Chapitre 18 : Jay
L'odeur de citron saturait mes narines. Le sol en parquet brillait comme il ne l'avait jamais fait. Estelle me surveillait du coin de l'œil et lorsque je la surprenais, elle faisait mine de rien.
J'enrageais. Elle agissait ainsi depuis ma bêtise et les vacances n'avaient visiblement rien arrangé. Je rêvais de crier à la figure d'Estelle que je n'avais rien d'un voyou, je m'étais simplement un peu amusé. Mon intrusion dans le studio n'avait été guidée que par mon envie de danser dans un vrai lieu de danse. Ça et le solo de strip-tease pour la soirée fille que j'avais dû préparer.
L'espace de quelques heures, je m'étais pris pour un professionnel, c'était sympa. Et j'avais assuré le samedi soir, le patron avait été surpris et enchanté de l'hystérie que j'avais réussi à provoquer avec mes nouveaux mouvements.
Secrètement, j'étais toujours perplexe et un peu déçu que Roman n'ait même pas cherché à savoir ce que je fabriquais ce soir-là. Il avait été clair, je n'étais plus sous sa surveillance. D'un côté, c'était carrément cool et arrangeant, je n'avais pas à m'inquiéter qu'il découvre que je dansais toujours au club. Et d'un autre, ça signifiait qu'il en avait vraiment rien à faire de moi.
Habituellement, la période de Noël avait un effet bienfaiteur sur les gens, moi-même, j'adorais cette atmosphère. Les grands repas de famille, les cadeaux, le froid et le chocolat chaud au coin du feu. Puis la nouvelle année, les paillettes et les fellations dans les toilettes. Oups, non pas ça.
Bref, j'en avais marre de reprendre le quotidien dans cette ambiance de merde. Je voulais me concentrer sur les cours de danse à présent, sur cette offre généreuse de Roman de m'intégrer à une de ses classes. Depuis cette annonce, je trépignais d'impatience, fou de joie.
Néanmoins, le studio avait réouvert ses portes depuis trois jours déjà, avant même la reprise au lycée, et il n'en avait toujours pas reparlé. Les vacances avaient dissipé la proposition et il m'ignorait.
Roman ne m'adressait plus la parole et ne me regardait même plus, il me chassait carrément de ses cours ! Pff, quel con.
Ce point étant beaucoup plus contrariant que l'hostilité d'Estelle. En fait, il agissait comme si j'avais la peste. Alors ok, j'avais encore dépassé les bornes avec ce baiser.
Un baiser que je lui avais volé, sentant bien son instabilité face à moi. Cela m'amusait un peu de savoir que je pouvais l'impacter de cette façon. Mon impression était la bonne, je lui plaisais. Et cette constatation déclenchait de drôles de sensations dans mon ventre. Pas des papillons, non, plutôt des fourmis grouillantes.
Ça me soulait qu'il ne veuille pas en parler, qu'il fasse comme si rien ne s'était passé ! Moi, j'avais aimé ce baiser, bordel ! J'y avais pensé toutes les vacances.
Et j'y pensais encore. D'où mon sourire en coin, même si je frottai sans relâche le parquet de la salle 2, musique dans les oreilles. D'habitude, je chantais, mais là j'étais trop obnubilé par mes pensées.
La première fois que je l'avais embrassé, ce n'était qu'une tentative désespérée de le faire chanter. La deuxième fois avait été guidée par une impulsion et s'était transformée en quelque chose de grisant. Roman avait joué de ses lèvres et à n'en pas douter, il était expert dans ce domaine. Ce qui me poussait à vouloir plus.
Pourrais-je en obtenir plus ?
J'entendis des voix s'élever dans le couloir. Le cours de Roman venait de finir, il irait donc prendre une pause dans son bureau avant d'enchaîner avec le cours suivant. Mon regard balaya la pièce et une fois satisfait de la propreté, je me précipitai en direction du bureau. La porte était fermée, je toquai donc légèrement.
Pas de réponse. Je tapai plus fort et enfin, j'entendis la voix étouffée de Roman :
— Quoi ?
J'entrai simplement sans répondre et refermai la porte.
— Qu'est-ce que tu veux ?
L'hostilité de Roman me hérissa les poils et mes dents s'acharnèrent sur mes lèvres.
— Je voulais te demander un truc.
— Quoi ?
— C'est toujours bon pour ta proposition d'intégrer un de tes cours ? demandai-je.
Mon visage afficha mon expression la plus légère et innocente possible. Roman soupira et j'entrevis le gris de ses yeux avant qu'il ne les détourne.
— J'imagine, me répondit-il sèchement.
— Comment est-ce que ça fonctionne ? Je suis classé par âge ou par niveau ? Parce que je me vois mal évoluer au milieu des petits.
— T'es pourtant un gamin, rétorqua-t-il virulemment.
Luttant très fort pour ne pas lever les yeux au ciel, je m'assis sur la chaise en face de son bureau et posai mes coudes dessus, croisant les bras.
— C'est quoi le problème, Roman ?
— De quoi tu parles ?
— Tu agis avec moi comme si j'étais le diable, tu ne m'acceptes plus dans tes cours, tu ne me parles plus et...
— Écoute, je n'ai aucune envie de prétendre ce qui n'existe pas. Nous ne sommes pas amis, tu bosses ici, c'est tout. Ma proposition tient toujours, je vais devoir t'évaluer et tu seras placé dans un groupe approprié en fonction de ton niveau, mais également de ton âge.
Sa tirade révéla sa tension, il n'entra jamais en contact visuel avec moi et le ton détaché et froid me tira un pincement au cœur. Roman n'avait de toute évidence pas apprécié mon baiser et il voulait me le faire savoir. Ok, j'avais compris le message. Mais pourquoi tant de colère ? Ce n'était pas si grave ! Un petit baiser et le voilà dans tous ses états !
— Bien, faisons cette évaluation, j'ai hâte de commencer les cours, avouai-je avec neutralité.
— Après ton travail, trancha-t-il.
J'acquiesçai et repartis pour récurer les vestiaires qui venaient d'être utilisés.
Après plusieurs heures, ma montre sonna la fin de ma journée de travail. Excité, je rangeai les produits, le seau d'eau ainsi que le balai dans le placard à cet effet et attendis Roman devant sa porte. Estelle était déjà partie, le jeudi, elle finissait bien plus tôt que Roman.
Ce dernier était encore dans son antre, certainement en train de s'occuper des papiers ou je ne savais quoi. Mon excitation grossissait en moi, au point de ne plus pouvoir la contenir et j'entrai donc dans la pièce sans invitation.
— Je suis prêt, clamai-je.
Mon regard tomba directement sur Roman, debout près d'un fauteuil. Son dos me faisait face et sa peau luisait de couleur sous les néons des mots accrochés sur les murs. Roman, surpris, se tourna vers moi et haussa les sourcils.
— Tu permets ? Je me change là, grogna-t-il.
— Désolé, je suis impatient, me défendis-je.
— Et cela t'exempte de frapper ?
Son ton déclencha une flambée de colère dans mes veines, faisant écho à la sienne. En deux pas, je m'approchai de lui, le regard noir.
— Eh, ça va ! Je t'ai déjà vu torse nu, pas la peine de jouer les prudes. Et d'ailleurs, arrête de me parler comme si j'étais une merde, je t'ai rien fait ! m'emportai-je.
— Tu n'as rien fait ! répéta-t-il dans un éclat.
— Non ! confirmai-je.
— Tu t'es introduit dans mon studio de danse sans autorisation !
— Je me suis excusé pour ça et tu m'as fait ta proposition ! Ça doit bien vouloir dire que tu m'as pardonné, non ?
Mon cœur cognait sous mes côtes. Roman affichait un visage aux traits durs, j'entrevoyais la contrariété dans ses prunelles grises aux pépites marron et les muscles de ses bras tressautèrent.
— Et tu m'as embrassé, siffla-t-il entre ses dents serrées.
Choqué par cette réplique, je restai légèrement sonné et mal à l'aise. Je ne comptais pas m'excuser pour ça, j'avais aimé l'embrasser, même si je ne savais pas ce qui m'avait pris. Une flambée d'hormones délirantes. Si Roman considérait ce baiser comme étant insignifiant alors ok, je l'acceptais. Néanmoins, cette colère qu'il me crachait à la gueule semblait signifier tout autre chose.
J'eus envie de dire quelque chose, d'en parler enfin, cependant, Roman ne m'en laissa pas le temps.
— Visiblement, je suis toujours en colère, exposa-t-il durement, avant de se retourner pour enfiler un tee-shirt noir. Faisons cette évaluation et rentrons chez nous, je suis fatigué.
Après ces quelques mots, son corps disparut dans le couloir. Je n'appréciais pas le fait qu'il m'ignore, encore moins qu'il m'agresse ainsi. Mon agacement grimpa en flèche et ce fut déterminé que je le rejoignis dans la salle 3, celle réservée aux petits.
Roman était posté près de l'enceinte, le dos raide. Sa nuque attira mon regard et un courant d'excitation me parcourut.
— Je mets un son et tu improvises. Pas de règle, fais simplement ce dont tu as envie, m'explique-t-il.
La gorge serrée par le stress, je retirai mon tee-shirt bleu et me plaçai au centre. La musique s'échappa de l'enceinte, provoquant un sursaut discret de mon corps. Les notes s'imprégnèrent dans ma tête puis dans mon corps jusqu'à ce qu'un tempo s'enregistre et que je me laisse aller à suivre le rythme.
Roman resta appuyé contre le miroir, le regard figé sur moi. Je n'avais aucune technique, néanmoins, j'étais un bon imitateur, j'avais enregistré les pas et les mouvements. Peut-être étais-je naturellement doué, parce que cela ne me demandait aucun effort pour effectuer ce que je n'avais fait qu'observer.
Le plaisir de danser me galvanisa totalement. L'euphorie me donna le sourire et je remarquais la lueur dans les yeux de Roman. Une brillance qui indiquait que ce qu'il voyait lui plaisait.
Au premier abord, il paraissait ennuyé voire hostile avec sa posture rigide, les bras croisés et la bouche pincée, mais je reconnaissais cette lueur. Et cela m'encouragea d'autant plus. Étrangement, je ressentis le besoin de l'impressionner. Qu'il me remarque.
Lorsque la musique s'acheva, mon corps garda les réminiscences des vibrations. Ma poitrine se soulevait rapidement, l'air me manquait. J'avais tout donné et j'étais plutôt fier de moi.
Restait à savoir si Roman l'était, lui aussi. Je l'espérais secrètement. Me penchant en avant, je posai mes mains sur mes genoux et regardai en direction de Roman. Il n'avait pas bougé et son immobilité m'inquiéta.
— Alors ? questionnai-je, haletant.
Comme si je l'avais électrocuté, il se redressa et décroisa ses bras pour retirer son téléphone de l'enceinte. Je l'entendis se racler la gorge, mais n'eus aucune réponse.
— Roman ?
— Tu es doué, lâcha-t-il en se tournant pour me faire face.
— Ouais ? dis-je en souriant bêtement content.
— Ouais, tu as un bon rythme et visiblement tu enregistres vite les pas. Tu pourras être avec la classe B, mais tu ne seras pas exempt de nettoyage, précisa-t-il. Et ça te demandera beaucoup d'efforts pour suivre.
— Pas de soucis, assurai-je rapidement.
Je me redressai et dégageai mon front des mèches collantes qui y étaient plaquées. J'avais du mal à reprendre mon souffle, pourtant l'excitation traversait toujours mon corps de part en part. Roman récupéra une bouteille et s'approcha pour me la tendre.
— Merci.
Alors que je la vidai pratiquement entièrement, Roman riva son regard sur ma bouche, ma gorge et même mon torse. Tiens, tiens, petit voyeur.
Je cachai un sourire en m'essuyant la bouche d'un revers de main. Roman avait beau être en colère contre moi, je l'intéressais tout de même. Le simple fait qu'il réponde à mon baiser prouvait que je lui plaisais et c'était drôle de le voir lutter. D'ailleurs, pourquoi luttait-il ?
— Merci de me permettre de suivre tes cours, prononçai-je, de ma voix séductrice et basse.
— De rien, rétorqua-t-il en déglutissant.
Sa pomme d'Adam captura mon regard et son mouvement sexy provoqua une agitation dans mon survêtement. Lui aussi me plaisait, son corps était très attrayant. J'adorerais voir ce qui se cachait dans son caleçon. Merde. Mauvaise idée de penser à ça.
— Tu intègreras le cours dès que tu auras appris suffisamment la chorégraphie du moment pour suivre, m'informa-t-il.
— Comment pourrais-je l'apprendre ?
— Je te donnerais un coup de main, tu as l'air d'apprendre vite.
Un sourire anima mes lèvres en m'imaginant prendre des cours particuliers avec Roman.
— J'ai hâte de commencer, dis-je faiblement.
— Je me doute, souffla-t-il, ses prunelles accrochées à ma bouche.
Il me matait, là ? Oui, clairement. Je jouais avec lui, affichant une expression séductrice, papillonnant des yeux tout en mordant ma lèvre inférieure en un geste innocemment provocateur.
Hypnotisé à mon tour par sa respiration saccadée, les muscles de ses joues qui se contractaient en cadence, ainsi que ses yeux magnifiques. Putain, il était sexy, ce con.
Mes pieds firent un pas vers lui et Roman m'imita.
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