Chapitre 25 : Doutes et malédictions
Patte d'Agneau inspira, puis expira pour s'éclaircir les idées. Bien que sa fierté refusait l'aide de Patte d'Ormeau, son bon sens primait sur elle. Si elle restait seule, son Clan était condamné. Et puis, son demi-frère partageait du sang avec eux, il n'était pas tout à fait un étranger.
« Refrain de Ressac veut que Patte d'Ormeau m'aide. Je... Je n'y arriverais pas toute seule, j'ai beau faire de mon mieux, le mal vert empire... »
Étoile de Crécerelle renifla de mépris, la tête haute :
« Nous n'acceptons jamais l'aide d'un Clan ennemi ! »
Ses camarades chuchotèrent entre eux, d'accord avec la fierté de leur chef. La novice dut puiser dans toutes ses convictions pour ne pas flancher et baisser le regard.
« C'est le Clan des Étoiles qui l'a décidé ! »
La meneuse tiqua.
« Je t'avais demandé de me prévenir quand tu recevais un signe du Clan des Étoiles !
-C'était urgent... Je n'avais pas le temps », contra la jeune.
La reine tachetée fouetta l'air de sa queue annelée. Pour l'aider dans sa décision elle se dirigea vers ses guerriers :
« Qu'en pensez-vous ? »
Tous se tournèrent vers Rafale de Chevreuil, attendant son avis. Le lieutenant réfléchit, puis interrogea l'apprentie guérisseuse :
« Tu es sûre de bien avoir interprété le signe ?
-Aucun doute », affirma-t-elle.
Plus qu'un signe, Flèche de Courant d'Air lui avait donné un ordre clair et précis que n'importe quel chat aurait compris... Avec cette réponse, le matou brun moucheté pivota vers sa supérieure.
« Les décisions du Clan des Étoiles doivent être respectées. »
Les autres félins acquiescèrent pour le soutenir, hochant la tête avec conviction. Étoile de Crécerelle soupira, puis capitula :
« C'est d'accord, mais il retourne dans ses rochers aux premiers signes de guérison de la maladie. »
« Commence par les anciens, c'est le buisson là-bas, moi je m'occupe de la pouponnière. On se retrouve ensuite dans la tanière des guerriers. »
Patte d'Ormeau hocha la tête et prit entre ses dents quelques feuilles de cataire qu'ils venaient de poser sous le rocher plat, filant vers le bosquet sans attendre plus d'indication. L'apprentie des Champs l'imita avec la nursery.
Bien qu'elle préférait vérifier elle-même l'état de santé des doyens, elle ne pouvait pas envoyer son demi-frère soigner les chatons... Elle ne s'imaginait que trop bien la réaction de Jolie Brize.
La boule au ventre, elle s'engouffra dans le gîte des petits. Cette fois l'odeur pestilentielle de la mort ne la prit pas à la gorge, tout le monde était encore bien vivant.
« Tu t'es fait attendre ce matin, grinça la reine blanche et crème, tu veux tous nous tuer ? »
Bien trop fatiguée pour une joute verbale, la novice préféra l'ignorer et entama sa préparation à base d'herbe-aux-chats. L'aînée, malgré sa truffe coulante, réussit à capter le fort parfum de la plante.
« Qu'est-ce que tu expérimentes encore ? » cracha-t-elle de mépris.
Dépassée, Patte d'Agneau attendit d'administrer patiemment à chacun sa bouillie avant de lui répondre :
« C'est de la cataire, le meilleur remède contre le mal vert. »
Sur ces mots elle s'enfuit sans attendre la réplique de Jolie Brize.
Patte d'Ormeau, qui finit en même temps qu'elle, la rejoignit sous le rocher plat.
« Comment vont les anciens ? le questionna-t-elle.
-Pas très bien, mais ils ont tous avalé leur traitement. »
Soulagée qu'à moitié, elle hocha néanmoins la tête. Si elle brûlait d'envie de les examiner, elle devait faire confiance à son camarade, et de toute façon elle ne pouvait pas faire grand-chose de plus pour eux.
Ravalant ses craintes, elle prit sa part de feuilles et escorta son demi-frère jusqu'à la tanière des guerriers.
« Il y a un ennemi ! Du... Du Clan du Sel ! » gémit Serre de Choucas.
Aussitôt tous les chats relevèrent la tête, alertés et méfiants. Feuille de Maïs, le plus vigoureux, essaya même de se relever l'air menaçant.
La jeune grimaça et posa son paquet de limbes devant Flanc de Cheval.
« C'est Patte d'Ormeau, notre mentor l'a envoyé m'aider à soigner le mal vert.
-Je refuse de me faire soigner par une face de mouette ! feula Feuille de Maïs en s'hérissant l'échine.
-Tu préfères mourir ? » soupira Flanc de Cheval.
Son demi-frère s'occupa donc des félins coopératifs tandis qu'elle se chargea des plus récalcitrants. Patte de Veau et Patte de Chiendent furent les derniers. Elle se dirigea vers le plus proche, qui s'avéra être le mâle brun aux poils rêches, sans penser au fait que Patte d'Ormeau devrait prendre en charge Patte de Veau.
« C'est ton frère ? »
Elle acquiesça, réalisant trop tard avec gêne ce qu'impliquait cette situation. Mais le novice du Sel ne sembla pas être plus perturbé que cela de l'information et effectua sa mission sans plus de commentaire. Patte de Veau, bien trop malade pour remarquer quoi que ce soit, ne fit qu'avaler la bouillie végétale comme il en avait pris l'habitude.
Ils passèrent ensuite le restant de la journée à nettoyer les tanières et renouveler les litières. L'aide de Patte d'Ormeau lui avait permis de tout finir en avance, ce qu'elle n'avait jamais réussi à faire depuis le début de l'épidémie. Ils se tenaient à présent dans l'antre du guérisseur, à faire l'inventaire des stocks pour établir les plantes urgentes à aller cueillir.
« ... et pour finir des feuilles de bourrache. Celles que tu as partent en poussière... »
L'apprentie hocha la tête et fit un tas avec les vieilles herbes dépassées.
« Merci pour ton aide. »
Le jeune chat la quitta du regard, pour fixer un point derrière le mur de ronce. Puis il ondula sa queue d'un geste évasif.
« Ce n'est pas comme si Refrain de Ressac m'en avait laissé le choix...
-Oui... elle laissa passer un long silence, pourquoi tu es... Comme ça ? »
Il se tourna vers elle et haussa une vibrisse.
« Je veux dire, tu es passé de la bonne humeur à la jalousie, puis maintenant tu sembles complètement vide... »
Le mâle soupira, tourna en rond, puis s'assit en regardant le sol, les vibrisses lasses.
« Tu as toujours été plus douée que moi, tu retiens mieux les leçons, tu réussis mieux les exercices... Tu t'occupes seule de tout un Clan. Et Refrain de Ressac est là pour me le faire remarquer... J'étais envieux, jaloux, mais j'ai compris que cette situation n'était qu'une punition, le prix à payer pour la faute de mes parents. Cette erreur, c'est ma prison. »
La novice l'écouta attentivement, est-ce que le mal vert était sa punition à elle ?
« Et... Tu en as parlé à quelqu'un ? miaula-t-elle, à Refrain de...
-Non, la coupa-t-il.
-Alors... Pourquoi moi ? »
Il releva le museau, braquant ses yeux dans les siens.
« Tu es dans la même galère que moi, tu es ma sœur, on partage les mêmes cours, ... Qui d'autre me comprendrait ? Et puis, ses oreilles pivotèrent en arrière, en arrivant ici, dans ton camp puant la maladie, j'ai compris que tu n'étais pas celle que je croyais. Tous ces malades, ces blessés, ces morts, ... Comment fais-tu pour ne rien lâcher ? A ta place je crois bien que je serais devenu fou. »
Elle laissa planer un silence, la gueule semi-entrouverte :
« Les défaites s'enchaînent... Mais je ne peux pas abandonner. »
Il ferma les paupières en compréhension, puis aucun des deux ne poursuivit la conversion jusqu'à ce qu'un appel les fasse sortir de l'antre.
Patte de Chouette et Patte de Vent attendaient sous le rocher plat, les griffes pleines de terre. C'est la jeune femelle noire qui prit la parole :
« On a finit de creuser la tombe des chatons, mais c'est vous qui devrez finir de les enterrer, puisque vous êtes les seuls à pouvoir les toucher. »
Le duo d'apprentis guerriers les quitta sur cette phrase, les laissant seuls.
Après un accord tacite, les soigneurs trottinèrent vers les petits corps noirs. Un chaton chacun, ils s'empressèrent de rejoindre le lieu funéraire.
La tâche fut rapidement accomplie dans les règles et Patte d'Agneau resta un moment assise, dos au crépuscule, à contempler avec tristesse la dernière demeure des êtres qu'elle n'avait pu sauver.
« J'espère qu'ils seront les seuls, souffla Patte d'Ormeau.
-Je l'espère aussi... »
Le matou brun roux ronronna, puis se leva et se dirigea vers la brèche. Après quelques foulées il se retourna, la fourrure embrasée par les dernières lueurs solaires :
« Ils le seront », affirma-t-il.
*****
Ormeau a enfin compris et commence à faire la paix avec Agneau !
Et désolé pour le retard, j'avais perdu l'inspiration pour cette histoire ^^'
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