13- Monte !
Stacy me jette un regard surpris lorsqu'elle me voit appuyée contre le pick-up de notre chef. Je luis lance un clin d'œil et un sourire amusé.
— C'est si étonnant que j'arrive à l'heure ?
— Carrément ! Je crois que c'est la première fois que je ne te vois pas arriver en courant toute essoufflée.
— Je suis pleine de surprises qu'est-ce que tu veux, fais-je malicieusement.
Un sourire railleur se dessine sur les lèvres de mon amie.
— Dis plutôt que c'est les remontrances de la dernière fois qui ont fait leurs effets.
A cette remarque sarcastique je me renfrogne ce qui fait éclater de rire Stacy.
— Vois le bon côté des choses, au moins tu ne te feras pas virer, déclare mon amie en me donnant une tape amicale dans le dos.
J'analyse méticuleusement la tenue de la jolie brune. Son jean noir skinny met en valeur son fessier galbé par de hauts talons. Sa chemise à carreaux rouge nouée au niveau de son nombril et outrageusement décolletée dévoile sa peau de porcelaine qui devrait faire frémir la gent masculine.
Quant à moi, ce soir j'ai opté pour mes converses blanches - mes chevilles gardent un mauvais souvenir de la dernière course en talon - ainsi qu'un petit short kaki et une brassière blanche aux fils entrecroisés dans le haut du dos recouvert d'une veste en jean brut. Je dois dire que je jalouse le pantalon et la chemise de Stacy. Mon corps est recouvert de chair de poule. La prochaine fois je choisirai mes vêtements avec plus de soin. Je vais me cailler les miches toute la soirée !
— Tu sais qui fait la miss départ ce soir ?
— Je crois que c'est à Lena. Et à la prochaine course ce sera moi ! dis-je excitée.
— Tu n'en as pas besoin tu as déjà ton Denzel, roucoule-t-elle en exagérant sur le prénom du pilote.
Je lève les yeux au ciel.
— Arrête de me faire passer pour une midinette tu sais que j'ai horreur de ça.
— Me fais pas croire qu'il ne t'intéresse pas un minimum, tu passes tes soirées de victoire à prendre ton pied avec lui.
— Non la dernière fois on s'est disputé, la contré-je.
— Pourquoi ?
Je souffle en repensant à notre altercation. J'avais envie de l'étriper sur le moment.
— A cause de Jason Doyle. Il m'a fait une scène de possessivité. J'en ai marre qu'il me prenne pour un objet.
— Ouais on connaît tous son côté colérique, affirme-t-elle. Mais qu'est-ce que ça a dû être bon au lit après.
Je détourne la tête gênée et plante mon regard sur les motos qui commencent à s'amasser. Aucune trace de Denzel pour le moment.
— Allez Had, avoue que c'était une baise intense et explosive, me charrie Stacy en haussant les sourcils d'un air coquin.
Je rougis en repensant aux mains de Den sur mon corps, aux frissons qui m'ont parcouru lorsque ses lèvres se baladaient sur ma peau. Je n'ai pas besoin de répondre que mon amie s'exclame avec joie qu'elle avait raison.
— Ca va arrête ça avant qu'on nous entende.
Je pose ma main sur sa bouche et lance des regards aux alentours, paniquée. Personne semble s'intéresser à nous. Tant mieux. Je n'ai pas spécialement envie qu'on entende parler de mes parties de jambes en l'air avec Denzel. Même si la plupart des habitués doivent s'en douter.
Lorsque mon pilote arrive enfin, après s'être fait désirer - lui n'a pas de risque de se faire virer s'il arrive en retard - je campe mes positions en croisant les bras pour lui faire comprendre que je ne bougerais pas. Et s'il ne saisit pas cela, je pense que mon regard noir lui permettra de deviner que je lui en veux toujours pour la dernière fois. A vrai dire, c'est plus pour la forme qu'autre chose. J'avais déjà oublié cette histoire mais je ne souhaite pas me faire marcher sur les pieds.
En croisant mes yeux noisette glacials plantés dans les siens, Denzel se fige et semble s'interroger. Son front se plisse d'incompréhension avant qu'il se décide à me rejoindre.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? me questionne-t-il ahuri.
— A ton avis, je lance sèchement.
Vu sa tête, Den ne pige rien à ce qu'il se passe. Ah les hommes je vous jure...
— J'ai fais un truc de mal ou quoi ? Vas y éclaire moi.
Son ton presque suppliant me décide à lui expliquer. C'est tellement rare de le voir sur la défensive et implorant que j'en suis décontenancée.
— Je n'ai pas encore digéré ton comportement de la dernière fois.
Faux. Je veux juste des excuses et de la reconnaissance. Tous les moyens sont bons.
Ses yeux noirs s'écarquillent lorsqu'il comprend enfin. Visiblement il ne s'attendait pas du tout à ça. Il plonge sa main dans ses cheveux ébène semblant chercher ses mots.
— Je sais, je n'aurais pas dû m'emporter avec toi. Mais tu me connais, tu sais que je suis impulsif.
— Ca n'excuse rien.
Il souffle et ses bras pendent mollement le long de son corps, vaincu.
— Désolé, j'ai été con sur ce coup là. Allez ma belle arrête de me faire la tête.
Face à ses excuses et son air soudainement avenant, j'esquisse un sourire attendri. Sourire qu'il repère rapidement puisqu'il glisse ses bras autour de ma taille pour me rapprocher de lui. Il se penche vers moi puis dépose un baiser au coin de ma bouche avant de s'écarter de moi.
— Je vais retrouver les gars. Je te laisse gérer comme d'habitude, me notifie-t-il en me lançant un sourire charmeur agrémenté d'un clin d'œil.
Abattue de n'avoir trouvé aucun adversaire pour Denzel ce soir, je rejoins Stacy qui regarde la préparation de la prochaine course assise sur le capot d'une mustang rouge. Tout en m'installant près d'elle, je lève la tête pour admirer le ciel. Ce soir, il est dégagé ce qui permet de bien discerner les étoiles.
Je me souviens des nuits où mon père m'emmenait dans le jardin pour contempler les constellations. On s'allongeait sur l'herbe fraîche et il m'apprenait à reconnaître Orion, différencier la Petite de la Grande Ourse. Il me racontait que lorsqu'il était loin de nous il aimait regarder le ciel et qu'il se sentait plus proche de moi ainsi que ma mère et ma sœur. Je lui avais demandé pourquoi alors il m'avait répondu que les étoiles étaient les mêmes à la maison qu'à l'autre bout du monde. Plus tard, lorsque j'avais grandi, il m'avait enseigné à me repérer avec l'Étoile Polaire.
En y repensant, tout ceci me paraît tellement loin. J'aurais aimé repartir à cette époque où ma famille était solide, unie et aimante. La voir aujourd'hui éclatée me fait encore mal au cœur.
— Bon sang Had, mate moi ce mec !
Me sortant de mes pensées, Stacy semble surexcitée et me tape les flancs à coup de coude. Je suis son regard fasciné et aperçois un motard stabilisant son engin à quelques mètres de nous avant d'arrêter le moteur. Ne voyant pas ce qui anime autant mon amie, je me retourne vers elle et l'interroge du regard.
— Quoi ? Tu ne vois pas comme il est bien foutu ? Je peux presque voir ses abdos à travers son t-shirt puis ses biceps sont à la limite de craquer sa veste. Et ses yeux... Mon Dieu ce mec est à se damner, m'avoue-t-elle lascive.
En reposant mon attention sur le nouveau venu, je croise deux iris bleu océan captivants. L'intensité de ce regard me déconcerte, il me fait manquer d'air. J'ai l'impression qu'il me sonde et qu'au fond de mes pupilles, il pourrait voir qui je suis.
Sans décrocher ses yeux des miens, le motard enlève son casque étirant ses muscles avec grâce et laissant apparaître des cheveux sombres. Je me fige instantanément ce qui alerte Stacy à mes côtés. Je prends ma tête entre mes mains espérant me soustraire au regard brûlant du jeune homme.
— Bon sang c'est pas vrai. Pourquoi ça m'arrive à moi ? C'est pas vrai, c'est pas vrai, psalmodié-je.
— Qu'est-ce qui te prend ? s'inquiète Stacy en enroulant son bras apaisant dans mon dos.
Voyant que je continue de baragouiner, elle insiste :
— Dis moi ce qu'il t'arrive ? Tu le connais ?
Je relève la tête vers elle veillant à ce que soit offert au motard la vue de mon arrière uniquement.
— Il est en cours avec moi, j'émets d'un ton plaintif. Il faut absolument pas qu'il me voit.
— Ah ben je crois que c'est raté, il approche.
Un geignement sort de ma bouche sans mon autorisation. Cette soirée aura ma peau. Un raclement de gorge m'oblige à me redresser et plonger mon regard dans un océan fascinant.
— Salut.
— Qu'est-ce qu'on peut faire pour toi ? demande avec enthousiasme Stacy.
— Je suis venu pour faire une course, nous annonce le motard sans me quitter des yeux.
— Il faut que tu choisisses qui tu veux défier. Au fait moi c'est Stacy, ajoute-t-elle en minaudant.
L'homme se retourne vers elle me libérant enfin de son emprise. Je respire un grand coup comme si ses yeux m'avaient coupé littéralement le souffle. Enfin c'est surtout la peur qu'il me reconnaisse qui forme une boule dans ma gorge.
— Jayden.
— Heureuse de te rencontrer Jayden, papillonne mon amie ce qui me fait lever les yeux au ciel. Elle c'est Had, me présente-t-elle en me désignant.
J'esquisse un sourire crispé lorsque le motard se tourne à nouveau vers moi.
— Alors dis nous tout, qui veux-tu affronter?
— Votre meilleur pilote, déclare-t-il sur un ton de défi.
— Ah ça faut voir avec Had, c'est la chouchoute de Denzel le meilleur de toute la Californie.
Je me fige. Mais pourquoi a-t-elle dit ça ? Qu'est-ce qu'elle n'a pas compris dans "Il faut absolument pas qu'il me voit". Tous mes muscles se contractent ce qui semble amusé le motard vu son regard espiègle. Stacy semble fière de son coup lorsqu'elle me regarde me lever pour guider le pilote. Traîtresse.
Sans un mot, j'accompagne Jayden vers le stand de paris. Sentant son regard insistant sur moi, je tourne la tête pour le dévisager. Un sourire en coin et des yeux rieurs me font face.
— Alors comme ça tu es la chouchoute du meilleur pilote de Californie, raille-t-il en exagérant bien sur le mot utilisé par Stacy un peu plus tôt.
— Non Stacy raconte vraiment n'importe quoi. On travaille juste ensemble.
Jayden hausse un sourcil moqueur.
— Oh et puis merde, je ne vois pas pourquoi je me justifie auprès de toi, m'agacé-je.
Un rire mélodieux émerge de sa bouche ce qui finit par me détendre. Il ne m'a probablement pas reconnu. On ne s'est pas croisé très souvent, juste en amphithéâtre et j'étais toujours assise lorsqu'il arrivait. Il n'a jamais dû me remarquer. Moi-même je l'entrapercevais, la couleur de ses yeux m'était inconnue.
Ce qui est certain c'est qu'en étant plus proche, il me fait plus d'effet qu'en cours. Ici aussi, les filles se retournent sur son passage, de quoi faire jalouser Denzel.
— Hey Fez je t'ai ramené quelqu'un, avertis-je le gars du stand.
— Oh salut ma belle comment tu vas ce soir ? me demande Fez en s'approchant de nous
— Un peu froid, pointé-je ma tenue avec une moue contrite.
Aujourd'hui le stand de paris est plutôt vide. Habituellement, de nombreux gars discutent autour d'une bière, se chahutent pour savoir qui a la plus grosse paire. Le temps automnal et l'absence de courses de Denzel doivent y être pour quelque chose. Les gens aiment les valeurs sûres comme lui. Ils savent qu'ils peuvent miser leur argent et qu'ils le récupéreront.
— Bon alors qu'est-ce qu'il veut ?
Jayden derrière moi n'apprécie visiblement pas que Fez l'ignore et le désigne d'un geste de la tête puisqu'il grogne.
— Il est venu défier Den, je te laisse t'occuper de lui. Moi je vais avertir mon pilote.
— Y'en a encore qui veulent affronter Blake, ils aiment perdre leur argent.
En passant près de Jayden pour rejoindre Denzel, je l'entends marmonner à l'attention de Fez :
— Tu vas voir ce que tu vas perdre toi, quand je t'aurais fait bouffer tes parties tu rigoleras moins.
À l'entente de cette menace, je ne peux réprimer un sourire.
Les deux pilotes sont sur la ligne de départ. Quand je suis venue annoncer la course à Denzel, il était si enthousiaste d'enfin pouvoir concourir que depuis il trépigne d'impatience, certain d'exterminer l'autre merdeux. Comme d'habitude, je m'approche de lui avec son casque dans les mains. Quant à Jayden, c'est Stacy qui se charge de ce job. Elle se trémousse pas peu fière qu'un mec comme lui l'ai choisi. Un regard un peu appuyé sur elle de la part du motard et Stacy en ferait une syncope.
Voyant l'attention qu'attire le nouveau venu, Denzel habituellement si concentré surjoue son côté dominateur en affichant un air triomphant. Et lorsqu'il croise le regard confiant de Jayden et l'allure détendue qu'il arbore il ne peut s'empêcher de l'insulter entre ses dents. Ah les mâles, toujours en train de vouloir montrer qui est l'alpha.
Le sourire provocant que me lance notre adversaire est sûrement de trop. Denzel perd patience. Il enroule un bras possessif autour de ma taille et me ramène contre lui avant de plaquer furieusement ses lèvres sur les miennes. Un petit gémissement de surprise s'échappe de ma bouche. Den attrape ma nuque de sa main de libre pour me maintenir proche de lui.
Il se détache de moi me laissant haletante et les joues rougies puis jette un regard victorieux vers Jayden qui nous observe un peu décontenancé. La gêne monte soudainement en moi lorsque je repère un cinquantaine d'yeux braqués sur moi. Je me reprend pour enfiler le casque à Denzel quand je vois Stacy en faire de même.
— Bonne chance Den, soufflé-je à mon champion avant qu'il enfourche son engin.
Lena, la miss départ de cette nuit, se place devant les deux pilotes puis lâche son foulard rouge. Lorsqu'il touche terre, les motos s'élancent dans un nuage de fumée. Mon amie me rejoint et nous nous faufilons devant le public qui nous cache la vue. Nous n'apercevons pas grand chose à cause du nuage formé par le sable volant derrière les véhicules.
— C'est quoi ces lumières ? s'inquiète un homme derrière nous.
— Où ?
Sentant l'agitation grimper derrière nous, je guette une trace de luminosité dans la direction qu'indique le gars. Ne voyant strictement rien, j'essaye de me mettre sur la pointe des pieds espérant comprendre ce qu'il se passe.
— Putain les flics !
La panique gagne les rangs. Tous se bousculent, courent pour atteindre leur véhicule. Je suis vite séparée de Stacy. La seule chose qui me vient à l'esprit, c'est de faire comme tout le monde : déguerpir le plus loin possible. Je tente de me faufiler entre les tas de muscles, de graisses et les verres de bière qui me tombent dessus me collant à la peau. Contrairement aux autres, je n'ai que mes jambes pour détaler à toute vitesse. J'entends les sirène se rapprocher. Je me hasarde à regarder derrière moi pour savoir si j'aurais le temps d'échapper aux policiers. D'ici à peine deux minutes les voitures me rattraperont.
La plupart des personnes qui m'entouraient il y a quelques secondes sont déjà loin. Je constate avec effroi qu'il ne reste plus que moi sur ce terrain vague. La peur me gagne. Ca y est je vais me faire chopper, je suis foutue.
Un bruit de moteur s'approchant à vive allure m'encourage à accélérer le pas. Du coin de l'œil, j'aperçois une moto s'arrêter à quelques mètres de moi. Dieu merci Den ne m'a pas abandonné. Mais je me fige quand je me rends compte que ce n'est pas lui. Le motard soulève la visière sombre de son casque et des yeux bleus plongent dans les miens. Je reconnais immédiatement Jayden.
— Monte ! hurle-t-il.
Un dernier regard vers les gyrophares déchirant la nuit suffit à me décider. Je me presse de le rejoindre et d'enjamber sa moto.
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