
Chapitre 9
Deux jours plus tard :
Je me tenais devant la maison des Hitremi. Cette maison qui hantait mes cauchemars. Je levai ma main, en prenant une grande inspiration pour me donner du courage.
Depuis ces deux derniers jours, je n'avais cessé une seule seconde de regretter mes paroles.
Il était parti si facilement, il ne s'était pas retourné... Je savais que j'avais tort. Peut être ne retrouverions nous pas ce que nous avions trouvé quand nous avions sorti nos instruments, mais qu'au moins il entende mes excuses me soulagerait.
Puis mes phalanges rencontrèrent le bois de la porte d'entrée. Je toquai une fois, deux fois, puis une troisième fois, plus timidement encore que les deux précédentes.
J'attendis une minute, deux minutes. Je m'impatientai.
Alors que je commençai à relever le point pour toquer à nouveau, la porte s'ouvrit sur le visage curieux de Callia.
-Bonjour, vous êtes...
Elle s'arrêta en me voyant. La surprise arrondit ses yeux, et sa bouche, puis alors qu'elle se reprenait, la colère sembla prendre le pas sur le reste.
Alex lui avait raconté évidemment.
Elle ouvrit la porte en grand, et prenant cela comme un encouragement, je commençai à parler.
-Callia, je suis...
Je ne pus finir. Le poing de la jeune fille s'abattit sur ma mâchoire. Mes dents grincèrent, et je trébuchai en arrière tandis que la douleur affluait. Mais je me pris les pieds dans les marches du perron et finis par atterrir sur les gravillons.
Je poussai un gémissement de douleur et de surprise mêlées. J'avais des vagues de douleur, et je saignais d'un endroit non identifié de ma bouche.
Je levai les yeux vers Callia, qui avait descendu les marches elle aussi, et se baissai pour m'attraper par le col. À la force de ses bras, elle me souleva, et pus me frapper à nouveau, cette fois sur l'arcade sourcilière.
Cette fois je poussai un cri de douleur alors qu'elle me lâchait et que je retombai à nouveau.
Je pressai mes mains sur mon œil endolori. Des larmes de rage et de défaite apparaissait à mes yeux.
-Comment as-tu pu ne serait-ce qu'imaginer dire ça ?! cria-t-elle d'une voix déformée par la colère.
Pour ponctuer ses mots, elle me flanqua un coup de pied dans les côtes, et je me recroquevillais en gémissant.
-Tu te rends compte, quand même ? Tu t'en rends compte, de ce que tu as dit ?! hurla-t-elle. Nous pourrions dire la même chose que toi ! Peut être que c'est plutôt ta famille qui a tué notre père ! Peut être que l'un de tes parents étaient ivres ! Peut être que c'est lui qui a fait un écart ! Peut être que tout ça, c'est la faute de TA famille.
Elle cria toutes ces phrases si douloureuses à mon attention, mais aussi à celui du ciel. Comme s'il elle levait la tête pour s'en prendre à mes parents, en haut.
Pour cet affront, j'aurais fait n'importe quoi. J'aurais pu tuer Callia à mains nues pour les mots qu'elle proféraient, mais la vérité, c'est que je ne savais pas. Après tout, peut être avait-elle raison. Je savais, certes, que mon père n'aurait jamais bu avant de prendre le volant, mais après tout, peut être était-ce lui qui avait donné le coup de volant qui fut mortel à tout le monde, moi y compris. Certes, les experts avaient affirmé le contraire selon la position des décombres, mais qu'en savaient-ils ? Ils n'avaient jamais vu la scène de leurs yeux.
Et puis, si je m'étais relevée pour rendre ses coups à Callia, cela aurait confirmé la réalité de la situation. Cela aurait confirmé qu'elle avait bien dit ce qu'elle avait dit, qu'elle le pensait vraiment. Et ça, je ne pouvais pas l'admettre.
Je ne sais pas ce que Callia aurait fait ensuite. Toujours est-il qu'Alex est arrivé par la porte toujours ouverte.
Quand il m'a vu étendu par terre, une main plaquée sur mon œil et une lèvre fendue (la voilà, la source du sang), en pleur, et en pleur, et qu'il a avisé Callia, debout à côté de moi, complètement ivre de rage, il s'est arrêté. Ses yeux se sont écarquillés et il a crié en accourant vers moi :
-Callia ! Qu'est-ce que t'as foutu, putain ?
Il s'accroupit à côté de moi.
Je me mis à pleurer complètement. J'avais trop mal à la mâchoire pour parler, et je ne pouvais lui présenter mes excuses dans ces conditions. Mais alors qu'allait-il faire ? Me frapper aussi.
Callia se retourna vers Alex et le regarda, les yeux pleins de larmes :
-Qu'est-ce que que je fous ? Attends tu te fiches de moi ? Tu n'étais pas là quand elle t'a dit... (elle s'étrangla) ce qu'elle t'a dit ? Tu ne te rends pas compte d'à quel point c'est grave ?
Il la regarda gravement.
-Bien sûr que je m'en rends compte, Cal'. Mais là, tu es aussi violente physiquement qu'elle ne l'est avec ces mots. Tu ne vaus pas franchement mieux.
Sur ces mots, il m'attrapa par le bras, me releva de force, et m'entraîna à l'intérieur de la maison. Il m'emmena dans la salle de bains où je m'étais douchée, et me dis d'un ton tendu :
-Ne fais pas de bruit, notre mère dors à côté.
Je hochai doucement la tête, et il me désigna le tabouret à côté de la baignoire. Je m'assis docilement, sans oser le regarder. Il sortit en soupirant un coton, qu'il imbiba d'eau, et approcha doucement de ma lèvre. J'avais toujours la main pressée sur mon œil, et je sentais un liquide chaud et poisseux couler dessus. Mon sourcil était ouvert, supposais-je. Je me laissai faire, et il posa le coton sur ma lèvre. Je grimaçais de douleur, mais il me passa le relais en me disant de le tenir le temps qu'il aille chercher de la glace.
Quand il revint, je m'écartai avant qu'il ne pose la glace sur ma joue, et lui dis d'une voix pâteuse :
-C'était pas vrai, tu sais. Ce que t'as dit à Callia. Elle, elle se venge. Moi, c'était gratuit, c'est pas pareil.
Il me regarda, l'air un tantinet surpris, puis secoua négativement la tête.
-Non, ce n'est pas vrai. Quand Callia éprouve un sentiment trop fort, qui la dérange, elle devient violente. Ça marche avec la tristesse, ou l'amour, aussi, des fois. Elle a du mal à faire face au deuil, alors elle transforme sa peine en colère, qu'elle défoule sur le reste du monde. Elle ne t'aurait jamais, au grand jamais, frappée, sinon.
Et il pressa de force le pain de glace sur ma joue, tandis que, muette, je méditais sur ses paroles.
Au bout d'un moment, je relevai les yeux vers lui et murmurai :
-Alex, je suis désolée...
Ses yeux plongèrent dans les miens. J'avais l'impression qu'il cherchait à déterminer si ce que je disais était la vérité ou pas. Je ne sais pas s'il trouva la réponse, mais moi je la connaissais : oui, c'était la vérité.
J'étais sincèrement désolée.
Il finit par soupirer :
-Je sais...
-Tu réussiras à me pardonner, un jour ?
Il me sourit, un peu tristement :
-Je t'ai dit, vous avez un peu la même façon de réagir, Callia et toi. Si je pardonne à Callia, je peux bien te pardonner à toi aussi.
C'était presque la plus belle phrase de ma vie.
Je sentis un sourire s'épanouir sur mon visage, et je ne sentis même pas la douleur de mes lèvres fendues étirées. J'étais... heureuse.
-Merci.
Il posa un pansement sur mon sourcil, et se leva.
-Allez viens, on descend.
-Attends.
-Quoi ?
J'hésitai :
-Tu veux bien qu'on se promette un truc ?
-Euh...
-Qu'on se promette que ça ne comptera plus jamais, enchaînai-je. Que y aura plus ce genre de phrase entre nous.
Je le vis hésiter. Je savais qu'il pouvait rétorquer qu'il n'y avait que moi qui lui avais dit ça, qu'il n'avait rien à promettre du tout, ce genre de choses. C'est ce que j'aurais répondu à sa place. C'est sans doute ce que Callia aurait dit aussi.
Mais il n'était pas comme nous deux. Il me tendit la main, comme pour me la serrer, et promis :
-Je te promets que plus jamais ça ne comptera.
Il sourit, et je pris sa main, en répétant ces mots.
On se regarda, et... il y eut quelque chose qui changea. Une tension qui se relâchait.
Ce fut un moment magique.
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