H O R T E N S E
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         TOUT D'ABORD, sachez que ce n'était pas moi qui avais voulu me baigner dans cette eau trouble, en plein milieu de la nuit. On m'avait soulevée de force et entraînée dans ce lac reculé. Je préfère vous dire ça, histoire d'éviter que vous ne me preniez pour une suicidaire en lisant ce qui va suivre.

Merci de votre compréhension braves gens.

— J'suis sûre que t'es pas cap de mettre la tête sous l'eau et d'ouvrir les yeux ! défiai-je Maël en jetant un bref coup d'œil à Jules et Nola.

Ces derniers ne s'étaient pas encore décidés à faire trempette, ce qui m'étonnait grandement de la part de Nola : elle pensait eau, respirait eau, mangeait eau et buvait eau — non sans rire. Je fronçai les sourcils l'espace d'un instant et tentai de distinguer ce qu'ils étaient en train de regarder. Néanmoins, malgré mes lentilles encore neuves, je ne parvenais pas à percevoir avec précision ce qui suscitait autant leur intérêt. Tant pis, ça ne devait pas être le truc du siècle de toute façon.

— J'aurai droit à un bisous si je le fais ? tenta le blond en ramenant ses lèvres l'une contre l'autre, en créant une sorte de bouche de poisson.

— Rêve pas trop quand même, j'te demande pas de me décrocher la Lune non plus, ironisai-je alors que Dorian remontait sur la berge.

Le métisse demeura encore quelques secondes sur la terre ferme, avant de prendre son élan et de faire une bombe. Des vagues se soulevèrent lorsque son corps entra en contact avec l'onde verdoyante et un jet fusa en plein dans ma tête et celle de Maël. Le blondinet s'ébroua tel un chien, envoyant des gouttes partout autour de lui. J'en reçus quelques unes sur moi, mais cela restait infime par rapport à ce que m'avait envoyée Dorian. Il me fallut quelques instants pour reprendre mes esprits et chasser toute cette eau de mon visage — adieu mascara, je t'aimais bien.

— Bon, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? clama Dorian en posant son coude sur le sommet de ma tête.

Vous avais-je déjà dit que je ne dépassais pas le mètre cinquante-sept ? Et bien maintenant vous le savez et j'espère que vous comprenez la souffrance que l'on ressent, nous, personnes de petite taille, face à des géants qui se servent de nous comme des accoudoirs. Heureusement que je suis plutôt grande gueule ! Il ne manquerait plus que je me laisse marcher sur les pieds, non mais !

— J'suis pas ton repose-coude ! m'emballai-je en dégageant d'un revers du bras, le coude du métisse. Et j'avoue Maël, t'attends le dégel ou ça se passe comment ?

Le blondinet poussa un soupir et leva les yeux au ciel — du moins je l'imaginai, car après tout, on ne voyait pas grand chose à cause de l'obscurité. Enfin, après s'être reçu une énième bourrasque d'eau de la part de Dorian, Maël finit par s'immerger en se pinçant le nez — avec du recul, je peux vous assurer qu'il avait bien fait. Notre ami demeura encore sous l'eau pendant quelques secondes, avant de sortir de l'étendue glaciale pour reprendre son souffle. Il passa une main dans ses cheveux trempés et roula des muscles, comme s'il voulait nous impressionner, Dorian et moi — enfin surtout moi.

Cependant, quelque chose mit immédiatement fin à son petit numéro.

— T'as une limace collée à la tempe ! m'égosillai-je en pointant du doigt la tête du jeune homme. Attends non... C'est une...

— SANGSUE ! compléta Dorian en laissant échapper un petit cri de dégoût.

— QUOI ?! Où ça ?! Où ça ?! s'emporta le blondinet en commençant à s'agiter dans tous les sens.

Il se releva d'un bon et nous constatâmes que deux autres mini sangsues vertes s'étaient accrochées à son t-shirt bleu. Maël les envoya valser d'un revers de la main, de même que celle présente sur sa tempe. Il s'empressa par la suite de s'extirper de l'eau, ce qui ne fut pas une mince affaire vu la quantité de vase qui recouvrait le fond — en espérant que cela soit réellement de la vase bien entendu.

Je lui emboîtai le pas rapidement, suivie de près par Dorian qui se frottait frénétiquement tous les endroits ayant été en contact avec l'eau contaminée. Nous rejoignîmes bientôt la berge et Maël commença à secouer avec frénésie sa chevelure, criant que c'était la pire idée qu'il ait eu de sa vie — par idée, il entendait bien-sûr le fait de m'avoir balancée à l'eau.

— J'ai rien dans les cheveux ?! Dis-moi que j'ai rien dans les cheveux ! hurlai-je à l'attention de Maël, une fois que ce dernier eut relevé la tête.

— Arrête de bouger ! Je peux pas voir si tu fais que de t'agiter ! se plaignit-il en commençant à déplacer mes mèches d'un côté à l'autre.

Je sentais ses doigts chercher avec frénésie et retins mon souffle : pourvu qu'il n'y ait rien, pourvu qu'il n'y ait rien, me répétai-je en fermant fort les yeux. Malheureusement, mes prières ne parurent pas suffisantes, car au bout d'un moment, je sentis les doigts de Maël attraper quelque chose sur l'une des mes pointes. Je serrai les dents et me retins de péter un cable : calme Hortense, calme. Enfin, après ce qui me sembla être les pires secondes de ma vie, Maël lâcha mes cheveux et je pus enfin me redresser. Ma nuque était noueuse et je dus la masser pendant quelques instants, histoire de faire passer les courbatures dont j'allais probablement écoper.

— C'est bon, y a plus aucune sangsue, déclara le blond aux yeux verts alors que je vérifiais une énième fois que tout était bon.

— Merci, soufflai-je en ramenant mes cheveux en arrière.

— Et mon bisous ? répliqua-t-il alors qu'une petite moue s'esquissait sur son faciès angélique.

Je soupirai légèrement et finis par lui donner ce qu'il voulait. Je lui embrassai donc la joue, sans grande conviction et tournai les talons, bien décidée à rejoindre Nola et Jules. Les deux adolescents avaient un comportement louche : ils n'avaient pas jugé bon d'aller se baigner, comme s'ils savaient avant tout le monde qu'il ne fallait pas barboter dans cette eau croupie. Dans mon dos, j'entendis Maël râler que ce n'était pas ce genre de baiser qu'il voulait, mais le regard noir que je lui jetai le fit taire l'instant d'après. C'est donc furieuse, les poings serrés et les cheveux complètement emmêlés, que je m'avançais en direction de ma meilleure amie et de son futur petit-ami.

— J'avais pas demandé une balnéo avec des sangsues ! lâchai-je sarcastiquement une fois arrivée à leur hauteur.

Nola sursauta en me voyant ainsi, telle une femme des cavernes. Il faut dire qu'avec mes cheveux en bataille — anciennement refuge d'une sangsue en vadrouille —, mes joues encore tachées de boue et mon air de sauvageonne, il était clair que je pouvais flanquer la frousse à n'importe qui lors de la soirée d'Halloween. Sauf que, petit un : on était au mois de juillet ; et petit deux : je n'avais pas décidé de me salir de mon plein grès.

— T'as un tache de bout, juste là, intervint Jules en pointant la commissure de mes lèvres.

Je l'essuyai donc d'un revers de la main, sans pour autant retirer l'expression de colère qui s'était glissée sur mon visage boueux.

— Hortense... Tu vas jamais me croire mais..., débuta Nola en esquissant un petit sourire innocent.

— On a fait un plongeon dans un lac infesté de sangsues, merci, mais ça j'avais remarqué, répliquai-je en roulant des yeux.

— Mmm... Je crois que les termes "station d'épuration en plein air" sont plus appropriés pour qualifier ce genre d'endroit, avoua Jules en se grattant la nuque.

Mon corps se raidit en entendant ce que le brun venait de dire. Mes yeux clairs s'écarquillèrent et je sentis ma bouche demeurer entrouverte, comme si elle n'arrivait pas encore à se décider entre se taire, ou gueuler des insanités à l'égard de Nola et Jules. Après quelques instants passés sous le choc, je me ressaisis et me retournai.

— Dorian ! C'est pas de la vase qu'il y a sous tes pieds ! Alors arrête de jouer avec bordel !

Au loin, je remarquai que Dorian se figeait avant de commencer à se frotter les pieds contre l'herbe. Maël à ses côtés, mima une envie de rendre ses tripes.

— J'espère que t'as fait le plein de gel douche, Nola. Parce que dès qu'on rentre, je prends minimum trois douches d'affilées !

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chapitre de :
-missIndecise

musique :
The good life — Tony Bennet