No Homo
'dep = verlan de PD.
(précision des surnoms :
ORELSAN = caennais, doubleur de Saitama, cadet, normand, chevelu, rappeur polémique
GRINGE = cergyssois, Guillaume, le plus vieux, l'aîné, banlieusard, basané
pour ceux qui ne connaissent pas trop l'univers des Casseurs Flowteurs ^^ )
Les deux rappeurs sont, comme à leur habitude, en train de végéter sur le vieux canapé sale et troué dont ils ne se débarrasseraient pour rien au monde.
Comme d'habitude, ils ont bu plus que raison, et se trouvent maintenant dans un état comatique, semi-conscients du monde qui les entoure. Malgré l'appartement qu'ils partagent presque depuis des années et des années, et dont les meubles n'ont pas bougé depuis leur acquisition -Dieu seul sait comment ils ont fini ici- aucun des deux compères n'est actuellement capable de se repérer dans cette pièce. Tout ce qu'ils savent est qu'ils sont complètement déchirés.
Et peut-être qu'ils ont fumés aussi, mais ils ne s'en souviennent plus très bien. S'ils pouvaient ne serait-ce qu'ouvrir les yeux pour poser leurs regards sur la table, la boîte à weed ouverte à côté des bouteilles de 1664 vides aurait répondu à cette question. De toute façon, ils planent trop pour formuler cette question.
L'un, portant son éternel bonnet sur la tête, tente, les yeux clos, de rassembler ses pensées en une ligne droite et cohérente.
L'autre, louchant sur la mèche blanche qui contraste avec ses cheveux châtains, attend tranquillement que son système immunitaire entame le processus de dégrisement.
Commencer à boire à dix heures du matin ne leur semble plus une si bonne idée.
Il est trois heures de l'après-midi et ils n'ont rien mangé de la journée. La manière la plus simple de redevenir sobre serait d'aller pisser, mais ils n'ont pas l'énergie et encore moins l'envie de bouger de leur position si désagréable. Ce canapé n'a jamais été confortable.
GRINGE : Comment j'ai faim...
Sa voix est rocailleuse et tremblante. Comme si chaque mot lui arrache la gorge.
ORELSAN : Comment c'est loin . . .
Le cadet ne peut s'empêcher de répliquer dans un faible sourire amusé. Les voilà qu'ils se font des références à eux-mêmes... Le comble du pathétique. Enfin, leur film commun a eu un franc succès, et personne ne peut les blâmer d'en être fiers.
GRINGE : Qu'est ce qui est loin ? La cuisine ?
ORELSAN : Ton charisme.
L'ivresse ne les a jamais empêché d'être des abrutis provocateurs. Au contraire. Et, additionné à la beuh qu'ils ont inhalé, leur pitoyable stupidité atteint son paroxysme.
GRINGE : Au moins, le mien existe...
Œil pour œil, dent pour dent. Guillaume ne laisse jamais passer de telles piques sans y répondre. Il passerait pour un fragile en plus d'un mec pathétique s'il se laissait se faire critiquer ainsi.
ORELSAN : Ouais mais en attendant c'est pas ça qui va nous faire à bouffer.
GRINGE : T'as qu'à bouger si tu veux bouffer.
ORELSAN : C'est toi qui as dit que t'as faim.
GRINGE : Tu crèves pas la dalle, toi ?
ORELSAN : Je crève tout court... On a fumé ou quoi ?
GRINGE : J'sais ap mec, mais j'suis fonce-dé.
ORELSAN : Putain... On est trop cons.
GRINGE : Ouais. Et on a la dalle.
Le caennais tente de se redresser un peu. Tout est flou autour de lui. La gueule de bois à laquelle il est depuis longtemps habitué ne lui donne même plus de haut-le-cœur. Par contre, les vertiges, eux, persistent.
ORELSAN : Est ce que c'est toute la planète, ou ma tête qui tourne ?
Son ami de longue date pousse un grognement animal qui ne répond aucunement à l'interrogation du plus jeune. Rassemblant toute son énergie, Aurélien parvient à s'asseoir plus ou moins correctement sur l'amas à la fois mou et dur que constitue le divan. Il se frotte les yeux pour éclaircir sa vue, mais ce geste ne fait qu'accentuer sa migraine. Son regard absent se promène dans la pièce dérangée et dégarnie de leur appartement. Enfin, le normand aurait pu se prétendre unique locataire du lieu étant donné que Guillaume ne payait quasiment jamais le loyer. De toute façon, sans job, comment aurait-il trouvé l'argent nécessaire pour ça ? Le caennais ne lui en a jamais tenu rigueur.
Orel tombe sur son téléphone qui gît au pied du sofa. L'appareil a dû glisser de ses mains pendant sa végétation active. Le normand se penche en avant et tend le bras pour le ramasser. Une fois le cellulaire en main, il sourit, victorieux, et se tourne vers son compagnon de boisson.
ORELSAN : On commande ?
L'interpellé ouvre un œil, puis l'autre, et tourne complètement la tête vers son interlocuteur. L'idée de ne pas avoir à préparer à manger ni manger les restes de pâtes froides et probablement périmées l'intéresse grandement.
GRINGE : Pizzas ?
Le principal locataire de l'appartement opine du chef. Il doit se concentrer pour se souvenir du nom de contact de leur restaurant favori. Finalement, après quelques dizaines de secondes de galère et d'intense réflexion, le rappeur aux trois albums solos platinés réussit à maîtriser le tapotage de ses doigts sur l'écran tactile. Le biip régulier de l'appel résonne entre les murs mal isolés. Lorsqu'à l'autre bout du combiné, le vendeur décroche, Aurélien prend immédiatement la parole sans laisser à l'autre de faire sa petite introduction.
ORELSAN : Une Orientale et une Mexicaine s'il vous plaît, et deux 7up.
L'échange ne dure pas, et le plus petit n'oublie pas de fournir son adresse avant de raccrocher. Guillaume n'a pas raté une miette de la très courte conversation téléphonique.
GRINGE : T'as commandé une pute ou une pizza ?
ORELSAN : Quoi ?
GRINGE : <<Une Mexicaine et une Orientale>>, Mec j'espère que les capotes sont fournies avec.
Les deux hommes lâchent un rire gras, pourtant conscients de la blague de mauvais goût. Tous deux savent que l'aîné est bien trop accro aux travailleuses du sexe et que sa vie devrait être moins concentrée sur sa libido.
ORELSAN : Heureusement que j'ai précisé <<sans champignons>>.
GRINGE : Ca aurait rajouté un peu d'exotisme.
ORELSAN : Tu sais que c'est pas ça, le tourisme ?
GRINGE : Chacun sa manière de traverser les frontières étrangères~
ORELSAN : T'es con putain...
Encouragés par l'alcool qui coule encore dans leurs veines et le cannabis qui matrixe leurs cerveaux, ils se remettent à rire.
Aujourd'hui est une journée banale remplie d'éthanol, d'humour de merde et de malbouffe. Une journée agréable en soit. Le duo n'est pas prêt de se débarrasser de ses mauvaises habitudes.
Le doubleur de Saitama lance son cellulaire sur la table basse et s'écroule lourdement sur le canapé. Une plainte étouffée sort des coussins entassés. Epuisé de cette activité éreintante qu'est 'passer une commande', Aurélien a envie de se rendormir. Le poids de sa tête lui semble trop pesant pour ses simples épaules, son cou ne parvient plus à la porter, et flanche, entraînant le corps d'Aurélien qui se laisse tomber vers l'autre loque humaine. Ce dernier remarque à peine le crâne chevelu qui vient d'atterrir sur sa clavicule, l'esprit bien trop perché dans des pensées que personne ne veut connaître.
Soulagé de ne pas s'être fait repoussé, le rappeur polémique pousse un léger soupir de bien-être. Il apprécie sincèrement la situation. Passer du temps avec Guillaume lui procurait un étrange sentiment de bonheur. Ils sont pourtant deux adultes immatures, flemmards, alcooliques, procrastinateurs, pervers, infidèles, improductifs, stupides et pathétiques. Déjà que seul, aucun des deux ne vaut grand chose, mais ensemble, c'est la dégénérescence de l'espèce humaine. Ils pourraient remplir le Musée de la Bêtise, s'il existait, à eux seuls. Ils devraient en fait le créer, ça serait même carrément un bon projet. Quelque chose sur quoi se pencher et qui pourrait leur rapporter gros. Malheureusement, ils n'ont jamais été très motivés à se bouger pour gagner du fric. Tant d'idées en tête mais si peu sont concrètes ! Imaginons un instant que toute l'énergie qu'ils mettent à éviter les tâches ennuyeuses soit mise à profit d'une entreprise productive... Ils seraient devenus milliardaires à vingt-cinq ans. Au lieu de ça, la trentaine déjà passée, ils continuent de se comporter comme des adolescents en manque d'adrénaline. Chaque respiration prise n'est que gâchis.
Ils l'ont toujours su. Ils ne deviendront jamais rien en continuant sur ce chemin. Leurs albums ont été de francs succès, mais cela n'a pas changé leur quotidien. Les récompenses n'ont pas suffit à les faire bouger. Guillaume n'avance toujours pas sur son premier album solo, et Aurélien n'a pas fini la réédition de La fête est finie. Ils tournent en rond, s'enfonçant complètement. Et le plus perturbant est que ça ne les dérange même pas vraiment.
Ils sont habitués à leur routine toxique, à leur amitié virile, à leur improductivité problématique. C'est devenu leur bulle de confort, ils se plaisent même de ce quotidien qui les tue à petit feu. Fumer, boire, baiser. Trois mots qui qualifient plus leurs existences que Manger, Travailler, Se Reposer. Les Casseurs Flowters ne seront bientôt plus que l'ombre d'eux-mêmes.
GRINGE : Il est quelle heure ?
ORELSAN : Seize heures j'crois.
GRINGE : Il est tôt...
ORELSAN : C'est toi qui as sorti la bière pour le p'tit déj.
Le cergyssois ne nie pas les faits, et ne les approuve pas non plus. Mais son silence est une réponse éloquente. Aurélien ne demande de toute façon pas de validation, il sait qu'il a raison. Il sait que Guillaume l'entraîne dans sa décadence, dans une chute longue et sans corde de rappel, sans matelas pour les amortir, sans personne pour les parer. L'escalade n'a jamais été le sport favori du normand, et les sauts dans le vide non plus. Sa vie est déjà bien assez vide pour qu'il n'ait pas besoin de se plonger encore dedans. Mais c'était Guillaume. Et, pour lui, l'ancien réceptionniste hôtelier veut bien se foutre en l'air tous les matins et tous les soirs.
C'est remarquable de voir à quelle vitesse un être humain peut gâcher son existence. L'ex d'Aurélien lui a dit un jour que son meilleur ami n'est qu'un parasite qui a prit place dans sa vie et s'est approprié chacune des possessions du chatain, qui profite de lui, le menant à l'autodestruction, par simple plaisir égoïste. Elle a ajouté qu'une fois que le banlieusard n'aurait plus rien à tirer du normand, il abandonnera sa carcasse inutile pour aller pourrir un nouvel hôte sain. Ils se sont disputés à cause de ça. <<Choisit entre ton cassos de pote et ta petite amie aimante>> avait-elle dit. Orel a toujours détesté les choix et les ordres. Mais cet ultimatum a été bien trop facile à trancher. Il n'a même pas fait semblant d'hésiter avant de répondre à cette question ; il l'a largué sans l'once d'un remord.
L'homme se dépêche de chasser le souvenir de cette fille de sa mémoire. Il la déteste autant qu'elle déteste Guillaume. Suite à leur rupture, Aurélien a ajouté un critère absolument nécessaire pour ses futures copines : il faut qu'elles acceptent son amitié avec le basané. Si c'est pour finir comme avec sa précédente relation, ce n'est même pas la peine, aussi belle soit la demoiselle. Le rappeur au bonnet sera toujours une priorité.
ORELSAN : Hé mon pote...
GRINGE : Ouais ?
Ou peut-être qu'il n'a juste pas envie ni besoin d'une autre petite amie. Il s'est déjà beaucoup donné à des femmes éphémères et pas si jolies. Il a son frère de toujours, cet homme qui le connait par cœur, qui accepte sa flemmardise ; ce mec avec qui il partage le même humour vaseux, l'amour des mangas, le plaisir des jeux-vidéos et la dépendance à l'alcool. Il a toujours pensé que sa moitié se trouvait dans l'autre sexe, mais la personne qui le complète parfaitement marche déjà à ses côtés. C'est une idée complètement stupide, une pensée vachement risquée, mais . . . Il n'a jamais été un exemple d'intelligente.
Et il est actuellement complètement défoncé.
ORELSAN : Tu vois ce moment où tu commences à douter de ton hétérosexualité parce que tu te rends compte que t'es complètement dingue de ton meilleur ami de toujours, que tu le suivrais au bout du monde, que t'es prêt à te donner corps et âme à lui, que t'es juste incapable de vivre sans lui parce que sa présence t'est absolument nécessaire, qu'entre vous c'est plus que de l'amitié ou de la bromance, que c'est un vrai frisson qui te tord l'estomac quand t'es à côté de lui, que tu ressens une brûlure inhabituelle quand vos peaux se frôlent, que t'es anormalement attiré par ses lèvres, que t'as juste envie d'enfouir ta tête dans ses bras, que tu peux plus te passer de lui, que tu penses à lui à chaque putain de seconde, que tu veux vivre et mourir avec lui et que t'es capable de tout foutre en l'air -de TE foutre en l'air- pour lui ?
GRINGE : .....
ORELSAN : Gringe ?
GRINGE : . . . . .
ORELSAN : ...T'es censé dire <<Non>> . . .
La tête toujours appuyée sur l'épaule de son interlocuteur subitement devenu muet, le caennais relève doucement les yeux sur le visage de son ami. Ce dernier évite ostensiblement son regard. Le banlieusard se mord la lèvre, l'air paniqué. Il ferme les yeux comme si ça l'aiderait à échapper à cette réalité.
GRINGE : Putain Orel...
ORELSAN : Dis le.
GRINGE : J'peux pas...
Le plus jeune des deux fronce les sourcils. La situation vient de prendre une tournure inespérée. Comment en sont-ils arrivés là ? Ils sont clairement en train de déraper.
ORELSAN : C'était censé être une blague...
GRINGE : Parce que tu trouves ça marrant, toi ?
ORELSAN : D'être 'dep ?
GRINGE : J'suis pas 'dep.
ORELSAN : Moi non plus.
Le brun au bonnet finit par croiser les iris noisettes de son vis-à-vis. Il ne peut plus échapper à l'interrogation qui brille dans le regard de son camarade de beuverie. Il leur faut une réponse. A tous les deux. Maintenant.
GRINGE : T'aurais pu choisir une autre manière de faire ton coming out...
ORELSAN : Mouais, j'ai dû trop fumer...
GRINGE : T'as besoin de fumer pour avouer que tu bandes sur moi ?
ORELSAN : Tout le monde bande sur toi putain. T'as vu comment t'es ? J'suis pas 'dep, j'te kiffe juste.
GRINGE : J'avoue que même moi je bande sur moi~
ORELSAN : Ca c'est le sommet de la 'depitude !
Ils rient en choeurs, amusés par leurs conneries. Guillaume tente une protestation vaine, étouffée par ses éclats de joie. Les deux compères échangent un regard complice, accompagné d'un sourire qui reflète leur immaturité. La trentaine ne les a visiblement pas aidé à grandir. Le duo restera toujours un couple d'éternels gamins.
ORELSAN : Hé Gringe ?
GRINGE : Quoi ?
ORELSAN : T'as toujours pas répondu...
Le sourire de l'aîné s'efface tandis qu'il plonge son regard hésitant des les orbes brunes de son interlocuteur. Les diverses sentiments brillant dans ses pupilles traduisent sa panique intérieure. Leurs regards et leurs sentiments se mêlent dans ces longues secondes qui s'allongent, le temps passe et la Terre se déplace. L'éternité prend forme à cet instant qui précède la connexion de deux âmes sœurs qui se reconnaissent.
Le barbus se penche en avant, la tête légèrement basculée sur le côté. L'électricité entre lui et Aurélien devient insoutenable. D'un geste bien trop lent à leurs goûts à tous les deux, Guillaume supprime la distance entre leurs visages, effleure ses lèvres, mélange leurs souffles. Leurs nez se touchent et les yeux restent ouverts. La main gauche du cergyssois glisse sur le jean froissé du caennais. Leurs bouches se frôlent et se touchent sans se sceller. Un soupir de frustration traverse les lèvres irrésistibles du plus jeune. Ses longs cheveux caressent la joue de Guillaume. Le fourmillement qui parcourt sa peau est beaucoup trop agréable. Il sait bien qu'il n'est pas censé faire ça, mais il y a tellement de choses qu'il n'aurait pas dû faire et qu'il a quand même réalisé... Pourquoi pas celle-là ? Comment a-t-il pu repousser aussi longtemps son attirance pour son partenaire de rap ? Ils ne se sont même pas encore vraiment embrassés, mais le basané sent qu'il perd déjà pied.
S'il franchit la barrière de ces lèvres... Non, ils ont déjà passé le point de non-retour. Autant aller jusqu'au bout. Il a eu le courage d'effacer la distance, il peut bien finir le travail. Aurélien ne sera pas comme toutes ces choses qu'il a commencé puis abandonné par manque de courage ou de motivation. Aurélien mérite qu'il s'assume jusqu'au bout.
Le surnommé Gringe choisit de poser ses couilles sur la table et écrase ses lèvres contre la bouche de celui censé être son meilleur ami et acolyte de rimes. Les doux fourmillements se transforment en explosion de papillons, et l'impression de succomber à cet excès de bonheur a raison du cœur faussement endurcit du basané.
Avide d'amour, le normand place sa main derrière la nuque de son camarade pour approfondir le contact. La satisfaction qui tourbillonne en lui ne suffit pas. Ce baiser est à la fois trop et pas assez. Orel ne sait plus ce qu'il veut, entre arrêter avant qu'il ne puisse plus se stopper, et continuer à l'infini. Il craint qu'une séparation maintenant entraînerait la fuite du plus âgé. Car le banlieusard est connu pour sa lâcheté et son dégoût pour l'homosexualité. Le cadet maintient donc sa prise un peu plus longtemps, pendant que ses lèvres se meuvent avec joie contre la lippe de son vis-à-vis.
À bout de souffle après une durée indéterminée, Aurélien laisse son ami -ou amant ?- s'éloigner un peu. Le barbu se redresse et ouvre les yeux. Il ne se souvient même pas les avoir fermé durant l'échange amoureux. Guillaume sourit, d'un sourire qu'il n'a jamais offert à personne, un sourire pleinement heureux, un sourire trahissant tant de sentiments que l'homme qui lui fait face a l'impression de fondre devant lui.
GRINGE : Voilà ta réponse.
C'en est trop pour le cadet du duo, qui se jette à nouveau à l'assaut de la bouche si désirée de son binôme. Le rappeur au bonnet ne manque pas de répondre à la fougueuse embrassade. Il attire le châtain contre lui et s'allonge sur le canapé. Les salives s'entremêlent. Tout est plus intense que quelques secondes auparavant. Les cœurs battent à l'unisson dans un rythme si endiablé qu'ils pourraient rapper dessus.
Aurélien enroule ses bras autour de la nuque du plus âgé, qui fait glisser ses doigts sur le dos de son cadet. Leurs lèvres se scellent chaotiquement et les langues se lancent dans une valse irrégulière. Si les deux amis sont de merveilleux rappeurs et chanteurs compositeurs, ce sont aussi de bien piètres danseurs. Mais l'esthétique n'a que moindre importance dans cet échange dont leurs vies semblent dépendre. Ce sont leurs âmes qui se reflètent dans leurs mouvements. Tout ce qu'ils ont caché au plus profond de leurs cœurs depuis des années se libère en ce pluvieux après-midi estival.
Guillaume se sent planer. Pourquoi s'être réfugié dans l'alcool, le tabac et le cannabis alors qu'il a toujours eu cette drogue infiniment plus satisfaisante qu'est Orel à ses côtés ? Comment a-t-il pu repousser si longtemps ses sentiments pour la seule personne capable de le faire se sentir entier ? La rappeur au bonnet a eu de nombreuses copines dans sa vie, a côtoyé des escortes, s'est défoulé chez les prostituées, et a pêché des coups uniques dans des boites de nuits. Mais jamais aucune de ces filles, aussi bonnes soient-elles, n'a su combler le vide en lui de manière durable. Quelques unes de ces aventures ont duré. Certaines semblaient plus profonde -et pas en seulement en matière de sexe. Mais toutes, sans exception, ont prit fin. Sa relation avec Aurélien Cotentin est la seule et unique qu'il a su maintenir aussi longtemps. C'est la seule personne qui l'a accepté dans sa vie aussi longuement. Le seul humain dont il n'est pas tenté de s'éloigner au profit d'une cougar vivant dans une camionnette.
Alors oui, il voit parfaitement ce dont parlait Orel. Oui, il comprend ces sentiments. Oui, il a brisé leur routine. Il n'a pas été capable de lui mentir, pas quand l'homme dont il n'est plus si secrètement amoureux lui balance une vérité aussi douloureuse que surprenante entre deux cuites en le regardant avec des yeux d'enfants. Et il n'arrive même pas à le détester pour ça. Le fait est que, malgré l'aveu qui lui a serré le cœur, le trentenaire est heureux d'enfin pouvoir goûter aux lèvres de celui qui envahit ses pensées.
DRIIINNNNG DRING DRIINNG DRRRIIIINNNNNNNNNNNG
ORELSAN : Putain, si c'est Deuklo, j'vais l'enculer sec.
GRINGE : Tu vois que t'es 'dep !
ORELSAN : Ta gueule.
GRINGE : Calme toi, ça doit être le livreur.
ORELSAN : Ouais bah le livreur peut aller se faire enculer.
Le basané rit à travers sa propre frustration. Lui aussi est déçu de devoir se séparer de son cadet, mais le voir aussi énervé est amusant. Il prend un ton moqueur en glissant ses mains sous sa tête.
GRINGE : Tu vas ouvrir ou tu préfères le laisser repartir avec nos pizzas ?
ORELSAN : Pourquoi ce serait à moi d'aller ouvrir ?
GRINGE : Parce que c'est ton appart, ton argent, et que c'est toi qui a commandé.
ORELSAN : On est censé être en coloc... Un jour tu devras payer toi aussi !
GRINGE : T'inquiète pas, j'paie juste en bière et en nature !
ORELSAN : T'es en train de me vendre ton corps là ?
GRINGE : Carrément. Si t'en veux pas y'a plein d'autres gonzesses qui font la queue !
ORELSAN : Des gonzesses qui veulent ta queue, tu veux dire . . .
GRINGE : Aussi. Bref, va chercher notre bouffe.
ORELSAN : T'es vraiment la pire des te-pu, tu sais ça ?
GRINGE : Faut dire que j'ai appris des meilleures !
Le châtain lève les yeux au ciel en entendant son interlocuteur exploser de rire. Le rappeur normand se lève du canapé, marmonne des insultes inaudibles envers son compagnon, et se dirige vers la porte d'entrée. Il plonge sa main dans un bocal sur une commode, dans lequel se trouve les billets qui leur permettent de se nourrir -mal, certes, mais se nourrir quand même. Il ouvre la porte, le regard épuisé.
LIVREUR : Bonjour, une Mexicaine et une Orientale pour Monsieur Cotentin, c'est bien vous ?
ORELSAN : Salut Christophe. Dis, depuis le temps qu'on commande chez toi, tu devrais arrêter ton baratin du parfait petit livreur, non ? Appelle moi Orel comme tout le monde.
Le client régulier de la pizzeria du centre-ville attrape le sac qui dégage une odeur délicieuse. De sa main libre, il lui tend une liasse de billets de cinq. L'homme en uniforme lui sourit. Il sait par habitude qu'il a le droit à un bon pourboire, étant donné que l'acheteur ne compte jamais vraiment son argent.
LIVREUR : Le patron m'oblige à rester poli en toutes circonstances. Si on était potes, je vous dirais que vous bouffez trop, et trop mal, mais comme ça m'arrange pour mon salaire... Surtout, n'arrêtez pas ! Signature ?
Aurélien attrape l'appareil électronique et fait ce que lui demande l'employé de Domino's.
ORELSAN : Si tu voulais un autographe fallait le dire tout de suite mec !
LIVREUR : C'est ça. Et la prochaine fois que vous êtes nommés aux NJR Music Awards faites moi une petite dédicace ! Merci d'avoir d'avoir commandé dans notre restaurant, bon appétit et bonne journée !
La porte se referme et chacun retourne où il doit être. Le rappeur-chanteur-compositeur-acteur-scénariste-doubleur-réalisateur rejoint son camarade au salon, vire d'un coup de pied les encombrants sur la table basse et y dépose le contenu du sac en plastique portant le logo de la pizzeria.
GRINGE : Alors, c'était qui ?
ORELSAN : Ta mère, elle voulait savoir si j'étais libre pour me faire sucer.
GRINGE : Ah bah putain, j'savais pas que ma mère s'appelait Christophe et travaillait à Domino's Pizza ! Tu m'apprends des bails de fou mec.
ORELSAN : Ouais, félicitation d'ailleurs, elle a bien réussi sa transition, j'l'ai presque pas reconnue ! Remarque, c'est p'têtre parce qu'à chaque fois que je la vois elle est de dos en train de hurler mon prénom....
GRINGE : Mec, tu pourrais quand même fantasmer sur autre chose que ma reum quand même.
ORELSAN : Genre qui, toi ?
Aurélien reprend sa place sur le canapé, touchant volontairement le genou du banlieusard.
GRINGE : Quoi, j'suis pas assez ienb pour toi ?
ORELSAN : Entre toi et ta reum c'est quoi la différence ?
GRINGE : Ma mère elle s'enfile pas une bouteille de Vodka en une demi-heure.
ORELSAN : Pas faux...
GRINGE ; Et puis franchement elle est pas ouf au lit, ma daronne, tu gagnes pas au change.
ORELSAN : Genre tu l'as déjà baisé ?
GRINGE : Mais grave, t'as cru quoi ? C'est une femme mariée et mature, j'allais pas laisser passer ça !
ORELSAN : T'es dégueu...
GRINGE : C'est quoi le pire, baiser sa mère ou baiser son frère ?
La normand est prit au dépourvu par la question. Quand est-ce qu'ils se sont mis à parler inceste ? Ils ont beau être à Caen, ce n'est pas une raison pour normaliser ce genre de comportements. Peut-être qu'un peu plus au Nord, ça aurait pu passer crème...
ORELSAN : Ton vrai frère ou ton poto ?
GRINGE : On est comme des frères, toi et moi, non ?
ORELSAN : Ouais bah j'préfère que tu me baises moi du coup.
GRINGE : Parce que t'es 'dep ou parce que t'es jaloux ?
ORELSAN : Un peu des deux. Tu crois que c'est de l'inceste ?
GRINGE : J'sais ap et j'm'en branle.
ORELSAN : A force de te branler tout le temps tu vas attraper une infection.
GRINGE : A force de parler tout le temps tu vas attraper mon poing dans ta gueule.
La seule réaction du menacé est de rire. Ses doigts agrippent une part graisseuse et fourrent la pâte dégoulinante de fromage fondu dans sa bouche.
ORELSAN : Mmh ch'est archi bon ! Mais ch'est grafe chaud !
GRINGE : Si seulement tu pouvais connecter tes trois neurones et demies avant d'agir...
L'aîné a l'intelligence de ne pas se servir immédiatement. A la place, il préfère se moquer de son ami qui souffle la bouche ouverte pour tenter d'évacuer le surplus de chaleur. Il se surprend à penser que la bêtise du plus petit le rend atrocement mignon. Bordel, Guillaume est sacrément piqué. Dire qu'il a perdu tant de temps avec tant de meufs pour finalement se rendre compte que son amour est juste là... Quel gâchis. Ses trente-sept ans d'existence ont été un tel gaspillage que le barbu est certainement responsable de 80% de la pollution environnementale. Les écolos sont sans doute en train de faire une pétition pour supprimer sa présence sur Terre.
GRINGE : Dis Orel...
ORELSAN : Mmh ?
Le basané hésite. Il n'est pas vraiment sûr de savoir où il va, mais la vision du visage enfantin de son cadet le rassure. Ce dernier est comme un phare qui le guide à travers la tempête. A chaque fois que celui au bonnet gris a eu un problème, l'autre a toujours été là pour le soutenir. Aurélien ne bougerait pas, quoiqu'il arrive, et cette pensée arracha un mince sourire au plus âgé.
GRINGE : On fait quoi maintenant ?
ORELSAN : Bah... On bouffe ?
Guillaume ne retient pas son rire. Il est définitivement amoureux d'un abruti fini. Il a du mal à reprendre son sérieux. Après s'être embrassés comme ils l'ont fait, ils devraient avoir une conversation sérieuse. Mais, comme d'habitude, ils font tout sauf ce qu'ils sont censés faire.
GRINGE : Non, je veux dire... Toi et moi. On fait quoi, après ?
ORELSAN : Euh . . . On peut mater une série si tu veux...
Le cergyssois essaie vraiment de faire les choses bien, pour une fois, mais son ami ne l'aide absolument pas. Peut-être ne sont-ils juste pas faits pour ça.
GRINGE : T'es con ou tu le fais exprès ?
ORELSAN : Euh oui-
GRINGE : Quoi oui ?
ORELSAN : J'sais pas trop, c'est quoi le 'blem ?
GRINGE : Ouais, donc t'es con. Pourquoi j'continue de me prendre la tête avec toi ?
ORELSAN : Parce que tu m'kiffes ?
Frappé par la véracité de ces propos, Guillaume ne répond pas. Bien sûr qu'il le kiffe. Ils le savent tous les deux à présent. Mais ça reste tellement dur à avouer à voix haute. Surtout pour quelqu'un qui a passé sa vie à fuir ses sentiments.
GRINGE : Hum... O-ouais... Du coup... Euh... Qu'est ce qu'on fait ?
ORELSAN : J'pige rien de c'que tu racontes.
GRINGE : Toi et Moi. On devient quoi ?
ORELSAN : Rien du tout. Pourquoi on changerait ?
GRINGE : Bah, tu sais, à cause de... De ce que t'as dis...
ORELSAN : Et j'ai dis quoi ?
GRINGE : . . . Que... Que tu m'kiffais . . .
ORESLAN : Ha... Bah, ouais, et ?
GRINGE : Tu le fais vraiment exprès ?
ORELSAN : Non, j'suis juste con, t'as zappé ?
GRINGE : Visiblement.
Comme pour oublier cette conversation foireuse, le banlieusard attrape sa canette pour en boire la moitié. Il saisit ensuite une part de pizzas, souffle dessus et plante ses dents dans la pâte moelleuse. Il mâche lentement, profitant pour remettre les choses au clair dans son esprit. La connerie d'Orel a toujours eu le désagréable pouvoir de tout mélanger en lui.
Le châtain à la mèche blanche, lui, ne comprend pas vraiment où veut en venir celui au bonnet. Ont-ils sincèrement besoin de faire le point sur leur relation ? Oui, ils se sont embrassés, et alors ? Est ce que cela change drastiquement leur relation ? Ils sont toujours les mêmes : le groupe de rap le moins productif, deux connards dans un abris-bus, les dignes héritiers des Goonies, benêt blanc et blanc benêt, la nouvelle paire, les Casseurs Flowters. Après tout, cela fait longtemps qu'ils s'aiment, non ?
ORELSAN : J'crois que c'est toi qui te prends trop la tête, mon cher Gringo. Qu'est ce qu'on fait ? On continue juste comme on a envie d'être. Si tu veux m'embrasser encore, fais le, je te retiendrais pas. Si on a envie de baiser, on le fera. Si être en couple te va pas, on peut toujours reprendre nos vies comme on l'a toujours fait, aller en soirée avec Deuklo et Bouteille, ramener des meufs pas assez sobres, tenter d'écrire des morceaux qui sortiront jamais et se plaindre qu'on a jamais assez de thunes. Tu comprends pas ? J'suis dingue de toi mec, tout ce que tu veux me va aussi, j'veux juste pouvoir rester là à rien branler toute la journée avec toi. J'en ai rien à foutre de ce qu'on est ou comment tu nous appelles, ce sont que des mots pour se rassurer. Moi j'suis OK tant que j'suis avec toi. Tu vas me trouver fragile et me traiter de 'dep, c'est sûr, mais j'prends le risque de me ridiculiser auprès de toi si c'est pour continuer de ressentir ça. J'ai adoré t'embrasser Gringe et j'ai pas envie de le cacher. Maintenant, toi, tu veux quoi ?
Le basané a eu le temps d'avaler trois parts pendants ce long discours. Il ne s'arrête pas de manger quand son ami cesse de parler. Il commence à croire que Aurélien fait exprès de semer la zizanie dans son coeur. C'est quoi son délire à faire le débile à côté de la plaque pour finalement balancer une tirade super intelligente voire même philosophique quand personne ne lui demande rien ? C'est la célébrité qui lui monte à la tête comme ça ? Qu'est ce que Guillaume est censé répondre maintenant ?
Le rappeur au bonnet sent son cœur battre à la chamade. Il ne sait pas si c'est parce que c'est Orel ou parce qu'il a fumé, mais cette déclaration lui semble être la plus belle du monde. Il a l'impression de ne pas la mériter. Mais, d'un autre côté, s'il balayait d'un mouvement du bras ses sentiments, ça serait un véritable gâchis. Conclusion : il ne peut pas refuser. La seul direction à prendre est dans le sens de caennais. Le barbus soupire. Il a l'impression de s'être fait coincé dans un piège à doigts chinois.
Ce qu'il veut vraiment ? C'est simple : il désire passer chacune de ses journées auprès d'Aurélien Cotentin, le voir rire, l'écouter parler, boire de l'Ice Tea chaud et des Bières froides, commander à bouffer, fumer des clopes, mater des séries.
GRINGE : Ressentir de l'attirance pour son meilleur pote, c'est pas normal, non ?
ORELSAN : Depuis quand on fait attention à ce qui est normal et ce qui ne l'est pas ?
GRINGE : J'sais pas, on a pas toujours essayé d'avoir l'air normal quand ils sont prêts à tout pour avoir l'air fou ?
ORELSAN : Franchement, quand j'vois les gens normaux j'suis fier d'être pas normal.
GRINGE : C'est bien beau toutes ces citations mais ça nous avance pas dans notre problème.
ORELSAN : Y'a pas de problème, Gringe. Y'a juste toi qui sais pas t'assumer.
GRINGE : C'est pas ma faute si j'suis pas 'dep ?!
ORELSAN : Qui parle d'être homo ? Personne n'a dit que personne était 'dep. On se kiffe juste, et j'crois pas que ça soit mal. Ca veut rien dire, c'est juste... Comme ça. Alors profite au lieu de tout retourner dans ta tête, t'es pas un mixeur.
GRINGE : Tes comparaisons sont vraiment éclatées, tu sais ?
ORELSAN : Tous nos fans disent que c'est moi qui a la meilleure plume.
GRINGE : Les fans sont aussi cons que toi.
ORELSAN : Quelle mauvaise foi...
GRINGE : Donc . . . On n'a pas à dire à la bande qu'on est 'dep ?
ORELSAN : On n'est pas 'dep, on a bandé sur plein de filles, donc non. C'est juste un truc entre nous, okay ? Les autres on s'en fout.
Le plus grand garde le silence quelques seconde. Il a l'air plongé dans des réflexions profondes. La situation leur est étrangère à tous les deux, mais Aurélien porte cette expression de je-m'en-foutisme qui l'accompagne bien souvent. La basané est parfois jaloux de cette attitude blasée qui semble ne pas être touchée par ce monde compliqué dans lequel ils vivent. Comme si le normand possède son propre univers. Et le rappeur au bonnet a aujourd'hui plus que jamais terriblement envie de pénétrer ce monde si distant de la Terre.
GRINGE : Okay. Juste toi et moi, et le reste n'existe pas. Ca me va.
La voix française du Chauve à la Cape avale une dernière bouchée de pizza et sourit. Il parait satisfait de la réponse. Il se rapproche de son interlocuteur et dépose chastement ses lèvres sur les siennes, puis s'éloigne doucement. Un geste simple, léger, et agréable.
ORELSAN : J'ai toujours détesté faire des déclarations à mes copines... Mais tout a l'air plus simple avec toi. J'sais pas pourquoi, mais j'ai pas peur de te dire je t'aime.
GRINGE : T'es rapidement passé de "j'suis pas 'dep" à une vieille tapette fragile quand même...
ORELSAN : No Homo, only Gringo.
Le surnommé Gringo explose de rire. Il n'avait aucune idée de comment il en est arrivé là, mais bon sang, il est complètement et définitivement accro à cet incapable qui se prétend rappeur. La vie est une pute de ne pas l'avoir mis sur son chemin plus tôt.
GRINGE : T'es con.
ORELSAN : Je sais.
En tout cas, il en est sûr aujourd'hui, il ne quittera jamais cet homme. Jamais.
GRINGE : Orel ?
ORELSAN : Ouais ?
Quitte à faire une overdose de lui.
GRINGE : Le canapé, les pizzas, l'appart et moi on t'aime.
Les lèvres d'Aurélien s'étirent et dévoilent des dents presque blanches. L'alcool se reflète encore légèrement dans ses iris, du fromage fondu dégouline de ses lèvres, ses cheveux sont gras et mal coiffés et les vêtements puent la nicotine et l'herbe. En le regardant, malgré la peur qui pèse sur son cœur, malgré la porcherie dans laquelle ils vivent, malgré sa rancœur envers les LGBTQ+, malgré sa virilité abusive, malgré le physique peu attirant de son vis-à-vis, en cet instant précis, Guillaume Tranchant retombe follement amoureux de son collègue, partenaire et ami, Aurélien Cotentin.
GRINGE : Arrête d'être aussi beau putain. Viens là.
Le cadet se blottit contre le barbu, qui l'entoure de ses bras pour le maintenir contre lui. Celui au bonnet frissonne en sentant le souffle du normand dans son cou. Un frisson qu'aucune prostituée n'a déjà réussi à lui arracher.
ORELSAN : T'es confortable...
GRINGE : Genre j'suis un matelas Ikea ?
ORELSAN : Grave, tu dois pas coûter plus de vingt balles.
GRINGE : Même les putes de boulogne sont plus chères...
ORELSAN : Dur.
GRINGE : J'allais te proposer de dormir avec moi mais finalement tu peux aller te faire foutre.
ORELSAN : Genre t'allais faire le premier pas ? Mytho va.
Le banlieusard repousse mollement son amant, vexé.
ORELSAN : Fais pas cette tête, j'deconne.
GRINGE : Pas moi.
ORELSAN : Bats les couilles, j'me glisserai dans ta chambre dans ton sommeil.
GRINGE : Tu comptes me violer ?
ORELSAN : Non, juste me servir de toi comme oreiller.
GRINGE : J'suis si confortable que ça ?
ORELSAN : Plus que le canapé en tout cas.
GRINGE : Même la table basse est plus confortable que le canapé.
ORELSAN : Ouais mais la table basse elle m'embrasse pas comme toi.
GRINGE : Point pour toi.
ORELSAN : J'peux dormir sur toi alors ?
GRINGE : Comme tu veux.
Le caennais resserre l'étreinte. Ses doigts s'enroulent autour des mèches noires qui dépassent du bonnet de l'homme qu'il aime.
ORELSAN : J'suis content...
GRINGE : De quoi ?
ORELSAN : D'être avec toi.
Imperceptiblement, le cergyssois rougit. Il détourne le regard, tentant vainement de camoufler son sourire niais. Il n'y a qu'Aurélien pour le faire fondre comme un chamallow.
GRINGE : Moi aussi....
ORELSAN : No homo, hein ?
GRINGE : Ouais. No homo.
Sur ces mots, ils s'embrassent, langoureusement, amoureusement, passionnément.
Et ils s'aiment, infiniment, éternellement, véritablement.
Comme une promesse enfant.
J'sais pas trop ce qu'il m'arrive en ce moment, à écrire des OS en 24h alors que j'ai des projets qui m'attendent depuis trois ans...
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