» chapitre 9
Jisung soupira. Il en avait assez des sautes d'humeur de son chef. Il avait passé une semaine affreuse à devoir répondre à ses exigences. Il n'en pouvait plus. Chan était un véritable despote. Il avait eu la chance de le voir à l'entreprise uniquement les matins puisqu'il s'était rendu tous les après-midi chez des clients. Mais c'était bien suffisant pour lui taper sur les nerfs. À chaque fois que Chan était dans les parages, Jisung savait qu'il allait récolter les pires tâches. Lui ramener du café, aller lui chercher une bouteille de vitamines à la supérette d'en bas, agrafer des feuilles, faire des photocopies… Ce n'était pas du tout encourageant. Il se contentait de faire ce qu'il lui demandait, mais c'était pénible. Il avait la sensation de ne rien apprendre et ça l'énervait. S'il devait travailler, autant qu'il apprenne quelque chose d'utile et d'instructif. Il n'était pas idiot au point de ne pas savoir faire fonctionner une machine à café. Il se faisait peut-être souvent servir avec Minho, mais ce n'était pas non plus un crétin !
— Tu as fini de compléter les dossiers que je t'ai demandés ?
L'intervention soudaine de Chan aurait pu le faire grincer des dents. Il avait l'impression qu'il était revenu de son rendez-vous pour venir le titiller. Si c'était le cas, Jisung n'en serait même pas surpris. Son chef était tyrannique, c'était comme si rien ni personne ne pouvait l'arrêter. Et il était déterminé. Un peu trop déterminé même. Oui, il avait à cœur de bien faire son travail, mais tout de même. Ce n'était pas une raison pour fliquer les employés de son service.
— Ils sont là, dit Jisung en montrant la pile de papiers.
Chan fronça les sourcils et la saisit pour vérifier si tout y était.
— Ouais, ça va. Mais bouge pas, j'ai des nouveaux dossiers pour toi.
— Pardon ?
— Ceux de cette semaine. Il faut y accrocher les devis signés et les commandes fournisseurs.
En deux temps, trois mouvements, Chan tourna les talons. Jisung s'affala contre le dossier de son siège et expira tout l'air de ses poumons. Ça n'allait jamais finir ! Il regarda l'heure sur son portable, il était déjà presque dix-huit heures et sa journée devait se terminer. Sa semaine aussi. Et il allait probablement rester bloqué ici encore une bonne heure.
— Tu veux que je t'aide pour le reste ? proposa Heejin à voix basse.
— Non, c'est pas grave.
— Sérieusement, ça ne me dérange pas, je n'ai pas d'impératif alors si ça peut te permettre de rentrer chez toi plus tôt…
Jisung adressa un sourire à la jeune femme. Il avait de la chance qu'elle soit sa voisine de bureau, elle était toujours prête à lui fournir de l'aide ou à le rassurer. Elle n'aimait pas comment Chan le traitait, ils étaient tous passés par là et devaient encore faire face à quelques remarques bien cinglantes de temps en temps. Il s'était cependant un peu adouci avec le temps, mais il n'en restait pas moins un homme peu apprécié. Il revint quelques minutes plus tard avec une pile de pochettes cartonnées. Jisung était persuadé qu'il n'y avait pas qu'une seule semaine là-dedans. C'était impossible.
— Pour lundi, annonça Chan en déposant le tout sur son bureau.
Jisung crut bien s'étouffer. L'homme repartit sans rien dire de plus. Il osait venir, lui rajouter du travail supplémentaire à quelques minutes de la fin de la journée, et tout ça sans scrupule. C'était ahurissant. Il l'entendit lancer un « Bonne soirée » à travers l'openspace et cela le rendit encore plus amer. Une bonne soirée ? Pour lui surtout. Ce n'était pas lui qui allait devoir faire des heures supplémentaires. Jisung reprit son téléphone et envoya un message à son petit ami. Il devait le prévenir qu'il ne rentrerait pas tout de suite et cette fois, ce n'était pas pour aller boire un verre avec ses collègues. Le bureau se vida petit à petit, il ne restait plus que Jisung et Heejin. Ils s'attelaient aux dossiers, concentrés et consciencieux. Il ne fallait faire aucune erreur au risque de s'attirer les foudres du chef commercial. Entre deux, Jisung reçut une réponse de Minho. Ce dernier était lui aussi encore en train de travailler et il lui proposa d'aller manger au restaurant.
— C'est ta petite copine ?
Jisung sursauta et manqua d'en perdre son téléphone. Il le verrouilla et le plaqua contre son torse. Heejin rit.
— C'est bon stresse pas ! Elle est comment ? Elle fait quoi dans la vie ?
Pourquoi lui posait-elle ces questions ? Il n'avait jamais dit qu'il s'agissait de sa petite amie. D'ailleurs, il n'avait même pas dit être en couple.
— Qu'est-ce que tu dis ! râla-t-il.
— Arrête ! T'es rouge comme une tomate ! s'amusa Heejin.
Jisung porta une main à ses joues, il avait chaud. Il tourna la tête vers sa collègue et la réprimanda d'un regard noir. Mais cela la fit rire. En même temps, il n'était pas du tout crédible.
— C'est bon, si tu ne veux pas en parler c'est pas grave. Peut-être que c'est parce que c'est une cougar…
Elle ne put s'empêcher de ricaner à nouveau. Jisung soupira et reprit les dossiers. Ça n'allait pas se faire tout seul. Heejin continua à l'aider et ne posa plus aucune question sur sa prétendue relation. Et c'était tant mieux ! Il n'avait pas envie de devoir inventer un mensonge — même s'il était plutôt doué à ce petit jeu. Il préférait laisser le doute planer, c'était plus simple.
Après plus d'une heure, la pile de dossiers s'était reformée sur le bureau. Ils avaient enfin terminé. Avec Heejin, ils quittèrent les locaux d'Uniaroom et se saluèrent. La nuit était tombée et le trafic semblait infernal. Jisung patienta un instant devant l'immeuble avant de recevoir un nouveau message de Minho. Il disait l'attendre à l'arrière du bâtiment, dans sa voiture. Un immense sourire fendit les lèvres du jeune homme. Il avait terriblement hâte de retrouver l'homme qu'il aimait et de passer un moment avec lui. Surtout après la semaine de folie qu'il venait d'avoir. Il n'avait plus l'intention de se plaindre auprès de Minho. Il avait conscience que Chan était un peu tyrannique sur les bords et qu'il avait parfois des demandes irraisonnées, mais Jisung voulait rendre son petit ami fier de lui. Et s'il devait faire semblant de supporter, il le ferait.
Il repéra la berline noire sur le parking et s'en approcha. Il toqua à la vitre et Minho déverrouilla les portes. Une fois que Jisung fut à l'intérieur, ils se fixèrent longuement. D'un commun accord, leurs lèvres se retrouvèrent et ils s'embrassèrent à en perdre haleine. Minho attrapa le visage de son petit ami entre ses mains et imposa sa langue dans sa bouche. Il avait tant attendu ce moment, toute la journée. Ils se croisaient parfois dans les bureaux, presque toujours à l'heure du déjeuner, et ne pas se parler était une dure épreuve pour tous les deux. Ils évitaient même de se regarder, car ils savaient qu'ils ne pourraient pas se retenir de sourire bêtement. Se faire remarquer n'était pas dans leurs plans, il fallait rester discret jusqu'au bout.
— Tu m'as manqué… soupira Jisung.
— Toi aussi. Peut-être que tu devrais faire quelques bêtises de temps en temps, histoire que je te convoque dans mon bureau.
— Hm, c'est vrai qu'on pourrait tester ton canapé.
Minho gloussa et vint reprendre les lèvres de son partenaire. Jisung se recula et posa les mains sur son torse.
— Si tu continues, c'est la banquette arrière qu'on va devoir tester.
— On l'a déjà testée je te rappelle, sourit Minho. J'ai galéré à retirer les tâches d'ailleurs.
Jisung se mordit la lèvre inférieure. Il se souvenait parfaitement de cette fois-là, ça avait été explosif et il n'était pas contre le fait de recommencer un jour. Il passa une main sur la cravate de Minho pour la lui saisir et le tirer vers lui. Ils s'embrassèrent encore et encore, pris dans une spirale infernale, incapables de se détacher l'un de l'autre. Ils avaient besoin de sentir qu'ils étaient là, que tout était bien réel.
— On devrait peut-être arrêter, souffla Minho. Sinon je te jure que…
— Que ?
— Rien. Je vais me contrôler et t'emmener manger. Il te faudra des forces pour ce que je vais te faire cette nuit.
Minho resserra sa cravate et repassa légèrement sa chemise d'une main. Il n'allait tout de même pas aller au restaurant comme ça. Même s'il devait avouer ne plus trop avoir envie de s'installer à table, mais de faire un tout autre repas. Il démarra et la voiture s'engouffra dans la circulation. Jisung sentait son estomac le tirailler. Si Minho ne pensait plus qu'à ce qu'il allait lui faire une fois chez eux, lui se demandait plutôt ce qu'il allait choisir sur la carte. Ils avaient l'habitude de se rendre dans un petit restaurant de Hongdae. C'était un endroit sympathique, pas hors de prix, mais pour les personnes plutôt aisées. Tous les week-ends, le restaurant proposait une formule buffet et karaoké, mais le couple préférait se contenter d'un repas en tête à tête.
— J'ai envie de tout manger.
— Avec ton appétit de moineau ? rit Minho.
— Depuis que je bosse j'ai un peu plus faim. Je comprends pourquoi tu manges autant maintenant, le travail ça creuse.
— Le stress aussi.
Jisung força un sourire. Minho ne se plaignait jamais, mais désormais, il se doutait bien que son travail devait parfois l'angoisser. Gérer une société, ce n'était pas de tout repos. C'était beaucoup d'inquiétudes et de sacrifices. Oui, Minho avait un bel appartement, une voiture de luxe, il pouvait se payer des vacances et de beaux habits, mais il le méritait. Il n'était pas arrivé jusque-là pour vivre bien en dessous de ses moyens. Et il ne pensait pas cela parce qu'il en profitait. Aujourd'hui, il comprenait comment et pourquoi son petit ami avait tout ça.
Quand le serveur arriva, ils commandèrent tout d'abord deux cocktails, puis deux menus comprenant une entrée, un plat et un dessert. La première partie du repas ne fut pas longue à arriver et Jisung engloutit rapidement le tartare de crevettes à l'avocat et à la mangue. Il avait l'air affamé et cela fit rire Minho. Il ne l'avait jamais vu manger aussi vite. La suite se composait d'un magret de canard à la truffe, accompagné de pâtes fraîches. Et encore une fois, Minho s'étonna de l'appétit de son petit ami.
— T'as l'air de te régaler.
— C'est vraiment délicieux ! Merci de m'avoir emmené au restaurant !
— Ça faisait longtemps.
Jisung acquiesça. Il était heureux, il avait la sensation que tout redevenait comme avant, voire mieux qu'avant. Minho ne l'avait peut-être pas tout à fait pardonné, il attendait d'être sûr de la bonne foi de son petit ami. Il avait quand même trahi sa confiance et il allait avoir du mal à la lui redonner.
— Je vais passer aux toilettes avant le dessert.
— Vas-y mon cœur, murmura Minho.
Jisung s'éclipsa un moment. Il se tapota les joues avec un peu d'eau fraîche et observa son reflet. Minho avait commandé une bouteille de champagne pour accompagner leur dîner et les quelques coupes qu'il s'était enfilées lui avaient donné chaud. Il fallait aussi dire qu'avec les baisers qu'ils s'étaient échangés dans la voiture, il avait de quoi avoir chaud. Même s'il appréciait de sortir avec Minho et de passer du temps avec lui dehors, il avait aussi hâte de le retrouver sous les draps. Il replaça quelques mèches rebelles et retourna à la table.
Les desserts arrivèrent, des macarons et cannelés accompagnés d'un café bien serré. Jisung grimaça en l'ingurgitant, c'était beaucoup trop amer pour ses papilles habituées au sucre. Comment son petit ami pouvait aimer ça ? Après avoir encore un peu discuté, ils quittèrent la table afin de payer l'addition. Minho sortit sa carte bancaire, mais l'homme à la caisse hésita à la saisir.
— Hm, attendez.
Il fronça les sourcils.
— Quelqu'un a déjà réglé la note pour vous. Un certain Monsieur Bang.
Le couple écarquilla les yeux avant de se regarder. Ils avaient très peur de comprendre et, tout ce que le serveur put leur dire, ils semblaient ne pas l'entendre. Est-ce que Chan avait vraiment été là ? Est-ce qu'il les avait vus ensemble ? C'était catastrophique. Comment Minho pouvait expliquer qu'il se trouvait dans un restaurant avec un simple stagiaire ? Il ne le pourrait pas. Rien ne semblerait crédible.
Sous le choc, ils regagnèrent le véhicule. Chan s'était trouvé au même endroit, au même moment. Avec un peu de chance, il n'avait pas vu Jisung, caché par d'autres clients.
— Tu crois qu'il nous a vus ? s'inquiéta Jisung.
— Je sais pas.
— Je suis désolé.
— C'est pas toi, c'est moi qui lui ai conseillé ce restaurant il y a quelques semaines. Je n'aurais jamais dû en sachant que c'est notre endroit.
Jisung posa une main sur la cuisse de son compagnon.
— Écoute, on devrait peut-être pas trop stresser pour ça.
— Mais imagine si…
Minho s'arrêta. Il ne voulait pas que les autres sachent que Jisung était son petit ami parce qu'il ne voulait pas qu'il ait un traitement de faveur ou alors qu'il soit craint. Si ses collègues l'apprenaient, ils s'éloigneraient de lui. Jisung devait se mettre au même niveau que tout le monde, parce qu'il n'était pas mieux placé qu'un autre. Sa relation ne devait pas être un avantage. Et en même temps, Minho se sentait un peu mal de devoir le cacher ainsi. Il avait la sensation que c'était à son tour de tromper le monde. Il devait se faire une raison. Si quelqu'un découvrait sa relation, tant pis, il aviserait. Mais il ne devait pas la mettre au second plan à cause de ses craintes. Jisung était important pour lui et il ne regrettait pas de l'avoir emmené au restaurant ce soir.
— C'est pas grave, j'en saurai plus lundi matin.
Jisung hocha la tête et força un petit sourire.
— On va rentrer et…
— Et tu as intérêt à épuiser toutes mes forces.
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