Chapitre 6 : (Version corrigée)
Qu'est-ce qui allait bien pouvoir m'arriver aujourd'hui ? Ce fut la première question qui me vint à l'esprit à mon réveil. Tout comme j'étais sûre que ce serait celle que je me poserais chaque matin, comme si chaque jour risquait d'être le dernier.
Je pris une douche rapide, enfilai une chemise blanche classique, un pantalon noir bien ajusté et des mocassins de la même couleur, avant d'aller manger un bout.
Sara me rejoignit peu de temps après dans la cuisine. Elle s'assit en face de moi sans rien dire, et nous mangeâmes dans le plus grand silence. La conversation que nous avions eue la veille avait jeté un sacré froid entre nous, je préférais me taire plutôt que de risquer de l'aggraver.
– Bonjour, les filles !
Mon père venait d'entrer la cuisine, il se dirigea d'un pas nonchalant vers le frigo pour en sortir une bouteille de jus de fruit et se servir un verre.
– Personne n'en veut ? nous proposa-t-il d'un ton prévenant.
Nous secouâmes toutes deux la tête de façon négative. Il fronça les sourcils, mais ne commenta pas l'ambiance pesante. Ne pouvant plus supporter cette tension avec Sara, je quittai la table et partis plus tôt au lycée.
Malheureusement, ce matin, Eric n'était pas là pour m'accompagner. Et sans lui, le trajet me parut bien plus long.
Une fois arrivée au lycée, je remarquai rapidement Vic dans le couloir principal. Elle semblait en plein milieu d'une discussion mouvementée avec une autre fille que je ne connaissais pas. D'ailleurs, celle-ci avait un style vestimentaire beaucoup plus simple et classique que la plupart des lycéennes d'ici.
Ne voulant pas les interrompre, je restai en retrait et adressai un petit signe de tête à Vic pour lui faire comprendre que je l'attendais derrière. Celle-ci mit rapidement fin à leur conversation, salua son amie d'un geste de la main puis s'approcha de moi en sifflotant un air de rap.
– C'était qui ? demandai-je en avançant dans le couloir.
– Oh personne, me répondit-elle avec un léger sourire en coin.
Malgré sa sympathie et sa confidence de la veille à propos de son passé, Vic n'était pas encore quelqu'un que je pouvais considérer comme une amie. Alors même si elle me mentait, je préférais ne pas le relever.
– Au fait, Élo, reprit-elle, t'as choisi quoi comme option spécifique ?
– Euh, histoire ancienne, je crois, me rappelai-je.
Elle s'arrêta immédiatement pour me fusiller du regard.
– T'es sérieuse ? Tu as vraiment choisi LA matière LA plus ennuyante et LA plus inutile ?
Je haussai les épaules.
– Honnêtement, j'aime bien l'histoire, je trouve que c'est très intéressant. En fait, c'est un domaine qui me passionne depuis toute petite et...
J'allais enchaîner que j'adorais visiter les musés, lire de vieux bouquins et regarder des films relatant des faits historiques mais en voyant son air écœuré, je décidai de me taire, pour éviter qu'elle me vomisse dessus.
– Des fois, ce que tu me dis me fait vraiment flipper ! s'esclaffa-t-elle. Mais ça me rappelle aussi d'où tu viens et que tu n'as vraiment rien d'une fille d'ici. D'ailleurs, c'est quoi ce haut que tu portes ? T'as déniché ça où ? On dirait la chemise de ma grand-mère !
– N'importe quoi ! rigolai-je à mon tour. C'est une chemise Burberry, c'est très classe de porter ça à Londres !
– Jamais entendu parler, mais ça m'a l'air d'une marque de vêtements pour vieux ! Et je te jure que ma grand-mère a le même !
Je ris de nouveau. Vic était bien la seule personne à pouvoir me redonner le sourire aujourd'hui.
Il était vrai qu'à côté d'elle et les autres filles du lycée, je faisais un peu tache. Mon look était classique alors qu'elles portaient des joggings, jeans troués, mini shorts, hauts courts et robes moulantes. J'allais devoir m'adapter au style de mes camarades pour me faire mieux accepter...
Perdue dans mes pensées, je m'étais installée avec Vic aux bureaux du fond dans une salle de classe.
– Et toi, qu'est-ce que tu as choisi comme matière spécifique ? demandai-je alors qu'elle posait ses pieds sur la table.
– Études cinématographiques, répondit-elle en levant son pouce.
Je fronçai les sourcils.
– Si tu veux mon avis, ce n'est pas plus intéressant que l'histoire, lui avouai-je en sortant mes affaires, notamment mon emploi du temps.
Un sourire se dessina sur son visage.
– Détrompe-toi, ma cocotte ! D'après le programme, on est censés se taper tous les vieux films en noir et blanc du siècle dernier, en faire des analyses, des critiques et blablabla. Mais avec Mme Thompson, au bout de la deuxième séance tout le monde ramène des DVD et du pop-corn, c'est un peu comme-ci on allait au ciné, tu vois ?
Évidemment, j'aurais dû m'en douter...
Je jetai un coup d'œil à ma prochaine heure de cours. Vu que Vic n'était pas avec moi pour cette option, j'allais devoir trouver ma salle toute seule.
– Première porte à droite lorsque tu descends au sous-sol, m'informa-t-elle tandis que j'essayais de comprendre ce que voulais dire « 01R-1 ».
– Merci, mais c'est bizarre, on n'a jamais cours au sous-sol d'habitude, m'étonnai-je en rangeant mon emploi du temps.
– Ben, je te l'ai dit, l'histoire ancienne c'est vraiment LA matière qui n'intéresse personne ici. Résultat : Ils l'ont foutue là où y a personne. En tout cas, une chose est sûre, personne de la classe a choisi cette matière.
Je la regardai, sidérée.
– Personne de la classe ? Il ne va y avoir que moi ?!
Elle secoua la tête.
– Pour les options spécifiques, toutes les classes sont mélangées. Alors les premiers qui s'inscrivent ont les meilleures matières, les autres se tapent celles qui restent. Vois un peu ça comme la loi du plus rapide ! C'est certain qu'il y aura pas grand-monde.
– Je vois...
J'allais donc me retrouver avec de parfaits inconnus. Mais cela me laissait également un espoir de rencontrer des gens un tant soit peu normaux... ou des pires.
Après ma première heure de cours, je me rendis au sous-sol et m'arrêtai devant une porte entrouverte portant l'inscription « 01R-1 ». Je la poussai et entrai.
Seulement deux autres élèves étaient déjà arrivés. Et ils n'avaient certainement pas l'air « normaux ». L'un avait le visage rempli de piercings, de l'arcade au menton, un immonde tatouage de serpent grimpant sur la totalité de son bras gauche et des écarteurs aux oreilles, qui paraissaient d'ailleurs légèrement infectées. Il me dévisagea comme la seconde personne, une fille grande et fine, avec un style assez rock et des dreadlocks.
Je m'assis dans les premiers rangs, aussi loin d'eux que possible, et fis tapoter mes ongles sur la table rayée d'injures et de charmants poèmes, comme ceux des toilettes. Sans parler de la multitude de chewing-gums collés en dessous.
Un peu mal à l'aise, je guettai l'horloge. Les deux de derrière n'allaient certainement pas rester tranquilles bien longtemps. En tout cas, pas après les regards qu'ils m'avaient lancés à mon arrivée.
Qu'est-ce que le prof faisait, bon sang ?... Encore cinq minutes... Cinq minutes et après je pars, pensai-je.
Lorsqu'une chaise grinça derrière moi, je retins ma respiration. Quelqu'un s'était levé et s'avançait vers moi.
C'était le gars aux piercings. D'un coup de pied, il renversa ma table ainsi que les affaires qui se trouvaient dessus. J'inspirai profondément.
La dernière fois que je m'étais défendue, j'avais bien failli finir à l'hôpital, en très mauvais état. Je passai instinctivement un doigt sur ma lèvre. Mieux valait que je ne m'emporte pas cette fois-ci. Mais ce mec n'en avait visiblement pas fini avec moi.
– Bah alors, l'Anglaise, tu ne ramasses pas tes affaires ? m'interrogea-t-il avec un sourire en coin.
Je dus prendre sur moi pour retenir une folle envie de le frapper. Je me levai, les poings serrés, et m'accroupis pour ramasser mes affaires.
Au même moment, ce guignol arrogant donna un autre coup dedans et mon sac glissa jusqu'à l'autre bout de la pièce. La fille aux dreadlocks éclata d'un rire froid.
– Bien joué, Ryan, lança-t-elle.
Je grimaçai et partis chercher mon sac. Lorsque je me retournai, Ryan me bloqua le passage.
– Je te laisse passer que si tu m'embrasses, me souffla-t-il en approchant son visage du mien.
– Plutôt crever que t'embrasser, répondis-je aigrement.
Je brandis mon sac pour l'assommer avec, mais quelqu'un arrêta mon geste. Surprise, je levai les yeux, et mes mains lâchèrent aussitôt mon sac.
– Zach...
Qu'est-ce qu'il faisait là ?
Non... Ne me dites pas qu'il était aussi dans cette classe ?!
Si j'y réfléchissais bien, il était soi-disant revenu au lycée le même jour que moi, toutes les autres matières ne devaient certainement déjà plus avoir de places... En entendant son nom, Ryan déglutit et se retourna vers lui.
– À quoi tu joues ? demanda froidement Zach.
Aucun de nous ne savait vraiment à qui il s'était adressé, mais Ryan décida de répondre le premier.
– Rien, on parlait juste..., commenta-t-il en baissant la tête.
« On parlait juste » ?!
Je restai sans voix face à son explication peu convaincante, mais surtout à la façon dont il s'était adressé à Zach. Comme s'il le respectait. Il n'y avait aucune trace d'arrogance ou d'une quelconque provocation dans sa voix.
Ryan devait avoir peur de Zach. En plus des rumeurs, celui-ci le dépassait d'une bonne dizaine de centimètres. Il était également beaucoup plus musclé et impressionnant, même si ce n'était pas Dwayne Johnson pour autant. Quant à son regard, il était suffisamment menaçant pour que n'importe qui se soumette à ses ordres. Mesdames et Messieurs, je vous présente le « King » : Zach Menser !
Sans m'en rendre compte, je le fixais déjà plusieurs secondes alors qu'il me dévisageait lui aussi, attendant que je lui fournisse une explication.
Mais lui avouer la vérité ? « Il ment ! Il m'a menacée de m'embrasser ! » Si c'était pour paraître stupide et puérile, autant ne rien dire.
– On parlait juste, répétai-je à contrecœur.
Zach ne lâcha pas mon regard, il se doutait que j'avais préféré me taire. Franchement, j'avais l'impression d'être dans un procès. J'étais la victime, Ryan l'accusé, la fille aux dreadlocks le témoin, et Zach le juge. Mais un juge vraiment séduisant...
Je détournai la tête pour lui cacher mon embarras suite à cette pensée. Deux autres élèves firent leur entrée dans la salle, suivi de notre professeur, M. Carter, un homme de grande carrure et encore assez costaud malgré sa cinquantaine.
Cette petite diversion me permit de m'échapper de la zone « tribunal », mais à peine eus-je reculé d'un pas que la main de Zach se referma sur mon bras. Ce léger contact suffit à me donner des frissons.
Ryan nous ignora et retourna s'asseoir au fond.
– Qu'est-ce que tu fais ? lui demandai-je en essayant de me libérer.
– Tu ferais mieux de faire ce qu'on te dit ici.
Je tirai mon bras d'un coup sec et cette fois-ci il lâcha prise.
– Ah donc, d'après toi, j'aurais dû le laisser m'embrasser ?
Il s'approcha de moi, me forçant à reculer contre le bureau derrière moi.
– Ouais, me répondit-il, ce n'est qu'un baiser.
À son manque de surprise, j'en déduisis qu'il avait assisté à une bonne partie de la scène. Je croisai les bras sur ma poitrine.
– Si pour toi ça ne représente rien, c'est que tu ne dois pas avoir une haute estime de toi-même, répliquai-je avec une once de provocation.
Il frappa le bureau derrière moi avec une telle force que je sursautai. Apparemment, ma réponse ne lui avait pas plu, et tant mieux.
– Mieux vaut qu'il touche tes lèvres que ta poitrine, non ?
Euh... Mieux valait qu'il ne touche rien du tout !
Il s'écarta de moi et ajouta froidement :
– Ryan, tu as de la chance d'être tombé sur lui. Ils ne sont pas tous aussi gentils, alors si tu ne veux pas te faire buter, tu ferais mieux de fermer ta grande gueule et d'arrêter de faire ta maligne.
Il se retourna et partit s'installer au fond, me laissant debout face au regard incrédule du professeur.
– Mademoiselle, vous ne vous asseyez pas ? m'interrogea ce dernier.
J'inspirai profondément et retournai à ma place. M. Carter commença alors une longue présentation de lui, de sa matière et de ce que nous allions étudier lors des semaines à venir, spécialement pour Zach et moi, les nouveaux élèves.
Mais bien que j'essaye de rester concentrée, mon esprit vagabondait toujours ailleurs... Et entre autres vers Zach.
Est-ce qu'il me regardait ? Je secouai la tête, j'étais ridicule. Sérieusement... ce mec était complètement flippant, givré, redoutable, et en plus de ça, il venait de m'adresser un sacré avertissement. Malgré ça et toutes les rumeurs qui couraient à son sujet, je n'arrêtais pas de penser à lui.
Je me rappelais même encore de la sensation de sa main sur mon bras. Gênée, je déglutis.
– Mademoiselle Winston, vous m'avez entendu ?
Sentant le rouge me monter aux joues, je relevai la tête vers mon professeur.
– Euh, non, désolée, bredouillai-je.
Il soupira, légèrement agacé.
– Je disais donc que vous devez vous mettre avec quelqu'un pour faire cet exposé à rendre la semaine prochaine.
Un exposé...
– « Avec quelqu'un » ? répétai-je. Je ne peux pas le faire toute seule ?
– Eh bien, vous êtes en nombre pair, alors si vous le faites toute seule, quelqu'un se retrouva seul également, ce qui serait vraiment dommage.
Je soupirai et regardai discrètement derrière moi. Ryan et la fille aux dreadlocks ricanaient dans leur coin, les deux autres élèves commençaient à rouler des joints derrière leurs trousses, et Zach semblait dormir sur sa chaise, les pieds sur son bureau.
Pourquoi était-ce à moi de choisir ? Honnêtement, j'étais certaine que n'importe qui dans ce lycée préférerait faire cet exposé seul qu'en binôme avec moi !
– Très bien, déclarai-je à contrecœur, je veux faire l'exposé avec... Zach.
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Que pensez-vous de mon histoire jusqu'à présent ? Avoir des avis (constructifs) serait vraiment une bonne chose ! :)
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