14 & 15
« Car après tout, quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu'ils font tous les deux est une abomination : ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux. »
Le prêche était long, dur et terrible pour Félix. Assis au deuxième rang dans la paroisse glaciale en ce mois de décembre, le garçon écoutait le prêtre aussi assidûment qu'il le pouvait. Si d'ordinaire, il trouvait le temps d'écouter et de boire les paroles de l'homme d'Église, il se sentait pétrifié depuis que la messe avait commencé. A côté de lui, sa mère tenait fermement ses mains jointent l'une contre l'autre, pendant que le prêtre continuait son office :
« Ni impudiques, ni idolâtres, ni dépravés n'hériteront du Royaume de Dieu. Les homosexuels s'opposent à la saine doctrine, n'oubliez pas cela, Brebis du Seigneur. »
Un frisson parcouru l'échine de Félix. Depuis qu'il était petit, il entendait ce discours régulièrement. Par le prêtre de sa paroisse, par sa mère, par les amies de sa mère... Mais lui ne se sentait pas d'accord avec cet enseignement. Il savait une chose pour lui : Dieu était miséricordieux. Jamais il ne pourrait punir violemment un amour sincère et véritable. Car pour lui, l'homosexualité n'était pas spécialement une forme de déviance. En observant autour de lui, il avait déjà vu des compagnons de classe aimer d'autres personnes. Personne n'en parlait, mais il ne comprenait pas en quoi aimer une personne selon son sexe était dangereux.
Lorsqu'il soupira, un filet de buée passa par ses lèvres. L'adolescent qu'il était détestait désormais se lever le dimanche matin pour s'enfermer dans une bâtisse de pierres pour écouter un vieil homme rabâcher des enseignements qu'il trouvait parfois trop durs. Il croyait en Dieu, mais refusait d'imaginer ce dernier violent au point de condamner des hommes pour ce qu'ils ressentaient.
Enfin, le prêche prit fin et après une dernière prière, les croyants furent invités à faire don à l'église via la quête. Félix y déposa l'argent que sa mère lui avait donné avant de quitter le banc pour enfin sortir de l'église. L'odeur de cire et d'encens lui donnait mal à la tête.
« Quelle messe intéressante ! » lança sa mère en sortant de l'église, suivi de près par Félix qui devait lutter pour ne pas lever les yeux au ciel.
Plus il grandissait, plus il trouvait sa mère étouffante. Changbin avait eu raison de le lui dire l'année précédente, alors qu'ils étaient en vacances au bord de mer tous les deux avec la famille de l'aîné. En rentrant chez lui après l'anniversaire de Changbin, Félix s'était rendu compte que sa chambre était nettoyée et rangée de fond en comble. Même s'il ne voulait pas douter de sa mère, il savait pertinemment que celle ci avait fouillé le moindre recoin pour trouver quelque chose pouvant le dévier de sa bonne éducation chrétienne. Mais il n'y avait rien. Félix était un bon garçon et il le savait.
Sa mère avait été choqué de le voir demander à accrocher quelques posters dans sa chambre, lui suggérant plutôt de mettre de jolis tableaux ou croquis vendus par la paroisse s'il tenait tant que ça à décorer sa chambre. Félix avait rangé depuis ses affaires d'enfants, cédant la place à ses affaires d'adolescent comme un style vestimentaire plus décontracté ou encore une console de jeux vidéos portable qu'il avait réussi à avoir après avoir supplié longuement son père d'accepter. Sa mère n'avait pas beaucoup d'argument à y opposer : il avait toujours d'aussi bonnes notes, était obéissant, raisonnable... Elle avait finit par céder.
« Maman, je vais manger chez Changbin ce midi tu te rappelles ? » demanda t-il alors qu'ils montaient ensemble dans la voiture pour rentrer chez eux.
« Oh, tu vas abandonner ta vieille maman encore aujourd'hui ? » reprit elle en faisant une moue pour attendrir son garçon. Ce dernier aurait menti en affirmant le contraire.
« Non voyons... » répondit Félix en soupirant. « On veut juste se voir avant les vacances de Noël, ils partent dans de la famille ce soir c'est tout. »
Pendant qu'ils parlaient, sa mère avait mit le contact de la voiture et ils avaient prit le chemin de la maison. Félix observait à côté de lui le parking de l'église se vider des différents paroissiens. Jamais il n'avait rencontré qui que ce soit de son âge ici.
« C'est vraiment paradoxal cette famille je trouve. » reprit elle en faisant une moue avec sa bouche. « Ils ne vont pas à l'église mais célèbrent tout de même Noël, la religion ce n'est pas une affaire de faire ce qu'on veut quand on veut. »
« Beaucoup de gens non croyants célèbrent Noël maman, ce n'est pas vraiment un mal. » répondit Félix en sentant l'appréhension d'un échange mouvementé avec sa mère.
« Non, ils célèbrent une fête commerciale où ils préfèrent s'échanger des cadeaux plutôt que célébrer la venue de notre Messie. On ne puisse pas dire que ça ai quelque chose à avoir avec une fête religieuse. »
« Les gens se retrouvent et échangent des preuves de leur amour, ce n'est pas aussi une fête axée sur le partage ? »
Il était fermement persuadé d'être un bon croyant, mais la vision de sa mère sur la religion lui semblait inflexible. Elle n'était pas ouverte au dialogue, et ça frustrait beaucoup Félix. Il n'avait jamais osé élever sa voix contre elle : il la respectait plus que tout au monde.
« Mon petit chat... » commença t-elle en soupirant à son tour. « D'où te viennent des idées pareilles ? Ce n'est pas dans tes habitudes de questionner tout ça ouvertement. »
« Je réfléchis juste maman. La Bible est intéressante, se poser des questions dessus n'est pas malsain. »
Plus une fois, Félix en avait parlé avec Changbin. Ce dernier ne croyait pas une once du contenu de la Bible, cela ne l'empêchait pas d'être quelqu'un de gentil et d'attentionné. Ce n'était pas parce qu'il n'allait pas à l'église qu'il était une mauvaise personne, de même que Changna ou leurs parents. Ils n'étaient juste pas croyants. Ce n'était pas une raison de mal les considérer. La mère de Changbin l'avait accueilli un nombre incalculable de fois chez elle pour manger ou dormir, alors que sa propre mère n'avait pas eu la politesse de rendre la pareille au moins une fois. Au début, cela avait gêné Félix lorsqu'il s'en était rendu compte. Quand il avait osé en parler avec madame Seo, cette dernière avait balayé ses doutes d'un revers de la main en affirmant que c'était lui qui était ami avec Changbin, et que les histoires d'adultes ne devaient pas peser sur eux.
« C'est remettre en cause ton éducation et ce n'est pas ton genre. Donc, sois un bon garçon d'accord ? »
Après s'être mordu les lèvres, Félix s'empêcha de parler plus. Il détourna les yeux pour regarder le paysage hivernal défiler sous ses yeux. Ces derniers jours il se sentait un peu morne, aussi préférait il ne pas y penser.
Lorsqu'ils rentrèrent chez eux, Félix se sépara de sa mère après avoir embrassé sa joue pour filer chez son voisin. Il trépignait d'impatience, aussi il fut ravi de voir la porte s'ouvrir en grand sur son ami à peine avait il toqué dessus.
Changbin avait changé au cours de l'année précédente. Ses parents avaient accepté qu'il se fasse décolorer les cheveux et depuis il arborait un blond foncé qui lui allait comme un gant. Il avait également troqué son style habituel de jeune adolescent contre des jeans plus serrés, des tee-shirts noirs à l'effigie de plusieurs groupes de rock. Il s'était même fait percer les oreilles et portait régulièrement des bijoux comme des chaînes en argent et des bagues. Aux yeux de Félix, son ami avait un look incroyable que sa mère désapprouvait fortement. Ce jour là, il portait un tee-shirt plutôt serré, mettant en valeur le début de ses efforts en sport en avant, ainsi qu'un pantalon de jogging pour rester à l'aise chez lui.
« Te voilà enfin, j'ai cru que tu t'étais perdu !! » lança Changbin en laissant son cadet entrer dans la maison à sa suite. Félix se mit à rire.
« Non désolé, ma mère adore les sermons qui durent une éternité. » répondit il en essuyant ses pieds sur le paillasson et en enlevant ses chaussures. « Salut Changna ! »
La sœur aînée de Changbin était presque majeure et Félix devait admettre que c'était une jolie fille. Elle avait un style moins provocateur que son petit frère, portant des couleurs pastels et de jolis bandeaux pour mettre en avant son visage. Elle sourit à l'ami de son frère avant de finir de descendre les escaliers.
« Il fait genre il est surpris, mais il épiait le moindre mouvement dans la rue en espérant que ça soit toi ! » déclara t-elle en se mettant à rire et esquiva le coup que son frère destinait probablement à lui balancer dans l'épaule.
Changna se mit à courir dans le salon pour continuer de fuir Changbin, qui jurait qu'il la ferait souffrir si jamais il la coinçait. Félix se sentit aussitôt moins morose : l'ambiance de la maison était pesante, il se sentait bien ici avec les Seo. Il prit le temps de saluer les parents de son ami dans la cuisine, occupés à préparer le repas, avant qu'il ne monte dans la chambre de Changbin avec ce dernier.
La décoration avait légèrement changé. Adieu poster de super-héros, et bonjour ceux de groupe de pop masculin et féminin, de films d'actions et de guirlandes multicolores. Dans le coin reposait toujours la guitare acoustique, mais celle ci était désormais accompagné d'un micro sur pied et d'un coffre de mousse autour, que Changbin utilisait pour s'enregistrer lorsqu'il tentait de chanter. Depuis que sa voix avait fini de muer, il s'était adonné à sa passion pour le chant pour le plus grand plaisir de Félix.
« Alors, sur quoi était ce fameux sermon pour te retenir aussi longtemps. D'habitude ça dure jamais plus d'une heure... » commença Changbin en s'installant en tailleur sur son lit double. Félix n'en avait jamais parlé, mais il était jaloux de son ami sur ce point. Lui devait se contenter de son lit une place et commençait à s'y sentir à l'étroit.
« Les trucs habituels. » répondit le cadet en s'asseyant à côté de Changbin. « Le sacrifice, le respect de Dieu et tout ces trucs là... »
« Tout ce qui fait de toi un bon petit élève c'est ça ? »
« Roh, Changbin... » gronda presque Félix en faisant les gros yeux à son ami, qui haussa des épaules à l'intervention.
Pourtant, son aîné ne se dégonfla pas. Il esquissa un sourire en se laissant aller en arrière pour placer ses mains derrière sa tête. Félix se surprit à détailler le corps de son ami. Plus musculeux qu'avant, Changbin semblait déterminé à ne plus grandir plus que ça. Ils faisaient la même taille, mais l'adolescent notait bien qu'il continuait à grandir alors que Changbin restait désespérément à sa taille actuelle. Pour compenser cette frustration, son aîné avait commencé à faire un peu de sport. En dehors du football qu'il pratiquait avec le club scolaire, Félix savait qu'il s'était mis à la course à pied et au taekwondo. Ils étaient encore jeunes, mais le cadet ne pouvait s'empêcher d'admirer autant de conviction. Aussi les résultats se faisaient voir. S'il était encore frêle de son adolescence, ce n'était plus le cas de Changbin depuis qu'il prenait de la masse musculaire.
« Tu veux pas me dire sur quoi portait ta messe ou c'était vraiment si ennuyeux que ça ? »
« La religion n'est pas ennuyeuse Changbin. » répondit Félix en s'allongeant à côté de son ami, sur le côté afin de l'observer tout en parlant alors que ce dernier fixait le plafond d'un air intéressé. « ça apprends plein de choses sur la vie, et ça fait du bien de savoir que quelqu'un peut nous écouter dès qu'on prie pour lui. »
« Je t'ai déjà dis que tu pouvais m'appeler quand tu voulais, au moins avec moi tu aurais une réponse... » grogna légèrement Changbin en jetant un coup d'œil à son cadet.
« C'est spirituel tout ça. » répondit Félix sans cesser de sourire. « ça dépasse les relations humaines. »
« Donc. » le coupa son aîné en se redressant sur un de ses coudes. « Tu es entrain de me dire que tu crois sincèrement que les femmes souffrent quand elles accouchent parce qu'un jour, une fille a mangé une pomme interdite dans un jardin sous la tentation d'un serpent qui parle ? »
C'était un exemple que Changbin aimait reprendre régulièrement. S'il n'était pas croyant, il avait fait l'effort de s'intéresser à quelques passages de la Bible sous l'influence de Félix. Mais il y était complètement hermétique, et le cadet ne pouvait pas lui en vouloir. Les connaissances religieuses étaient dures pour être apprises seul, lui avait eu son éducation autour ainsi que du catéchisme pour apprendre.
« Il n'y a pas que ça voyons... » reprit Félix en levant la main pour donner une légère tape dans l'épaule de son aîné.
« Oui c'est vrai, il y a aussi la haine de ceux qui sont différents, j'oubliais. »
Si Changbin respectait ses croyances, ça ne l'empêchait pas d'avoir des critiques particulièrement acerbes envers l'Église. Félix ne lui en voulait pas, il savait que c'était une frustration chez lui. Son aîné le voyait plus ou moins prisonnier d'un foyer où il ne pouvait rien faire, obligé d'aller à des sermons ennuyeux le dimanche et surtout fermé à la moindre expérience de l'adolescence. Plus d'une fois, Changbin lui avait proposé de goûter de l'alcool ou d'essayer de fumer une cigarette de son père « pour essayer ». Mais il n'avait jamais céder. C'était la tentation, et il voulait tenir ses engagements.
« Mais non, Dieu est miséricorde et... »
« Et je n'oublie pas ce que ton prêtre te bourre dans le crâne certains week-ends... » répondit Changbin d'un air frustré. Il avança sa main doucement pour la poser sur le ventre de Félix, qui se laissa faire. Ils étaient souvent proches physiquement tous les deux, et cela ne dérangeait pas du tout l'adolescent. « Il ne respecte pas les autres croyances, ce qu'aiment les gens ou autre... »
« Ce n'est pas parce que ses discours sont durs que j'y crois, tu le sais ça ? »
Les yeux de Changbin était légèrement fermés lorsque Félix croisa son regard. Son aîné détaillait son visage, il le savait. Aussi sentit il un frisson parcourir son échine lorsque la main posée sur son ventre bougeait lentement.
« ça me frustre c'est tout. » murmura alors Changbin en ouvrant les yeux en grand pour enfin les planter dans ceux de son cadet. Ce dernier sentit ses joues rougir et il ne savait même pas pourquoi. « Quand je te vois te dévouer autant pour toutes ses croyances et à quel point la vie ne te le rend pas... ça m'énerve. »
Félix savait très bien à quoi son ami faisait allusion. Il parlait notamment du harcèlement qu'il subissait à l'école. Les années ne faisaient rien pour arranger la situation : les élèves étaient toujours les même et se moquaient régulièrement de sa candeur. Il savait ce qu'il voulait : rien expérimenter n'était pas un mal. Ça le frustrait parfois aussi mais il le vivait bien.
« Je me dis que s'il y a un Dieu. » reprit son aîné en entortillant le hoodie qu'il portait ce jour là. « Il ne laisserait pas faire tout ça... »
« Ce n'est qu'une épreuve parmi d'autres, tout ira bien à force. » répondit Félix en posant doucement sa main sur celle de son aîné. Ils étaient toujours proches physiquement l'un et l'autre, et Félix aimait cette proximité.
« Félix... Il faut que je te dise quelque chose alors. »
Si Changbin était le pilier de Félix en toute circonstance, son roc et sa force, le cadet n'avait jamais eu la sensation que l'inverse était vraie. Après tout, son aîné était un garçon fier, fort, qui pouvait facilement envoyer sur les roses le premier crétin qui venait l'ennuyer. A l'école, personne ne venait chercher des ennuis à Félix lorsque Changbin était dans les parages. Et à chaque fois qu'il avait des ennuis avec quelqu'un, l'adolescent refusait de désigner les coupables à son aîné. La violence ne résolvait rien et il ne voulait pas que son ami soit impliqué dans quoi que ce soit qui puisse lui porter préjudice. Aussi, la tension dans le ventre de Félix s'intensifia à l'endroit où la main brûlante de Changbin était posée.
Pourtant, ce dernier hésitait. Ce n'était pas dur pour le cadet de le lire dans les yeux ses brillants de Changbin. Dès qu'il posait le regard sur lui, il sentait cette chaleur que son aîné dégageait, cette douceur dans laquelle Félix espérait vivre encore longtemps. Il voulait être ami avec lui jusqu'à ses vieux jours, et il se demanda l'espace d'une seconde comment un adolescent comme lui pouvait penser une chose aussi forte.
« Tu peux tout me dire Changbin, je serais avec toi quoi qu'il arrive. » murmura alors le garçon en cherchant à entrecroiser ses doigts avec son aîné. Celui ci hésita un peu avant de prendre une profonde inspiration.
« J'aime les garçons, les filles ne m'intéressent pas Félix. »
Les homosexuels s'opposent à la saine doctrine.
La vision du prêtre à son prêche brûlait la rétine de Félix. Encore quelques heures auparavant, il était dans l'église avec sa mère à écouter un discours haineux contre des hommes. Et là, son meilleur ami lui confiait un secret terrible.
Il tenait la main d'un homosexuel, dans le lit de ce dernier. Il avait dormi avec lui, passé des soirées entières ensemble, s'était blotti dans ses bras lorsqu'il se sentait mal.
Péniblement, Félix déglutit. Changbin était le même qu'hier, et le même que probablement demain. Depuis quand s'en était il rendu compte ? Depuis quand pouvait il affirmer haut et fort qu'il n'aimait pas les femmes, alors qu'il n'était qu'un adolescent âgé de 15 ans ?
Les joues de Félix se mirent à rougir et son cœur s'emballa. Changbin était homosexuel, c'est tout. Il ne pouvait pas croire un traître mot de ce que disait sa mère à ce sujet. Son ami n'était pas un dégénéré, ce n'était pas un monstre vicieux et répugnant.
Alors, Félix serra doucement la main de Changbin dans la sienne. Dans le regard de ce dernier, l'adolescent y voyait de la crainte et du doute. Son aîné était courageux, plus courageux que lui ne le serait probablement jamais. Alors il caressa les doigts prisonniers des siens avec toute la tendresse dont il était capable.
« D'accord. » répondit il simplement en souriant à son aîné.
Ce dernier soupira de soulagement, et Félix se rendit compte que Changbin avait les yeux désespérément brillants. En avait il parlé à ses parents ? À sa sœur ? Peut être pas. Le garçon se tourna alors sur le côté pour tenir fermement les mains de son aîné dans les siennes. Comment Changbin, d'habitude si sûr de lui et confiant, pouvait il trembler ainsi à côté de lui ? Alors que son aîné se mordait les lèvres de crainte, Félix s'approcha assez pour qu'ils se fassent face tous les deux.
« Depuis quand tu le sais ? » demanda Félix dans un murmure, de crainte de faire trop de bruit et de rompre l'ambiance intimiste qu'il y avait entre eux.
« Depuis plus d'un an et demi je dirais. » répondit son aîné en fermant fort les yeux pour retenir des larmes.
« Et tu ne m'as rien dit à ce moment là ? » reprit l'adolescent, plutôt surpris par la réponse de Changbin.
« Je ne savais pas comment tu réagirais. » soupira ce dernier. « Je pense que je préférais te mentir plutôt qu'imaginer te voir t'éloigner à cause de ça. Je m'en suis voulu, mais c'était soit te mentir soit te voir partir et... »
Alors, Félix prit doucement la main de son aîné dans la sienne. Il savait qu'il était bien trop calme par rapport à la situation. Il était terriblement heureux que sa mère ne soit au courant de rien, si jamais elle savait ça elle voudrait qu'il coupe les ponts immédiatement avec Changbin. Mais elle ne savait rien, et lui faisait confiance à son voisin. Changbin était une bonne personne, il l'adorait et s'il devait confier sa vie à une personne, ça serait à lui. Aussi, comme lorsqu'ils étaient petits, il entrecroisa leurs petits doigts ensemble. A ce geste, son ami se mit à sourire.
« Une promesse est une promesse. Quoi qu'en dise le prêtre de mon église ou ma mère, tu es Changbin et tu es mon ami. C'est plus important que tout le reste. »
Félix sentit une fierté incroyable envahir son cœur lorsque le soulagement baigna enfin le visage de son aîné. Ce dernier hocha la tête avant d'essuyer ses larmes naissantes du bout des doigts. Il avait l'air beaucoup plus calme, et le cadet le comprenait. Lui n'estimait pas que l'homosexualité était un pêché, c'était juste une façon d'être né et il l'acceptait. Félix eu envie l'espace d'une seconde de caresser les cheveux de Changbin pour le réconforter, mais il s'en empêcha au dernier moment.
Ils restèrent dans un silence confortable jusqu'à ce qu'ils soient appelé par la mère de Changbin pour manger. A fil des années, madame Seo avait acheté une chaise supplémentaire pour la table de la salle à manger, spécialement pour Félix. Ce dernier s'installa donc à côté de son ami après être descendu de l'étage et ils dégustèrent un délicieux repas concoctés par les parents Seo. Est ce que ces derniers étaient au courant pour Changbin ? L'adolescent en doutait aux regards en biais que son aîné lui faisait du coin de l'œil, sous entendant qu'il devait se taire à ce sujet. Alors, Félix leur parlait poliment de leurs vacances à venir et il ne pouvait nier qu'il avait terriblement envie de les rejoindre.
« Et toi, que fais tu pour Noël Félix ? Vous partez quelque part ? » demanda monsieur Seo en reposant ses baguettes après avoir mangé.
« Nous devons aller à la messe de Noël, ma mère s'est engagée à participer aux préparatifs auprès de la paroisse alors je vais devoir passer mon 24 décembre à décorer l'autel de l'église. » répondit il en grimaçant à peine à l'idée de passer des heures supplémentaires dans l'édifice religieux glacial.
Les parents Seo échangèrent un regard entendu, alors que Changna faisait une moue désapprobatrice. Eux ne croyaient pas en Dieu et Félix comprenait qu'ils trouvaient ça probablement ridicule. Et il ne pouvait pas les blâmer pour ça.
« Nous t'aurions volontiers proposé de nous rejoindre pour ces vacances. » continua alors madame Seo en soupirant. « Mais connaissant ton éducation et l'assiduité de ta famille quant au sujet de la religion... »
« Oh ne vous embêtez pas madame Seo ! » répondit aussitôt Félix, les joues empourprées et une chaleur indescriptible dans la poitrine. Il se sentait tellement bien à l'idée d'être autant accepté dans une famille. « C'est gentil d'y avoir pensé, ça va aller vous savez. »
Les sourires de la famille Seo firent du bien à Félix. Il se sentait bien, à sa place, et apprécié pour qui il était. Ils mangèrent joyeusement tous ensemble jusqu'à ce que les enfants fassent la vaisselle dans la cuisine. Ensuite, le garçon resta aussi longtemps que possible jusqu'à ce que la famille Seo commence à plier bagage pour partir en vacances. Félix décida de s'éclipser avant de devenir inconvenant, et Changbin l'escorta jusqu'à la porte d'entrée pour lui dire au revoir.
Même s'ils n'allaient pas se voir pendant une simple semaine, les deux garçons s'observèrent quelques secondes avant de se prendre dans leurs bras sans échanger un mot. Félix remarqua pour la première fois l'odeur si particulière de Changbin celle là même qui apaisait son cœur et qui lui faisait du bien. Trop honteux pour demander à rester quelques instants de plus, le cadet se sépara de lui sans cesser de sourire.
Une semaine sans Changbin n'était pas le bout du monde. Ils pouvaient toujours s'envoyer des messages. Félix espérait simplement ne pas être trop étouffé par sa famille pendant ce temps.
Tout allait bien se passer, il en était persuadé.
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