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14| Le gala

MAIA

— Oh mon dieu, Maia !

Je fais volte-face, mon cœur ayant loupé un battement. Daphné me lance un regard choqué, une main sur la poitrine.

— Tu as... mis une robe ??! s'exclame-t-elle, visiblement au comble de la surprise.

Je la fixe une seconde en silence... Puis me mets à gémir en retirant une bretelle, puis l'autre. Daphné se précipite sur moi pour m'en empêcher en s'écriant :

— Arrête, qu'est-ce que tu fais ? Tu es sublime, Mai' !

Je secoue la tête.

— On dirait que je me suis déguisée. Ça me ressemble pas, de mettre ce genre de trucs. On dirait... Une madame. Je te jure, je me sens vraiment bête.

— Pourtant, on dirait que tu en as porté toute ta vie, dit-elle en se reculant légèrement pour mieux me regarder. Sérieusement, tu es incroyable. Tu devrais vraiment en porter plus souvent.

Je repositionne ma bretelle, les yeux attirés par mon reflet dans le miroir.

Quand Daphné m'a invitée à ce gala de pré-rentrée, ma première réaction a été d'éclater de rire à l'idée qu'elle ait pu croire une seconde que m'emmener dans son université pour me présenter à des tas de gens de notre âge que je connaissais – pour la plupart – il y a des lustres était un concept génial. Puis, elle m'a énoncé tout un tas d'arguments que j'ai été forcée de prendre en compte... et mon avis a un peu changé.

« — Non seulement il y aura de la bouffe raffinée et du champagne gratuit à volonté mais en plus, c'est un gala relou donc personne ne va danser – et ça, je sais que tu détestes. Et si tu te fais bien voir, tu pourras peut-être même réussir à choper un badge du campus pour pouvoir y accéder quand tu voudras. Étant donné qu'ils ont un local à matériel qu'ils mettent à la disposition des élèves ça pourrait t'être utile pour tes travaux, non ? »

Non seulement ses arguments étaient valables mais en plus, je n'avais pas la force de me battre. Et bien que je sois revenue à Bellevue depuis plus d'un mois, je n'ai pas eu l'occasion de passer tant de temps que ça avec Daphné. Elle a beaucoup de mal à se faire à l'idée que je doive repartir dans moins de deux mois, et je m'en veux déjà en pensant qu'elle va de nouveau se sentir abandonnée et ce par ma faute.

Aussi, je crois que je lui devais bien ça... Alors j'ai accepté de venir. Et de mettre une robe, de surcroît.

— Tu es sûre que ce n'est pas ridicule ? lui redemandé-je en fixant mon reflet d'un air anxieux.

— Maia, je t'en prie ! Je te l'ai dit, tu es parfaite. Et puis, le marron te va super bien. Sérieusement, tout le monde va te regarder tellement tu es jolie.

Je fronce les sourcils, légèrement paniquée.

— Euh non, j'ai rien dit, personne ne va te regarder ! se reprend Daphné. Justement, tu vas passer inaperçue.

J'esquisse un sourire, touchée qu'elle essaie de me rassurer. Je l'ai déjà prévenue que je la suivrais comme un toutou toute la soirée – et elle a accepté, évidemment – mais sentir qu'elle me soutient réellement de A à Z me soulage. J'ai beaucoup de chance de l'avoir.

— Tu es très belle, toi aussi, commenté-je ensuite en balayant sa tenue du regard.

— Alors là, sache que c'est seulement pour matcher ton énergie !

Nous échangeons un sourire complice avant que je n'attrape sa main pour la faire tourner sur elle-même, mimant des bruits de paparazzi. Je n'ai même pas besoin de me forcer : elle est tout simplement sublime, et c'est un fait de notoriété publique. Elle a ondulé ses longs cheveux blonds, maquillé ses yeux d'un fard à paupière couleur vieux rose à paillettes qui fait ressortir ses yeux bleus et a enfilé une robe bouffante blanche à carreaux vert pâle.

Mais ce qui ressort le plus, c'est son sourire. Éclatant comme en toute circonstance, toujours transpirant de bienveillance et de gentillesse. Même un moine se sentirait comme un être ingrat à côté de cette fille.

— Bon, tu es prête ? On peut y aller ? finit-elle par me demander.

Cette fois, j'acquiesce et quitte la pièce sans regarder une nouvelle fois à quoi je ressemble. Je sens que si je pose de nouveau les yeux sur cette foutue robe, je vais l'arracher sans attendre et retrouver mes joggings.

Après avoir fermé la maison, je traverse l'allée de jardin et rejoint la voiture de Daphné, garée juste devant la maison. Je m'apprête à monter à l'avant, mais je m'interromps en apercevant Allison déjà assise à cette place. Celle-ci me regarde d'un air pincé, comme si elle se demandait ce que je foutais.

Merde. Bêtement, je n'avais même pas songé qu'elle serait là. Tout à coup, la soirée promet d'être encore plus effrayante que ce que j'avais prévu.

Aussi, je me recule et m'apprête à monter à l'arrière quand une nouvelle fois, je suis stoppée en plein élan. Cette fois, c'est la silhouette d'Hélios que je reconnais derrière la vitre.

Double merde. C'est encore pire, putain. Là, je vais réellement passer une soirée d'enfer.

Je serre les dents en faisant le tour de la voiture, angoissée. Mes doigts tremblent quand j'ouvre la portière et le pire, c'est que je n'ai même pas de poches dans lesquelles enfoncer mes mains pour le cacher. Ça y est, je regrette déjà d'avoir mis cette foutue robe !

— Ah, te voilà ! s'exclame Daphné quand je m'engouffre enfin dans la voiture. Allez, on y va.

Sur ce, elle démarre la voiture. Je sens le regard pesant d'Allison dans le rétroviseur et pire, celui d'Hélios, assis juste à côté de moi. Je n'ose pas tourner les yeux vers lui et les garde fixés sur le paysage tout au long des dix minutes de trajet, la gorge serrée. Cette soirée promettait déjà d'être compliquée à vivre pour moi psychologiquement mais maintenant, c'est devenu un véritable cauchemar.

Quand Daphné se gare après tout ce temps passé dans une ambiance relativement pesante, elle s'efforce de sourire encore plus fort pour nous remotiver.

— Allez, souriez un peu ! Ça va être sympa de revoir tout le monde avant la rentrée !

Allison et Hélios échangent un regard entendu, se comprenant visiblement sans parler, et la sœur roule des yeux juste avant qu'ils ne quittent tous les deux la voiture. Aussi, j'essuie mes mains transpirantes sur le bas de ma robe avant de les suivre à l'extérieur, stressée. Il me faut du champagne, et vite.

J'ai à peine mis les pieds dehors que Daphné me prend par le bras et m'entraîne vers les hautes grilles qui délimitent l'entrée du campus. Un bon mètre derrière nous, Allison et Hélios discutent pile assez bas pour que nous puissions pas les entendre.

— De ce côté ce sont les bâtiments de science, ici de littérature et là-bas de langues. Et juste derrière, ceux de finance !

— C'est dans ceux-là que tu étudies, alors ? questionné-je.

— C'est ça. Et juste ici, c'est l'aile dédiée à la psycho.

Je m'immobilise une seconde, le cœur battant. Avant que je parte, Daphné et moi étions censées étudier ici ensemble – elle en finance et moi en psychologie. Au vu du regard triste qu'elle me lance, je crois qu'elle pense également au fait que dans une autre vie, avec d'autres évènements, nous aurions pu venir ici toutes les deux en tant qu'étudiantes de Clémenceau.

— Hé, salut ! s'exclame soudain Barbara, sortie de nulle part. Je vous attendais.

Je jette un regard discret à Hélios, le premier depuis que nous sommes partis. Il a les traits tendus, mais un sourire sincère éclaire tout de même le tout. Il a l'air réellement heureux de voir Barbara.

— Salut, Allison ! J'adore ton pantalon, ça te va super bien. Daphné aussi, tu es superbe, commente gentiment Barbara. Et... Oh, waouh, Maia ! Tu as mis une robe !

Tous les regards du groupe sont braqués sur moi, ce qui me fait monter le rouge aux joues. Je sens que je transpire de plus belle mais j'essaie de garder la face, concentrée pour que mon masque de froideur reste bien en place.

— Oui... J'ai voulu tenter quelque chose, réponds-je simplement.

Barbara me lance un grand sourire.

— Expérience réussie !

— Bon, on y va ? intervient Allison de son ton désagréable habituel. Tout le monde est déjà à l'intérieur, on va être les derniers.

Tout le petit groupe se met alors en marche, moi et Daphné en tête. Au vu du regard noir qu'elle lance à nos bras emboîtés l'un avec l'autre, je crois que je commence à comprendre pourquoi Allison est d'aussi mauvaise humeur. Elle qui croyait passer une belle soirée avec sa petite-amie, on dirait que c'est râpé. Je me sens soudainement encore plus mal – si c'est possible –, comme si j'étais en train de lui prendre quelque chose.

Ce n'est sûrement pas comme ça qu'elle va m'apprécier, en tout cas.

— Ah, bonjour ! s'exclame Daphné au bout de deux minutes dès que nous croisons les premiers invités.

Ensuite, la conversation s'enchaîne et quand elle se termine, elle en déclenche une nouvelle à peine deux mètres plus loin. Visiblement elle connaît tout le monde et moi, je me sens comme une intruse.

Dieu merci, je ne suis pas la seule à être un peu exclue. Allison semble aussi s'ennuyer ferme à ma droite, bâillant de temps à autres sans retenue et zyeutant le buffet comme si elle avait hâte de pouvoir s'échapper.

Tandis que Barbara, Hélios et Daphné entament une nouvelle discussion avec l'un des types que nous venons de croiser, je surprends Allison à regarder de nouveau le buffet. Aussi, je me penche vers elle et lui murmure :

— Je crois que tu peux t'en aller, ils ne vont rien remarquer.

Elle regarde d'un drôle d'air, comme si elle se demandait ce qui me donne le droit de lui adresser la parole. Je ne vois cependant aucune surprise dans ses yeux, ce qui ne la rend qu'encore plus intimidante. Allison n'est jamais prise par surprise, elle est trop nonchalante pour cela. J'ai toujours admiré les gens un peu je-m'en-foutistes qui disent tout ce qu'ils pensent – et c'est la définition même d'Allison.

— Tu viens avec moi ? propose-t-elle ensuite.

Personnellement, je n'essaie même pas de masquer ma surprise. Ai-je seulement bien entendu, d'abord ?

— Alors ? insiste-t-elle en voyant que je mets trop de temps à répondre.

Je fixe ses grands yeux noirs une seconde, puis lâche :

— OK.

Un sourire espiègle étire ses lèvres fines et elle s'exclame à la cantonade d'un air sûr d'elle :

— On va boire quelque chose, à tout de suite !

Sur ce, elle s'éloigne du groupe d'une démarche sereine tandis qu'ils me fixent tous d'un air sidéré. Bon, au moins, je ne suis pas folle : tout le monde semble trouver ça bizarre qu'elle souhaite que je l'accompagne.

Si ça se trouve, elle va essayer d'empoisonner mon champagne.

Quand je me retourne de nouveau vers elle, Allison est déjà loin. Aussi, je m'empresse de la rejoindre près du buffet en faisant cliqueter le moins possible mes talons ridicules sur le sol.

— Tiens, me dit-elle quand j'arrive à sa hauteur en me tendant une coupe de champagne remplie à ras bord. Il va te falloir au moins ça pour survivre à la fin de la soirée.

J'esquisse un petit sourire pour la remercier avant de récupérer ma coupe. Puis, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde – ce qui ne l'est clairement pas –, nous trinquons ensemble avant de vider nos coupes d'une traite.

Ensuite, nos regards se portent d'instinct vers Daphné, Barbara et Hélios, qui discutent avec de nouvelles personnes. Ils sourient tous, rient de temps à autre – en bref : ils sont dans leur élément.

— Les gens sociables, ça me surprendra toujours, commente soudainement Allison en vidant une autre coupe.

Je ne peux m'empêcher de lui lancer un regard entendu.

— Tu lis dans mes pensées.

Nos yeux se fixent en même temps sur Daphné, qui est en train de rire aux éclats à une blague du type en face d'elle.

— Dis, est-ce que je peux te demander quelque chose ? finit-elle par demander.

Oh, oh. Mon sang se glace et mes doigts se resserrent autour de ma coupe vide.

— Qu'est-ce que vous avez tous avec les questions dans cette famille ? marmonné-je.

— Quoi ?

— Non, rien. Vas-y, tu peux me demander ce que tu veux.

Allison arque un sourcil en me regardant d'un air suspicieux, juste avant de demander de but en blanc, sans préambule :

— Est-ce que tu aimes Daphné ?

Sa question me surprend. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais certainement pas à ça.

— Bien sûr, réponds-je sans hésiter. C'est ma meilleure amie depuis toujours.

— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Est-ce que tu l'aimes amoureusement parlant ?

Je me mets à fixer Allison, sur la défensive.

— Non, évidemment que non, pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?

Allison semble soulagée mais essaie de le cacher. Elle passe ses longs cheveux noirs derrière son épaule et termine une nouvelle coupe. Elle la boit si vite qu'elle manque de la renverser sur son sweat – oui, tout le monde n'a pas fait les mêmes efforts vestimentaires pour cette soirée ; et à vrai dire, je l'envie.

— Je ne veux absolument pas foutre la merde entre vous, rétorque-t-elle ensuite. Sérieusement, je sais à quel point votre amitié compte pour Daphné. Sans toi, elle n'est pas vraiment la même.

Je croise les bras, concernée. Sa phrase commence mal, je trouve. Et où veut-elle en venir, au juste ?

— Le truc, c'est que je pense que ses sentiments pour toi sont... mitigés, avoue-t-elle.

— Quoi ? Non, c'est impossible, rétorqué-je aussitôt. Je la connais depuis le berceau, Allison. J'ai fait mes premiers pas dans son salon, elle tenait ma main pour ma première rentrée, sa mère me coupait les cheveux et je lui dois pratiquement le fait de ne pas avoir redoublé ma seconde. Sérieusement, c'est comme une partie de moi, c'est...

— Maia, me coupe-t-elle. Je l'ai su dès que je t'ai rencontrée. Il y avait un petit quelque chose dans les yeux de Daphné que je n'avais encore jamais vu.

Elle marque une légère pause, puis ajoute d'une voix qui peine à sortir :

— Pas même avec moi.

Mon regard se pose naturellement sur Daphné, qui rit toujours à l'autre bout de la pièce. Plus je la regarde, plus j'ai dû mal à respirer.

— Je crois que si elle agit comme elle le fait avec toi, c'est parce qu'elle t'aime. Plus que comme une amie.

— Non ! rétorqué-je.

— Maia, je t'en prie ! grogne Allison en roulant des yeux. Elle ne m'avait jamais parlé de toi avant que tu reviennes. Si ta meilleure amie disparaissait du jour au lendemain sans te donner de nouvelles, ça ne te viendrait pas à l'idée d'en parler à la fille qui partage ta vie depuis deux ans ?

J'ouvre la bouche puis la referme, impuissante.

— Mais c'est impossible, je...

— « Je la connais depuis toujours », je sais, complète Allison. Je me trompe peut-être mais je voulais avoir ton point de vue. Si tu n'as pas de sentiments pour elle, alors ça me va.

— « Ça te va ? » Comment est-ce que tu peux dire ça ? M'exclamai-je, toujours sous le choc.

Allison n'ose pas me regarder quand elle répond doucement :

— Ce n'est pas parce qu'elle t'aime plus qu'elle ne le devrait qu'elle ne m'aime pas moi. Et puis, je... Pour être honnête, je préfère prendre sur moi plutôt que de la perdre. Et si tu ne l'aimes pas en retour, elle ne risque pas de me laisser tomber... Enfin, normalement.

Je plante mon regard dans celui de la brune, tremblante. Je refuse d'y croire.

C'est vrai que Daphné et moi avons toujours été très proches, mais... Pas dans ce sens-là. Pour moi, elle a toujours été la sœur que je n'ai pas eu et je suis sûre que je remplissais – et remplis toujours – ce même rôle pour elle. Nous avons dormi ensemble des dizaines de fois, échangé nos vêtements, nous nous sommes enlacées des milliers de fois pour se réconforter...

Soudain, je vois tous ces moments d'une autre manière. Il n'y a plus rien d'amical dans les baisers qu'elle déposait sur mon crâne pour me dire bonne nuit ni dans les cœurs qu'elle mettait sur les petits mots qu'on s'envoyait en classe lorsque nous n'étions pas à côté. Ses compliments de tout à l'heure et la façon dont ses yeux ont parcouru ma tenue me paraissent soudain différents, comme s'ils n'avaient plus la même connotation.

Non, m'empêchai-je de réfléchir. C'est faux, c'est forcément faux. Et de toute façon, je ne peux pas tout remettre en question comme ça.

Parce qu'après tout, si je ne peux plus avoir confiance en Daphné, qui suis-je censée croire sur cette putain de planète ?

— Je vais aller prendre l'air, annoncé-je soudain à Allison, blanche comme un linge.

Sur ce, j'abandonne ma coupe vide sur le buffet et fend la foule jusqu'à l'issue de secours située au fond de la salle. Une fois dehors, je commence à faire les cent pas pour reprendre ma respiration.

Inspire, expire. Inspire, expire.

Daphné ne t'aime pas de cette façon, c'est impossible. Inspire, expire.

Tu ne vas pas la perdre. Inspire, expire.

Je suis en train de répéter ce mantra pour la troisième fois quand j'entends mon prénom résonner dans mon dos. J'ouvre les yeux, la respiration sifflante, et tombe nez-à-nez avec Hélios.

Bon sang, c'est le pire timing du monde.

— Je t'ai vue sortir et je me suis dit que c'était le bon moment pour m'excuser, commence-t-il. Et attends, ne me coupe pas ; je sais, j'ai agi comme un gros connard, ajoute-t-il sans même me laisser le temps d'en placer une. Te hurler dessus dans ta propre maison et alors que tu te confiais à moi, c'était vraiment débile.

Il marque une pause pour reprendre sa respiration, mais elle est trop courte pour que je puisse lui demander de lâcher l'affaire. J'ai toujours dû mal à respirer et enfonce ma main sur ma poitrine en espérant que mon cœur va ralentir de lui-même – ce qu'il ne fait pas, bien sûr. Je crois que j'aurais toujours au fond de moi une âme de rebelle.

— Quand j'y repense – et crois-moi quand je te dis que j'y ai beaucoup repensé, parce que même si j'ai l'air chill comme ça je réfléchis énormément, surtout quand je n'arrive pas à dormir, et puis même, j'étais tellement mal que je n'arrivais même pas à écrire à propos de tout ça dans mon cahier, c'est pour te dire, enfin bref – je me trouve vraiment idiot et je m'insulte en allemand dans ma tête, histoire que ce soit encore plus agressif qu'en français. Bref, tu as toutes les raisons de m'en vouloir et sache que je m'en veux aussi énormément.

J'entends à peine son speech tant ma poitrine me fait mal. À un autre moment j'aurais probablement rêvé d'entendre ses excuses, mais là maintenant je rêve seulement qu'il se taise et que le monde arrête de tourner. Rien qu'une minute.

— Je suis vraiment, vraiment désolé, poursuit-il sur sa lancée, trop concentré pour remarquer que quelque chose cloche chez moi. Est-ce que tu penses qu'on pourrait faire comme si rien de tout ça ne s'était passé ? Je sais que c'est beaucoup te demander, et encore une fois je sais à quel point c'était nul de te hurler dessus comme ça... Ah ouais, vraiment, plus j'y pense et plus j'ai envie de me foutre un pain dans la gueule, ajoute-t-il d'un air découragé en secouant la tête.

Là encore, je n'ai écouté son discours qu'à moitié. Mon cœur me fait mal, j'ai dû mal à respirer, ma gorge est gonflée, et pourquoi est-ce que j'ai soudain l'impression d'être enfermée dans une cage ?

Des flashs terribles me reviennent soudain en mémoire, comme pour m'enfoncer encore plus – si c'est possible. La dernière fois que je me suis sentie ainsi, je n'ai pas su faire face. J'étais seule, blessée et terrorisée.

Puis, j'ai pris mes cliques et mes claques et j'ai quitté la ville.

— Maia ? demande soudain Hélios en me couvant d'un regard concerné. Est-ce que ça va ?

Je lui fais signe que non, ma respiration devenant de plus en plus sifflante. Aussitôt, il ouvre de grands yeux et se précipite vers moi avec les bras tendus, visiblement paniqué.

— Merde, merde, qu'est-ce que tu as ? Tu as avalé de travers ? Tu t'étouffes ?

Je fais non de la tête, ma main toujours pressée sur ma poitrine. Mon cœur accélère encore et encore, toujours plus vite chaque seconde, mais ma poitrine se resserre, ne lui laisse pas de place, et je suffoque, je suffoque toujours plus, toujours p...

— Maia, Maia, dis-moi ce qu'il se passe ! me presse-t-il, paniqué. Tu n'arrives plus à respirer ?

J'acquiesce, les paupières fermées. Je sens des larmes brûlantes dégouliner sur mes joues et mourir sur la robe que j'ai tant hésité à mettre.

— Tu fais une crise d'angoisse ? me demande-t-il ensuite.

Je hoche la tête sans même savoir si c'est vraiment ce qui est en train d'arriver. Aussitôt, il enroule ses bras autour de moi et me force à m'asseoir tout en disant :

— Ça va aller, je vais appeler de l'aide, ça va aller.

— Non, rétorqué-je d'une voix sifflante.

Il s'agenouille près de moi. Son visage est luisant de sueur et je ne l'ai jamais vu aussi stressé, lui qui est d'ordinaire si calme et serein.

— Non ? répète-t-il.

Je secoue la tête de droite à gauche.

— OK, OK, rétorque-t-il ensuite à toute vitesse. OK, OK, OOOOK.

Je comprends qu'il se parle à lui-même, ce qui me serre encore plus la poitrine. Savoir qu'il est dans cet état est difficile à supporter, et c'est pour cela que je n'ai pas voulu qu'il appelle à l'aide. Je peux surmonter ça, je vais surmonter ça.

Je le sais parce que cette fois, je ne suis pas seule.

— Récite l'alphabet à l'envers dans ta tête. Allez, vas-y, je le fais avec toi, m'encourage-t-il doucement. Z, Y, X...

Il énonce les lettres une par une, lentement mais pas trop, juste assez pour que j'arrive à les articuler également dans ma tête. Petit à petit, ma respiration se cale sur l'alphabet et quand Hélios le remarque, il ralentit encore plus la cadence. Ainsi, quand nous arrivons à la lettre A, mon souffle est beaucoup plus calme.

— Tu veux qu'on recommence ? me demande-t-il.

Je secoue la tête, me sentant déjà mieux. Je continue de respirer lentement, les yeux fixés sur lui. Même à travers mes larmes, j'arrive à voir à quel point il est sur son trente-et-un. Chemise blanche retroussée aux manches, pantalon noir droit et plaque argentée autour du cou : je remarque qu'il a fait un sacré effort. Ce qui gâche tout, ce sont ses yeux devenus brillants à cause du stress. Bêtement, je me demande si je suis en train de gâcher sa soirée.

— Je vais te chercher de l'eau, ne bouge pas, me glisse-t-il ensuite.

Il disparaît mais revient si vite que j'ai à peine le temps de réaliser qu'il est parti. Ensuite, il s'agenouille de nouveau face à moi en bas des marches et pose une main sur mon genou nu, les yeux dans les miens. Il a l'air mort d'inquiétude et moi, je me sens affreusement mal.

— Tout va bien, tout va bien, murmure-t-il gentiment pendant que je vide le verre d'eau. Tout va bien , OK ? Je suis là.

Je dépose le verre par terre tandis qu'il ajoute tout en se grattant la tête :

— Ouais, bon, je ne suis pas sûr que ce soit rassurant. Mais au cas où ça l'est, sache que je suis là.

Même dans cette situation, je ne peux m'empêcher de m'esclaffer. Il me regarde avec des yeux écarquillés tandis que j'essuie mes larmes, calmée. Ma poitrine me fait beaucoup moins mal et mon cœur a ralenti, enfin. Les barreaux de la cage qui m'enserraient ont reculé et je sais que dans quelques minutes, ils auront totalement disparu.

J'ai fait face à la crise. J'ai réussi – ou devrais-je dire : on a réussi. Sans Hélios, je ne sais pas ce que j'aurais fait.

— Ça va mieux, soufflé-je pour le rassurer.

Le brun pousse alors un soupir de soulagement qui semble venir du plus profond de ses entrailles. Il passe une main dans ses cheveux bouclés, ce qui fait tilt dans ma poitrine.

— Tu n'as pas mis de casquette, lui dis-je.

Il fait volte-face dans ma direction, les sourcils froncés.

— Oui, oui, mais on s'en fout de ça, répond-t-il d'une voix pressée. Tu es sûre que ça va, toi ? Tu m'as fait une peur bleue, j'ai cru que tu étais en train de mourir.

Je baisse les yeux sur mes escarpins, honteuse.

— Moi aussi, murmuré-je pour toute réponse.

Un léger silence s'installe avant qu'Hélios ne le brise d'un petit soupir. Puis, il se laisse glisser sur la même marche que moi et s'assied, les avants-bras reposant sur ses genoux par-dessus son pantalon noir assorti au ciel.

— Tu veux qu'on en parle ? propose-t-il gentiment au bout d'un moment.

Je sens son regard protecteur et bienveillant posé sur moi, mais je n'ose pas le regarder dans les yeux. Aussi, je garde le regard fixé vers le ciel lorsque je réponds doucement :

— Non... Je ne préfère pas.

Je le vois acquiescer du coin de l'œil.

— Comme tu veux.

Un nouveau silence s'installe mais cette fois, je décide que c'est à mon tour de le rompre. Après une bonne minute sans dire un mot, je balbutie maladroitement :

— Et, je... Merci. Pour tout.

— Tout quoi ?

Cette fois, nos regards se croisent. Ses yeux noirs brillent légèrement dans le noir et il est tout décoiffé. C'est la première fois qu'il ne porte pas de casquette et donc, la première fois que j'ai l'occasion de voir ses cheveux au naturel. Il a de lourdes boucles couleur ébène, encore plus marquées et soyeuses que sa sœur – probablement parce qu'il a les cheveux relativement courts comparé à elle. Ses boucles folles encadrent son visage d'une telle façon qu'ainsi, il me fait penser à un soleil.

Ou plutôt à la lune, avec sa peau foncée et ses yeux noirs.

— D'avoir été là... Et pour tes excuses. C'est oublié ; on peut faire comme si ça n'avait jamais existé, c'est OK pour moi, ajouté-je.

Il me répond d'un sourire éclatant qui m'aveugle presque dans la nuit.

— Merci de penser à mon sommeil. J'avais dû mal à dormir la nuit.

Nous nous esclaffons ensemble, mais il reprend très vite son air sérieux pour me dire :

— Tu sais, si je me suis énervé l'autre fois, c'est que... Il y a une raison. On m'a déjà laissé tomber, une fois.

Je sens mon cœur accélérer sous mon sein, mais cette fois ce n'est pas dû à l'angoisse. Je me demande simplement comment une personne sur cette Terre a pu oser blesser Hélios, soit probablement la personne la plus gentille que je connaisse.

— Laissé tomber ? répété-je.

— Oui... Abandonné. Je...Quelqu'un que je connaissais bien est parti du jour au lendemain.

Soudain, il y a une douleur indescriptible dans ses yeux noirs. Elle ressemble à celle que j'avais vu dans les iris de Daphné la première fois que je l'ai revue en revenant à Bellevue, mais en pire. Celle-ci est intense et dévorante et les yeux d'Hélios ressemblent désormais à deux ouragans. Je me demande s'il essaie de cacher sa peine et si elle ressort par ses yeux ou si au contraire, il la laisse déborder par le regard parce que c'est plus facile que par les mots.

— Je suis désolée, murmuré-je.

— Non, ne t'excuse pas, réplique-t-il. Ton histoire et la mienne n'ont rien à voir, j'en suis sûr. C'est juste que... Je t'en ai voulu parce que si on associe nos situations, tu es à la place de celui que je hais.

Je le fixe une seconde, concernée. Je sens le sang battre sous la peau fine de mon poignet.

— Tu le hais ? questionné-je alors du bout des lèvres.

Hélios regarde au loin. J'ai l'impression qu'il cherche les étoiles dans le ciel noir, mais il n'y en a pas. Le ciel est vide, comme la place que cette personne semble avoir laissée.

Désespérément vide.

— J'en sais rien. Parfois oui, parfois non. Ça dépend de mon humeur, ça dépend des semaines. Ça dépend de la nuit ou du jour, aussi.

— Tu écris sur lui ?

Ma question semble le surprendre légèrement mais il se reprend vite et avoue, les joues roses par-dessus sa peau caramel :

— Oui. J'écris sur tout le monde.

J'arque un sourcil. Je ne peux m'empêcher de sourire de façon espiègle quand je lui demande ensuite :

— Alors quoi ? Tu écris sur moi aussi ?

Il détourne le regard et rétorque, gêné :

— Parfois, oui.

— Oh.

— Oh ?

Il pose son menton dans sa paume, en équilibre par-dessus son genou. Il a soudain l'air curieux, content que les rôles s'inversent et qu'il puisse enfin poser les questions.

— « Oh », confirmé-je. C'est la seule réaction que je peux décemment avoir.

— Comment ça ? demande-t-il, intrigué.

— Eh bien, si je te demande de me les montrer, j'entrerais beaucoup trop dans ton espace personnel. Et si je ne te demande pas, tu vas croire que je m'en fiche, ce qui n'est pas le cas.

Pour toute réponse, Hélios me sourit. Penser qu'il étire ses lèvres juste pour moi me fait tout drôle tout à coup, comme chaud dans la poitrine. Je me demande s'il offre ce même sourire doux et intime à Barbara ou s'il ne le garde que pour moi, que pour ces moments-là.

— Je te montrerai, si tu veux. Un jour, je te montrerai.

Je m'apprête à répondre quand il ajoute :

— Et je te raconterai mon histoire. Enfin, si tu en as envie.

— J'en ai envie.

— Très bien. Alors je te dirai tout.

Nous ne nous quittons pas du regard, jusqu'à ce que je baisse les yeux sur mes chaussures lorsque mes joues chauffent. Je sais ce que sa dernière phrase implique sans qu'il ne le dise : « je te dirai tout, et toi aussi. »

Mais moi, pour l'instant, c'est encore trop difficile à dire. Alors, je me tais.

— Ah, vous êtes là ! s'exclame soudain une voix soulagée derrière nous. Je vous ai cherchés partout !

Hélios se lève d'un bond en reconnaissant la voix de Barbara. La brune a défait son chignon sophistiqué et a les joues roses, signe qu'elle a bu un peu trop de champagne. Elle a également défait un bouton de sa robe à fleurs et de la sueur perle sur sa nuque.

— Il fait une chaleur à l'intérieur c'est trop, dit-elle en s'éventant d'une main.

— Justement, c'est pour ça qu'on est sortis prendre l'air, répond posément Hélios. Mais, euh, on s'apprêtait à y retourner. Pas vrai, Maia ?

Il me lance un regard appuyé, signe qu'il attend ma confirmation. Bon sang, il attend d'être sûr que je vais bien pour qu'on retourne à l'intérieur. Je ne l'ai jamais trouvé aussi gentil qu'à cet instant.

— Oui, acquiescé-je.

— OK, rétorque Barbara. Allez-y alors, je vous rejoins. Je me rafraîchis un peu !

Hélios lui lance un beau sourire et pose sa main dans son cou le temps de quelques secondes avant de partir en premier vers la salle. Il me tient la porte, et je m'engouffre juste derrière lui.

À peine entrée, je remarque que les lumières ont été tamisées et que des tas de spots colorés ont été allumés. La salle sent désormais la sueur et l'alcool et les rires résonnent tandis que les corps se mêlent sur la piste de danse.

Tandis que je fixe une fille en train de twerker – no comment – d'un air amusé, mes yeux se posent soudain sur une blonde en jolie robe. Sourire éclatant même dans le noir et yeux bleus comme l'océan, pas de doute : c'est bien Daphné.

Aussitôt, j'attrape Hélios par les épaules et me fais toute petite contre son torse.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? me demande-t-il, les muscles bandés sous mes doigts.

— J'évite quelqu'un, dis-je entre mes dents.

Il s'apprête à me répondre quand une voix grave résonne dans le dos d'Hélios :

— Moi, par exemple ?

Je me fige en reconnaissant ce timbre si particulier, rauque et légèrement cassé. Je crois que je ne pourrais jamais oublier cette voix même si je le voulais très fort.

— Sam ? dis-je, bouche-bée, en me décalant.

Me retrouver face à lui après tout ce temps manque de faire arrêter mon cœur. Décidément, cette soirée n'en a pas fini d'essayer de me tuer.

Qu'est-ce qui va arriver, après, hein ? Je vais croiser Harry Styles ? On va m'annoncer que quelqu'un d'autre est mort ?(Autre que ma tante je veux dire, ce qui est déjà assez pénible en soi quand on y pense.)

— Je ne savais pas que tu venais étudier ici, lâche-t-il, tout sourire.

Il a toujours les dents blanches et bien alignées, exactement comme au lycée. Il avait un si beau sourire que notre prof de philo de terminale l'appelait Colgate. J'ai toujours pensé qu'elle le draguait.

— J'accompagne seulement des amis, réponds-je.

À ce propos, Hélios toussote légèrement à côté de moi. Je me sens soudain comme la pire des idiotes et m'empresse d'ajouter, grimaçante :

— Désolée, je ne t'ai pas présenté Hélios. Heureusement, vous savez tous les deux à quel point je suis nulle socialement.

Samuel lance un sourire amusé à Hélios tout en me regardant du coin de l'œil.

— Alors ça, pas de doute. Je crois même qu'une fois, tu avais pleuré avant d'aller demander des sauces au McDo.

Je secoue la tête, honteuse. Hélios, en bon gentleman, décide de me sortir de cette situation et rebondit poliment sur la dernière phrase de Sam.

— Ça ne m'étonne pas d'elle. Et sinon, tu es... ?

— Ah, oui, désolé mec ! s'exclame Sam. Je m'appelle Samuel, je suis en troisième année ici, à Clémenceau.

— Ah ! Et vous vous connaissez du lycée, alors ?

Je croise tout naturellement le regard de Sam, qui pétille de malice. Ça non plus, ça n'a pas changé. Il me fait un peu penser à un drôle de mélange entre Hélios et Allison. Je suis sûre qu'ils pourraient bien s'entendre, tous les deux.

— Exactement, répond Samuel en passant une main dans ses cheveux blond cendré. On est sortis ensemble pendant un an, en terminale.

Je jette un petit regard à Hélios, qui arque un sourcil. Mon cœur accélère quand je comprends qu'il a fait le lien avec la date à laquelle je suis partie il y a cinq ans... sans jamais revenir.

— Oh. Je vois.

— Mais c'est de l'histoire ancienne ! rétorque aussitôt Samuel avec un sourire légèrement gêné.

Oh merde. Je crois qu'il pense qu'Hélios est mon petit-ami et donc, qu'il est jaloux. Pour la première partie il est clair qu'il a tort mais pour la seconde, j'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. Hélios n'arrête pas de froncer les sourcils et son bras est tendu au maximum sous mes doigts, que je n'ai toujours pas retirés. Il serait peut-être temps que je le fasse, d'ailleurs.

— Je suis vraiment content de te revoir, Mai', dit-il ensuite. Sincèrement, je me suis toujours demandé ce que tu devenais et c'était vraiment bête de ma part de ne pas chercher à te recontacter quand on s'est séparés. J'avais seize ans et j'étais blessé dans mon ego, alors... Voilà. J'ai merdé, je suis désolé.

Je reste bouche-bée quelques secondes, le cœur en miettes.

Oh, s'il savait.

— Je... Ce n'est pas grave. Je n'ai pas fait d'effort non plus.

Je détaille mentalement les traits de Samuel, essayant d'y mémoriser les plus petits détails. Grands yeux bleu-gris, sourcils broussailleux, mâchoire anguleuse et oreilles légèrement décollées. Il a de grandes mains, et pas que : il me dépasse facilement de deux têtes, et Hélios d'une.

En parlant du brun, celui-ci se dégage soudainement de ma prise. Ma main retombe mollement le long de mon corps tandis qu'il s'écarte, le regard encore plus noir que d'accoutumée, pour répliquer :

— Bon, je vais aller rejoindre Barbara. Je crois qu'elle voulait à tout prix danser sur Tainted Love.

Il me regarde droit dans les yeux, attendant ma réponse. Même s'il semble en colère – contre moi ? contre Sam ? et pourquoi ? –, je sens qu'il veut tout de même savoir s'il me laisse entre de bonnes mains ou s'il doit rester.

— OK.

— OK, répète-t-il ensuite. On se voit plus tard, alors.

Il lance alors un hochement de tête dans la direction de Samuel, puis fend la foule en direction du buffet où doit probablement se trouver tout le petit groupe – et surtout Allison, si j'en crois son addiction pour la bouffe et le champagne.

— Il a l'air mordu, plaisante Sam une fois qu'il est loin.

Je ne réponds pas, les yeux toujours fixés sur la chevelure bouclée d'Hélios. Mais bien vite, elle disparaît derrière un type immense et quand celui-ci se décale, il n'y a plus aucune trace du brun.

— Je l'étais aussi, à l'époque, avoue-t-il. J'étais fou de toi, Maia.

Je relève les yeux vers lui, surprise. Entendre ça cinq ans après, ça fait un drôle d'effet.

— Je ne dis pas ça pour te reconquérir ou un truc comme ça, attention ! s'exclame-t-il ensuite en riant. Je suis amoureux et très heureux, en ce moment. C'est juste que... Ça s'est fini un peu abruptement entre nous, et j'étais très triste. Je ne l'ai pas forcément laissé paraître, mais je voulais que tu le saches.

Je n'ai rien vu, manqué-je de répondre. Je n'ai rien vu, parce que je suis partie.

— Je t'aimais aussi, dis-je pour toute réponse. Et j'étais aussi très... malheureuse.

Malheureuse est un faible mot, mais je n'ajoute rien derrière. « Brisée » ou « complètement détruite » auraient mieux convenu, mais je ne suis pas sûre que ce soit la chose à dire là maintenant tout de suite.

— En tout cas, je suis vraiment content que tu ailles bien, dit-il ensuite d'une voix joyeuse. Et en toute amitié, tu es très belle. Et tu portes une robe, waouh ! ajoute-t-il avec le regard rieur que j'aimais tant.

— Oui... Je le regrette énormément d'ailleurs, avoué-je avec un sourire par-dessus mes lèvres fines.

Nous échangeons ensuite un regard entendu, empli des choses que nous n'avons jamais pu nous dire. Je mémorise une nouvelle fois son visage et papillonne des paupières pour chasser les larmes idiotes qui pointent soudainement le bout de leur nez aux coins de mes paupières.

— Allez, viens-là, finit-il par dire en tendant les bras.

Je n'hésite pas longtemps et me blottit contre lui, rassérénée par son odeur. Ses bras s'enroulent autour de moi comme ils l'ont fait tant de fois et je pose mon menton sur son épaule, comme je l'ai également fait tout au long des douze longs mois pendant lesquelles nous avons été ensemble.

Pardon, lui dis-je intérieurement. Pardon de ne t'avoir rien dit.

Et je sais que je pourrais le faire aujourd'hui, mais c'est trop tard.

Cinq ans trop tard, pour être exacte.

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