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03.10 : Alexandre
Alice et moi avions eu notre premier rendez-vous dans un restaurant du Vieux Lyon. Je m'étais vite rendu compte de mon erreur : nous avions découvert une salle remplie de touristes désireux de visiter la ville historique, une salle par conséquent bondée et bruyante, bien loin de l'atmosphère que j'avais espérée.
Alice avait été compréhensive et n'avait pas laissé l'ambiance surprenante influencer sur notre rendez-vous. Pourtant, j'avais senti une certaine... tension pendant notre déjeuner et nos échanges. Je ne saurais pas bien en décrire la raison, mais je l'avais sentie distante et mal à l'aise.
Quand nous étions sortis du restaurant, j'avais senti le besoin de m'excuser, mais la blonde avait balayé mes paroles d'un petit rire gêné. Ensuite, elle avait catégoriquement refusé que je la ramène, alors que j'étais venu en voiture. Je l'avais raccompagné à son arrêt de bus et l'avait regardé partir, un peu amer.
Je ne savais pas quoi penser de ce rendez-vous, et quelles conclusions tirer. Plusieurs jours plus tard, j'hésitais sur ce que je devais faire : j'avais très envie de lui proposer un nouveau rendez-vous, mais j'avais peur qu'elle ne veuille plus rien avoir à faire avec moi.
Pendant notre conversation, elle avait bien dû s'en rendre compte : j'étais pauvre, scolairement mauvais, sans culture et un peu con sur les bords. Je l'imaginais issue d'une famille riche, vivant dans une maison ou même, pourquoi pas, une villa, j'imaginais que toutes ses dépenses devaient être prises en charge par ses parents et qu'elle n'avait jamais connu la galère.
Alors c'était surtout la honte qui me retenait de la contacter.
Pour me changer les idées, et continuer à me voiler la face, je me consacrais corps et âme à mes études. J'avais, ce jeudi soir, invité Gabriel, Ada, et Sae chez moi pour qu'ils soient mes gouteurs. Evidemment, la perspective de manger du gâteau avait séduit tout le monde rapidement.
J'étais aux fourneaux quand mon premier invité sonna chez moi. Ma famille était absente ce soir, aussi avais-je l'appartement pour moi. Je me lavai rapidement les mains et vint ouvrir à Sae, qui m'adressa un sourire timide en me faisant la bise. La petite brune était une Japonaise dont les parents français avaient décidé de revenir au pays depuis un an. Elle avait mon âge, et son accent était adorable.
— Pose tes affaires là, et mets-toi à l'aise, lui indiquai-je en souriant.
Sae retira ses chaussures et les rangea soigneusement dans l'entrée, puis elle accrocha sa veste au porte-manteau. Je trouvais sa politesse, quoique étonnante, très rafraîchissante. Chez moi, c'étaient les cris, le désordre et l'agitation qui régnaient.
Laissant Sae dans le salon, je revins à ma cuisine. Un tiramisu à la framboise patientait dans le frigidaire et je faisais cuire un gâteau au thé matcha que la Japonaise m'avait suggéré. Je savais que les saveurs de chez elle lui manquaient, aussi avais-je fait de mon mieux.
— Qu'est-ce que tu prépares ? me demanda-t-elle.
— Des mini Paris-Brest. Tu verras, c'est délicieux !
Sae m'adressa un sourire et vint s'asseoir à la table de la cuisine pour me tenir compagnie. J'appréciai sa prévenance. Puisque j'avais les mains prises, ce fut elle qui se chargea d'aller ouvrir la porte à Gabriel et Maléfique. Je les saluai depuis la cuisine.
— On a ramené des boissons ! m'annonça Gabriel, tout sourire.
— Génial, merci ! Vous n'avez qu'à les poser là, je vais les ranger.
Gabriel obtempéra sans poser de question et je m'empressai de ranger les boissons quand tout le monde fut dans le salon. Le tiramisu était son gâteau préféré, alors je tenais à garder la surprise.
Pour le moment, je terminais les derniers préparatifs. J'entendais des voix échanger dans le salon et étouffai un soupir en captant surtout la voix forte de Maléfique. Cette fille ne savait que s'imposer. Quand je pus enfin les rejoindre j'apportai verres, boissons, et tiramisu.
— Et voilà la première dégustation ! annonçai-je d'un grand sourire.
Les yeux de Gabriel s'illuminèrent en reconnaissant le gâteau que j'avais disposé dans des petites coupes. Tous me remercièrent, Sae plus doucement que les autres. Puisque le canapé était occupé par les jumeaux et le fauteuil par l'asiatique, je pris le pouf et m'y laissai tomber.
— Vous faites ça souvent ? demanda Sae entre deux bouchées.
— Une fois par mois environ, lui répondit Ada. Pour faire plaisir à Philippe Etchebest.
Mon amie ne comprit pas la référence et je lui fis signe de laisser tomber, blasé. J'étais tout de même surpris de voir Ada s'adresser à quelqu'un sans l'agresser. Elle n'avait pourtant rencontré Sae qu'à mon anniversaire en avril dernier.
Je connaissais Sae parce que nous travaillions ensemble à la boulangerie près de chez moi. Je m'étais rapidement attaché à son humour surprenant et sa générosité innée. Elle adorait me raconter des histoires sur son pays, et j'adorais l'écouter.
— C'est délicieux, me confia Gabriel.
— Merci. Je l'ai fait ce matin.
J'étais très reconnaissant envers le brun pour avoir libéré ce moment, malgré son emploi du temps chargé. On échangeait régulièrement par messages, sur nos cours entre autres. Gabriel me donnait aussi souvent des nouvelles d'Ada, alors que je n'en demandais jamais. Il était persuadé qu'en réalité on s'appréciait, alors que pas du tout.
Je ne supportais pas l'attitude d'Ada, et elle me méprisait.
Par contre, elle n'avait pas du tout l'air de mépriser Sae, puisque toutes les deux étaient en grande conversation. Je lançai un regard interrogateur au brun, mais il haussa les épaules. Lui non plus ne comprenait pas.
— Et au fait, comment ça va avec ton gars ? lui demandai-je.
— Je lui ai demandé si on pouvait rester ami, et il a accepté, m'expliqua-t-il sommairement.
— Et c'est tout ? m'étonnai-je.
Je savais que Gabriel n'était absolument pas en harmonie avec lui-même, mais j'avais espéré que cette fois, cette rencontre aurait pu le faire changer. Mon ami haussa les épaules et je fus encore plus surpris de le voir si... détendu.
— Je n'ai pas envie de le décevoir, mais je n'ai pas non plus envie de lui donner de faux espoirs. J'ai conscience que ça ne va pas le satisfaire, sauf que je ne peux pas lui offrir plus. Il faudra qu'il se contente de ça.
— Tu te voiles la face, intervint Maléfique, le dos enfoncé dans le sofa.
Pour une fois, j'étais du même avis.
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