18. Nuit d'absolution
Dans le bus qui nous mène au motel, tout le monde est silencieux. Le goût amer de la défaite emplit nos bouches. Le pire dans tout ça, c'est que les Bruins auraient pu écraser les Wildcats mais la malchance s'invite parfois même chez les meilleurs. Et cerise sur le gâteau, les joueurs de l'Arizona sont des gros porcs.
Évidemment, je sais que ce genre de comportement machiste et irrespectueux existe, mais je n'en avais jamais fait les frais. Cela me donne la sensation d'être sale et je suis secouée au plus au point depuis cet affreux événement. J'ai tenté de faire disparaître ce sentiment d'impureté sous la douche, en vain.
Les sportifs sont connus pour avoir des comportements parfois incorrects envers les filles, surtout les footballeurs, mais je n'ai jamais vu un Bruin agir de la sorte. Ils sont seulement réputés pour enchaîner les coups d'un soir mais tant que les filles sont consentantes, il n'y a pas de malaise. Là, le Wildcat a clairement dépassé les bornes et j'en frissonne encore de dégoût.
Sharon, à mes côtés, s'insurge du comportement du footballeur et l'incendie tellement que s'il était en face d'elle, il se sentirait plus bas que terre. Le soutien qu'elle me montre me fait plaisir mais l'entendre parler de ce qu'il s'est passé ne m'apaise pas, bien au contraire. Je me mure dans un silence et fais abstraction de l'agitation de Shay.
Mes pensées dérivent d'elles-même vers Asher. Savoir qu'il m'a défendu, qu'il s'en est pris physiquement au Wildcat pour moi me comble égoïstement de joie. Pire : cela me fait espérer qu'il tienne encore suffisamment à moi pour me protéger. Mon côté rationnel ne cesse de me dire qu'Asher aurait agi de cette manière pour n'importe qu'elle autre fille de notre équipe mais mon cœur lui, me crie que non. Il me persuade que j'ai une place spéciale au sein du palpitant d'Asher, que j'ai eu droit à un traitement de faveur.
Et puis, sa dernière phrase tourne dans ma tête comme une douce mélodie. «Ouais mais cette fois-ci il s'est attaqué à la mauvaise personne.». Pour mon côté sentimental, celui qui n'a jamais oublié Asher, cela veut tout dire. Et malgré ma raison qui tente par tous les moyens de me protéger pour ne plus souffrir à nouveau par amour, j'espère. J'espère qu'Asher me pardonne. J'espère qu'il nourrisse pour moi les mêmes sentiments qu'autrefois. J'espère pouvoir à nouveau le prendre dans mes bras, sentir son parfum qui me faisait perdre la tête. J'espère simplement qu'il m'aime sans jugement ni condition.
De mon côté, je n'arrive toujours pas à mettre de mots sur ce que je ressens pour lui. Je ne suis pas certaine de lui vouer le même amour que lors de notre relation mais je sais qu'il ne me laisse pas indifférente. Notre situation actuelle et notre passé font que cela est différent d'autrefois. Cependant, les heureux souvenirs que je garde de nous suffisent à me donner envie d'avoir une seconde chance.
Le bus s'arrête enfin sur le parking du motel. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de dormir pour oublier les sales pattes du Wildcat posées sur moi. Je m'empresse d'atteindre ma chambre, lance mon sac de sport dans un coin de la pièce puis enfile une tenue de nuit avant de plonger sous les draps.
Après m'être tournée et retournée dans mon lit sans jamais trouver le sommeil, je décide de me lever. Mon esprit cogite depuis une heure sur les intentions d'Asher et j'ai besoin d'en avoir le cœur net, sinon je sens que je n'arriverai jamais à fermer l'œil de la nuit.
En silence, je me faufile au dehors de la chambre pour ne pas réveiller Sharon qui ronfle légèrement de manière adorable. Je ne prends pas la peine de me changer, trop pressée d'obtenir des réponses à mes questions. Le vent frais qui accompagne la pluie torrentielle me fait frissonner. Je n'aurai jamais dû choisir cette tenue comme pyjama. Le petit short de sport et le t-shirt à l'effigie de l'université ne suffisent pas à me réchauffer.
Deux Bruins discutent appuyés contre la rambarde du premier étage. M'apercevant que je ne sais absolument pas où se trouve la chambre d'Asher, je leur demande mon chemin.
— Salut, vous savez où est Asher ?
L'un des deux footballeurs hausse un sourcil surpris tandis que le deuxième me répond d'un air goguenard.
— Il est dans la 122.
Je le remercie et m'empresse de les quitter. Habituellement, j'aurai été mal à l'aise face aux pensées qui ont dû leur traverser l'esprit de savoir que je rejoignais leur coéquipier en petite tenue mais ce soir, j'ai d'autres choses en tête. Tout particulièrement ce qui a poussé Asher à me défendre.
Je brûle d'impatiente de connaître ses explications lorsque je toque à la porte de sa chambre. Cependant, ce n'est pas mon ex qui vient m'ouvrir mais un de ses partenaires de jeu.
— Wade c'est pour toi, annonce le footballeur en s'écartant me laissant voir l'objet de ma visite.
Ce dernier est allongé torse nu sur son lit et fixe son téléphone d'un œil morne. Je m'extasie face à sa musculature et me demande comment il peut avoir chaud ainsi alors que moi, je meurs de froid sur le palier.
— J'ai pas envie d'avoir de la visite ce soir. Je préfère être seul.
Je fronce les sourcils en tentant de décrypter cette phrase. À quel genre de visite s'attendait-il ? Je ne peux retenir la perfidie de la jalousie qui monte en moi en imaginant une autre fille que moi frappant à sa porte. Après tout, c'est un footballeur. Il doit sûrement avoir un nombre incalculable de conquête.
Le Bruin face à moi me lance un regard contrit. Je le regarde sévèrement et il comprend de suite le message.
— Je crois que la visite en question n'est pas décidée à partir.
Asher pose rageusement son téléphone sur le lit et se lève en grognant, prêt à en découdre avec l'indésirable qui le dérange, en l'occurrence moi. J'ai tout le loisir d'étudier le haut de son corps dénudé et d'apprécier la danse si sexy des muscles de son dos lorsqu'il se redresse. Ses trapèzes développés sont un appel à la luxure. Il y a deux ans, il était déjà très séduisant mais aujourd'hui, avec sa carrure plus développée et son aura virile, il atteint des sommets.
Quand Asher se tourne vers la porte et qu'il m'aperçoit, sa bouche s'entrouvre de surprise. Il ne s'attendait pas à me voir débarquer. En même temps, il y a un peu moins de dix minutes, je ne m'imaginais pas non plus devant sa porte.
Asher reprend ses esprits en se raclant la gorge avant de prononcer en cachant sa stupéfaction :
— Qu'est-ce que tu fais ici ?
Le footballeur qui m'a ouvert nous dévisage chacun notre tour avec attention et doit sûrement sentir la tension qui émane de nous puisqu'il déclare :
— Je vais vous laisser discuter tranquillement, on dirait que vous avez plein de choses à vous raconter.
Je m'écarte un instant pour lui permettre de sortir puis fait face à Asher qui vient d'enfiler un vieux t-shirt blanc. C'est peut-être mieux ainsi, au moins je resterai concentrée sur la discussion qui nous attend. Je piétine mal à l'aise. Le footballeur ne m'invite pas à entrer et ne fait aucun geste pour m'y encourager. Frigorifiée, je prends la décision pour nous deux en pénétrant dans sa chambre puis referme la porte derrière moi. Un peu intimidée et ne sachant pas par où commencer, je reste le dos plaqué contre cette dernière. Je détourne le regard en découvrant l'attention d'Asher posée sur moi et me maudit d'être aussi stupide pour m'être introduite dans le camp ennemi sans plan d'attaque ni solution de repli.
Alors que je réfléchis sérieusement à faire demi-tour sans un mot, mon ex met fin à mon supplice.
— Je n'arrive pas à savoir si je suis surpris de te voir là ou non.
Je relève la tête puis face à ma mine interrogative il poursuit :
— Tu es du genre à te poser plein de questions quand tu ne comprends pas quelque chose et à ne rien lâcher pour obtenir des réponses. Enfin, c'était comme ça quand je te connaissais encore, ajoute-t-il d'un ton morne.
— Tu me connais, je réplique piquée au vif. Je n'ai pas tant changé que ça !
En prononçant ces mots, je me rends compte de leur fausseté. C'est un demi-mensonge mais je me suis sentie obligé de me défendre.
— Ah oui ? Pourtant, dès l'instant où tu m'as laissé sans explication, tu es devenue une étrangère.
Si seulement il comprenait ce qui m'a poussé à changer. S'il savait que j'y ai été forcée.
— Je n'ai pas eu le choix, crié-je désespérée.
— Mais putain on a toujours le choix Hadley ! s'emporte-t-il en diminuant soudainement la distance qui nous sépare.
Je suis forcée de lever le menton afin de pouvoir garder un contact visuel avec lui. Il est rouge de colère et semble prêt à m'étriper. Je fronce les sourcils, remontée contre lui et mes erreurs passées.
— Tu n'en sais rien, le contré-je. Tu n'étais pas à ma place ni dans ma tête.
Je vois dans ses prunelles que sa rage monte d'un cran.
— La faute à qui ? Bordel mais tu t'entends parler ? Comment voulais-tu que je devine ce qu'il y avait dans ta putain de tête alors que tu m'as largué du jour au lendemain sans rien m'expliquer.
Je me rembrunis car il a raison mais je suis trop égoïste et lâche pour l'avouer. Voyant qu'il a réussi à me faire taire, il en profite pour me balancer à la figure tout ce qu'il a sur le cœur.
— Et tu ne me peux même pas me reprocher de ne pas avoir essayer. Je t'ai appelé chaque jour durant des semaines même si chaque fois je tombais sur ta foutue messagerie. J'ai dû y laisser un millier de messages. Je suis même allé jusqu'à passer tous les soirs devant ton lycée pour te voir t'échapper par derrière continuellement. Et là, tu as le culot de me dire que tu n'avais pas le choix ?
Apeurée et abattue, j'ose un regard dans sa direction. Il tourne en rond dans la pièce tout en débitant son flot de parole incessant et se tire la crinière de manière douloureuse.
— Est-ce que moi tu m'as donné le choix ? Est-ce qu'à un moment donné tu t'es demandée si j'avais quelque chose à dire vu que ça me concernait ? Non, je ne crois pas. Et est-ce que tu as regretté d'être aussi égoïste ? La réponse est encore non.
Les larmes me sont montées aux yeux et menacent de se déverser. Ses paroles sont dures mais ce qu'il me fait le plus mal c'est de savoir qu'il a raison. Ça et d'entendre sa douleur dans sa voix éraillée par les souvenirs et la colère.
— Tu n'as pas le droit de dire ça ! je me défends. J'ai regretté ce que je t'ai fait chaque seconde qui a suivi.
Il se retourne brusquement complètement fou de rage.
— Alors pourquoi est-ce que tu l'as fait ?
— Parce que je t'aimais !
Nous avons hurlé tellement fort que les voisins ont dû nous entendre. Je prie juste pour que personne ne vienne nous interrompre. Malgré ma vue brouillée, j'arrive à percevoir l'hébétement d'Asher. Mes paroles l'ont estomaqué et le silence est revenu. J'exploite ce moment afin de réussir à m'expliquer un minimum.
— Je sais que tu dois trouver ça stupide et incompréhensible mais j'ai coupé les ponts avec toi de manière radicale parce que je voulais te protéger.
Il est trop sonné pour articulé le moindre mot et s'assoit sur le bord de son lit. Je n'ai aucune idée s'il m'écoute ou non mais je poursuis tout de même. C'est ma seule chance de m'exprimer.
— J'ai eu des problèmes quelques semaines avant qu'on se... Enfin que je ne te réponde plus. J'y ai réfléchis longtemps et le meilleur pour toi c'était de rester loin de tout ça. Alors oui, comme je t'aimais j'ai choisi ton bonheur à la place du mien. Du coup, d'une certaine manière, oui j'ai fait un choix tu as raison, mais ce n'était pas celui que j'aurai fait si je n'avais pensé qu'à moi. J'ai choisi de te préserver, toi. Et pas moi.
Sentant qu'il s'est calmé, je m'installe près de lui lentement en gardant une distance de sécurité pour ne pas le brusquer.
— J'ai essayé de te détester, souffle-t-il au bout de ce qui paraît être une éternité. J'ai vraiment essayé de toutes mes forces.
Légèrement déboussolée, je ne sais que lui répondre alors je me contente de l'observer. Il a toujours la tête enfouie entre ses mains.
— Je pensais que ce serait plus facile pour t'oublier. Mais ça n'a pas été le cas. J'en ai chier et j'espérais secrètement que tu souffrais autant que moi. Puis un jour, je suis passé à autre chose et je ne pensais plus à toi. Ça a foutrement bien fonctionné jusqu'à ce que tu te pointes l'autre jour à mon match. Je t'en ai voulu à point...
Je n'arrive pas à savoir s'il est remonté contre moi ou juste triste. Ses paroles semblent m'accuser tandis que sa voix transcrit sa peine.
— Je suis désolée Asher. Ce soir-là, j'étais loin de me douter que tu serais là. Je pensais ne jamais te revoir.
— Oui moi aussi et je l'espérais, m'avoue-t-il en tournant enfin vers moi son visage tordu par la tristesse pour plonger ses pupilles dans les miennes.
Je n'arrive même pas à lui en vouloir pour ces mots blessants car je sais qu'il ne cherche pas à m'amocher encore plus. Il énonce juste un fait.
Ma curiosité refait surface et je me souviens de la raison de ma venue. Je prends mon courage à deux mains et me lance :
— Pourquoi tu m'as défendu ce soir si tu me détestes tant que ça ?
Il ricane me donnant l'impression d'être stupide mais il contredit rapidement cette sensation.
— Je ne te déteste pas.
— Mais pourtant tu as dis que... je rétorque incrédule avant d'être interrompue.
— Je sais ce que j'ai dis. Je t'ai détesté oui et je t'en ai voulu de réapparaître dans ma vie mais j'ai pas réussi à te haïr très longtemps, surtout quand ce mec s'en ai pris à toi.
J'ai complètement perdue la face tant je suis surprise alors je choisis la facilité.
— Merci de m'avoir défendu. Et je suis désolée de t'avoir créé des problèmes avec ton coach.
Il sort enfin la tête de ses mains et redresse son dos. Ainsi, il me dépasse de plusieurs centimètres. Il m'observe avec instance et comme s'il me voyait pour la première fois depuis que je suis entrée dans sa chambre, il remarque mes jambes dénudées qu'il ne quitte plus des yeux. Je vois qu'il est toujours blessé par ce que je lui ai infligé, qu'il n'oubliera pas mon abandon de si tôt mais nos relations se sont apaisées, comme si un accord tacite s'était instauré entre nous.
Je me racle la gorge puis me lève en lançant un sourire timide et peu confiant à mon ex.
— Je vais me recoucher. Merci de m'avoir écouté. Je sais que toutes les excuses du monde ne suffiront jamais à me faire pardonner mais j'espère qu'on pourra réussir à s'entendre et même peut-être à ressembler à des amis si on doit se côtoyer souvent.
Pour toute réponse, j'ai le droit à un hochement de tête et à un sourire crispé. Je m'éloigne en vitesse avant de regagner ma chambre. Je ne risque pas de trouver le sommeil cette nuit.
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