
soixante-dix-huitième
L'etendue du ciel était envahie de nuages gris aux dimensions diverses, la couleur azurée du firmament ponctuée de nuances jaunes orangées pour annoncer la tombée de la nuit, une nouvelle soirée de la saison hivernal et les étoiles se pointaient une à une de façon irrégulière avec l'obscurité croissante.
Depuis la fenêtre de son siège, avec la jeune fille endormie à ses côtés, le brun observait sans réelle attention toutes ces différentes transformations de l'horizon jusqu'à ce que le ciel devienne complètement noir durant les longues heures dont s'étendait leur trajet pour rentrer à Magnolia. Las, il tourna la tête vers la bleutée et caressa sa joue du bout des doigts. Ils arriveront certainement très tard, il valait mieux la laisser se reposer.
— Gajeel... murmura-t-elle, s'éveillant.
— Oui, rendors-toi, je te préviendrai quand on va arriver.
Les deux adolescents arrivèrent tard dans la nuit et Gajeel raccompagna la jeune fille chez elle, inquiet pour sa sécurité. Morte de fatigue, Levy s'assit sur le lit et tendit la main vers Gajeel qu'il saisit à la seconde.
— Ça va ? s'inquiéta-t-il.
— Oui, je suis juste très fatiguée. On est sortit en plein midi et il est près de vingt-deux heures.
Gajeel s'assit à ses côtés et elle serra très fort sa main.
— Merci d'avoir libéré toute ta journée pour m'accompagner et me soutenir. Il se fait tard et malgré ça tu es encore là avec moi.
— Tu m'as déjà remercié un bon nombre de fois. Comment tu te sens ?
— Ça m'a fait du bien, j'avais besoin de prendre conscience et d'accepter que je passerais des jours aussi importants sans elle à mes côtés. Depuis son enterrement nous n'avons jamais pris le temps de le faire, c'était très difficile, ensuite nous avons quitté la ville comme si on fuyait la réalité. Déposer ces fleurs était comme la laisser finalement s'en aller de ma vie, mais elle sera à jamais présente dans mon cœur.
Il glissa lentement ses doigts dans ses cheveux et déposa un baiser sur son front puis sur le dos de sa main. Elle appréciait ces gestes doux et affectueux qui exprimaient tellement : il la protégerait et veillera toujours sur elle.
— Tu es épuisée, c'était une longue journée. Repose toi, il se fait tard.
— Tu peux rester ici avec moi ?
— Ton père n'aimerait pas me savoir ici, Levy.
— Il n'est pas là. Qui sait s'il rentra même aujourd'hui. Je n'ai toujours pas de ses nouvelles malgré les messages que je lui ai laissés pour l'avertir de mon absence et qu'il ne soit pas surpris de ne pas me trouver à la maison. Je devrais l'appeler, j'ai besoin de savoir où il est et s'il va bien.
La bleutée retira son téléphone dans le sac qu'elle avait traîné toute la journée pour passer un appel vers le numéro de son père, mais elle tomba malheureusement sur sa messagerie.
— Il ne décroche pas. Pourquoi il ne décroche pas ? Qu'est-ce que je fais ? paniqua-t-elle. Je ne sais pas où il est.
— Calme toi, tu es particulièrement sensible aujourd'hui. Laisse moi continuer à appeler.
L'adolescente lui remit son téléphone et Gajeel enchaîna les appels qui tombaient toujours sur sa messagerie vocale.
— Il ne décroche pas, l'informa-t-il.
— Laisse tomber, de toute façon j'ai l'habitude qu'il m'abandonne. J'ai oublié qu'il ne tient jamais ses promesses bien longtemps, il m'a à nouveau laissé seule.
Gajeel reposa le cellulaire sur sa table de nuit. Il aurait tellement voulu qu'elle ne traverse pas toutes ces épreuves.
— Tu restes ici avec moi ? S'il te plaît. Je n'ai pas envie de me retrouver seule, encore moins aujourd'hui.
— D'accord, jusqu'à ce que ton père revienne.
Satisfaite, elle acquiesça d'un mouvement de la tête et saisit la fermeture du blouson qu'elle portait, prête à l'enlever avant de s'endormir.
— Merci, c'est vrai que j'ai passé de nombreuse soirée seule mais... je ne sais pas, j'ai p-
L'adolescente fit une grimace en plein milieu de sa phrase.
— Qu'est-ce qu'il y'a ?
— Je crois que la fermeture s'est coincée, informa-t-elle, tirant plus fort dessus.
— Fais voir.
Gajeel prit le relais et elle leva la tête vers lui. Ses yeux restèrent bloqués sur son torse, notamment sur les boutons de sa chemise, ravivant en elle une gêne profonde en se remémorant ce fameux jour.
— Pourquoi tu me fixes comme ça ?
— N-Non rien, c'est juste que je me suis rappelée de quelque chose.
Il haussa un sourcil, intrigué. De quoi pouvait-elle bien se souvenir pour la mettre autant mal à l'aise ?
— Et c'est quoi ?
La bleutée devint rouge pivoine. Mon dieu, il ne devait pas savoir qu'elle avait déboutonnée sa chemise pendant qu'il était endormi, et en plus qu'elle en avait profité pour le caresser.
— C'est... C'est sans importance, bafouilla-t-elle.
En la voyant rougir et de plus en plus mal à l'aise, il comprit approximativement de quoi elle se souvenait alors qu'il l'aidait simplement à réajuster sa fermeture.
— Je vois. C'est vraiment sans importance ou, c'est quelque chose de mal ? la taquina-t-il.
— N-Non... non... s'empressa-t-elle de répondre.
Ce n'était certainement pas sans importance pour elle. Son comportement avait certe été un moment d'égarement mais elle ne pouvait pas évincer de sa mémoire la sensation de chaleur qui avait enveloppé tout son être, ou le sentiment de toucher ses muscles sous ses doigts. Pour l'instant, elle préférait cependant garder cette vérité pour elle.
— Voilà, fais attention en refermant prochainement sinon ça va encore coincer.
La jeune fille arrêta inconsciemment la main de Gajeel à la volée lorsqu'il voulut s'éloigner.
— Il y'a un autre problème ?
La bleutée regarda les doigts longs et robustes du jeune homme. Que ressentirait-elle si jamais il venait à la caresser à son tour ? La sensation serait-elle violente ? Au point de lui faire oublier toutes les tristesses de cette journée ? Serait-ce aussi agréable que dans les romans qu'elle dévorait habituellement ?
— Si tu es fatiguée tu devrais dormir. Tu n'as pas l'air dans ton assiette, commenta Gajeel.
Son cœur se mit à s'affoler dans sa poitrine à la simple pensée d'être touchée d'une manière plus ou moins indécente par Gajeel, ce qui la rendit très honteuse. Il avait toujours su respecter son honneur et jamais il ne ferait quelque chose de ce genre de façon impulsive. Pourtant, elle avait un désir ardent de sentir ses caresses sur sa peau, d'explorer ces différentes sensations encore inconnues pour la première fois.
— Tu m'écoutes ? demanda-t-il.
— O-Oui, je devrais m'endormir, murmura-t-elle. Je me sens assez étourdie, désolée. Prends moi dans tes bras un moment s'il te plaît.
— T'es sûr que ça va ?
— Oui, je veux juste que tu me prennes dans tes bras avant que je m'endorme.
Gajeel l'enveloppa de ses larges bras et l'adolescente posa sa tête contre sa poitrine. Entendre les battements déchaînés de son cœur exerçait sur elle un effet presque hypnotique, similaire à une mélodie envoûtante impossible à résister et à laquelle on s'abandonnerait volontiers. Il dégageait une odeur sauvage qui embaumait son esprit, une senteur forte et dominante qui lui retournait la tête au point de faire vaciller toutes les limites que lui dictait sa vertu. Troublée, elle fit descendre le manteau qu'il portait, le forçant à se reculer.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je t'aide simplement à retirer ton manteau, tu ne comptes pas dormir avec moi ?
Déstabilisé, il prit une seconde avant de lui répondre.
— Je peux le faire moi-même, ne te gêne pas. Et si tu dormais maintenant ?
Il voulut la faire s'allonger sur le lit, mais elle entoura ses bras autour de son cou pour stopper son geste.
— Non, je n'ai pas sommeil. Restons comme ça encore un peu, souffla-t-elle, brisant la maigre distance le séparant de son visage.
Elle déposa alors un baiser humide sur le coin de ses lèvres, sur sa joue, sa pommette, sa tempe, avant de lui murmurer tout doucement à l'oreille.
— Je peux continuer à t'embrasser ?
Sans lui laisser un temps de réponse, elle poursuivit :
— Je veux dire, t'embrasser partout, précisa-t-elle.
Pris de court, il eut du mal à rétorquer tout en masquant son trouble dans le son de sa voix.
— Tu sais pas ce que tu dis. Levy, arrête ce que tu fais...
Désobéissant, elle enfouit ses doigts sous sa chemise le faisant tressaillir, provoquant une onde de plaisir incontrôlable. Il la poussa alors violemment sur le lit et immobilisa ses mains au-dessus de sa tête.
— Je t'ai dis d'arrêter !
L'adolescente se mit à rougir en se sachant désormais emprisonnée en-dessous de lui.
Les deux jeunes se mirent à respirer de façon désordonnée, échangeant des regards de convoitise, et leurs souffles s'entremêlant créèrent une ambiance totalement luxueuse.
— Ne me provoque pas comme ça, souffla-t-il, se rapprochant de ses lèvres.
De plus en plus envoûté et hors de contrôle, il parcourut son corps du regard, remontant son genou entre ses cuisses. La bleutée laissa échapper un faible gémissement à cela, brisant le peu de maîtrise que possédait encore Gajeel.
— Fais-moi l'amour, Gajeel. S'il te plaît, fais-moi l'amour cette nuit, je veux sentir ton amour.
Il saisit brusquement ses lèvres et, sans lui lâcher la bouche, il glissa ses doigts sous sa jupe. Des frissons lui parcoururent le corps, cette sensation était à la fois exceptionnelle, mais aussi inhabituelle et étrange pour la jeune fille que sa respiration devint agitée.
Levy ferma les yeux lorsqu'il parcourut son cou de sa bouche. Sa langue était si chaude et humide qu'elle avait l'impression que sa peau se consumait sous ses sillons brûlants. Soudain, il s'interrompit et se leva brusquement d'au-dessus d'elle en faisant un horrible constat.
— Non ! Levy, non. Je peux pas.
La remarque qu'il fit agit sur lui comme une douche froide. Il reprit toute maîtrise et se giffla intérieurement. Comment avait-il pu négliger son état émotionnel ?
— Qu'est-ce qu'il y'a ? Je ne te plais pas ? questionna-t-elle, choquée par son rejet. C'est parce que je n'ai pas un joli corps ?
— Bien sûr que non, tu es magnifique Levy, tu es tellement belle.
— Alors c'est quoi ?
— C'est pas ça que tu veux.
— Si, je suis sûr de moi.
— Alors pourquoi tu trembles ?
En baissant le regard, Levy constata qu'elle avait les mains tremblantes, que son cœur battait énormément vite, comme si elle faisait face à une menace imminente.
— C'est... C'est parce que c'est ma première fois, je suis nerveuse et je... Je...
Ne pouvant plus réprimer ce terrible sentiment de flétrissure, elle serra le blouson contre sa poitrine.
— Je l'ai ressenti Levy, que tu ne voulais pas ça. T'as pas les idées claires en ce moment, tu ne sais pas pas ce que tu fais.
Gajeel sortit de la chambre et la bleutée resta allongée dans le lit. Pleine de culpabilité, elle se recroquevilla contre elle-même et s'enroula dans sa couverture, morte de honte.
La jeune fille fixa longuement la fenêtre de sa chambre jusqu'à épuisement. Lentement, elle tourna son regard vers l'entrée de sa chambre. Est-ce que Gajeel était rentré ? Cela faisait une bonne dizaine de minutes qu'il s'était enfermé dans les toilettes depuis qu'elle avait entendu la porte de la pièce claquer après qu'il soit sortit d'ici. Il était certainement très remonté contre elle pour l'avoir provoqué sans être complètement consciencieuse – Levy enfonça la tête dans son oreiller – Elle ne savait pas si elle devait le remercier de l'avoir arrêté à temps, ou se sentir humiliée d'avoir été repoussée si violemment, comme si elle était dégoûtante.
N'en pouvant plus de cogiter sans arrêt, elle sortit du lit et partit frapper à la porte de la salle de bain.
— G-Gajeel tu... Tu es encore là ?
— Qu'est-ce que tu veux ?
Blessée, elle serra le bas de sa jupe.
— Je voulais simplement savoir si tu comptes rentrer.
Le brun resta silencieux et elle retourna dans sa chambre, mal à l'aise. Persuadée qu'il rentrerait chez lui d'un moment à un autre, elle enfila son pyjama rose à motifs de feuilles et s'enfouit sous ses couvertures, se préparant à passer une nouvelle soirée seule dans cette maison.
Inopinément, la porte s'ouvrit quelques minutes après et Gajeel s'assit sur le rebord du lit, lui montrant le dos. Tout de même heureuse de le voir, elle se releva et voulut lui prendre dans ses bras mais il l'arrêta.
— Évite de me toucher s'il te plaît.
Levy baissa la tête, un pincement au cœur. Des longues secondes silencieuse s'ecoulèrent entre eux et la bleutée replia ses pieds contre elle. Las d'attendre, elle prit la parole.
— Je suis désolée. J'ai mal agi en laissant mes pensées divaguer, j'ignorais que j'en arriverais à ce point. Je ne voulais pas te faire ça et jouer avec toi.
Le brun soupira.
— Je suis pas en colère contre toi mais contre moi-même. J'ai pas pu me contrôler et j'ai réagi impulsivement alors qu'il est évident que tu es émotionnellement instable aujourd'hui.
— Mais c'est parce que je t'ai provoqué. S'il te plaît ne me tourne pas le dos, tu n'as pas à t'en vouloir alors que tout est de ma faute. Au contraire je te suis reconnaissante, une fois de plus tu m'as prouvé que mes sentiments ont beaucoup d'importance pour toi, dit-elle, en posant doucement sa main sur celle de Gajeel.
Appréhendant qu'il la repousse à nouveau, elle fut ravie lorsqu'il sera très fort sa main dans la sienne.
— Tout ça ne serait pas arrivé si tu t'étais simplement endormie, plaisanta-t-il, essayant de faire redescendre le malaise qui s'était installé entre eux.
La jeune fille sourit. Il avait raison.
— J'aurais dû me soucier de choses plus importante. Je n'ai toujours aucune nouvelle de mon père et il ne répond à aucun de mes appels, ni à mes messages. J'ai peur que quelque chose lui soit arrivé. Depuis ce matin je n'arrive pas à lui parler. Et si un malheur lui était vraiment tombé dessus ? On devrait appeler la police ou...
— Peut-être qu'il passe une journée difficile et qu'il a juste envie d'être seul, dit-il, essayant de la rassurer. Aujourd'hui doit être éprouvant pour lui, n'imagine pas le pire
— J'espère que c'est juste ça. Je vais appeler à nouveau, se decida-t-elle.
* * *
La circulation routière était plus fluide avec l'avancée de la nuit et l'heure de pointe terminée depuis des heures. Les rues étaient éclairées par les réverbères, et les lumières artificielles des commerces scintillaient devant monsieur Mcgarden, assis sur un banc à l'angle d'une rue presque désertique à plus de vingt trois heures tapantes.
Cette journée qui portait maintenant un voile très sombre pour sa famille s'achevera dans moins d'une heure et il ne savait comment il avait réussi à tenir jusqu'ici. Il était arrivé tôt à son poste aujourd'hui mais lorsque la journée de travail se termina en début de soirée, il avait été incapable de rentrer chez lui. Sa femme lui manquait atrocement et les souvenirs qu'il chérissait autrefois pesaient maintenant lourdement sur son moral. L'accident restait très vif dans sa tête, même après cinq mois.
La température glaciale de l'extérieur lui picotait la peau, et son manteau ne paraissait plus assez chaud pour le protéger s'il devait rester assis à cet endroit pendant des heures encore. Malgré tout, il n'avait aucune envie de rentrer chez lui, même si sa fille lui en voudrait sûrement pour l'avoir à nouveau abandonné en dépit de toutes ses promesses, surtout un jour aussi important qu'aujourd'hui.
Les mains tremblantes, il ouvrit l'étuve d'alcool et but cul sec la boisson forte rempli au deux tiers. L'odeur du scotch lui irrita les narines, le liquide brun le heurta violemment et lui brûla la gorge à la descente, provoquant une sensation de chaleur intense qui se propagea dans tout son corps.
Il vida la bouteille de quelques centilitres qu'il déposa par la suite sur le banc avant de sortir son téléphone de sa poche. Quelle heure était-il ? Cela faisait des heures qu'il s'était assis là à regarder les passants, les établissements fermer ou ouvrir, la ville s'animer, les commerces se remplir puis les rues se vider en raison de l'heure tardive.
Plusieurs notifications s'affichèrent à l'écran lorsqu'il déverouilla son appareil qu'il avait mis en mode silencieux pour éviter toute perturbation. Sa fille lui avait effectivement laissé plusieurs appels en absences et des milliers de messages.
M'adorable fille
—————————————
Papa tu vas bien ?
—————————————
En lisant le dernier message que lui avait envoyé sa fille il y'a quelques minutes à peine, sa conscience fut immédiatement confrontée à sa propre erreur, le blessant comme une flèche pénétrant son cœur. Il comprit qu'il avait fait une grosse connerie. Pourquoi était-il contraint de demeurer dans ce cycle ? Pourquoi ne pouvait-il tout simplement pas rejoindre sa femme ? Pourquoi avait-il fallu qu'il éprouve un amour si profond qui le faisait tant souffrir maintenant qu'elle n'était plus là ? Si seulement il pouvait effacer de sa mémoire ces émotions débordantes qui le noyaient.
Matthias prit son visage entre ses mains et laissa libre cours à ses larmes, accablé par sa situation. Sa conscience lui pesait, sachant que son égoïsme avait des conséquences douloureuses pour sa fille. Se levant pour rentrer chez lui, il trébucha, subitement pris de vertige, et se rattrapa en s'appuyant sur le sol, sa tête tournoyant.
Non loin de là, une jeune dame s'immobilisa sur le trottoir pour héler un taxi après la fermeture du bar où elle venait de terminer son service. Elle était épuisée. C'était difficile pour elle de devoir rentrer si tard tous les jours, parfois à des heures encore plus tardives. Même après toutes ces années, il lui était toujours difficile de s'habituer à un rythme de vie si intense.
— En plus il gèle ! se plaignit-t-elle, frottant ses mains l'une contre l'autre.
Elle admira les rues vides. Super ! Elle aura du mal à trouver rapidement un taxi aujourd'hui on dirait.
En enfilant une seconde écharpe qu'elle gardait toujours en réserve dans son sac à main, la jeune femme aperçut un homme en difficulté tout en face. Devrait-elle lui venir en aide ? Fréquenter les rues la nuit lui avait principalement appris à être méfiante.
Elle regarda à gauche puis à droite et se rendit compte avec consternation qu'il n'y avait pas grand monde, et les rares passants ne semblaient guère soucieux de l'état de cette personne. Se montrer indifférente à son tour serait inexorablement contraire à ses valeurs éthiques, d'autant plus qu'un malheur pourrait survenir une fois le dos tourné. L'égoïsme humain pouvait entraîner des conséquences désastreuses, voire mortelles pour autrui, c'est pourquoi il était toujours impératif de réagir sans tarder. La gérante décida alors de traverser la route pour s'accroupir face à ce monsieur ayant du mal à se relever.
— Monsieur ? Monsieur, vous allez bien ?
La vision affaiblie par le taux d'alcool ingéré ce soir, il ne distingua qu'une chevelure noire et une voix de femme.
— Elisabeth ? souffla-t-il en s'accrochant à sa main.
Surprise, elle se dit qu'il souffrait manifestement d'une grande absence au point de ne plus être conscient de la réalité.
— Désolée, je ne suis pas cette Elisabeth que vous attendiez voir. Euh... Ce n'est pas un endroit pour vous endormir, vous devriez rentrer chez vous. Il se fait tard.
— Rentrer ? J'aimerais bien mais je ne peux pas aujourd'hui.
— Vous ne pouvez pas restez là, il gèle dehors, en plus vous n'allez pas l'air bien.
— Je ne veux pas que ma fille me voit comme ça.
— Si vous avez une fille c'est une raisin suffisante pour rentrer, elle doit être inquiète pour vous à cette heure à vous savoir dehors, et je ne pense pas que vous devriez la laisser seule. Relevez-vous, d'accord ?
La jeune dame l'aida à se relever et vit deux mignonnette d'alcool vides sur le banc. Il empestait certes l'alcool mais jamais elle n'aurait imaginé qu'il aurait ingéré une telle quantité. C'était des liqueurs fortes en plus.
En le regardant plus attentivement, elle semblait percevoir un air très familier sur le visage de cet homme. C'était probablement un des nombreux clients du bar étant donné qu'elle rencontrait pas mal de monde durant son service. Ce qui la dérangeait intérieurement était sa ressemblance étrange avec l'amie de son fils. Est-ce que c'était un parenté ? Ou n'était-il pas celui avec qui elle avait eu une discussion dans le bar il y'a plusieurs mois déjà ? On dirait la même personne.
— J'ai l'impression de vous avoir déjà vu. C'est vrai que je travaille dans un bar, alors je vois plein de gens. Dites-moi, il y'a un bar tout près d'ici, est-ce que vous y êtes déjà allé ?
— Je préfère éviter de fréquenter ce genre d'endroit plein d'alcool.
— Hum... Alors pourquoi avez-vous bu si vous n'aimez pas ça ?
— Parce que je suis un lâche qui n'arrive pas à surmonter ses problèmes.
— Ne vous inquiétez pas, ça arrive de se sentir faible de temps en temps. Votre fille doit être inquiète. Appelez-la et dites-lui que vous rentrez bientôt.
Monsieur Mcgarden obéit simplement et rappella sa fille qui, de toute évidence le détestait peut-être déjà.
— Enfin papa tu réponds ! Où tu es ? Je t'appelle depuis des heures et je n'ai pas de nouvelles de toi depuis ce matin. S'il te plaît dis moi que tu vas bien.
— Oui je vais bien. J'arrive, je suis en chemin. Tu peux t'endormir à présent, désolé de t'avoir inquiété.
— Je préfère t'attendre. Rentre vite, je t'en prie.
— D'accord, je fais vite, répondit-il avant de raccrocher.
Il passa une main sur son visage. Il avait merdé.
— Vous allez pouvoir rentrer ? demanda la jeune femme.
— Je devrais me dépêcher, si non elle ne va pas s'endormir.
— Je vois.
Monsieur Mcgarden soupira.
— Je ne veux pas qu'elle me voit comme ça.
— Mais vous ne pouvez pas restez ici, elle va s'inquiéter plus.
Monsieur Mcgarden le savait. Les erreurs finissaient toujours par rattraper.
— Comment s'appelle votre fille ? Enfin, si ça ne vous dérange pas de me le dire, demanda-t-elle, ayant un mal de tête à force de vouloir se souvenir de ce visage.
— Elle s'appelle Levy.
Madame Nora se vit finalement confirmée dans son hypothèse, et elle ne pouvait en aucun cas abandonner le père de Levy dans une telle situation.
— C'est un jolie prénom. Vous vouliez que je vous ramène ?
— Vous avez deja été très gentille en montrant du soucis pour moi, vous auriez pu passer votre route comme tous les autres. Ne prenez pas toute cette peine pour un inconnu.
— Ne me remerciez pas, toute personne devrait se montrer compatissant envers une personne en difficulté. En plus s'il s'agit de la Levy que je connais, je n'aimerais pas laisser tomber le père d'une amie de mon fils.
Monsieur Mcgarden fronça les sourcils. Il avait la tête qui tournait, et il fut incapable de continuer la conversation.
— Vous m'ecouter ? s'enquit-elle.
— Mhmm....
Nora soupira. Il était tellement ivre qu'il avait finalement perdu le fil de la discussion.
— Je vais vous appeler un taxi. Vous pouvez me donner votre adresse si ce n'est pas incommodant pour vous ?
Il ne répondit pas, se sentant vertigineux. Nora décida alors d'emprunter le téléphone et de rappeler au dernier numéro qui ne tarda pas de décrocher.
— Oui allô, papa, tu es déjà en route ?
— Désolée, ce n'est pas ton père. Il a un petit problème et... Je sais que c'est incommode de demander mais j'aimerais connaître votre adresse pour pouvoir le ramener.
— Qu'est-ce qu'il a ? C'est grave ? Et vous...
— Je suis une amie, fit-elle obligé de dire. Il est juste ivre et j'aimerais appelé un taxi pour le ramener.
— Euh et bien l'adresse c'est***
— Merci.
Levy raccrocha, troublée. Pourquoi était-il avec une femme ?
— Qu'est-ce qu'il y'a ? Tu fais une tête étrange.
— C'est mon père, il est avec une femme et... Je ne sais pas si j'ai bien fait de donner notre adresse comme ça.
— Tu la connais ?
— Je ne pense pas, je ne savais pas qu'il avait une amie ici à Magnolia... Elle a dit qu'il avait du mal à rentrer seul. Tu crois qu'il a passé toute la journée avec elle ? Il ne me répondait pas. J'espère que mon père n'a rien et que je n'ai pas de raison de m'inquiéter.
La bleutée partit se blottir dans ses bras et se laissa bercer par Gajeel. Elle n'écoutait malheureusement plus ces mots réconfortants, perturbée et beaucoup trop inquiète pour son père. Et si elle avait commise une erreur en divulguant ainsi leur adresse ? Ça... Ça pourrait être des malfrats, ou bien pire encore.
— Gajeel, j'ai vraiment peur d'avoir fait une erreur.
— T'as constaté quelque chose de bizarre ?
— Pas vraiment, elle avait l'air sincère.
— Alors calme toi. On en saura plus quand il sera là.
La jeune fille hocha la tête, et seule la sonnerie qui retentit une vingtaine de minute plus tard dans la maison brisa le silence qui s'était installé entre eux.
— C'est lui, il est la ! s'exclama-t-elle avec soulagement en descendant du lit.
L'adolescente saisit sa béquille et partit précipitamment ouvrir la porte principale. Elle pensait s'être suffisamment préparée à voir celle qui accompagnait son père, mais sa surprise fut grande en découvrant la femme qui avait probablement passé toute cette journée avec lui.
— Madame Nora ?
— Levy ! Je n'étais pas sûr que ce soit toi, mais j'ai bien fais de suivre mon instinct. J'ai vu que ton père avait un souci alors j'ai décidé de le ramener.
La jeune fille posa un regard à la fois choqué, attristé et déçu sur son père.
— Il est saoul, il a encore bu, souffla-t-elle.
Elle serra le poignet de la porte pour ne pas s'effondrer. Elle détestait le voir dans cet état.
— Ne restez pas dehors, entrez. Je vais le conduire dans sa chambre. Tu peux marcher ? demanda-t-elle à son père.
Il acquiesça et prit la direction de sa chambre aidé par Levy qui avait simplement prit sa main.
— Marche tout doucement, lui intima-t-elle.
Levy s'éclipsa avec son père et les deux membres de la famille Redfox restèrent seuls au salon, chacun dans son coin.
— Je ne pensais pas te trouver ici, commença Nora, ne supportant plus le silence inconfortable entre eux.
Lui non plus ne s'attendait pas à voir débarquer sa mère ici. Il ignorait que monsieur Mcgarden et elle étaient amis. Sa langue le brûlait à force de retenir sa curiosité mais c'était ses affaires et jamais jusqu'à ce jour il ne lui avait posé des questions sur ses relations personnelles.
— Et... Euh tu es là depuis longtemps ? Tu comptes rentrer ? Il se fait quand même assez tard, continua-t-elle.
Nora ressera les mains autour de son sac. Il n'allait à nouveau pas lui répondre ? Pourquoi il la regardait comme ça sans rien dire ?
Levy regagna la salle de séjour, délivrant Nora de cette situation embarrassante avec son fils. Leur relation était vraiment horrible au fil des années. Il se contentait toujours de l'écouter parler sans répondre, et quand il le faisait, elle se sentait toujours blessée par ses paroles.
— Madame Nora, je suis très reconnaissante que vous ayez ramené mon père, lui remercia Levy. Je ne savais pas que vous vous connaissez. Il était avec vous aujourd'hui ?
— Non, non ce n'est pas ça. Je sortais du travail et j'ai remarqué qu'il n'allait pas bien donc je me suis approchée et j'ai vraiment été perturbée par cette ressemblance. Je l'ai alors aidé et raccompagné.
— Ah je vois. Je... Je croyais que... enfin, comme vous aviez dit au téléphone que vous étiez amis.
— Je ne voulais pas que tu t'inquiètes de donner ton adresse à une personne que tu ignores.
Levy fut rassurée. Elle s'était imaginée tant de chose en apprenant qu'il était avec une femme jusqu'à si tard. Nora l'avait juste aidée.
— Merci, vraiment merci pour ce que vous avez fait.
— Ce n'est pas grand chose. Je ne vais pas vous déranger davantage, je vais rentrer maintenant, decida-t-elle.
— Mais il se fait très tard, ce n'est pas très sûr de traîner dans les rues à cette heure.
La jeune femme guetta Gajeel. Il ne voulait sûrement pas la voir ici.
— Désolée, je ne peux pas rester, en plus ce n'est pas une première pour moi de rentrer si tard. Je travaille dans un bar donc je n'ai pas peur de la nuit si c'est ça qui t'inquiète, sourit-elle pour la rassurer. Prends soin de ton père.
Levy était à court de mots pour la persuader de rester. Nora ne pouvait pas rentrer à cette heure, à minuit presque, elle allait s'affoler à la savoir déambuler dans la nuit. Désespérée, elle jeta un regard à Gajeel pour lui demander de l'aide.
— Reste, tu ne devrais pas trainer dans les rues si tard chaque jour de toute façon, dit-il brusquement.
— Euh... D'accord, accepta-t-elle, prise de court par la demande de son fils qui lui fit tout de même plaisir.
<< Tu ne devrais pas trainer dans les rues si tard chaque jour. >>
Alors, il s'inquiétait souvent pour elle ?
— Il y'a pas de chambre d'ami mais vous pouvez dormir dans la mienne. Venez, je vais vous amener, avança Levy, ravie de la savoir ici.
L'adolescente partit en prenant la main de Nora pour se rendre dans sa chambre, ensuite elle fouilla dans son armoire pour récupérer une couverture.
— Installez vous. J'espère que vous serez à l'aise.
— Mais toi, où tu vas dormir ? Tu ne comptes quand même pas passer la nuit au salon. C'est ta chambre, c'est à moi de m'installer sur le fauteuil.
— Mais non, restez ici. Vous avez aidez mon père et je ne peux pas vous faire dormir sur un canapé. Le lit est assez grand pour deux personnes, je reviens.
Levy se rendit au salon avec la couverture en main et découvrit Gajeel allongé sur le canapé. Elle se sentait mal de le laisser dormir là, mais il était hors de question de le renvoyerchez lui à une heure aussi tardive.
— J'ai apporté ça pour toi. J'espère que ce n'est pas trop inconfortable ici.
— Évidemment que c'est inconfortable, vu que tu m'as jeté de ton lit.
— Désolée, ce n'est pas ça. Je ne voulais pas que ta mère s'aventure dehors à une heure pareille. Il est minuit, j'allais m'affolée. Honnêtement, je ne voulais pas qu'elle rentre, ça me fait tellement plaisir qu'elle soit là, en plus aujourd'hui, sourit-elle, heureuse.
Gajeel était conscient de l'attachement profond de Levy pour sa mère et le fait d'avoir perdu la sienne renforçait cet amour qu'elle lui portait.
— Tu sourit enfin. Pas ces sourires tristes que tu as affichés toute la journée, mais un vrai sourire, et ton regard est plus joyeux. Je crois que je vais devenir jaloux qu'elle ait réussi à faire ça en moins d'une minute.
La jeune fille se mit à rire. Oh là là.
— Tu vois, tu te mets même à rire.
— Allez, pourquoi être jaloux de ta mère ? Tu es celui qui me fait le plus sourire et tu me rends constamment heureuse. Merci d'être resté avec moi toute la journée. Sans toi je serais sans doute restée en larmes dans mon lit.
— Ne garde plus des choses qui te font de la peine, parle-moi car je serai toujours là pour toi. Je ne suis pas comme tes amis, je ne compte pas t'abandonner.
— Oui je sais, tu l'as prouvé à plusieurs reprises, j'avais juste peur de t'ennuyer à nouveau alors que je t'ai promis d'aller mieux.
— Et je vois bien tous tes efforts, mais si tu n'arrives pas à supporter davantage je suis là.
— Merci.
Il sourit et prit sa main.
— Il se fait tard, va te reposer.
— On se voit demain, d'accord ?
— Qu'est-ce que tu crois, je suis pas du genre à m'enfuir pendant que l'autre dort.
La jeune fille rougit, honteuse.
— Pourquoi tu me rappelles ça ? Je t'avais expliqué pourquoi j'ét-
Il posa un doigt sur ses lèvres, et leurs respirations se mêlèrent densément lorsqu'il réduisit la distance séparant leurs lèvres.
— J'aurais aimé te serrer dans mes bras et dormir auprès de toi cette nuit, mais fais de beaux rêves, murmura-t-il contre sa bouche. Surtout, rêve de moi.
Ses lèvres effleurèrent celle de la jeune fille, ce qui la fit soupirer.
— Embrasse-moi... souffla-t-elle.
— Pourquoi ? Je le ferais à nouveau quand tu seras prête. Prête d'être avec moi.
— Je vais mourir d'impatience, avoua-t-elle, en s'accrochant à son bras.
— Et moi je meurs d'impatience chaque jour. Levy, prends conscience que tes décisions me font aussi souffrir. J'ai un cœur qui saigne à force de t'attendre.
— Je promets d-
— Ne promets pas s'il te plaît, juste, aime-moi.
Il déposa un baiser sur son front, un geste que Levy accepta sans plus.
— Passe une bonne nuit, dit-il, caressant sa joue.
— Bonne nuit à toi aussi Gajeel , fais de beaux rêves.
Levy retourna dans sa chambre, et trouva Nora assise dans le lit semblant réfléchir.
— Vous ne dormez pas encore ? Il vous manque quelque chose ?
— Non... Non, j'ai juste un peu du mal à m'endormir, je me posais une question. En fait, je suppose que tu ne souhaites pas en parler, mais je me demandais si ton père à un problème ou si c'est la première fois qu'il se retrouve ivre. Je m'inquiète pour toi.
— Malheureusement ce n'est pas la première fois, mais aujourd'hui je m'y attendais un peu.
— C'est un jour important ?
Levy hocha la tête et partit s'allonger sur le lit aux côtés de madame Nora qui ne trouvait pas encore le sommeil.
— C'est l'anniversaire de ma mère aujourd'hui.
— Et, où est-elle ?
L'adolescente prit son temps avant de répondre. Ce n'était jamais évident de confier ça.
— Ça fait cinq mois qu'elle est décédée.
Mon dieu, si récent en plus elle l'ignorait.
— Oh, navrée. Elle te manque pas vrai ?
— Tellement, elle me manque beaucoup, surtout aujourd'hui. Je suis allée déposer des fleurs sur sa tombe. Depuis qu'elle est morte je n'ai pas pu y aller. Ça m'a vraiment fait du bien.
— Je suis ravie que ça t'a libéré.
— Oui, c'était important pour moi. Madame Nora, je peux vous demander quelque chose ?
— Oui, vas-y.
— Vous... Vous pouvez me prendre dans vos bras ? Si ça ne vous dérange pas.
— Euh... oui, bien sûr, accepta-t-elle, assez surprise par la demande tout de même.
Nora prit la jeune fille dans ses bras, ce qui la remplit de joie.
— Merci de me faire ressentir à nouveau cette chaleur. Ça m'a manqué, ça me rappelle ma mère.
Levy ferma les yeux pour profiter de cette étreinte.
— Gajeel a de la chance de vous avoir encore. Profitez de chaque moment ensemble, parce que ces souvenirs seront les plus chers lors des jours malheureux.
Profitez ? Si seulement elle le pouvait.
— J'aimerais bien passer plus de temps avec lui, mais il ne voudrait certainement pas.
La jeune dame s'arrêta sur cette phrase qui lui déchirait profondément le cœur. Une réalité trop dure pour la mère qu'elle était.
— J'espère que ça ne vous dérangera pas que je vous le dise, mais je suis sûr qu'il ne vous déteste pas.
— Tu crois ? Il te parle souvent de moi ?
— Difficilement, il ne préfère pas mais je suis certaine qu'il vous aime, c'est sûrement pour cela qu'il se sent autant affecté par certaines choses du passé.
Levy remonta les couvertures sur elle alors que Nora cogitait sur ces paroles. Gajeel l'aimait vraiment ?
— Merci de m'avoir prise dans vos bras. Passez une bonne nuit.
— Oui, passe une bonne nuit aussi.
Nora repoussa la tête en arrière. On dirait un véritable casse tête.
..........
J'espère que la lecture vous a plu.
Avis ?
16 juillet
Marie
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