CHAPITRE 21: POLA
(TW : dépression [implicite])
Le stade est comble.
C'est la première chose qui me saute aux yeux lorsque je scrute la masse informe de supporters, tous parés de maillots et d’écharpes aux couleurs de leur équipe. Ils hurlent à gorge déployée sans raison apparente vu que le match n’a pas commencé. D'excitation, je pense.
Un bruit à ma gauche me rappelle la présence de Yann Avery à mes côtés. Ce dernier porte le maillot de l'équipe de football américain d’Houston et semble hypnotisé par le spectacle se déroulant sous nos yeux. Il observe le terrain en souriant, attendant avec impatience le début du match. Le jeune homme tourne son visage dans ma direction. Je réponds sans lui laisser le temps de formuler sa question :
-《Ça va, t’inquiètes.
-Tu as la tête d’une fille qui n’a jamais vu de match de sa vie.
-Parce que c’est le cas ?
-Sérieux ?! Tu veux dire…même à la télé ?
Je hoche la tête et mon camarade me regarde d’un air ahuri. Le pire c’est que je ne mens pas : le football ne m’à tout simplement jamais intéressé. Je n’y comprends rien et préfère me contenter d’être cheerleader. Le football américain je le laisse à mon père et aux molosses bodybuildés.
-Ça alors, commente-t-il. Heureusement que tu as accepté mon invitation pour y remédier !》
À ce moment-là un coup de sifflet retentit pour annoncer le début du match, et Yann se reconcentre sur le terrain. Sauvée par le gong encore une fois ! En même temps, que suis censée répondre alors que je ne sais même pas pourquoi il m’a amené ici ? Il aurait pu ramené n’importe qui mais non : il m’a invitée, moi, la petite nouvelle timide à la peau bien trop pâle comparée à celles des texans. Ça n’a pas de sens.
C’est loin de me déranger pour autant. J’aimerais juste comprendre pourquoi, entre les 650 élèves du bahut il m’à choisie. Je ne pas sûre que me pousser dans mes retranchements de cette manière soit super intelligent. En général, ma quasi-solitude me suffit très bien.
Pour mon plus grand bonheur, je me rends vite compte que le beau blond est aussi bavard que moi. Nous nous adressons quelques paroles, noyées dans les hurlements de la foule. Je finis par me prendre moi-même au jeu.
-《Faute ! je hurle. Nan mais…hé, c’est une blague ?
-Calmos, Pola ! Et dire que tu n’aimes pas le football…
-Ça n’a rien à voir ! Le joueur est blessé ! Il est bless-
-C'est du football américain, pas du golf ! Tu ne peux pas imaginer le nombre de blessure que je me suis faite sur le terrain. Hurler n’y changera rien. Et, en plus, le gars est à peine amoché.》
Je finis par me rasseoir sagement devant l’air de connaisseur de mon « ami ». Mon visage vire au rouge brique et je soupire.
Crétine ! Je suis une crétine !
-《Allez, ne sois pas teigneuse !
-Ce n’est pas dans mes intentions. J’imagine que mes maigres connaissances en terme de football ne peuvent pas rivaliser ?
-Exact. Je ne veux pas me la péter...
-…mais tu te la pètes quand même ?》
Ma répartie me surprend moi-même. La dernière fois que j’en ai eu comme ça, que j’ai osé être moi c’était avec Andy…mais non, il ne faut pas que je pense à lui maintenant. Ça n’a rien à voir.
La vérité, c’est que j’ai la désagréable impression que quelque chose cloche. C’est comme si Yann me cachait un truc, comme si derrière sa façade enjouée il était encore plus perdu que moi. Je me trompe peut-être, mais le beau blond m’est tellement perméable parfois ça en devient déroutant ! Et à d’autres moments, je ne comprends pas le sens de ses actes…
-《Il y a une grande différence entre se la péter et être réaliste…
-Pardon, l’As des sports collectifs !
-Ça n’a rien à voir, clarifie-t-il. Tu n’as jamais eu l’impression que ta vie était un désastre ? De courir mais ne jamais avancer pour autant ?
Oh, si tu savais…
-Si, mais je ne vois pas le rapport.
-Eh bien, dans ces moments-là, les choses qui te permettent de te sentir vivant sont rares. Moi j’en compte deux : le piano et le sport. C’est comme si j’étais né pour ça, que je sois bon ou mauvais. Tu comprends ?》
Je soupire intérieurement. Je connais ça très bien : le dessin est ma bouée de sauvetage. Et depuis déjà bien longtemps…en fait, je crois bien depuis toujours.
Je crois que Yann a deviné la cause de mon mutisme car il murmure avec un sourire triste :
-《C’est toujours la même chose…
-Toujours.
-Tu crois qu’on finira par s’en sortir ?
Sa phrase sonne plutôt comme une question rhétorique. Un désespoir aiguë teinte sa voix, la rendant presque rauque. Lorsque je lève la tête, mes pupilles s’encrent dans les siennes.
-Évidemment. On peut y arriver.》
C’est seulement en sortant du complexe sportif que je me rends compte du temps passé. Le ciel est sombre et grisâtre, signe qu’il doit être plus de vingt heures. Je frissonne légèrement dans mon pull en polaire tout en glissant mes mains dans mes manches trop longues. Je scrute la file de voitures, cherchant celle de ma mère. Je m’appuie sur un panneau de signalisation et Yann s’installe au sol. Il est en tailleur, son sac à dos posé entre ses jambes, regardant au loin. Ses mèches blondes lui retombant devant les yeux. Il est tellement dans ses pensées que s’en est perturbant : son regard bleu-vert est voilé, et un pli s’est formé entre ses sourcils.
J’aperçois alors la voiture de ma mère qui avance vers nous. Elle s’arrête à notre hauteur pour qu’on monte. Je m’apprête à tendre la main à mon nouvel ami quand ce dernier me lance :
-《Pas la peine de me ramener. Je vais prendre le bus.
-T’es sûr (il hausse les épaules) ? Ça nous dérange pas de te ramener tu sais.
-Je sais. Bref (il époussette son jean et se lève), merci d’avoir proposé.》
Je le regarde mettre son sac sur son dos et je recrache tout l’air contenu dans mes poumons. Il ne se retourne même pas, marchant vers d’autres aventures.
Et moi, sans savoir pourquoi, ça me blesse un peu.
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