» chapitre huit.
Après une longue nuit de sommeil, tout être humain devrait se sentir mieux, plus en forme. Ce n'est pas le cas de Felix.
Au contraire, il se sent fatigué et mou, incapable de sortir de sa chambre. Il meurt de faim, mais la force lui manque. Il se contente donc de rester allongé dans son lit, sous la couverture. Son téléphone à la main, il hésite.
Créer un contact
nom : Changbin
numéro : 0183-8292-3745
enregistrer [ ]
D'un côté, enregistrer son contact serait une bonne idée, s'il a un doute sur les horaires du stagiaire, ou s'il ne le trouve pas au cybercafé.
D'un autre, Changbin pourrait continuer à demander de ses nouvelles. Et Felix ne veut pas.
Après une bonne dizaine de minutes de réflexion, le jeune homme appuie finalement sur la touche enregistrer. Il prend son courage à deux mains et lui écrit un court message.
- ✉️ de Felix/13h27 :
Salut
Merci pour ton numéro
Felix
Il appuie sur la flèche et le message s'envoie. Instantanément, Felix regrette d'avoir écrit ce message.
Seulement quelques minutes après avoir envoyé le message, le téléphone de Felix émet une sonnerie.
- 📩 de Changbin/13h30 :
Salut
Merci à toi
Changbin
Sans répondre, Felix repose son téléphone et se redresse lentement. Il attrape un simple t-shirt roulé en boule aux pieds de son lit et l'enfile, puis il descend les escaliers. Comme chaque matin, il va saluer le cadre dans lequel se trouve une photo de son père, puis il s'assoit à la table. Son ventre rugit, il pourrait tout avaler.
*
Le message de Felix a rassuré Changbin. D'une il a trouvé son mot, et de deux il a bien voulu enregistrer son numéro. Peut-être qu'il lui fait confiance ?
Non. Ne pas imaginer trop de choses. Il a sûrement pris son numéro pour s'informer de sa présence ou non.
Changbin attrape son sac et sort de la maison. Il va voir sa mère. Pour de vrai cette fois-ci.
Le bus ne passant pas dans son quartier, il doit aller à l'hôpital à pieds. Il s'engage sur le chemin de terre à l'arrière de la maison, sous une pluie battante. La neige s'est arrêtée de tomber, laissant place à de grosses gouttes.
En s'approchant de l'hôpital, Changbin repense a tout ce que son père a pu lui dire pendant l'absence de sa mère. Les remarques homophobes ainsi que celles sur son physique, sans oublier celles sur ses capacités intellectuelles sois-disant « en dessous de la moyenne ». Oui, il veut tout raconter à sa mère. Et il le fera.
"- Bonjour. Je viens rendre visite à Mme Seo.
- Chambre 12, veuillez me suivre je vous prie."
La femme contourne le comptoir de l'accueil et se dirige vers un couloir. Changbin la suit. Au bout du couloir se dresse une porte blanche. Seuls deux petites fenêtres circulaires laissent la lumière naturelle y entrer. La femme pousse la porte.
"- Je crois qu'elle dort encore. S'il vous plaît, ne la réveillez pas. Elle a eu beaucoup de mal à dormir.
- Je ferais de mon mieux."
La jeune femme acquiesce et laisse passer Changbin à l'intérieur de la chambre, puis elle sort et rebrousse chemin.
La pièce — hormis devant la porte — est plongée dans l'obscurité. Des machines en tout genre se dressent autour du lit. Et sur ce lit, un petit corps branché de toute part respire faiblement, plongé dans le sommeil.
Changbin s'approche doucement, et pose sa main sur le corps endormi de sa mère. Sa respiration est saccadée. Il s'assoit près d'elle.
"- Bonjour maman... aucune réponse. Tu me manques beaucoup tu sais ?"
Toujours le même silence. Seuls les appareils médicaux se font entendre. Il prend la petite main de sa mère, la serre contre son torse. Ses yeux embués laissent échapper des perles salées. Tant de temps il a voulu la voir, la serrer dans ses bras, et le jour où il se décide à le faire, sa mère n'est pas capable de bouger d'un centimètre.
Il se sent mal, très mal. Comme s'il abandonnait sa mère pendant des semaines, et qu'il revenait finalement comme si de rien n'était.
Son chagrin passé, Changbin se lève et regarde sa mère.
"- Maman, je sais que tu dors encore, mais je voulais te le dire. Ton compagnon m'a giflé hier et a dit des choses horribles sur moi, comme quoi j'étais un monstre si j'aimais les garçons, et que j'étais stupide.... Je sais que c'est mal de balancer quelqu'un, mais il profite de ton absence pour me traiter comme un objet..."
Il déglutit et s'avance vers elle, puis poses ses lèvres sur son front. Avant d'ouvrir la porte, il articule tant bien que mal quelques mots.
"- Je t'aime très fort maman, je reviendrais bientôt te voir. J'espère que tu iras mieux et que je pourrais te parler..."
Il referme la porte. Après avoir salué la femme de l'accueil, il sort de l'hôpital et s'élance en courant sur le chemin terreux. La pluie continue de tomber, et la terre se transforme en boue. Ses habits sont sales, mais il n'y prête pas attention. Il continue à courir, sous cette pluie battante, le coeur lourd.
*
Les cours terminés, Felix sort du lycée, met sa capuche et enfonce ses écouteurs dans ses oreilles. Il marche d'un pas décidé. Il veut vite rentrer chez lui. Du coin de l'œil, il aperçoit Chan se rapprocher de lui avec sa bande.
"- Alors Felix, pas trop dur les cours ? T'as pas besoin d'aide sans ton papa ? Et ta maman dis-moi, elle est partie ? Elle t'a abandonné ? Que c'est triste..."
Felix accélère encore un peu.
Comment le sait-il ? Comment Chan sait que sa mère est partie ?
D'habitude, il traverse une ruelle sombre pour rentrer chez lui. Trop apeuré par la bande d'adolescents se traînant derrière lui, il s'engage dans la rue principale. Bien plus peuplée, il a moins peur de se retrouver désemparé devant les quatre garçons, mais cela lui oblige un détour.
En avançant, il se rend compte que la bande ne l'a pas lâché d'une semelle. Quelques mètres plus loin, ils continuent à l'appeler en se moquant de lui. Son coeur bat à tout rompre et la peur l'envahit. Et s'ils le suivait jusqu'à chez lui ?
Tout d'un coup envahi d'une vague de terreur, il se met à courir en bousculant les passants. Il s'excuse brièvement à chaque fois et reprend sa course.
Il se retourne une seule fois et voit les quatre garçons élancés à sa poursuite. Pour tenter de les semer, il tourne à droite dans une petite rue et court du plus vite qu'il peut vers le bout de celle-ci. Il arrive à tant à s'appuyer contre un mur et se cacher. Il entend alors.
"- Il est où ce p'tit con ? Trouvez le !"
Le coeur s'apprêtant à lâcher, il se recroqueville simplement sur lui même, attendant que l'un d'eux ne le trouve.
Une main se pose alors sur son épaule.
"- Felix ?..."
Il se relève d'un coup en sursautant. À sa grande surprise, ce n'est pas l'un des quatre garçons, mais bien Changbin. Il a l'air essoufflé, ses cheveux et son visage mouillés.
Pris de panique, Felix pose un doigt sur les lèvres de Changbin et jette un œil dans la ruelle. Chan est toujours là, ses amis retournant poubelles et cartons passant par là. Felix regarde Changbin.
"- S'il te plaît ne dis rien.
- Expliques moi...
- Chut."
Quelqu'un s'approche. Felix se retourne doucement vers la ruelle et voit Chan s'avancer d'un pas confiant vers eux. Il tire alors Changbin en avant et se met à courir, la manche du plus âgé dans sa main. Les cris de Chan parviennent à ses oreilles.
"- Arrêtes-toi !"
Changbin, complètement perdu, tire sa manche.
"- Felix ! Expliques moi.
- Plus tard ! Tu vois bien qu'il arrive...
- Tu veux que je lui parle ?
- Certainement pas ! Avances, je t'en supplie..."
Changbin reprend finalement la course. Il tourne à un angle, prend Felix par le bras et le pousse à l'intérieur d'un local poubelle. Il ferme la porte, pose son doigt sur sa bouche et tend l'oreille.
Des pas et une respiration saccadée se font entendre derrière la porte.
Après quelques secondes, ceux-ci s'éloignent finalement. Changbin ouvre doucement la porte et jette un œil autour, vérifiant bien que personne n'est prêt à leur sauter dessus dès leur sortie. Il fait sortir Felix et l'amène devant une petite porte bleue foncée. Felix, ne reconnaissant pas l'endroit, s'arrête.
"- Euh... Où est-ce qu'on est ?...
- Ah oui, c'est vrai... Je te présente mon chez-moi !"
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