» chapitre quatorze.
"- Je reviendrais te voir demain matin.
- Maman...Pas besoin.
- Je vais venir, point final."
Felix souffle. Elle n'a pas changé, toujours aussi têtue.
La jeune femme s'approche de son fils et le prend dans ses bras. Il essaye de se défaire de son étreinte, puis, bercé par le corps de sa génitrice, se laisse faire. Elle sourit, puis chuchote.
"- Désolé de t'avoir laissé seul..."
Pendant plusieurs minutes, la mère et son fils restent dans cette position. Puis, elle desserre finalement son étreinte et retrouve son fils endormi. Comme depuis tout petit, il fait bouger le bout de son nez par moments. La femme rit en le voyant.
Elle n'avait plus vu dormir son fils depuis déjà plusieurs années, même avant le décès de son mari. À vrai dire, elle ne passait quasiment plus de temps avec lui. Alors maintenant, elle comptait être là pour son fils, coûte que coûte. Elle était prête à tout pour rester avec lui.
Elle se lève, caresse une dernière fois la chevelure rousse de son fils, puis sort de la chambre. En passant la porte d'entrée de l'hôpital, elle aperçoit un jeune homme aux cheveux noir ébène, assis sous le porche. Elle s'approche de lui.
"- Excusez moi, monsieur ?
- Oui...Oh, Mme Lee, bonjour !
- Je...Vous me connaissez ?
- Bah, oui ! Je suis quand même assez proche de Lix pour savoir vous reconnaître... Je suis Hyunjin, un de ses amis qui travaillent au cybercafé !
- Oh je vois...Justement, je cherchais le cybercafé. Enfin, je vous cherchais.
- Eh bien je suis là.
- Je voulais vous demander...A-t-il souffert pendant mon absence ?
- À cause de votre départ ?
- Oui...
- Au début un petit peu, mais ça s'est très vite estompé. Je lui ai fait comprendre que vous ne l'abandonniez pas et que vous reviendrez, que ça n'était pas de sa faute si vous aviez besoin de respirer. Vous voyez ?
- Oui. Merci beaucoup, Hyunjin.
- Pas de soucis. Je vous raccompagne ?
- Eh bien, si vous voulez !"
Hyunjin salue poliment, puis il suit la mère de Felix sur le petit chemin de terre, derrière l'énorme bâtiment d'un blanc éclatant.
*
Changbin marche lentement, dans la rue baignée d'une lumière éclatante. Le soleil couchant le réchauffe. Il marche, sans vraiment savoir où il va. Il veut juste respirer.
Après que son père se soit réveillé, ils avaient parlé quelques minutes, non sans se hurler l'un sur l'autre. Le plus âgé avait continué à insulter son enfant, alors Changbin avait préféré partir.
Au final, Hyunjin avait sûrement raison. Peut être qu'il était encore trop tôt.
Il s'approche d'une petite épicerie, alors que la nuit s'apprête à tomber. Sans vraiment avoir envie de manger, il achète un pain au lait et un jus de fruit, puis reprend sa route. Il mange, sans grande conviction, le petit pain et boit une gorgée de jus mais est écœuré instantanément et range la petite bouteille dans son sac.
- ✉️ de Changbin / 19h56
C'était pas une bonne idée
J'aurais dû t'écouter
Je suis désolé
Il pianote son écran puis range son portable. Il inspire un grand coup. L'air frais le pénètre et se disperse dans tout son corps. Il frissonne, puis sourit. Ces petits moments où il peut être seul avec lui-même, c'est ce qu'il préfère.
Il s'assoit à la terrasse d'un café et laisse son regard divaguer. L'horizon baigné de lumière, la route bondée de voitures, les énormes bâtiments, Changbin reconnaît bien sa ville.
Il l'a toujours connue comme ça. En hiver, le soleil se couchait vers 16 heures 30, alors quand il sortait de l'école, ses parents et lui prenaient la grande route pour profiter de cette lumière chaude et étincelante.
Son regard continue de se balader sur le trottoir d'en face, quand il s'arrête net sur un petit restaurant de ramens à emporter.
"- Felix..."
Il se lève, marche vers l'arrêt de bus et monte à l'intérieur du véhicule.
"- Bonjour, est ce que ce bus va à l'hôpital ?"
*
Avant d'entrer dans la pièce froide, Changbin s'assure que personne n'y est déjà. Il pousse lentement la porte et passe la tête à l'intérieur de la chambre. Ses yeux se posent directement sur Felix, allongé, les yeux clos. Ses cheveux roux tombent de part et d'autre de son visage fin et parsemé de tâches de rousseur. Son petit nez — tout aussi perdu dans des dizaines de tâches — brille à la lumière de l'appareil médical branché près de lui. Ses lèvres rosées et pulpeuses sont entrouvertes, et sa poitrine se lève puis se baisse au rythme de sa respiration.
Changbin est debout devant la porte, les yeux toujours rivés sur le visage angélique du jeune homme allongé devant lui. Il n'arrive plus à détacher ses yeux de ses tâches de miel, ni de ses lèvres.
Elles lui donnent terriblement envie de les caresser, de les embrasser, d'en prendre le plus grand soin.
Comme un trésor, qu'il faut à tout prix protéger.
Sans faire le moindre bruit, il s'approche du plus jeune et s'assoit sur le bord de son lit. Sans détourner le regard, il retire son manteau d'hiver beaucoup trop chaud pour la température ambiante de la chambre. Il approche doucement ses mains du visage du plus jeune, et lève une mèche traînant sur son front.
Alors, encore une fois, son visage est comme attiré par celui de son cadet. Ses yeux passent des paupières fermées du jeune homme à ses lippes roses.
Et encore une fois, à quelques centimètres du contact entre les charnues des deux hommes, le plus âgé se redresse. Il triture ses doigts et mordille ses lèvres. Des perles salées commencent à rouler sur son visage, et son coeur s'accélère d'un seul coup. Il tente de respirer, mais tout lui en empêche. Il se lève, attrape son manteau et sort de la pièce en courant.
Il continue sa course jusqu'à l'extérieur du bâtiment et s'effondre sur les marches de pierre blanche. Il fond en larmes, la respiration saccadée et le coeur serré, comme déchiré.
L'écart entre le visage des deux hommes était si fin que Changbin avait complètement paniqué.
Et se dire qu'il aurait pu l'embrasser sans même avoir son accord l'horrifie. Il se sent honteux.
Il se relève après quelques minutes en tremblant, la tête horriblement lourde. Il écarquille soudain les yeux et relève subitement sa tête.
Oh non, pas encore une fois...
Il court jusqu'à la poubelle la plus proche, se penche à l'intérieur de celle-ci et se met à recracher d'abord ce qu'il a avalé quelques heures plus tôt. Son estomac maintenant vide, il se redresse, chancelant. Mais aussitôt, il se plie une nouvelle fois à l'intérieur de la poubelle et vomit cette fois-ci ce qu'il peut vomir.
Il a mal, il pleure encore et encore, sa tête tourne et son estomac souffre atrocement. Il arrive à boiter jusqu'aux marches et s'assoit lourdement sur l'une d'elles. Sa tête entre les mains, il tente de calmer sa respiration en inspirant de grandes bouffées d'air.
Il est 22 heures, Changbin est fatigué et mort d'angoisse.
Ce n'est pas la première fois qu'une crise aussi violente lui arrive. La première fois, il était chez lui. Son père était rentré à la pause déjeuner et l'avait surpris au téléphone. Il avait directement voulu savoir qui était à l'autre bout de la ligne, et Changbin avait refusé de lui dire. Son père avait alors arraché le téléphone de son fils de ses mains, et avait commencé à le pousser. Changbin tentait vainement de se débattre, et il criait du plus fort qu'il pouvait, mais rien. Sa mère était déjà partie à l'hôpital, ils n'étaient plus que deux.
Finalement, son père l'avait pris à la gorge et l'avait menacé de le tuer s'il apprenait que son "cher et beau„ fils était gay. Puis il l'avait laissé tomber sur le carrelage froid de la cuisine, et était parti. Changbin était resté allongé sur le sol la moitié de l'après-midi, incapable de faire un seul mouvement. Les larmes avaient coulé toute la journée, sans s'arrêter, et en début de soirée, avant que son père ne rentre du magasin où il travaillait, il était remonté — pas besoin de vous dire que c'était difficile et douloureux — dans sa chambre et s'était effondré dans son lit.
Plus rien ne lui importait à ce moment précis. Il voulait juste disparaître. Être invisible.
Mourir.
Il s'était redressé et avait tourné la tête vers le balcon de sa chambre, au deuxième étage. Il s'était instinctivement avancé vers celui-ci et s'était penché doucement vers le vide. L'air frais lui caressait le visage, et il n'arrêtait plus de sourire. Plus il se penchait, plus il sentait la paix envahir ses entrailles.
Alors qu'il s'apprêtait à passer une première jambe au dessus de la barrière de fer, sa tête se mit à tourner violemment. Il bascula vers l'arrière et se retrouva assis sur le sol de sa petite chambre, la tête entre les mains. Il se releva, ouvrît la porte à la volée et courut jusqu'à la salle de bain. Il se pencha alors au dessus des toilettes et se mit à vomir.
Après tout ça, il se sentait faible et fatigué, alors il s'était allongé sur son lit double et s'était presque instantanément endormi.
Tout ça à cause d'un appel téléphonique avec son camarade de classe.
*
"- Vous vous reposez bien, ce qui vous permettra dans quelques jours de commencer la rééducation. Vous ferez quelques exercices pour vous réapprendre à vous redresser et à tenir sur votre cheville affaiblie."
Felix sourit à l'infirmière qui sort de la chambre.
"- C'est génial Lix !
- C'est vrai, c'est cool.
- Tu te sens pas trop seul ? Désolé de pas venir souvent, mais tu connais mes parents...
- C'est rien Seung, t'excuses pas.
- Tu as vu quelqu'un d'autre aujourd'hui ?
- À vrai dire, je ne crois pas. J'ai pas mal dormi alors peut-être que quelqu'un est venu, je ne m'en souviens pas...
- Hm, je vois. Tiens, je t'ai amené ça, j'espère que ça te changera des plats ignobles qu'ils te servent ici...
- C'est pas si terrible figures-toi !!
- Crois moi, tu préféreras largement ce que je t'ai apporté."
Seungmin tend un sac à son ami. Celui-ci le prend et l'ouvre soigneusement, l'odeur alléchante lui titillant les narines.
"- Waaaw...Ta mère a vraiment fait ça pour moi ??
- Tu la connais, tu es comme son deuxième fils !
- Remercies la de ma part ! En plus, c'est mon plat préféré...
- Ça sera fait, ne t'inquiète pas."
Après avoir déposé les ramens fumantes sur le plateau à côté de lui, Felix se redresse.
"- Tu vas y aller ?
- Oui, je dois aller voir mon père. La prochaine fois que je viendrais, ma mère sera sûrement là. Ça ne te dérange pas ?
- Non, je l'aime bien !
- Genial. Je te laisse, régales toi bien !"
Il se penche vers son meilleur ami et le prend dans ses bras. Après quelques secondes, ils se lâchent et le plus jeune sort de la pièce en souriant. Il traverse le couloir et déboule dans la salle d'accueil de l'hôpital. Il y a quelques personnes qui attendent, assis sur les sièges en plastique froid de la salle, d'autres debout. Au fond de la pièce, un homme est recroquevillé sur un lit d'hôpital à moitié fait. Deux infirmiers l'ont pris en charge.
Seungmin s'approche du jeune homme, les sourcils froncés. Il lui rappelle vaguement quelqu'un.
Ses cheveux bruns ébouriffés, son bout de nez, ses doigts d'enfant...
Il s'approche un peu plus. Alors l'homme se redresse.
"- Changbin ?!"
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