— Je veux que pour la semaine prochaine vous ayez choisi un sujet et trouvé un binôme, annonce notre professeur de français.

Je me retourne vivement vers Shawn assis à ma gauche. Je n'ai pas besoin de parler pour qu'il comprenne ma question silencieuse.

— Évidemment qu'on se met ensemble !

— Cool ! J'ai déjà plein d'idées de projet. On pourrait parler de Victor Hugo c'est quelqu'un d'important, en plus ses bouquins sont fabuleux. Ou alors Louis XIV, j'ai toujours voulu aller au château de Versailles, énoncé-je avec enthousiasme.

— Doucement Hadley, on a toute la semaine pour y penser, se moque mon ami.

Je boude légèrement ayant été coupée dans mon élan. Les personnages français m'inspirent beaucoup et j'ai hâte de faire mon exposé.

— Je vous donnerai les dates pour rendre votre travail la semaine prochaine, poursuit notre professeur.

Un brouhaha occupe la salle depuis l'annonce du projet. Chaque élève doit faire comme Shawn et moi, chercher son binôme.

Depuis la dernière soirée, à chaque cours de français, nous nous installons ensemble. Je me sens  vraiment bien avec lui, c'est un garçon très gentil et assez marrant. De plus, il est sérieux en cours donc j'arrive bien à suivre à ses côtés.

Le professeur nous libère. Je range donc mon trieur et ma trousse dans mon sac avant de descendre les marches de l'amphithéâtre suivi de peu par Shawn.

— Tu rentres en métro ?

— Oui comme d'habitude. Et toi ?

— Je passe chez moi et ensuite on se rejoint tous chez Austin. Tu veux venir ? C'est pas loin de chez toi en plus.

Je réfléchis quelques instants. Sortir ne peut pas me faire de mal surtout si je rentre tôt. En plus, je me suis avancée sur mes cours. Mon père devrait être d'accord.

— Oui pourquoi pas, répondis-je.

— Cool, en plus il y a le reste de la bande ce soir qui vient. Tu pourras les rencontrer.

— Tu pourras me donner l'adresse ?

— Oui, donne-moi ton numéro et je te l'envoie quand je rentre chez moi avec les autres détails.

— Merci beaucoup Shawn. À tout à l'heure !

Je me dirige vers la station de métro ayant hâte d'être à ce soir pour m'amuser un peu.

♦♦♦

Lorsque j'arrive devant chez moi, il fait déjà nuit. L'automne est bien entamé et les journées raccourcissent peu à peu. Le temps s'est rafraîchi ces derniers jours. En ouvrant la porte, je crie à mon père que je sors ce soir. Comme je n'ai aucune réponse, je monte dans ma chambre pour poser mes affaires. Je me dirige ensuite vers la chambre de ma petite sœur qui est déjà couchée à mon grand étonnement.

— Céleste, chuchoté-je.

Aucun son ne sort de sa petite bouche. Elle doit sûrement dormir. Je referme en douceur sa chambre et parcours la mienne jusqu'à mon dressing. Je prends un jean, un chemisier et mes sous-vêtements avant d'aller me doucher. Je souris bêtement en pensant aux nouveaux amis que je me suis fait. Jamais je n'aurais pensé avoir des gens sur qui compter en si peu de temps. Mais les avoir près de moi me fait du bien.

Comme Shawn m'a informée que nous mangerions ensemble chez Austin puisqu'ils commanderaient des pizzas et que je pouvais venir dès que j'étais prête, je m'empresse de me préparer. En me souvenant que Asher sera là, j'ai soudainement chaud et du mal à respirer. Pourquoi me trouble-t-il autant ? Peut-être parce qu'on a vécu des moments forts tous les deux.

Je décide donc de me maquiller légèrement avant de partir. Pourquoi est-ce que je fais ça ? Pour plaire à Asher ?

Je retourne dans ma chambre pour enfiler mes bottines et prendre mon foulard ainsi que mon manteau. Avant de partir je veux trouver mon père pour le prévenir de ma sortie.

Je descends au salon espérant le voir.

— Papa ?

Il ne répond pas donc je cherche ensuite dans la cuisine.

— Papa ? crié-je plus fort.

— Tu comptes aller où comme ça ? me surprend mon père derrière moi.

Je sursaute et me retourne. Des rides barrent son front. Ça ne sent pas bon, il semble en colère. Les cernes sous ses yeux et ses poings serrés finissent de me convaincre.

— Je ne te trouvais pas tout à l'heure, commencé-je doucement, alors je suis montée.

— Ce n'est pas ce que je t'ai demandé Hadley ! Où comptes-tu aller ?

— Mes amis m'ont invitée, ils ne sont pas loin d'ici je comptais rentrer tôt.

— Ah oui tu comptais rentrer tôt ? Et depuis quand c'est toi qui décide ? s'emporte-t-il.

Il crache ses mots et son haleine empeste l'alcool. Depuis que je suis rentrée à la fac, il n'avait pas eu beaucoup d'écart de ce genre. Sûrement se rendait-il compte que Céleste comptait sur lui comme j'étais moins présente.

— N'oublie jamais Hadley que tu es incapable de prendre une décision seule. N'oublie jamais que vous les femmes ne rapportaient que des problèmes. Tu es du même sang qu'elle ! Le monde se porterait mieux sans elle et sans toi !

Ces mots ont le même effet qu'un électrochoc. Je me fige un instant avant que des frissons d'horreur me parcourent le dos. Je ne veux pas qu'il me voit pleurer alors je file en vitesse à l'étage. Des larmes perlent à flot sur mes joues. Je m'enferme dans ma chambre et m'écroule sur mon lit en serrant fortement mon coussin contre moi. Je mords ce dernier pour taire mes cris évitant de réveiller ma petite sœur. J'ai l'habitude de ses mots blessants mais cela n'empêche pas qu'ils m'atteignent chaque fois.

J'ai besoin de prendre l'air. J'ouvre ma fenêtre, l'escalade et descend en m'aidant de l'arbre comme lorsque je sors pour les courses. J'erre dans les rues voisines en traînant des pieds.

Je ne sais pas vraiment où je vais ni depuis combien de temps je suis dehors. Je m'arrête sur un banc pour souffler. Mon nez me fait mal à force d'avoir pleuré. Je ne dois vraiment ressembler à rien mais ça m'est égal. Je repense à ma vie d'avant.

— Maman, je hurle dans toute la maison, Papa est là ! Papa est rentré !

Je l'ai deviné lorsque j'ai vu ses bagages dans l'entrée. Je cherche partout dans la maison en vain. Mais pourquoi il n'y a personne ? Je cours ensuite vers le jardin et trouve mes parents s'enlaçant. À la vue de mon père dans son uniforme, j'accours à lui en criant de joie. Il se retourne en m'entendant puis se baisse à ma hauteur pour pouvoir me réceptionner. Je lui saute dans les bras et nous sourions tous les deux. Il me sert fortement pendant de longues minutes ne voulant pas me lâcher.

— Ça te dit que cet après-midi on aille au parc faire de la balançoire et manger des glaces ?

— Oh oui Papa tu es le meilleur !

Il m'embrasse avant de se relever et caresser le ventre rond de ma mère.

— Comment va ce petit bout de chou ?

— C'est une fille.

Mon père hoquette et sert sa femme dans ses gros bras. Ils rient tous les deux et l'émotion leur donne les larmes aux yeux. Je mets un peu de temps avant de comprendre et lorsque l'information arrive à mon cerveau je reste figer de stupeur. Ils se tournent vers moi.

— Ça veut dire que.. que je vais avoir une petite sœur ? bégayé-je.

— Oui ma chérie ! Ça te fait plaisir ?

— Oh oui maman, je serai la meilleure des grandes sœurs. On jouera à la poupée ensemble !

Mes parents rient devant mon enthousiasme. Nous nous étreignons encore quelques minutes profitant du retour de mon père et de ce moment de bonheur.

Je souris à la pensée de ce souvenir. C'était il y a un peu moins de dix ans, pourtant je m'en rappelle à merveille. La naissance de Céleste a été un des plus beaux moments de ma vie. Mon père avait été là pour assister à l'accouchement et avait pu profiter de ma petite sœur. Comment notre famille avait-elle pu autant se déchirer ?

- Hady ! hurle ma petite sœur. Papa vient de rentrer !

Comme chaque fois, je me précipite vers lui pour le prendre dans mes bras. Céleste s'accroche aux jambes de mon père qui passe un bras autour de moi et l'autre autour de ma sœur. Il nous embrasse heureux d'être rentré. Mais je vois bien à ses traits tirés qu'il est plus fatigué que d'habitude malgré le sourire qui s'étend sur son visage. Il semble avoir pris dix ans en quelques mois.

— Où est ta mère ? me demande-t-il.

— Dans la cuisine. Attends je vais la chercher.

Je rejoins ma mère rapidement et lui annonce que son mari est rentré. Elle se contente de hocher la tête sans se donner la peine de relever la tête. C'est bien la première fois que je ne la vois pas accourir lorsque mon père franchit la porte. Elle ne se sent peut-être pas bien aujourd'hui.

Les jours qui avaient suivi n'avaient pas été faciles. Mon père était sur les nerfs constamment. Il haussait le ton facilement suivi de peu par ma mère. Je ne les avais jamais vu se disputer. Même lorsque mon père avait annoncé qu'il ne repartirait pas avant un long moment ça n'avait pas eu l'air d'apaiser les tensions au contraire. Ma mère avait parfois claqué la porte et disparu durant plusieurs jours avant de réapparaître.

À l'époque, j'avais très mal vécu cette période et depuis, ça n'allait pas forcément mieux.

Je souffle longuement comme pour évacuer toute cette tension et rentre chez moi doucement. Je ne sais vraiment pas comment améliorer la situation.

Lorsque je m'allonge enfin dans mon lit, une lumière qui clignote me tape à l'œil. Elle provient de mon téléphone que j'avais laissé sur ma table de chevet. Et merde ! J'ai complètement oublié de prévenir Shawn que je ne venais pas. Résultat : deux appels en absence et six textos. Je vois également qu'il est presque minuit et que cela fait trois heures que je suis dehors. Je ne m'en étais même pas rendu compte. Je décide de rassurer mes amis.

J'ouvre tout d'abord les trois messages de Shawn.

[Tu penses arriver bientôt ? Les pizzas vont refroidir !]

[Tu es peut-être occupée pour l'instant. On t'a laissé une part de pizza. Dis-nous quand tu viens.]

[Tout va bien ? Tu nous inquiètes. Préviens-nous dès que possible.]

Je lui réponds ensuite.

[Tout va bien, j'ai eu un imprévu. Désolée de ne pas avoir prévenu.]

Sa réponse est directe.

[Tu nous as fait une de ces peurs ! On se voit dans la semaine, bonne nuit]

J'ai également deux messages de Sharon.

[On t'attend pour manger alors bouge tes fesses j'ai faim ! En plus Asher te cherche partout du regard !]

[Répond nous, tu nous fais flipper à répondre nulle part. Je suis prête à appeler la police !]

Je m'en veux un peu d'avoir inquiété mes amis mais cela me touche qu'ils aient pensé à moi. Je rassure également Shay en lui souhaitant aussi une bonne soirée.

Pour finir, je regarde le message provenant d'un numéro inconnu.

[Quand tu plantes les gens, aies au moins la décence de les prévenir. Ça changerait de d'habitude.]

Malgré le fait que le message n'est pas été signé je sais parfaitement de qui il provient. Asher. Sa rancune envers moi m'affecte plus que je ne l'aurais imaginé. Je retiens mes larmes qui menacent de couler à nouveau. Apparemment, ce qu'il pense de moi a toujours de l'importance dans mon cœur. Je ne l'ai peut-être pas autant oublié que ce que je croyais.

Je pose nerveusement mon téléphone et m'enroule dans les couvertures pour essayer de m'endormir.

***

Coucou tout le monde !

J'espère que le chapitre vous a plu. Il y en aura sûrement 2 aujourd'hui car il me faut 10 chapitres pour pouvoir m'inscrire à un concours qui m'intéressait 😉

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