35 |« Dorian, je fais allemand LV1 »
H O R T E N S E
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EST-IL ENCORE NÉCESSAIRE de préciser qu'on venait une fois de plus de faire n'importe quoi ? Non. Absolument pas.
— COURS NOLA ! m'égosillai-je alors que le gars chargé de la structure gonflable commençait à se rendre compte du carnage.
Et comme pour appuyer mes dires, des hurlements fusèrent dans les airs, juste derrière nous. Je risquai un coup d'œil derrière nous et manquai d'avaler de travers ma salive. Les personnes encore présentes sur la structure dégringolaient comme des poupées de chiffon de cette dernière, criant désespérément à l'aide. L'instant d'après, elles s'étaient toutes retrouvées expédiées dans l'eau, en équilibre sur une espèce de vieille bouée rose et défraîchie.
— Ça sent vraiment pas bon là, lâcha Nola alors que nous courions toujours en direction du rivage.
— Tu l'as dit bouffi.
Je reportai mes yeux sur la plage et jetai un regard au siège qu'occupait auparavant le mec qui nous avait vendu nos tickets. Son fauteuil en plastique était désormais vide, et j'avais comme qui dirait l'impression qu'il fallait que l'on s'éclipse le plus loin possible, du moins, si on ne voulait pas servir de punching-ball à toutes les personnes qui avaient coulé.
— Ça me fait mal de dire ça, mais je crois que j'aurais encore préféré me prendre un ballon en pleine poire, plutôt que ça, soufflai-je en essayant de rester près de Nola.
— Pareil, rétorqua ma meilleure amie en hochant de la tête.
Au loin, je remarquai que les trois autres guignols avaient déjà rejoint la plage, et nous faisaient désespérément des signes depuis toute à l'heure. De l'eau s'écoulait de la casquette trempée de Dorian, traçait un sillon sur sa peau mate et miraculeusement pleine de sable — aurait-il fait un vol plané avant d'arriver sur la terre ferme ? À ses côtés, Maël et Jules nous faisaient signe de nous presser, tout en vérifiant de temps à autre que le gars de la structure ne revenait pas nous chercher.
Enfin, après avoir couru jusqu'à ne plus sentir nos poumons, nous atteignîmes enfin la plage jonchée de sable. Je me laissai tomber sur ce dernier, en position étoile de mer, et demeurai ainsi pendant quelques instants, le temps de reprendre mon souffle. À mes côtés, j'entendais s'exclamer Dorian : il avait l'air content que l'on ne se soit pas faites attraper, et j'avoue que je partageais également son avis.
— Deux course-poursuites en même pas deux semaines, c'est trop pour moi les gars, râlai-je en me relevant, avant de découvrir que j'étais pleine de sable — sans rire. Putain...
— Arrête de faire ta mijaurée, Hortense, répliqua Nola en attachant ses cheveux. On récupère nos affaires puis on va prendre une douche là-bas.
Et c'était couverte de sable de la tête aux pieds que je quittai cette si belle plage où on aurait pu s'éclater, enfin, si le maillot de bain de Nola ne s'était pas déstructuré.
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Nous passâmes le restant de l'après-midi à flâner dans les diverses boutiques de Fréjus, en veillant bien sûr à ne pas trop nous approcher de la plage où nous étions tout à l'heure. Dorian avait tellement trouvé cool de s'acheter un sombrero, qu'il nous avait tous forcés à en prendre un également, avant d'exiger que l'on parle exclusivement en espagnol, ou du moins avec un accent.
— Dorian, je fais allemand LV1, n'avais-je cessé de lui répéter à chaque fois qu'il s'adressait à moi.
— On s'en fout, tu prends un petit accent et tout ira bien, avait renchérit Jules en appuyant sur le sombrero de Nola, sombrero qui s'enfonça si loin qu'elle ne vit plus rien.
— Eh ! Ma tête espèce de veracrasse ! se plaignit cette dernière en manquant de rentrer dans un présentoir de cartes postales.
Je laissai échapper un petit rire et l'attrapai par les épaules pour qu'elle n'emporte pas tout sur son passage. Nola retira le chapeau de sa tête et se recoiffa comme elle le put, bien que cela soit peine perdue. Pour se venger, elle lança son sombrero, tel en frisbee, en direction de Jules. L'objet l'atteignit en plein sur le postérieur et le brun poussa un cri peu féminin. Le restant de la bande s'esclaffa suite à cela, sans qu'aucun de nous n'ait pitié du pauvre derrière de notre ami "blessé".
Quelques heures s'écoulèrent encore avant que le manque de nourriture n'atteigne nos cerveaux. Le ventre de Dorian fut le premier à gargouiller, suivi de celui de Maël, qui d'ailleurs, avait rougi comme pas possible lorsque l'on s'était tournées dans sa direction, Nola et moi. Dorian avait alors donné un petit coup de coude au blondinet avant de déclarer :
— J'pense que le ventre de notre p'tit Maël vient d'exprimer ce que tout le monde a en tête depuis un moment. Donc moi j'propose qu'on s'installe à l'une de ses tables et qu'on bouffe jusqu'à ce que nos bides explosent.
— Dorian, t'es mon sauveur ! lança Nola en se laissant tomber sur une des chaises. Un mètre de plus et je crois que j'aurais fait une crise d'hystérie, ajouta-t-elle alors que ses orbes clairs roulèrent dans ma direction.
— Eh ! Ça fait du bien de marcher merde ! me révoltai-je suite à son regard plein de reproches. Tu me remercieras quand t'auras soixante ans et que tu pourras toujours courir un marathon !
— Eh, du calme, on va pas commencer à se disputer pour un truc aussi bête que ça ? fit remarquer Maël en posant ses mains sur mes épaules.
Ne me touche pas, sinon je vais décéder, ne pus-je m'empêcher de penser suite à son geste. Cependant, je gardai un visage neutre et m'assis face à Nola, sans broncher davantage. Dorian vint se placer à mes côtés, son sombrero toujours enfoncé sur son crâne, un grand sourire au bord des lèvres. Enfin, Maël et Jules prirent place à table, Jules veillant bien entendu à s'asseoir sur la chaise près de Nola.
C'est beau l'amour les gars.
Le serveur ne tarda pas à arriver. Il s'agissait d'un homme d'une quarantaine d'années, semblant très décontracté dans son polo trop grand rouge brique. Ses cheveux mi-longs blonds cendrés se dressaient en épis sur le sommet de son crâne, tandis que certaines mèches paraissaient collées à ses joues couvertes d'une barbe de trois jours. Il sortit de la poche de son bermuda en jeans un petit calepin noir, ainsi qu'un stylo, et commença à prendre notre commande.
— Qu'est-ce que je vous sers les d'jeunes ? demanda-t-il en nous adressant un clin d'œil, comme s'il essayait de se donner un air cool.
Arrêtez ça Monsieur, c'est gênant.
— Un énorme pichet de Coca-Cola, avec un Fanta, un cocktail sans alcool aux fruits et deux carafes d'eau, s'il vous plaît ! s'empressa de renchérir Dorian en parcourant du regard la carte des boissons.
— Très bien, ce sera tout ?
— Je sais pas, vous voulez boire quelque chose vous ? interrogea le métisse en se tournant vers nous.
— T'es dans l'excès mec, lâcha Jules tandis que je réalisais que Dorian venait de commander tout ça exclusivement pour lui.
— Mais j'ai soif moi ! se défendit-il en accompagnant ses paroles par de grands gestes.
— T'es vraiment un cas toi, termina Nola en se prenant la tête entre les mains.
Le pauvre serveur demeurait confus devant nous, son stylo toujours suspendu en l'air. Ses sourcils froncés témoignaient de sa perplexité et une mouche menaçait à tout moment d'entrer dans sa bouche légèrement entrouverte. Enfin, il sembla se ressaisir et déchira la feuille sur laquelle il venait d'écrire. Nous passâmes enfin une réelle commande et le serveur revint avec nos boissons quelques instants plus tard. Il en profita alors pour nous demander ce que nous souhaitons manger avant de s'en aller définitivement.
Le soleil se couchait peu à peu tandis que je mordais dans ma pizza texane — essentiellement garnie de poivrons, de tomates, de bœuf haché et de mozarrela. Je savourais chaque bouchée l'une après l'autre, du moins jusqu'à ce que Dorian ne se pointe avec sa vieille pizza savoyarde, et ne me plante un morceau sous le nez.
— Dégage ça tout de suite, merde ! m'écriai-je alors que l'odeur de reblochon atteignait mes narines.
S'il fallait savoir un truc sur moi, c'est que je HAIS par dessus tout le fromage.
— Mais vas-y Hortense ! Goûte tu verras qu'elle est super bonne ! ne cessait-il de clamer en agitant sa part devant moi.
Et ce que je redoutais arriva. Le fromage coulant atterrit en plein milieu de ma dernière part de pizza.
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chapitre de :
-missIndecise
musique :
La Cintura — Alvaro Soler
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