24. La famille Hayes
Les derniers clients ont quitté le café pour rejoindre leurs familles respectives et retrouver leur quotidien habituel. Je ne quitte pas des yeux la rue vide et silencieuse en serrant mon portable dans la main. Nathaniel et Nora s'occupent de nettoyer et ranger le café avant que nous allions manger tous les trois. J'ai bien essayé de proposer mon aide cependant ils ont refusé et m'ont demandé d'attendre.
Je consulte les réseaux sociaux en souriant face aux dernières photos de mon meilleur ami. Il n'a pas pu s'empêcher de me prendre en photo lorsque je buvais mon chocolat chaud. Je n'ai pas vraiment fière allure sur la plupart des photos, mais cela ne me dérange pas. Ella est heureuse de voir ma vie sociale plus active depuis quelques semaines. Papa souhaite absolument rencontrer ce mystérieux garçon avec qui je mange ce soir. Ma plus grande crainte est de ne pas le présenter à ma famille, mais que Sam décide de jouer les garces et humilier Nathaniel.
― Tu es contrariée ?
Mon coeur loupe un battement lorsque je découvre Nathaniel près de moi. Je range mon portable dans ma poche puis quitte le banc sur lequel j'étais installée. Une mèche de ses cheveux tombe devant ses yeux, je passe une main pour contempler son regard.
― Non tout va bien.
― Est-ce que tu veux rentrer chez toi ?
Je secoue la tête, paniquée à l'idée de le décevoir.
― Excuse-moi, je ne suis vraiment pas habituée.
― Je te promets de ne pas te manger si cela t'inquiète.
Un éclat de rire s'échappe de ma bouche. Nathaniel n'est pas une personne mauvaise malgré les apparences, il défend toujours les plus faibles et fait de son mieux pour me rendre à l'aise. Il glisse sa main dans la mienne puis me demande de le suivre. Je remarque la porte sur laquelle une personne a écrit à la craie.
― Lors de l'achat du local, je me suis occupé de peindre sur la porte menant à notre appartement. C'est de la peinture craie, on peut écrire ce que l'on veut dessus ou dessiner pour les âmes d'artistes.
― C'est une superbe idée.
Il tourne la clé insérée dans la serrure puis m'invite à monter. Les marches de l'escalier sont étroites et craques sous mes pas. Nous nous retrouvons devant une nouvelle porte colorée en jaune. Nathaniel m'invite à entrer dans son appartement en me proposant aussitôt quelque chose à boire. L'entrée donne sur un petit salon comportant tout le nécessaire pour être bien installé. Le canapé vert canard semble moelleux et me donne envie de sauter dedans, des coussins sont installés dessus ainsi qu'une couverture jaune pliée. Des cadres sont accrochés au-dessus dans lesquelles se trouvent des photographies de paysages. Sur la table basse repose quelques livres ainsi qu'un plateau contenant des petites plantes.
Bien que l'espace soit bien plus petit que ma maison, j'apprécie la décoration et l'ambiance générale de l'appartement. Le salon donne directement sur la petite cuisine couleur vert d'eau. Les meubles semblent plutôt anciens, mais cela apporte un certain charme à l'endroit. Nathaniel dépose un verre d'eau devant moi puis m'invite à m'asseoir dans le canapé.
― Tu peux te détendre, il n'y a que ma mère et moi.
― Je suis touchée par cette invitation.
J'attrape le verre dans mes mains tremblantes puis avale une gorgée. Mes joues sont brûlantes à cause de mon angoisse. Je ne devrais pas m'inquiéter parce que je sais que les Hayes ne sont pas tous des connards. J'ai beaucoup de chance que Julia ne soit pas présence bien que cela semble étrange. Pourquoi Nathaniel habite-t-il ici ? Notre relation n'est pas encore suffisamment avancée pour que je le questionne à ce sujet.
― Est-ce que je peux te poser une question ? demande-t-il.
― Oui bien sûr.
― Qui était le garçon avec qui tu discutais à la caisse ?
Cette remarque n'est pas méchante ou la conséquence d'une certaine jalousie. Je dépose mon verre sur la table basse.
― Je ne le connais pas vraiment pour être franche. Nous nous sommes croisés lorsque je suis allée à l'infirmerie à cause d'une crise d'angoisse en plein milieu de mon cours d'espagnol. J'ai bien apprécié ses dessins alors je l'ai complimenté. Pourquoi cette question ?
― Parce que tu es la première personne à lui tendre la main.
Il croise les bras en me regardant droit dans les yeux.
― Je ne suis pas certaine de comprendre.
― Depuis le début de l'année il se fait persécuter par les brutes du bahut, je l'ai défendu à plusieurs reprises. J'ai tenté de l'approcher pour lui donner des conseils, mais cela n'a absolument rien changé.
Adam est différent des autres lycéens que j'ai rencontré depuis le début de l'année scolaire. Il ne parle jamais et j'ai le sentiment que le monde artistique est un moyen pour lui de s'évader. Depuis quand souffre-t-il de cette façon ? Je me sens coupable de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt. Nathaniel remarque ma détresse et pose sa main sur la mienne, ce qui me pousse à le regarder.
― Le club pourrait tellement lui apporter.
― C'est vrai néanmoins la principale règle est de ne pas forcer les gens à rejoindre cette cause.
Je hoche la tête.
― Est-ce que tu veux voir ma chambre ?
― Rassure-moi ce n'est pas une question piège ?
Il éclate de rire puis attrape ma main dans la sienne pour me guider vers sa chambre. Le couloir en lui-même est simple et comporte quatre portes. Il pousse la première puis m'invite à entrer dans sa chambre. Je découvre une chambre aux murs clairs avec des décorations accrochées un peu partout. Des faux vinyles sont collés près de son bureau, c'est tellement beau. Les étagères sont remplies de livres et des fournitures scolaires. Son lit banquette est collé contre le mur, il possède des tiroirs de rangement. Une petite lanterne est sur le sol avec une fausse bougie à l'intérieur.
― Désolé, c'est un peu le bordel.
Il referme rapidement sa commode blanche débordant de vêtements. Un panier de linges propres trône sur celle-ci dans l'attente d'être rangée. Le bureau quant à lui est envahit par des feuilles, stylos et surligneurs. Je ne m'attendais pas à découvrir une chambre aussi lumineuse, mais elle correspond bien à la personnalité de Nathaniel. Extérieurement il semble froid, mais c'est quelqu'un de bien.
― C'est vraiment magnifique.
Je touche du bout des doigts une guirlande lumineuse en souriant. On peut apprendre beaucoup de choses sur une personne en découvrant sa pièce de vie. Nathaniel refait rapidement son lit pour rendre la pièce présentable bien qu'elle le soit déjà. Mon regard ne se détache pas des photographies collées sur le mur.
― Bienvenue dans mon monde.
― Cela te correspond bien, je trouve.
― Je me demande à quoi ressemble la tienne.
Mes joues s'empourprent de nouveau en imaginant Nathaniel dans ma chambre. Ella s'est occupée de redécorer ma chambre pour mon anniversaire l'année dernière. J'ai gardé la plupart de mes meubles en y apportant tout de même un certain changement. Ma belle-mère est une incroyable décoratrice d'intérieure et est parvenue à transformer notre maison triste et monotone en quelque chose de bien plus accueillant. Il faut dire que la maison méritait un coup de jeune après le départ de maman.
― Peut-être que tu la verras un jour.
― Attention à cette promesse, je pourrais escalader à ta fenêtre.
Il soulève mon menton puis m'embrasse tendrement sur les lèvres. Les papillons dans mon ventre s'éveille de nouveau, ce qui ne me déplaît pas. Nathaniel est le premier garçon à éveiller ces sentiments étranges que je ne comprends toujours pas. Nous nous écartons l'un de l'autre à bout de souffle.
― Tu me plais bien, Maxine.
― La raison de cette attirance est mystérieuse.
Nathaniel secoue la tête.
― On ne tombe pas amoureux d'un corps, mais de la personne. Cela ne s'explique pas vraiment, c'est juste un fait. En quoi est-ce fou que je sois attiré par une jeune fille intelligente, belle avec beaucoup de coeur ?
― Parce que tu es le premier.
― Et je suis heureux de l'être parce que je vais peut-être t'apprendre à t'aimer toi-même.
Notre conversation est interrompue par la porte d'entrée claquant. Je m'écarte de Nathaniel par crainte que la mère de celui-ci imagine des choses. Le blond se contente de repousser une mèche de mes cheveux bruns puis éteint la lumière de sa chambre. Nous regagnons le salon pour aider madame Hayes à tout préparer.
― Qu'est-ce que tu aimes manger, Maxine ?
― Je lui ai proposé une pizza maison.
― Tu as de la chance que j'ai de quoi faire dans mon frigo, jeune homme !
Nora sort une grande pâte provenant du supermarché, mais cela ne me dérange pas. D'autres ingrédients viennent s'ajouter sur le plan de travail. Il lui faut quelques minutes pour préparer la sienne et nous laisser la place pour réaliser les nôtres. Je louche sur les chorizos puis en dépose sur ma propre pizza. Nous passons une quinzaine de minutes à confectionner notre propre repas pendant que la propriétaire des lieux installe la table pour que nous mangions ensemble.
Une fois les pizzas dans le four, nous nous installons dans le salon. La télévision diffuse une vieille émission que mon père regardait tout le temps auparavant. Nathaniel me serre un verre de Coca bien frais tout en s'installant sur le fauteuil orange. Nora baisse le son de la télévision puis se tourne vers moi.
― C'est ta première année au lycée ? demande-t-elle d'une voix douce.
― Oui tout à fait.
― Comment ça se passe ?
Je décide d'être complètement transparente et exposer mon expérience de ces dernières semaines.
― Pour être tout à fait franche, je ne m'attendais pas à tant de pression dès la première année. Les professeurs sont exigeants et attendent à ce que l'on décide du métier pour le reste de notre vie, c'est angoissant.
― Le lycée est une étape importante dans la vie d'une personne et l'expérience peut à la fois être exceptionnelle et stressant. Tu as le temps de bien réfléchir à ce que tu souhaites faire de ta vie, tu es libre de te tromper et changer de voie !
Je suis surprise par la sincérité de la mère de Nathaniel. Peu d'adultes reconnaissent qu'il est difficile de trouver la bonne voie. J'ignore ce que je souhaite faire plus tard, c'est un sujet auquel je m'efforce de ne pas songer pour l'instant. J'ai des questions qui brûlent mes lèvres au sujet de Nathaniel, mais trop timide pour les poser je me contente de les garder pour moi.
― Tu as le droit de poser tes questions, Max.
― C'est impoli.
Nathaniel sourit de façon amusé.
― Je veux bien répondre aux questions silencieuse. Mon parcours scolaire est plutôt chaotique, mais je m'en sors bien. J'ai passé mon année de Seconde à presque rien faire et enchaîner les conneries pendant un certain moment cependant j'arrivais quand même à maintenir des bonnes notes. C'est une chance de ne jamais avoir redoublé, d'ailleurs.
― C'était une sombre époque.
Une expression de tristesse traverse le regard de Nora, mais celle-ci est rapidement remplacée par sa joie habituelle. Que s'est-il vraiment passé à cette époque pour que Nathaniel décide de se comporter comme un con ? Le portable de celle-ci sonne sur la table basse, elle le prend d'une main puis s'excuse poliment.
― Je t'expliquerais cet aspect de ma vie une autre fois, c'est promis.
― Tu n'es pas obligé de le faire.
― J'éprouve le besoin de le faire, c'est important pour être avec toi.
Le reste de la soirée se déroule dans la bonne humeur autour de la musique et des délicieuses pizzas réalisées par nos soins. J'apprends à connaître Nora et découvre des anecdotes sur Nathaniel lorsqu'il était enfant. Turbulent, il grimpait partout jusqu'au jour où celui-ci est tombé d'un arbre en voulant attraper un papillon. Je me sens bien auprès de cette petite famille et garde mes questions au sujet de Julia et du passé de Nathaniel dans un coin de ma tête pour profiter de l'instant présent.
18.06.2022
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