16 & 17
C'était vraiment étrange de se dire que Félix allait, une fois de plus, finir un de ces vendredis soirs seul chez lui.
Des années durant, il avait été habitué encore et encore à passer ces soirées chez Changbin, de l'autre côté de la rue. C'était une habitude, un réflexe, aussi n'y prêtait t-il plus attention. Pourtant, depuis plus de trois mois, il était évident que tout avait changé. Et ce changement tenait en un seul prénom que Félix haïssait sans hésiter : Hyunjin.
D'après avoir passé la soirée de fin d'année à s'embrasser à la vue de tous, Changbin et Hyunjin avaient gardé contact. Rien d'officiel, ils se voyaient très peu de toute façon. Félix pouvait l'attester, c'était clair comme de l'eau de roche. Changbin priorisait ses cours ainsi que son amitié avec Félix, jusqu'à ce que les deux tourtereaux officialisent leur relation.
Félix avait senti son cœur se fendre à cette sensation. Depuis, Changbin lui parlait moins, sortait moins avec lui, restait plus souvent avec Hyunjin. Régulièrement, il voyait ce dernier dans sa propre rue, sur le palier de la maison des Seo à la place qui lui revenait avant. Plus d'une fois, il aurait pensé que son aîné allait l'inviter pour qu'ils fassent connaissance, mais rien à faire. C'était comme si Changbin tenait à clairement différencier sa relation entre Félix, et les « autres ». Et ça lui fendait le cœur.
Cela faisait des mois que le garçon était cloîtré chez lui. Il ne sortait plus, sa seule raison de sortir étant Changbin, aussi s'était il concentré sur ses études et la religion, la seule chose à laquelle il pouvait encore se raccrocher. Aussi muet qu'une tombe, il n'avait rien dit à sa mère lorsqu'il était revenu de la soirée de l'an passé où il avait embrassé un garçon et senti une jalousie si forte qu'il la sentait encore palpiter dans ses veines. Sa mère, quant à elle, était très heureuse que son fils passe moins de temps en compagnie du voisin, ce petit « délinquant » aux cheveux décolorés, dépravé et sans aucune tenue.
La vie à l'école n'était pas franchement épanouissante. A défaut de côtoyer Changbin, il parlait de temps en temps à Jisung et à Seungmin. Les deux garçons étaient agréables et ouverts, le second ayant même proposé un rendez-vous ou deux à Félix pour qu'ils se connaissent mieux. Mais il avait refusé. S'il s'était égaré un temps dans les méandres du doute, il savait qu'il ne devait pas recommencer à s'approcher des hommes de cette manière. C'était indécent. Il préférait donc garder une relation amicale avec Seungmin et ce dernier semblait s'en accommoder. A défaut de ne plus être harcelé, le fait d'être plus souvent accompagné par d'autres élèves semblait avoir encouragé les plus têtus à le laisser tranquille.
Jamais il n'aurait cru que savoir Changbin en couple allait autant le mettre mal à l'aise. Il se sentait vide et sans entrain. D'ordinaire, Félix souriait énormément et était réputé pour être de bonne humeur. Mais c'était désormais plus compliqué pour lui. Au début, il ressassait en boucle l'histoire avec Hyunjin. Il en avait beaucoup parlé avec Changbin. Ce dernier semblait très heureux de la situation, il regardait son petit ami comme s'il s'agissait de la huitième merveille du monde, il était toujours à son écoute et ils se baladaient main dans la main sans aucune honte dans les couloirs de leur lycée. Félix voulait être heureux pour lui, mais il n'y arrivait pas.
« Félix, mon petit chat ! Viens manger ! »
L'appel de sa mère en bas des escaliers fit sursauter le garçon. Dans sa chambre toujours aussi sobre, il se leva pour enfiler un sweat-shirt et ainsi descendre les escaliers pour rejoindre ses parents. Dans la maison baignait une agréable odeur de poulet grillé et de nouilles de riz, aussi l'estomac de Félix se mit à gronder. Malgré les années, son corps restait désespérément fin et léger : il mangeait autant que possible mais il n'arrivait à prendre aucun gramme sur la balance. Lorsqu'il s'assit à table, c'était à côté de son père pendant que sa mère apportait les plats de la cuisine.
« Seigneur, que tu es maigre. » marmonna son père à peine fut il assis, lui était un bon vivant. Son métier le forçait à manger beaucoup lors de réceptions, galas ou repas, sans compter le vin qu'il aimait boire en grande quantité. « Tu n'as que la peau sur les os, es tu certain de vraiment faire de la natation correctement ? »
« Oui papa. » répondit Félix en serrant les dents, en même temps que les plats étaient disposés sur la table. « Je m'entraîne dur, mais la natation n'est pas le meilleur sport pour... »
« On en a déjà parlé Félix, il est hors de question que tu fasses un sport de brute comme le taekwondo. C'est encore une idée de ce Changbin. » rétorqua son père en levant les yeux au ciel.
« Ce n'est pas qu'un sport de combat, c'est aussi très bon pour... »
D'un geste de la main, le patriarche fit signe à son fils de se taire et Félix préféra fermer sa bouche plutôt que poser souci. Il ferma les yeux et retint un soupir : il ne fallait pas provoquer son père même si l'envie était grande. C'était frustrant mais nécessaire. Lorsque la table fut emplie de victuailles, Félix prit le temps de réciter le bénédicité en compagnie de ses parents avant de manger. Le repas se passa dans le silence le plus total : ses parents n'avaient rien à se raconter et lui n'avait le droit de parler qu'au moment du dessert.
Les repas chez les Seo lui manquait terriblement.
Les conversations entre Changbin et Changna lui manquaient, de même que les rires de madame Seo, les blagues ridicules de monsieur Seo, leur bonne entente, les râleries de la mère de famille lorsqu'ils arrivaient à piquer des gâteaux dans le placard de la cuisine en douce...
Le petit air joyeux que chantonnait Changna lorsqu'elle passait dans le couloir de la chambre de son petit frère, lorsqu'il jouait avec Félix sur sa console de jeux, la cabane de fortune qu'ils construisaient avec tous les coussins et les oreillers de la maison et où ils rêvaient de leur futur, la douceur du regard de Changbin lorsqu'il se confiait à lui...
Changbin lui manquait.
« Oh, mon petit chat ? Qu'est ce qu'il t'arrive ? »
Félix releva la tête pour se rendre compte qu'il était entrain de pleurer. Ses joues étaient noyées de larmes, sa gorge était terriblement serrée alors qu'il venait d'arrêter d'éplucher la pomme qu'il était entrain de se préparer. Il relâcha le fruit dans son assiette avant d'essuyer maladroitement ses larmes du dos de ses mains.
« R-rien, tout va bien, je... »
« Arrête donc de l'appeler comme ça. » reprit le père de Félix d'un ton autoritaire. « Tu vas le ramollir. Et toi, arrête de pleurer comme une gamine ! Tu es bientôt un adulte Félix, sois un homme. »
Mordant ses lèvres le plus fort possible pour s'arrêter de pleurer, le garçon baissa la tête et prit la serviette posée sur ses genoux pour essuyer ses yeux. Il détestait pleurer devant son père, ce dernier le brimait toujours lorsque la situation se présentait. Jusqu'à l'âge d'une dizaine d'années il le tolérait, mais depuis il lui rabâchait que pleurer c'était réservé aux femmes ou aux homosexuels. Après avoir profondément respiré pour reprendre contrôle de ses émotions, il articula le plus distinctement possible :
« Ai-je la permission de quitter la table ? J'ai encore des devoirs à faire. »
C'était bien entendu un mensonge, il avait fini ses devoirs depuis une éternité. Mais il voulait se soustraire au regard de ses parents, surtout celui de son père. Celui ci fit un geste de la main et Félix descendit de sa chaise sans un mot supplémentaire. Il prit le temps de se laver les mains dans la cuisine avant de monter les escaliers quatre à quatre pour se ruer dans sa chambre. Là il allait enfin pouvoir laisser cours à ses émotions.
Lorsqu'il ferma la porte de sa chambre derrière lui, le garçon prit la seule chaise de sa chambre pour la caler contre la poignet de sa porte. Depuis qu'il était enfant il n'y avait aucun verrou : il n'avait aucune intimité. Ses parents rentraient dans sa chambre quand bon lui semblait pour le surveiller, si bien qu'il devait se contenter de cette solution de fortune pour être certain de ne pas être embêté. Une fois la chaise bien installée, il se précipita dans son lit pour enfoncer la tête dans son oreiller et enfin laisser ses larmes couler librement.
Félix sentait un énorme creux dans sa poitrine. Il avait l'impression que le battement de son cœur lui faisait mal, qu'il peinait à respirer tant il souffrait. Plus que jamais, il se sentait seul, incompris, isolé de tout. Certes, Seungmin et Jisung faisaient office de connaissances agréables, mais il avait perdu son seul et unique ami. Changbin aimait quelqu'un d'autre plus fort qu'il ne l'aimait lui. Il regardait cette personne avec plus d'amour qu'il ne pouvait jamais ressentir envers lui. Et ça lui déchirait le cœur comme jamais. La sensation qu'un rouleau compresseur broyait sa poitrine donnait envie à Félix de hurler à plein poumon dans son oreiller, mais il se retenait. Il ne voulait pas que sa mère entende, il ne voulait pas que son père entende. Il était seul et voulait le rester car il se sentait terriblement mal dans son corps et dans son esprit.
Il voulait que Changbin l'aime.
Cette constatation l'effrayait et le faisait trembler. Privé de son aîné depuis des semaines, il n'en pouvait plus. Il voulait juste appeler Changbin, le supplier de venir le voir pour pouvoir le serrer dans ses bras. Mais ce privilège lui était interdit car désormais c'était celui de Hyunjin. Il le jalousait tellement qu'il se dégoûtait. Répugné par lui même, par cette jalousie, cet égoïsme qu'il ressentait, Félix sanglotait tout son saoul dans son oreiller encore et encore.
Il n'aimait pas les hommes. Enfin... Peut être pas.
Mais il était certain d'aimer Changbin plus que tout.
Épuisé, à bout de force et assommé de tristesse, l'adolescent finit par se calmer et par arrêter de pleurer. Le silence de la maison l'apaisait et le mettait dans un état catatonique. Il respirait du mieux qu'il pouvait pour reprendre pied. Ces crises de larmes arrivaient régulièrement depuis qu'il parlait moins à Changbin, mais il n'avait pas le choix. Après avoir roulé sur son dos, Félix inspira profondément de nouveau pour réussir à se calmer. La fatigue envahissait ses muscles et son esprit : il n'avait qu'une envie et c'était simplement de se coucher et ne plus penser à rien.
Le garçon se leva donc péniblement pour sortir de sa chambre. Après avoir poussé la chaise de sa porte de chambre, il se rendit compte que la télévision tournait dans le salon. Félix fit donc le chemin jusqu'à la salle de bain pour prendre une douche, prit le temps de passer de l'eau glaciale sur ses yeux pour les faire dégonfler et pouvoir ainsi se regarder dans la glace sans avoir honte. Incapable de tenir la vision de son propre reflet dans le miroir, il enfila son pyjama et garda une serviette sur sa tête pour sécher ses cheveux. Il s'enferma de nouveau dans sa chambre à l'aide de sa chaise et se surprit à regarder par la fenêtre pour observer la maison des Seo. Rien ne dérogeait à l'habitude, aussi préférait il ne pas se faire trop de mal et il détourna les yeux pour s'enfoncer dans son lit. Cela faisait déjà longtemps qu'il ne faisait plus sa prière du soir, même s'il disait le contraire à sa mère. A chaque fois qu'il voulait la faire, quelque chose en lui le poussait à s'arrêter. Ce n'était pas honnête. Pas envers Dieu, ni envers lui même.
Pour s'occuper, il tenta de lire un livre posé sur sa table de chevet. Ses parents lui interdisaient quelconque roman de fantasy, aussi se contentait il d'essai ou de roman historique. C'était mieux que rien et toujours mieux que la Bible qu'il connaissait par cœur.
Au bout d'un certain temps, il entendit un léger bruit tapant contre sa fenêtre. Surpris Félix fronça les sourcils avant de se pencher pour voir ce qu'il y avait. Mais de son lit, il ne voyait pas grand-chose. Perplexe, il allait se replonger dans son lit lorsqu'un second bruit sec se fit entendre. Cette fois ci, sans réfléchir, le garçon se leva pour s'approcher de sa fenêtre. Il sursauta en voyant un petit caillou taper de nouveau contre le carreau. La pénombre tombait déjà à l'extérieur, mais Félix n'avait aucun mal à voir la silhouette d'un garçon en contre bas dans sa cour.
Il s'agissait de Changbin.
Tétanisé, Félix se rendit compte que son aîné portait son blouson habituel et avait dans son poing serré quelques cailloux. Changbin arrêta son geste en le voyant. Sans savoir quoi faire, l'adolescent ne réfléchit pas en ouvrant sa fenêtre. L'air frais s'engouffra aussitôt dans sa chambre, ce qui fit frissonner Félix à l'instant. A moins que ça soit la présence de Changbin. Il ne savait pas vraiment. L'espace de quelques instants, c'était comme si le temps était suspendu. Rien ne bougeait, ni les deux garçons ni la moindre feuille dans les quelques arbres de la cour. Par réflexe, Félix se tourna pour regarder derrière lui : sa chaise bloquait toujours sa porte. Aussi, lorsque son regard descendit sur son aîné, les mots lui manquaient.
« Je peux monter ? » demanda alors Changbin aussi doucement que possible pour ne pas attirer l'attention des voisins, ou même des parents Lee qui étaient dans le salon. Le cœur de Félix semblait battre de nouveau dans sa poitrine en voyant son ami en contre bas.
« Quoi ? Mes parents te laisseront jamais rentrer ! » répondit il sur le même ton, avant que son aîné regarde tout autour de lui.
Changbin lâcha alors les quelques graviers qu'il avait dans sa main pour aller chercher la poubelle d'extérieure et la coller contre la maison. Félix le perdit de vue quelques secondes, entendant simplement les bruissements de tissus et les grognements de son aîné, qui avalait des injures pour ne pas se faire entendre, jusqu'à ce que le garçon vit enfin sa tête dépasser de la gouttière de l'étage, à quelques centimètres de lui. Les yeux écarquillés, Félix resta immobile alors que son voisin lui tendait la main d'un air entendu.
Il n'y réfléchit pas à deux fois avant d'empoigner Changbin du mieux qu'il pu pour l'aider à se hisser jusqu'à sa fenêtre. Félix n'avait pas le temps de réfléchir, son sang tambourinait dans ses tempes alors que son aîné passait maladroitement l'encadrement de sa fenêtre en jurant tout bas, insultant les parents de Félix de « vieux cons » avant de se réceptionner sur le parquet. L'adolescent avait l'impression qu'ils avaient fait un bruit absolument affreux, aussi guettait il le moindre son autre que la respiration saccadée de Changbin ou la sienne. Dans ses veines pulsait de l'adrénaline pure : jamais son aîné n'avait fait une chose aussi folle qu'escalader sa maison pour s'introduire dans sa chambre.
Précautionneux, Félix recula d'un pas en relâchant son voisin pour l'observer. Sans même parler, il pouvait voir que quelque chose clochait dans l'expression de Changbin. Il n'était pas comme d'habitude, il n'était simplement pas dans son état normal. Pourtant, c'était bien lui en chair et en os mais...
« Pourquoi tu ne m'as pas envoyé de message ? » chuchota alors Félix en fronçant les sourcils, la rancœur tapie dans son ventre parlait plus fort qu'il ne l'aurait voulu. « C'était quand même moins risqué que d'escalader la façade de la maison non ? »
« Il fallait que je te vois. » répondit Changbin sur le même volume sonore, ce qui était pour lui un véritable miracle. Son aîné parlait fort, était extraverti et le faisait savoir. Aussi, le cadet l'observa avec plus d'attention.
Les bords des yeux de Changbin étaient rouges, ses yeux eux même brillaient intensément. Ses lèvres étaient sèches, ses joues plus creuses qu'auparavant, et Félix nota avec un sursaut de dépit la marque violacée dans le cou de son aîné, certainement un vestige d'un suçon qu'avait fait Hyunjin à cet endroit quelques jours avant. Un vague sentiment baignait les yeux de son ami, mais le garçon n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
« Félix... » commença à murmurer Changbin en s'approchant de lui, hésitant à tendre la main. « Est ce que je peux te prendre dans mes bras ? »
Dans sa poitrine, le cœur de Félix battait terriblement fort. Il avait l'impression que celui ci était comprimé pour entrer dans un bocal avant d'exploser puis de recommencer encore, encore et encore. Il se sentait amer, mais aussi terriblement en manque. Depuis des jours il rêvait de sentir de nouveau son aîné dans ses bras, de pouvoir le tenir étroitement contre lui et respirer son odeur. Dans l'air d'ailleurs, celle ci se répandait. Un mélange de cigarette froide et de la lessive de sa mère, dont Félix souffrait de l'absence depuis des semaines. Lorsqu'il s'agissait de Changbin il était faible. Il le savait. Aussi, il hocha la tête sans réfléchir davantage.
Changbin était plus large que lui, même s'il l'avait désormais dépassé en taille. Son aîné glissa ses bras autour de sa taille, enserrant le corps fin de Félix entre eux pour le blottir contre lui. Le cadet se sentit rougir, le froid s'engouffrait par la fenêtre ouverte mais il se sentait bouillir de l'intérieur lorsque son aîné remonta une de ses mains jusqu'au creux de ses épaules pour le faire s'appuyer contre lui. Alors Félix ne lutta plus, et vint de lui même enserrer Changbin dans ses bras en fermant les yeux. La texture du cuir sous ses mains, l'odeur enivrante du garçon contre lui, sa chaleur, tout lui avait terriblement manqué.
Une lente plainte s'échappa pourtant de Changbin et le cadet comprit immédiatement que ce dernier s'était mit à pleurer. Incapable de se contrôler plus longtemps, l'aîné des deux enfouit son visage dans le cou de Félix pour se mettre à sangloter à grosses larmes tout en malaxant le pyjama de ce dernier dans ses mains. De nouveau tétanisé, l'adolescent ne savait pas quoi faire. Il tenait étroitement son aîné contre lui pour qu'il se calme, mais ce dernier pleurait de plus en plus sans pouvoir s'arrêter.
« Hey, Changbin... Je suis là... »
« Je suis tellement d-désolé... » répondit son aîné en s'agrippant à lui avec la force du désespoir. « J'ai été stupide, j'ai fais n'importe quoi... »
Félix tenta de le calmer en le berçant tendrement contre lui, caressant ses cheveux, lui chuchotant que tout allait bien et qu'il était là pour lui. Mais son aîné ne cessait de se décomposer dans ses bras. Du mieux qu'il pu, le cadet les fit déambuler jusqu'à son lit afin de pouvoir s'asseoir dessus avec Changbin. Celui ci ne se calma qu'après de longues minutes, tout recroquevillé contre Félix qui lui tendait une boite de mouchoirs pour qu'il essuie son visage. Une fois certain que son aîné ne pleure plus, le garçon se leva de son lit pour refermer sa fenêtre. Il était transi de froid, aussi retourna t-il rapidement auprès de Changbin pour s'asseoir à côté de lui.
« Tu veux bien d'expliquer ce qu'il s'est passé ? » demanda t-il doucement, pour ne pas brusquer son ami. Il n'avait aucune idée de ce qui l'avait mit dans cet état là. Changbin était une personne forte, il était solide et pouvait affronter toutes les épreuves possibles et imaginables. Le voir dans un tel état bouleversait Félix, qui se sentait fragile sur ses jambes.
Devant lui, Changbin prit une profonde inspiration. Après avoir essuyé ses larmes et s'être mouché, son visage était légèrement bouffi et ses lèvres tremblaient encore un peu. Il n'arrivait pas à croiser le regard de son cadet, pourtant ce dernier ne le quittait pas des yeux.
« J'ai fais une connerie. » reprit il doucement, pour ne pas inquiéter les parents de Félix qui ne semblaient pas s'être rendu compte de l'intrusion dans leur maison. « J'ai fais une énorme connerie en m'éloignant de toi pour Hyunjin et je m'en veux pour ça. »
Félix ne savait pas quoi dire ni quoi faire. Alors que son cœur semblait battre aussi rapidement que s'il courait un marathon, il ne sentit presque s'arrêter de battre en entendant Changbin parler sans cesse.
« Il trouvait ça bizarre qu'on soit si proches, j'avais beau lui expliquer il disait que je... que je t'aimais trop pour que ça soit normal. » dit il avec une voix encore enrouée de larmes, laissant la gorge éraillée et poignante de Changbin transpercer le cœur de Félix. « Il a commencé à me menacer de se séparer alors j'ai décidé de prendre mes distances parce que je pensais que... »
Un frisson parcouru très clairement l'échine de Changbin, malgré le fait qu'il avait gardé son blouson et qu'il faisait bien moins froid depuis que son cadet avait fermé la fenêtre. Félix se mordit les lèvres. A quelques centimètres de lui, son ami, son seul véritable ami, s'en voulait plus que tout au monde de l'avoir écarté pour une idylle. Changbin semblait vraiment s'en vouloir, il avait l'air rongé par la culpabilité et la tristesse.
« Parce que je pensais que c'était plus important, mais j'avais tort, j'avais tellement tort Félix. » continua t-il en relevant ses yeux baignés de larmes vers son cadet. « Jamais personne ne sera plus important que toi à mes yeux, tu es tout pour moi alors j'ai préféré lui dire que c'était fini. Je me suis séparé de Hyunjin parce que je voulais te retrouver... »
Même s'ils n'étaient pas beaucoup éloigné l'un de l'autre, Changbin semblait paralysé par le froid. Il s'enserra de ses propres bras et Félix ne pu se résoudre à rester sans bouger. Son cœur se fissurait dans sa poitrine, partagé entre le malheur de voir son ami dans cet état et un soulagement malsain qui grandissait en lui. Il s'approcha de son aîné pour venir le prendre dans ses bras. Aussi ridicule ce geste lui paraissait, il tenait étroitement Changbin contre lui.
« Je serais toujours là, je te l'ai promis. » murmura t-il en glissant ses doigts dans les cheveux de son aîné.
Ce dernier semblait être sur le point de se laisser glisser dans des sanglots interminables. Alors, aussi doucement qu'il le pu, Félix entraîna son aîné contre lui pour qu'ils s'allongent ensemble dans le lit à une place que les parents du garçon refusaient de changer. S'accrochant à lui comme s'il en avait besoin pour respirer, Changbin inspira profondément son odeur, le visage blotti contre son torse en le tenant étroitement dans ses bras.
« Pardonne moi Lix... » chuchota l'aîné, les épaules encore tremblantes. « Je prendrais soin de toi, jamais je ne referais un truc aussi con. Tu es tout ce qui compte, pardon... pardon... »
« Calme toi, je suis là Changbin, d'accord ? »
Enserrés les bras l'un de l'autre, la respiration de Changbin finit par se faire plus calme. Après de très longues minutes, il finit même par se détacher de son cadet pour l'observer. Félix se sentit rougir, il n'était pas spécialement au meilleur de sa forme non plus après son énorme crise de larmes plus tôt dans la soirée. Mais il ne voulait pas détourner le regard.
Pourtant, il fut bien obligé en entendant des bruits dans l'escalier, signe que ses parents allaient se coucher. Félix sentit un vent de panique influer dans ses veines. Il fit signe à Changbin de se cacher de l'autre côté de son lit pour ne pas être vu et se leva précipitamment de son lit. Sa mère venait toujours le voir avant d'aller se coucher, aussi se dépêcha t-il d'enlever la chaise qui servait de cale à sa porte avant de l'ouvrir. Il tomba nez à nez avec sa mère qui avait la main tendue pour ouvrir elle même la porte. Elle eu d'ailleurs l'air surprise.
« Oh, tu n'es pas encore couché petit chat ? » demanda t-elle en esquissant un sourire.
« Non, je vais y aller je finissais de lire. » répondit il tout en se rendant compte à quel point il faisait plus chaud dans le couloir que dans sa chambre.
« Tu as aéré ta chambre ? » continua sa mère, l'air perplexe. « Ne va pas attraper froid surtout... »
« Ne t'en fais pas, j'ai aéré le temps de ma douche mais ça a du mal à se réchauffer. » assura le garçon en souriant pour la rassurer. « Je vais juste faire ma prière et dormir, je suis très fatigué ce soir. »
Malgré son air suspicieux, sa mère consentit à le laisser tranquille en lui demandant de ne pas éteindre sa lumière trop tard. Félix hocha la tête et referma la porte de sa chambre derrière lui et la cala de nouveau avec sa chaise. Lorsqu'il fut certain que sa mère fut assez éloignée, il s'approcha de son lit pour faire signe à Changbin de pouvoir sortir de sa cachette.
« Sans déconner Félix, t'as bientôt 17 ans... » marmonna t-il en grimpant sur le lit de son cadet en soupirant. « J'ai l'impression que tes parents vont pas te libérer avant longtemps... »
« Ils ne veulent que mon bien, même si ça ne donne pas cette impression. » répondit le garçon tout bas pour ne pas se faire entendre en dehors de sa chambre. Il soupira avant de s'arrêter devant son aîné. Ce dernier avait encore les yeux rouges et l'air désespéré.
Mais tout au fond de lui, Félix se sentait terriblement mieux. Changbin avait brisé son couple pour lui. C'était horrible, mais il était... soulagé. Soulagé que Changbin le préfère à Hyunjin envers et contre tout. Son ami était habituellement plus fort que lui, plus solide, mais là ainsi assis sur son lit, il le sentait plus fragile qu'un papillon. Lorsqu'il fut arrivé devant lui, son aîné leva les yeux pour l'observer.
Comme si le temps s'était figé autour d'eux, Changbin leva ses bras pour attraper les hanches de son cadet. Par réflexe, Félix se laissa faire et s'approcha du rebord de son lit. Lorsque ses genoux butèrent dans le matelas, entre les jambes de Changbin, ce dernier le serra contre lui tout en enfouissant sa tête contre le ventre de son cadet. Félix soupira d'aise, son instinct parla pour lui à la seconde même où il laissa ses mains s'enfouir dans les cheveux de son aîné. Il n'y avait que eux deux, plus rien n'avait aucune forme d'importance. Pour l'adolescent, c'était comme retrouver une bouée de sauvetage au milieu de l'océan. Depuis des semaines, il se noyait seul et isolé de tout, désormais il se sentait sauvé, aimé, il n'était plus seul.
« Tu veux dormir là ce soir ? » demanda t-il en enroulant une mèche de cheveux de Changbin autour de ses doigts. « Le lit est petit mais... »
« Oui. Mille fois oui. » répondit son aîné sans retirer la tête de son ventre.
Après une longue étreinte, Félix alla chercher un pyjama de rechange pour Changbin. Celui ci se changea alors qu'il lui tournait le dos, lui laissant assez d'intimité pour qu'il puisse changer ses vêtements sans se sentir épié.
Après s'être glissés sous les draps, les deux garçons s'observaient dans les yeux sans rien dire pendant un long moment. La lumière éteinte, seule la lune éclairait assez la pièce pour qu'ils puissent distinguer les traits de chacun. Dans sa poitrine, le cœur de Félix semblait avoir prit de nouveau vie. Il se sentait entier et complet. Il mourrait d'envie d'être dans le creux des bras de Changbin pour s'endormir, dans ce lit étroit et beaucoup trop petit pour eux deux.
Lorsque Changbin glissa enfin ses bras autour des hanches de son cadet, celui ci se mordit les lèvres. Le corps de son aîné était brûlant contre le sien, délicieusement pressé dans leur bulle isolée de tout. Des rougeurs éclatèrent sur les joues de Félix lorsque le garçon pressé contre lui embrassa sa joue avant de fermer les yeux pour tenter de trouver le sommeil.
Même s'il ne dormit pas beaucoup cette nuit là, Félix savait que tout allait rentrer dans l'ordre.
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