l'a sélectionné. Mais l'autre dame méchante a dit qu'elle ne voulait pas d'une handicapée. J'ai tellement eu de la peine pour elle.
– J'ai cru qu'elle allait pleurer sur place ; si j'avais autant de talent qu'elle j'aurais protesté.
– On va la saluer ? On pourrait lui demander de chanter à nouveau. Sa voix est magnifique.
– Quoi sa voix est magnifique ? Celle même voix niaise qu'elle feint quand elle fait la lecture ? rit une.
– Ne dis pas du mal d'elle. Tu es juste jalouse, si tu l'avais entend-
– Moi, jalouse d'elle ? Du n'importe quoi !
– Qui pourrait être jalouse d'elle ? Elle reste une fille minable, elle le sera toujours.
– Non, vous... [...]
Des critiques à ne plus finir. Parfois amer et difficile à avaler et tantôt très flateur.
Levy dirigea son regard vers la fenêtre, lassé d'entendre parler de son nom comme si aucun autre sujet de conversation n'existait. Leur nouvel intérêt pour elle était des plus étrange qu'elle ne saurait comment le qualifier, et certains regards à son égard semblaient également avoir changé. Ce n'était ni du mépris, ni de la moquerie. Ça ressemblait à quelque chose près à de l'administration qu'elle en était très profondément perturbée et outrée. Ils se fichaient d'elle ?
<< Elle chante trop bien. >>
<< J'ai envie d'aller la saluer.>>
<< Ne dis pas du mal d'elle. >>
Combien de temps s'étaient-ils écoulés avant de sombrer dans un immense désespoir en ayant espéré entendre ne serait-ce qu'un de ses camarades lui adresser des mots chaleureux ? Et maintenant que cela se produisait, elle ne savait ni quoi en penser, et encore moins quoi ressentir. Cela ressemblait plus à une blague ou même encore à un cauchemar qu'autre chose.
Les bras croisés, Gajeel regarda ses camarades d'un œil dédaigneux. Ils prenaient ces regards choqués en regardant Levy non pas à cause de sa maîtrise exceptionnelle pour le chant, mais tout simplement parce qu'elle savait chanter tout court. Comme si avoir un handicap renvoyait automatiquement à une absence d'aptitude, de mérite ou de valeur. Ça expliquait pourquoi ils n'avaient jamais supporté le fait qu'elle soit la plus intelligente – le brun proféra une injure – Ils étaient tous une bande d'aigris jaloux au final, ne supportant pas qu'une personne en situation de handicap puisse être meilleure qu'eux dans quelque domaine que ce soit.
L'adolescente ressentit un énorme soulagement lorsque le professeur fit son entrée, exigeant de ses camarades un silence absolu.
Les élèves sortirent leurs différents manuels respectifs pour entamer le premier cours de la journée et un coup frappa à la porte. Le professeur déposa alors le livre ainsi que la barre de craie dans sa main sur son bureau et partit voir ce qu'il en était.
L'échange entre les deux hommes fut bref et l'enseignant referma la porte en jetant directement son regard au fond de la classe.
— Mcgarden, vous êtes convoqué chez le proviseur.
L'expression de la jeune fille ne cachait pas son étonnement. Après quelques secondes d'hésitation, elle acquiesça et sortit de la classe sous le regard perplexe de Gajeel.
Dès qu'elle fut hors de la salle, la panique l'envahit et son cœur commença à battre très fort dans sa poitrine. Les filles de l'autre jour s'étaient finalement plaintes d'avoir été agressées dans les toilettes ? On allait convoquer son père ?
Anxieuse, l'adolescente se rongeait les ongles le long du couloir. Ses pas étaient extrêmement lents, si bien qu'elle avait certainement mis le double du temps nécessaire pour se rendre jusqu'au bureau du chef de l'établissement et elle se retrouva figée devant l'entrée.
La jeune fille fixa longuement la porte et prit une profonde inspiration avant de toquer timidement dessus, et une voix blanche et modulée lui intima d'entrer.
Un lourd sentiment d'inquiétude dans sa poitrine, la bleutée poussa doucement la porte et entra dans la pièce carrée aux dimensions moyennes où y régnait une forte odeur de papier et d'encre émanant des nombreux documents présents.
La salle était occupée par deux personnes et Levy reconnut automatiquement la professeure de musique d'hier, assise sur l'un des deux sièges en avant du bureau en acier forgé et en bois. Derrière celui-ci, un petit homme d'âge très avancée, aux yeux noirs et portant une énorme moustache blanche était assis sur un fauteuil noir.
— Levy Mcgarden ? lui demanda-t-il.
— Oui, c'est moi.
— Prends place s'il te plaît.
La jeune fille s'assit sur le seul siège de libre et, nerveuse, elle essuya ses mains moites sur sa jupe.
— Tu dois certainement te demander la raison pour laquelle tu te retrouves ici. Mais ne t'inquiètes pas, tu n'as rien fais de mal. C'est juste pour te poser quelques questions, lui rassura le proviseur.
La bleutée hocha la tête après qu'elle eut posé son regard incompris à la femme assise à ses côtés qui se contenta de lui adresser un sourire.
— Hier après les cours tu t'es rendu à la salle de théâtre. Comment est-ce que ça s'est passé ?
— Euh... B-bien.
— Bien ? répéta le proviseur.
Levy tira sur le bas de sa jupe.
— Je me suis juste sentie un peu mal parce que j'aurais vraiment aimé participer au spectacle, mais je n'ai pas été prise. Rien d'autre.
Une main se voulant chaleureuse se posa sur la sienne.
— Tu peux parler en toute tranquillité. J'ai tenu à rencontrer le proviseur hier parce que j'étais inquiète. Ce qui s'est passé est inadmissible et si tu ne dis rien, on ne peut pas arranger les choses pour toi, de même pour les autres qui peuvent aussi subir ce genre de traitement.
— Votre collègue a simplement dit que je ne peux pas participer au spectacle parce que je ne pourrais pas m'adapter. Je ne vois pas vraiment où je devrais considérer cela comme une offense. Refuser une personne qui n'est pas qualifiée n'est pas à blâmer.
Aussi blessante était-elle.
— Tu le penses vraiment ou tu essaies de rationaliser son geste pour te convaincre qu'elle n'a pas voulu être injuste envers toi par pur préjugés ? lui demanda le proviseur
La bleutée resta silencieuse et serra violemment le bas de son vêtement.
— Exclure une personne qui a toutes les chances et les qualifications nécessaires en se basant sur un problème, comme ton handicap, qui ne t'empêche manifestement pas de chanter pour le spectacle, c'est de la discrimination. Un acte inadmissible et passible d'une sanction.
— Vous... Vous allez la sanctionner ?
— C'est la procédure à suivre. Un conseil d'administration va être tenu, une telle chose ne doit plus se reproduire. Et pour être sûr de traiter le problème, j'aurais une dernière question.
La bleutée hocha la tête.
— Est-ce que tes professeurs te traitent mal ? As-tu déjà rencontré une situation similaire avec eux ?
— Non, jamais. Mes professeurs se comportent très bien. Je veux dire, ils me traitent normalement et ne font pas de distinction entre les autres élèves de ma classe et moi, répondit-elle, ne pouvant retenir son sourire.
— Me voilà rassuré, c'est une bonne chose. Et concernant tes camarades ?
Le cœur de Levy se remit à battre à une vitesse folle. Ses camarades ?
<< Laisse nous passer, sale pied en carton. >>
<< Elle a un pied qui ne lui sert à rien c'est comme du carton. >>
<< Ce surnom est trop drôle. Haha, faut qu'on le dise à tout le monde. >>
<< Oh tu ne veux pas ? Et tu nous donnes quoi en échange de notre silence ? Vu que tu fais pitié et que t'es intelligente tu feras tous nos exercices à présent. >>
<< On est de ménage aujourd'hui, tu vas t'en charger à notre place. Faire nos exercices sera beaucoup trop simple pour toi. Ça sera plus drôle de te voir te demerder à nettoyer la classe avec ta jambe casée. >>
Leurs rires odieux résonnèrent à nouveau dans sa tête qu'elle fut presque prise de vertige.
<< Sale prétentieuse. >>
<< Handicapée. >>
<< T'as pas ta place ici. >>
<< Va te faire opérer >>
<< Tu fais pitié. >>
Les mots insultants qu'ils avaient écrit une fois sur sa table lui revint d'un coup, et ses mains se mirent à trembler, tout comme sa voix.
— Ils... Ils sont...
<< Il s'est pris une exclusion temporaire avec un avertissement. S'il y a une nouvelle plainte pour violence contre lui, il peut être renvoyé et ce définitivement. >>
La bleutée se mordit les lèvres, s'arrêtant au beau milieu de sa phrase. Si elle les dénonçait, ne dénonceront-ils pas Gajeel en retour ? Il les avait violenté, menacé, et peut-être blessés certains, tout cela dans l'unique but que ces derniers puissent la laisser tranquille. Si toutes ces personnes réunies se plaignaient de Gajeel pour violence, il sera renvoyé définitivement ?
— Mademoiselle Mcgarden ?
Levy fut brusquement coupé de ses pensées.
— Il y'a pas de problème, souffla-t-elle, les yeux rivés sur ses pieds. Est-ce que je peux retourner en classe maintenant ?
Les deux adultes se regardèrent longuement. Contrairement à tout à l'heure, sa voix tremblait beaucoup et paraissait peu assurée.
— Oui, tu peux y aller, congédia Makarov. Mais sache que tu as le droit de signaler toute forme de violence dont tu pourrais être victime.
La lycéenne récupéra sa béquille et sortit du bureau du proviseur pour retourner en classe sans prononcer un mot de plus.
— Une minute Levy, s'il te plaît. Ça te dirait de reconsidérer la situation ? Concernant le spectacle, tu seras évidemment la bienvenue.
— Merci, mais je n'ai plus envie d'y participer.
— Je comprends que tu te sentes mal après tout ça, mais te mettre de côté serait un énorme gâchis. Tu as énormément de talent. Si c'est ça qui t'inquiète, ma collègue a évidemment été écartée de l'organisation.
— Vous pensez réellement qu'en revenant je serais mieux traitée ? Si un professeur n'a pas pu me respecter, pourquoi ces élèves le feront après avoir entendu ce qu'elle m'a dit ? Désolée, mais... Je vais retourner dans ma classe. souffla-t-elle, continuant son chemin jusque dans sa classe.
Levy retourna à sa place après que le professeur la laissa naturellement rentrer dans la salle, et celle-ci ouvrit son cahier de notes qu'elle avait délaissé à table.
Le professeur reprit là où il s'était arrêté, et en raison de son absence, l'adolescente s'égara au milieu des panoplies de paroles de l'enseignant. Voyant son trouble, Gajeel lui tendit son cahier.
— On a juste fait ça, tu peux sauter le nombre de page qu'il faut et reprendre.
— Merci.
Un doux sourire éclaira le visage de la jeune fille. Gajeel prenait rarement les notes, mais on dirait bien qu'ils n'avaient pas sauté la moindre explication du professeur cette fois-ci. C'est touchant.
— Pourquoi on t'a convoqué ? demanda finalement Gajeel, inquiet.
La bleutée leva les yeux vers le professeur. Il était très concentré à dicter sa leçon.
— C'est à cause de ce qui s'est passé hier. Apparemment elle va être sanctionné, le prof qui a dit que je poserais problème.
Gajeel releva un sourcil, assez surpris que cette histoire soit remontée jusqu'aux oreilles du proviseur mais ce n'était pas plus mal. Cette soit-disant professionnelle avait été très désagréable envers Levy.
* * *
À la fin des cours, Mirajane observa Levy sortir de la salle de classe en compagnie de Gajeel et, elle posa sur la jeune fille un regard bien trop insistant. Malgré ses efforts, cette image d'elle et Luxus enlacer l'un contre l'autre la torturait.
Juvia arrêta brusquement le bras de la blanche la faisant sursauter et elle tira la joue de celle-ci, mécontente de cette frayeur.
— Aïe, pff, tu n'es pas drôle. Mais pourquoi tu regardes Levy comme ça, hein, si intensément ? Tu es jalouse parce qu'elle chante mieux que toi ?
— Dit pas n'importe quoi, souffla Mira. Tu tombes bien, j'aimerais te poser une question. Tu m'avais dis que Levy était amoureuse de Gajeel, de même pour lui, c'est ça ?
— Oui, pourquoi tu demandes ?
— Je me demandais juste si maintenant ils étaient en couple et tout, vu qu'ils sont amoureux et ne se lâche même plus d'une semelle.
— C'est vrai qu'ils sont tout le temps ensemble mais ils ne sortent pas ensemble pour le moment.
Le cœur de Mirajane se mit à s'accélérer et sa main à trembler.
— V-Vraiment ?
Pourquoi ? Si Juvia affirmait qu'ils s'aimaient, pourquoi n'étaient-ils pas encore en couple ? Et si Luxus commençait à développer des sentiments pour Levy alors qu'elle le repoussait et l'ignorait constamment ?
— Mirajane, ça va ? Tu es devenue toute pâle.
— Je... J'y vais. Rentrez sans moi.
La blanche empoigna son sac et sortit précipitamment de la salle de classe pour entrer dans un nouveau bâtiment, celui abritant le moins d'étage.
Avait-elle été trop dure avec lui ? Depuis leur dernière conversation chez Juvia il n'avait plus cherché à la contacter. S'était-il résigné ? Ou avait-il simplement tenu à respecter sa décision même si elle ne lui convenait pas ?
Mirajane quitta le rez-de-chaussée et gravit les nombreuses marches pour rejoindre l'étage suivant.
— On dirait que c'est ici, souffla-t-elle, contente de s'être retrouvée.
Elle prit une grande inspiration avant de tendre la main vers la poignée de la porte d'une des classes de terminale scientifique.
— Mirajane ?
Interrompu brusquement dans son geste, elle se retourna vivement en reconnaissant la voix.
— Oh, salut, Jellal, salua-t-elle, un sourire tendu aux lèvres.
Le jeune homme hocha la tête, observant la jeune fille avec un œil perplexe. Elle semblait angoissée et assez préoccupé.e Y'avait-il un problème ?
— Pourquoi tu es là ?
— Je cherchais Luxus. Hum... Tu l'as vu ?
Ce dernier releva un sourcil. Le blond lui avait pourtant raconté que celle-ci ne désirait absolument pas le voir, qu'elle le détestait même. Aurait-elle changé d'avis ?
— Il est déjà rentré.
Mirajane baissa la tête. Était-il trop tard ?
* *
Contrairement au premier match auquel elle avait pris part, il y avait aujourd'hui un peu plus de monde et des visages qu'elle ne reconnaissait pas, probablement parce qu'elle ne les avait aperçus que brièvement la seule fois qu'elle était venue.
— Il y'a plus d'affluence aujourd'hui, non ? demanda-t-elle.
— Bah, c'est un affrontement contre les joueurs d'un autre quartier, ça doit être pour ça qu'il y'a plus de personne qui sont venus.
— Je vois.
<< Au moins lui, pas comme l'handicapée que Gajeel a ramené. Imagine ils sont ensemble ? Dégeu. >>
Éprouvant une désagréable sensation, la bleutée jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et fut presque paralysée par leur regard. Leurs expressions étaient empreintes de désobligeance, comme si Gajeel n'aurait jamais dû l'amener.
Comme si elle faisait tâche.
Le jeune homme prit la main de l'adolescente et l'emmena vers le seul banc disponible. Il lui recommanda de s'asseoir et déposa son sac de sport.
— Te voilà, t'es presque en retard.
La bleutée leva les yeux par-dessus l'épaule de Gajeel accroupi devant elle, et vit Luxus. Elle détourna aussitôt les yeux, se sentant mal à l'aise de croiser son regard.
Le brun ne répondit pas ce qui fit soupirer Luxus. Il avait assez de soucis personnels pour devoir en plus gérer sa jalousie mal placée.
— Faut qu'on parle, maintenant.
Gajeel suivit le blond et tous les deux se mirent à l'écart de manière à ce que la jeune fille ne puisse pas les entendre.
— Tu nous a vu hier c'est ça ? demanda directement Luxus.
— Si je prenais Mirajane dans mes bras ça te ferait plaisir à voir toi ?
— Non. Mais je ne l'ai pas fait avec de mauvaises intentions, elle allait très mal et j'ai simplement essayé de la calmer en attendant que t'arrives. T'as pas vu mes messages ou quoi ?
— C'est bon, j'sais que ça ne veux rien dire, mais ça me fait un drôle d'effet quand je repense à ça.
— Mouais, je vois. Mais bon, tu pourrais lui présenter mes excuses ? Je crois qu'elle a mal compris et me dévisage bizarrement.
— Excuse toi toi-même.
Le blond râla et partit rejoindre la bleutée assise sur le banc de touche, le regard parcourant le ciel. Sa grande silhouette lui bloqua la vue, mais l'adolescente demeura silencieuse. Il fut donc obliger de se racler la gorge.
— Désolée si mon geste d'hier t'a mis mal à l'aise. Tu m'ignores et ça me donne l'impression d'avoir fait un truc dégueulasse, commença-t-il, entamant la conversation.
— P-Pardon, on n'est pas très proche alors ça me met simplement très mal à l'aise.
— C'est bon, c'est pas comme si on s'était embrassé ou un truc du genre.
— C-Co... Comment tu peux dire ça ? s'offusqua-t-elle.
— Pourquoi tu bégaies ? T'aurais voulu que je t'embrasse ? rit-il.
— Il y'a rien d'hilarant dans tes paroles. C'est déplacé.
— T'inquiète, ça n'arrivera jamais, il n'y a aucune chance que je sois attiré par toi.
Ces paroles auraient certes dû être rassurantes, mais elles eurent un effet avilissant sur l'adolescente qui se sentit très humiliée.
— Oh, c'est rassurant de savoir que les filles handicapées ne peuvent pas t'attirer. J'imagine aussi que tu dois sûrement te demander comment Gajeel à pu tomber amoureuse d'une fille de mon genre. Mais si tu crois me blesser tu t-
— Forcément si on te dis que tu n'est ''mon genre'' tu penses direct que c'est à cause de ton handicap ? Tu as si peu d'estime de toi ou quoi ?
Honteuse, la bleutée baissa la tête et serra avec force le manche du sac de sport posé à ses côtés.
— L-Laisse moi tranquille.
— Je sais vraiment pas pour qui tu me prends. J'ne vois pas pourquoi je devrais remettre en question les sentiments que Gajeel te porte, mais on dirait bien que c'est plutôt toi qui as ce genre de pensée, car tu doutes de toi-même et tu es persuadée que les autres voient votre relation comme absurde. Tout le monde n'a pas ce genre de préjugé idiot. Le fait que tu sois handicapée n'enlève en rien ton charme, tu es très belle. Je voulais juste m'excuser si mon geste d'hier t'a mise mal à l'aise, et puis Gajeel nous a vus alors il fallait que j'essaie de clarifier les choses.
Luxus se retourna, prêt à rejoindre les autres joueurs sur l'aire de jeu.
— N'oublie pas de m'encourager, lança-t-il. Il faut bien que quelqu'un batte Gajeel.
Les joueurs se rassemblèrent sur le terrain, rejoignant chacun leur équipe respective, et elle fut surprise de voir Gajeel et Luxus ensemble. L'encourager pour qu'il batte Gajeel ? Il s'était bien foutu d'elle on dirait – Levy gonfla les joues – il était logique que seuls les meilleurs joueurs participent si les deux quartiers s'affrontaient. Ça ne devrait donc pas être surprenant de les voir jouer ensemble aujourd'hui.
Avant de se lancer dans le jeu qui débuta après le coup d'envoi, Gajeel regarda dans sa direction et cela la fit énormément rougir. À ce moment précis, il dégageait une aura puissante, si intense que son cœur s'emballa et que son visage devint drôlement chaud. Pourquoi le voir jouer lui donnait ce drôle d'effet de chaleur ?
Honteuse, elle se cacha le visage. Elle n'avait pourtant pas eu cette réaction la fois dernière. Qu'est-ce qui avait changé aujourd'hui ? Leur relation qui n'était plus du tout simplement de l'amitié ?
La jeune fille décida de se concentrer sur le jeu pour reprendre ses esprits. Elle pouvait filmer ?
Au cours de la rencontre, une nouvelle personne arriva, suscitant une certaine agitation parmi les autres joueurs sur le bord du terrain.
– C'est qui ? Elle est belle.
– Elle est venue voir qui ? Suis trop jaloux.
Intrigué Levy jeta un coup d'œil. Tout comme la dernière fois, Mirajane suscitait toujours autant d'attention. Il est vrai qu'elle était très belle et dégageait une attirance particulière.
La bleutée regarda sa camarade s'avancer et ne put s'empêcher de ressentir un léger pincement au cœur. Elle ne pouvait nier qu'elle se sentait un peu jalouse en constatant l'attention portée sur elle. Si elle était aussi attirante qu'elle, alors elle ne ferait plus autant honte à Gajeel chaque fois qu'ils se montraient ensemble.
Mirajane préféra rester plutôt à l'écart, mais suffisamment près pour pouvoir observer le match qui se déroulait.
Lorsque le temps imparti prit fin, la bleutée rangea son téléphone dans le sac et essaya de courir vers son partenaire qui essuyait son visage couvert de sueur à l'aide de son tricot.
— Gajeel ! Tu as gagné, souffla-t-elle, heureuse.
Gajeel réceptionna la jeune fille dans ses bras en lui rendant son sourire, mais il fut assez prit de court lorsqu'elle se mit à l'embrasser.
D'habitude elle n'aimait pas qu'il l'embrasse en public car elle avait l'impression de lui faire honte, même s'il se fichait sincèrement du regard des autres. Alors pourquoi maintenant ?
— Ça va ? questionna-t-il, un peu sonné lorsqu'il mit fin au baiser.
— Oui, c'était magnifique. J'ai tout enregistré, rit-elle. J'ai fais plein de vidéos.
Gajeel plongea son visage dans le cou de la jeune fille. Elle était si adorable, et puis il était incroyablement content de son geste. Certes ils s'embrassaient presque constamment, mais le fait qu'elle ait pris l'initiative le touchait profondément.
— Tu es couvert de sueur, rit-elle. Tu es humide.
— Tu n'aurais pas dû m'embrasser alors, parce que j'ai plus du tout envie de te lâcher, dit-il, soulevant la jeune fille dans ses bras qui lâcha un petit cri de suprise.
— On... On nous regarde, souffla-t-elle.
— Tu te soucies encore de ça alors que c'est toi qui as sauté dans mes bras pour m'embrasser ?
— Je... Je m'en suis pas rendue compte. J'étais tellement contente pour toi que j'ai surréagi... Désolée si je t'ai embarrassé devant tes amis.
— Hey, sache que ça ne m'embarrasse pas et que je n'ai pas honte de toi. J'adorerais que tu le refasses encore alors j'attends avec impatience la prochaine fois que tu me surprendras. C'est rare de te voir faire le premier pas.
L'adolescente appuya sa tête contre son torse. Rare ? Pour être plus exacte, elle n'avait jamais fait le premier pas vers lui. Que ce soit pour se réconcilier après une dispute, ou même pour leur amour, c'était toujours lui qui avait fait le premier pas vers elle. Elle comprenait à présent pourquoi il avait mis du temps à répondre à son baiser tout à l'heure. Il avait dû être très surpris.
— Tu peux me faire descendre ? je vais finir par te faire mal avec ma béquille. En plus tu dois être épuisé.
— Tu rentres avec moi ? J'ai envie de t'embrasser encore et encore. Qu'on soit juste tous les deux, j'aime pas quand un autre te regarde.
Levy emit un faible rire. Que racontait-il ? Personne ici ne la regardait de cette façon.
— Mais non. Et bien sûr que je rentre avec toi, j'ai encore beaucoup de temps libre.
Les deux lycéens quittèrent le terrain de basket main dans la main après avoir récupéré leurs effets.
*
Le blond observa attentivement Mirajane, entourée en majorité par des garçons. Son regard intense posé sur elle perturba fortement la lycéenne, qui tourna le sien vers ce point de pression tout en essayant de repousser les garçons venus pour la séduire.
Leurs regards se croisant s'entrechoquèrent et l'adolescente eut du mal à respirer normalement, surtout quand elle le vit faire un pas dans sa direction.
Fortement perturbée, la blanche quitta le groupe de garcons et s'approcha de la barrière en fer. Elle glissa ses doigts à travers le quadrillage, essayant de reprendre une respiration normale, mais la chaleur et l'humidité du corps qui l'entourait firent encore plus flancher ses sens.
— Pourquoi tu es là ?
— Je... Félicitations. C'était un beau match, souffla-t-elle.
Le blond pencha la tête vers l'avant pour lui chuchoter à l'oreille.
— Mira, pourquoi tu es ici ? redemanda-t-il, insistant lourdement sur son prénom.
Les mèches blondes du jeune homme effleurèrent sa peau, la faisant violemment rougir.
— Je suis juste venue... Je... Je te cherchais et Jellal m'a dit où je pouvais te trouver.
— Et donc ?
— Je voulais juste te poser une question mais j'ai pu constaté par moi même la réponse. Je vais donc rentrer.
Mirajane repoussa le blond pour dégager la voie, se sentant lâche. Elle n'avait même pas évoqué le quart de ce qu'elle était venue dire et voilà qu'elle s'enfuyait à la première occasion.
— Tu me manques, alors s'il te plaît ne pars pas si vite. Tu veux qu'on parle ?
Mirajane resta un moment silencieuse, indécise.
— Hier je t'ai vu, Levy et toi, vous aviez l'air d'être très proche. Elle te plaît ? cracha-t-elle, ignorant sa demande.
— Hein ? Ne redis plus ça si tu ne veux pas que Gajeel me tue. Elle ne m'intéresse pas, arrête de me poser cette question, c'est la deuxième fois déjà.
La jeune fille tourna la tête de côté et croissa les bras contre sa poitrine en se retenant de sourire.
— Oui, désolée. Je vous ai vu et bref... Je voulais juste m'en rassurer.
— Pourquoi tu voulais t'en rassurer ? Tu es celle qui m'as dit que tu ne voulais plus jamais me voir, ni même que je t'approche, mais on dirait bien que ça te dérange si je m'intéresse à quelqu'un d'autre.
— N-Non, j'étais juste curieuse c'est tout. Juvia m'a dit que Gajeel aimait cette fille et je trouvais ça un peu tordu qu'en étant son ami toi aussi t-
— Qu'est-ce que ça peux te faire si je m'intéresse à la même fille que mon ami vu que tu m'as envoyé balader ? coupa-t-il. Mirajane, on tourne en rond. Je repose ma question, pourquoi tu es là ? Je t'ai demandé si tu veux qu'on parle mais tu ne m'as toujours pas répondu.
La jeune fille resta à nouveau silencieuse. Les paroles blessantes qu'il lui avait si souvent lancé l'affectaient toujours autant, mais elle savait également qu'elle ne supporterait pas de le voir avec une autre fille.
Le blond soupira face au silence de la jeune fille.
— Je viens de finir un match, je suis exténué et j'ai besoin d'une douche. Si tu veux qu'on parle tu n'as qu'à venir avec moi, si non tu peux rentrer chez toi. Si tu as décidé de venir mais que tu te sens hésitante je comprends parce que j'ai pas le droit d'exiger quoi que ce soit, surtout à toi, mais...
Le blond s'approcha de l'adolescente ne laissant qu'une infime distance entre eux.
— Laisse-moi t'embrasser, juste cette fois.
L'aînée des Strauss sentit le souffle du garçon s'écraser contre la peau de son visage à chaque pas qu'il brisait. Encore quelques centimètres et elle pourrait satisfaire cette brûlante envie.
Luxus prit la jeune fille par la taille pour rapprocher leurs corps qui se désiraient mutuellement.
— Repousse-moi si tu ne veux pas, souffla-t-il, dégageant les mèches rebelles derrière son oreille.
Haletante, la jeune fille ferma les yeux. Pourquoi devrait-elle se priver de ce délicieux bonheur ? Pourquoi donc ? À cause d'une erreur qu'il avait commise parce que, comme tout le monde, il avait été dupé ? Il n'était pas responsable du fait qu'elle avait été injustement accusée à tort de harcèlement et renvoyée du collège. Il avait simplement souhaité prendre ses distances avec une fille qu'il avait jugée odieuse, sans cœur à cause de cette fausse accusation.
Le blond approcha lentement son visage du sien, scrutant attentivement sa réaction à chaque seconde, et le temps qui s'écoula semblait être un supplice pour Mirajane qui respirait de façon désordonnée dans les bras du garçon.
Luxus pressa ses lèvres contre celles de la jeune fille, et elle passa ses bras autour de son cou pour répondre passionnément à ce baiser. Leurs lèvres se mouvaient à l'unisson dans un rythme effréné, faisant monter en eux des sensations incroyables qui envahissaient leurs sens respectifs.
Mirajane glissa ses doigts dans ses mèches blondes et humides en raison de la transpiration, oubliant l'indiscrétion dont ils faisaient preuves.
— Je t'aime Luxus. Je t'aime.
Le blond caressa tendrement sa joue.
— Est-ce que j'ai le droit de te dire que je t'aimes aussi ? Est-ce que ton amour est assez fort pour que tu me pardonnes ?
L'adolescente déposa sa bouche au coin de ses lèvres en guise de réponse. Ils parleront plus tard, juste un peu tard. Pour le moment, elle désirait simplement qu'il l'embrasse jusqu'à ce qu'elle en perde la tête.
.............
Avis ?
23 février
Marie
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro