14. Course poursuite
J'enroule mes bras autour du buste de Jayden et m'agrippe à lui de toutes mes forces. N'ayant pas de casque, je plaque ma tête dans son dos pour tenter de me protéger un minimum. La moto démarre dans un rugissement et nous propulse à vive allure dans des nuées de terre séchées.
Le motard manie son engin avec dextérité entre les obstacles du terrain en pleine nuit. Tout du long, je ferme les yeux ayant trop peur de regarder le paysage défiler à 150km/h et de nous voir prendre un mur ou toute autre misère. Les sirènes des voitures de police me vrillent tout autant les tympans que le vent qui siffle à mes oreilles. Je crois que je vais terminer sourde. Enfin, si nous arrivons vivants à destination. Ce qui n'est pas gagné.
Je sens que nous venons de rejoindre la route au son du moteur et à la conduite plus lisse de Jayden. Mon corps est moins ballotté que tout à l'heure. J'ose ouvrir un œil pour regarder la distance qui nous sépare de nos poursuivants. Mon cœur rate un battement quand je les aperçois à une centaine de mètres.
— Accélère, accélère, ordonné-je à Jayden sachant pertinemment qu'il ne m'entend pas.
Sentant sûrement ma frayeur, le conducteur accélère d'un coup sec me propulsant en arrière. Une odeur de gazole arrive jusqu'à mes narines et la station service à l'entrée de Los Angeles passe dans mon champ de vision. Nom d'un chien ! Ne me dîtes pas qu'on arrive en ville ? Le coup sec que donne Jayden dans son guidon pour éviter un obstacle répond à ma question.
— Ralenti, ralenti, le supplié-je dorénavant.
Malheureusement, cette fois-ci il n'exauce pas ma demande, bien au contraire. Il slalome entre les véhicules ne prêtant aucune attention au klaxon des automobilistes mécontents. Après un virage serré sur la droite pour pénétrer dans une autre rue, nous nous retrouvons bloqués par des véhicules arrêtés. J'entends brièvement Jayden jurer. Un coup d'œil derrière nous m'indique que les policiers sont à deux doigts de nous tomber dessus.
Le motard redémarre et se faufile tant bien que mal jusqu'au trottoir. Les piétons s'écartent et fulminent d'avoir failli être écrasé lorsque la vitesse de la moto monte à nouveau.
— Je vais mourir, couiné-je en resserrant ma prise autour de Jayden.
Le pilote réussit à récupérer la route en ayant laissé sur place les véhicules de police. Pourtant, il ne ralentit pas. La panique en moi commence à baisser. Un bon point, je ne me ferais pas arrêter par les flics ce soir. Il ne reste plus qu'à arriver en un seul morceau et vu sa conduite, je n'en suis pas certaine. C'est ce qui fait que je ne suis pas totalement sereine.
Le mouvement brusque de la moto me fait rouvrir les paupières et lorsque je vois les policiers débarquer d'une ruelle pour nous pourchasser, mon cœur refait une tachycardie. «Accroche-toi» il me semble entendre. Je redresse la tête pour appréhender la suite des opérations et mon sang se glace quand je découvre un grand carrefour. Non pitié, glapis-je.
Jayden ne décélère pas. La terreur m'empêche de fermer les yeux qui restent ronds comme des billes à l'approche de ce nouveau danger. Je prie silencieusement pour que le conducteur s'arrête. Je préfère passer une nuit au poste plutôt que mourir déchiqueter sur la route. Mes jambes nues et ma tête sans protection n'y survivraient pas.
Le feu passe au rouge et notre vitesse ne cesse d'augmenter. Jayden esquive habilement les véhicules arrêtés devant le croisement et s'y engage à vive allure. Ma respiration se coupe. Le temps semble défiler au ralenti. Mon corps est parcouru de frissons lorsqu'un camion passe derrière nous. À quelques secondes près, j'étais morte.
Soudain, un hurlement déchirant sort de ma gorge quand je me rends compte qu'une voiture me fonce droit dessus. Mes mains se crispent sur la veste en cuir de Jayden à en avoir mal. Je me retrouve effarée, piégée comme un animal par les phares éblouissants d'un véhicule. Le motard tente d'éviter une mort certaine brusquement, nous déséquilibrant.
Les larmes ruissellent désormais le long de mes joues, se glaçant à cause du vent. Céleste pardonne-moi, j'aurais dû rester auprès de toi. Je suis trop jeune pour mourir. Il me reste tant de choses à voir, tant de pays à parcourir, tant de sensations à connaître.
Avec ahurissement, je constate après plusieurs secondes que rien ne se passe. Je jette des regards aux alentours pour vérifier que tout est bien réel. Sans comprendre comment, nous roulons calmement en direction d'un quartier tranquille de Los Angeles. Maintenant que Jayden a ralenti, je décroche une main de son torse pour tâter mes membres. Je suis bien en chair et en os, je suis bien en vie. J'inspire l'air avec bonheur comme si c'était un bien très rare.
Sans pouvoir m'en empêcher je pousse un cri de joie en levant les bras. Si à cet instant je n'étais pas sur cet engin de la mort, je me mettrai sans aucun doute à danser. Ayant perdu mon maintien, je manque de me casser la figure. Je me raccroche bien vite à Jayden. Il ne manquerait plus que je me fracasse une jambe après avoir survécu à la folle course-poursuite de cette nuit.
Le motard finit par ralentir et s'arrête sur une allée pavée devant une jolie maison blanche au toit d'ardoise. Jayden pose ses deux jambes de chaque côté pour se stabiliser, met la béquille et enlève son casque. Je descends hâtivement de peur de devoir affronter Jayden seul à seul. L'adrénaline de la course poursuite est retombée d'un coup. Il se retourne et plante ses yeux électriques chargés d'intensité dans les miens.
— Pas trop secouée ?
— Non, je réponds mais la pâleur de mes joues me trahit ce qui n'échappe pas à son regard expert.
Un rictus sarcastique s'incruste sur son visage.
— Certaine ? Car il me semble t'avoir entendu crier.
— J'ai cru que j'allais mourir ! Tu roules comme un... comme un...
Je cherche mes mots tout en agitant les bras tel un moulin submergé par le stress en repensant aux phares de la voiture fixés sur moi.
— Comme un quoi ? s'amuse-t-il.
— T'es un vrai taré ! Tu as failli nous tuer une bonne dizaine de fois, hurlé-je.
— Tu aurais préféré que je te laisse en plein désert avec les flics au cul ?
Je ne pipe mots. Je suis mal placée pour critiquer sa conduite plus que dangereuse alors qu'il est bien le seul à ne pas m'avoir abandonnée. Même Denzel s'est barré sans une once d'inquiétude pour moi. Et je suis censée être sa protégée. Quel crétin ! Voyant qu'il m'a cloué le bec, Jayden se marre comme si j'étais l'être le plus drôle sur Terre.
— C'est bien ce que je pensais, alors tu devrais me remercier pour avoir sauvé tes petites fesses au lieu de râler. Allez, suis-moi.
Le motard se dirige vers un escalier qui borde la demeure. Il veut vraiment que je vienne chez lui ? Hors de question. Je me retourne vers la rue et resserre mes mains autour de mes bras pour me réchauffer.
— Qu'est-ce que tu fous ?
Jayden s'est stoppé en bas des marches et m'observe.
— Je rentre chez moi ça ne se voit pas ?
— Mais tu habites où ?
— Long Beach.
— Tu es au courant que c'est à plus de huit heures de marche ? fait-il remarquer d'un air insolent en croisant les bras sur son torse bombé.
— Oui mais les bus vont reprendre, en attendant je vais m'avancer.
Je me détourne de lui et j'entreprends de continuer ma route.
— Tu sais que les rues de L.A sont dangereuses la nuit, surtout quand on est une fille seule sans défense.
— Perspicace, merci pour l'info, me moqué-je. Tu as qu'à me ramener monsieur le génie.
Il relâche ses bras et inspire bruyamment.
— Non je ressors pas ma bécane maintenant. Je risque de retomber sur les flics.
— Et bien c'est réglé, je rentre à pied.
Jayden grogne, peste entre ses dents que je suis têtue, passe sa main dans ses cheveux et me rejoins en quelques enjambées. Lorsqu'il se baisse et qu'il m'attrape pour me poser sur son épaule, je pousse un cri de surprise. Pendant qu'il m'entraîne à l'étage je me débats du mieux que je peux en lui donnant des coups dans le dos sans effet.
— Jayden pose-moi de suite ! lui ordonné-je. Laisse-moi marcher !
Mes protestations n'ont pour conséquences que de le rendre hilare. Il me ballote comme un sac à patates dans l'escalier puis s'arrête sur le palier pour chercher ses clés dans la poche de son jean.
— Fais-moi descendre, promis je te suivrais, tenté-je de l'amadouer.
— Trop tard, fallait m'écouter avant au lieu de jouer les filles bornées.
Je grommelle de frustration. Le sang commence à me monter à la tête. Lorsque j'entends la porte s'ouvrir, je pense qu'il va me poser dès qu'on sera entré mais il en décide autrement.
— Jayden !
— Chut tu vas réveiller Mme Grepis au-dessous.
Impatiente qu'il me lâche, j'opte pour une autre technique que les poings et les supplications. Je soulève sa veste en cuir et mords le bas de son dos à travers son t-shirt. Réaction immédiate. Il me pose sans demander son reste et j'affiche un air triomphant.
— Mais tu vas pas bien ! s'exclame-t-il en se frottant la belle marque de dents qu'il doit avoir.
— Aux grands maux les grands remèdes comme on dit.
Il ronchonne en passant près de moi puis disparaît un instant dans une autre pièce. J'ai à peine le temps d'observer la sobre décoration qu'il rouvre la porte.
— Viens.
Ce coup-ci, je ne m'obstine pas à le contrarier. Une fois m'a suffi. Jayden me laisse entrer et l'horreur doit se voir sur mon visage puisque le brun s'empresse de me rassurer.
— Ne t'en fais pas je ne vais pas dormir avec toi. Je te laisse le lit, moi j'irais dans le canapé.
Je retrouve mon souffle et mes muscles crispés se détendent.
— Tiens enfile ça pour dormir tu seras plus à l'aise qu'avec cette tenue, déclare-t-il en me détaillant de bas en haut laissant des points incandescents là où son regard ardent se pose.
J'attrape les vêtements qu'il me donne et attends qu'il parte pour pouvoir me changer. Ce qu'il n'a pas l'air de vouloir puisqu'il reste planté là. Je lui lance une œillade appuyée pour lui faire comprendre de sortir. Quand il se retourne, j'ai tout le loisir de contempler son imposante carrure et la naissance de sa chevelure noire dans sa nuque. Un étrange frisson me parcourt. Jayden se retourne à nouveau vers moi à ce moment-là et j'ai l'impression d'avoir été prise en flagrant délit.
— Au fait tu dois être à quelle heure à la fac demain ? On pourrait peut-être y aller ensemble.
Je lève les sourcils, surprise. Je deviens soudain suspicieuse.
— Comment tu peux savoir qu'on étudie au même endroit ?
— Tu crois que je ne t'avais pas reconnu ? La jolie fille du cours de maths, révèle-t-il en me faisant un clin d'œil.
Je crois me liquéfier sur place. Il me faut quelques secondes pour assimiler l'information. Il savait depuis le début qui j'étais mais pourquoi il...
— Bon sang mais pourquoi tu n'as rien dit !?
Je m'emporte et lui lance ses fringues à la figure. Il se protège de ses bras, hilare, tout en reculant. Je progresse vers lui déterminée à lui abîmer son adorable gueule d'ange. Je le pousse vers le couloir en m'appuyant sur son torse. Il ne résiste pas et j'arrive donc à le faire reculer jusqu'à l'embrasure. Lorsque je lui claque la porte au nez remontée, il interpose son pied pour bloquer cette dernière et me glisse :
— Je ne voyais pas l'utilité de te le dire, tu te serais braquée comme tu le fais maintenant.
Un grognement sort de ma bouche mais cela ne l'empêche pas de poursuivre :
— Bonne nuit Had.
Et il enlève son pied me permettant de m'enfermer. Mon cœur doit battre à la même allure que lors de la course poursuite. Je m'étais toujours promis de laisser ma vie nocturne en dehors de tout le reste et Jayden vient briser cet engagement. Le pire dans tout ça, c'est que je ne sais même pas ce qui m'agace le plus. Sa façon d'être et son côté dictateur ou le fait qu'il soit le beau gosse de mon cours de maths.
Je ramasse les vêtements que Jayden m'a donné et me change pour pouvoir me mettre au lit. Quelques heures de sommeil sont nécessaires. Je me déshabille et enfile un t-shirt noir me faisant une robe et un short dix fois trop grand. Même avec les cordons, je n'arrive pas à faire tenir le bas. J'abandonne et me glisse au fond du lit vêtue du haut de mon hôte et de ma culotte puis m'enroule dans les couvertures. Une odeur masculine flotte sur les draps et sur le t-shirt de Jayden m'entourant d'une aura virile et rassurante. Sans pouvoir y penser plus longtemps, je mets mon réveil et m'endors rapidement.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro