Jisung trépignait d'impatience. Il en avait bientôt terminé avec tous les dossiers et photocopies, et cela signifiait qu'il pourrait enfin quitter son poste. Il n'en pouvait plus, il était littéralement épuisé mentalement. Il avait mal à la tête, mal aux yeux, et aussi mal aux cervicales à force d'adopter une position peu confortable. Ce qui le faisait tenir était le fait qu'il allait retrouver son petit ami pour le week-end. Et quel week-end ! Minho avait prévu de l'emmener hors de la ville, dans un bel hôtel non loin de la mer où il avait réservé une chambre. Ça faisait un moment qu'ils n'étaient pas partis tous les deux comme ça. Avec tout le travail qu'avait Minho et les horaires de folie de Jisung, ils n'avaient pas eu l'occasion d'y penser et de prévoir quoi que ce soit.

Après avoir agrafé les dernières pages d'un dossier, Jisung lâcha un long soupir. Il en avait terminé pour cette semaine. Il fit pivoter son siège pour jeter un œil à son collègue. Il était concentré sur son travail. Ce soir, il n'y avait plus qu'eux deux dans les locaux d'Uniaroom. Tout avait été fermé, seul le service commercial était encore éclairé. Chan leur avait donné beaucoup de choses à faire et ils avaient été contraints et forcés de faire des heures supplémentaires.

— Jeongin ? T'as bientôt fini ?

Le jeune homme releva aussitôt la tête, il semblait perdu.

— Ce que t'avais à faire, t'as fini ?

— Euh, oui.

Ils échangèrent un sourire et Jisung se leva pour ensuite enfiler sa veste. Il remit en place les quelques feuilles volantes et stylos éparpillés sur son bureau, jeta son gobelet vide et éteignit son ordinateur.

— On y va ? demanda Jisung en constatant que Jeongin ne bougeait pas.

Ce dernier papillonna des cils.

— J'ai… J'ai un truc à faire encore.

Il plissa les yeux et avança en direction du bureau de son collègue. Il avait parfaitement rangé les piles de dossiers dessus et plus rien ne traînait. Il avait clairement fini son travail et pouvait rentrer chez lui. Alors pourquoi se rajoutait-il des tâches supplémentaires ?

— Ça peut attendre lundi, non ?

Jeongin déglutit.

— Je préfère m'avancer un peu. En plus, lundi j'aurai encore autre chose à faire, alors…

— T'es sûr ?

— Oui t'inquiète pas, je repars bientôt.

Jisung haussa les épaules. Il salua son collègue et tourna les talons pour s'en aller. En traversant le long couloir qui menait à l'ascenseur, il reçut un message de Minho. Il lui disait l'attendre sur le parking et qu'il avait hâte de pouvoir l'embrasser. Son cœur se mit à battre la chamade et il ne put s'empêcher de sourire. Il avait lui aussi besoin de l'embrasser et de l'avoir près de lui. Ce week-end s'annonçait parfait. Il comptait en profiter à fond avant de recommencer une autre longue et fatigante semaine sous les ordres de Chan. Il en avait marre de lui et de ses crises de nerfs incessantes. Il avait la sensation que plus le temps passait et plus il se montrait exigeant. Aujourd'hui, il avait tout particulièrement été pénible et l'avait pressé à maintes reprises. Il n'allait jamais assez vite à ses yeux et Jisung pouvait encore entendre ses remarques. C'était comme si rien ne lui allait jamais.

Il arriva au rez-de-chaussée et quitta le bâtiment par une des grandes portes arrière. Elle menait au parking des employés. Sous un des hauts lampadaires, il repéra bien vite la BMW blanche qui lui appartenait. Minho voulait sans doute la faire rouler un peu pour la décrasser. Ça faisait trois semaines que Jisung ne l'avait pas utilisée et c'était dommage de la laisser enfermée dans le garage. Il grimpa à l'intérieur et desserra aussitôt sa cravate. Puis il se tourna vers son petit ami, la joie se lisait sur leur visage.

— J'avais tellement hâte… soupira Minho.

Sa main gauche rejoignit la joue de Jisung et il se pencha vers lui. Leurs lèvres se retrouvèrent pour se caresser avec avidité. Ils étaient si heureux d'être là, ensemble, et savoir qu'ils allaient passer deux jours à flâner sans avoir besoin de penser à autre chose qu'à eux les rendait on ne peut plus satisfaits. Jisung se laissa fondre dans le baiser quand Minho lui demanda l'autorisation d'aller plus loin. Sa langue s'était glissée sur sa lèvre inférieure avant qu'il ne la mordille, et il savait ce que cela voulait dire. Il entrouvrit la bouche et laissa le petit muscle rose de son compagnon venir à la rencontre du sien. Il ne put empêcher un soupir de bien-être et ses mains allèrent s'agripper aux biceps de Minho. Ils étaient bien moulés dans son sous-pull à col roulé et ça le rendait fou de pouvoir les toucher ainsi. Il adorait tant son corps, un corps fin et musclé juste comme il aimait. Il passait quelques heures par semaine à faire du sport, sa résidence avait la chance de disposer d'une salle en rez-de-chaussée. Jisung n'était pas non plus très attaché au physique, certes ça avait son importance, mais il n'en était pas obsédé. Cependant, il appréciait les efforts que Minho faisait pour rester en forme. Il était magnifique, aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur.

Par manque d'air, ils furent contraints de se détacher. Ils restèrent tout de même l'un près de l'autre, leurs fronts collés. Minho continua de caresser la joue de son partenaire, réalisant des cercles avec son pouce.

— J'ai préparé ton sac, il est dans le coffre.

— Tu n'as rien oublié ?

— Pour qui tu me prends ? Je ne m'appelle pas Han Jisung.

Le concerné pouffa de rire. C'était vrai, il était assez tête en l'air et il s'était plus d'une fois retrouvé loin de l'appartement sans brosse à dent ou sans chaussettes de rechange. Minho était bien plus prévoyant que lui.

— T'as pris mon doudou ?

— Il est juste devant toi.

Jisung lui administra une petite tape sur le torse.

— Hm, viens-là…

Minho l'attrapa à nouveau pour l'embrasser. S'ils continuaient ainsi, ils n'étaient pas près de partir du parking. Mais dès qu'ils étaient ensemble, dès qu'ils se retrouvaient, ils avaient beaucoup de mal à ne pas se toucher, se câliner, ou s'embrasser. Depuis que Jisung était stagiaire chez Uniaroom, leur relation avait évolué, et en bien. Ils étaient beaucoup plus fusionnels, c'était comme s'ils étaient enfin en harmonie parfaite. Même s'ils s'étaient un peu pris la tête au départ, les choses avaient changé et tout ce qu'ils partageaient, ils le partageaient à trois cents pourcents. Ce n'était pas seulement physique, ce n'était pas seulement sexuel, c'était un tout, un ensemble. Minho était heureux de voir que son petit ami était prêt à changer pour le meilleur, et Jisung était heureux de rendre Minho heureux.

— Je t'aime mon cœur…

— Je t'aime aussi… souffla Jisung. Et je t'aimerai encore plus quand on sera tous les deux dans la chambre d'hôtel.

Ils étaient sur le point d'initier un nouvel échange que des phares se reflétèrent dans le rétroviseur intérieur. Ils se détachèrent et restèrent immobiles avant que la voiture ne passe à côté d'eux pour aller se garer plus loin. Elle s'était considérablement approchée de la porte arrière du bâtiment, celle par laquelle Jisung était sorti. Minho fronça les sourcils.

— C'est Chan ?

Jisung se tourna vers son petit ami.

— Pourquoi ce serait lui ?

— C'est sa voiture en tout cas.

Pour ne pas se faire remarquer, Minho préféra attendre que son employé ne s'en aille. Mais il ne comprenait pas ce qu'il faisait là. Il était déjà reparti il y avait de cela un moment, alors pourquoi revenait-il si tard ? Il restait dans son véhicule, le moteur était encore en marche et les phares toujours allumés. Quelques secondes passèrent, puis la porte s'ouvrit. Là, Jisung écarquilla les yeux. Minho suivit.

— Jeongin ? dirent-ils en chœur.

Jisung déglutit quand il vit son collègue grimper dans la voiture de leur chef. Mais sa surprise ne s'arrêta pas là. Elle fut si grande, si intense, qu'il resta figé devant la scène. Son petit ami n'était pas dans un meilleur état. Ils étaient là, tous les deux, dans la voiture, à observer ce qui se passait dans celle qui se trouvait quelques mètres devant eux. Jeongin et Chan. Chan et Jeongin. Ensemble. Les deux jeunes hommes s'embrassaient, s'enlaçaient, comme si leur vie en dépendait. Le spectacle parut durer une éternité. Le silence était pesant, oppressant. C'était presque insoutenable et Jisung finit par détourner les yeux. Dans sa tête, des tonnes de questions se bousculaient. Il ne comprenait plus rien et il était si chamboulé qu'il avait l'impression d'être en plein rêve. Ou en plein cauchemar. Comment était-ce possible ? Jeongin n'aimait pas Chan. Et Chan n'aimait pas Jeongin. Alors comment se retrouvaient-ils à avoir un échange de salive aussi passionné ?

— C'est…

— Ne dis rien, l'interrompit Jisung.

Le véhicule finit par repartir et le couple resta muet pendant deux bonnes minutes. Ils avaient du mal à assimiler ce qui venait de se produire. C'était surréaliste.

— Tu le savais ? demanda Minho d'une voix basse.

Jisung grimaça et secoua négativement la tête. Même si on lui avait dit, jamais il n'y aurait cru !

— Comment veux-tu que je sache ! Tu ne vois pas que je suis aussi choqué que toi ?

— Oh mais… C'était lui sa « petite amie » du restaurant !

— Comment ?

— Quand j'ai parlé avec Chan la dernière fois, je lui ai demandé si sa petite amie avait aimé le resto. Tu sais celui où…

Celui où ils avaient failli se faire remarquer.

— Et il n’a pas nié qu'il avait une copine, anticipa Jisung.

— Peut-être qu'il la trompe !

Le plus jeune soupira et roula des yeux. Chan allait jusqu'à gâcher son moment avec Minho. Il n'avait pas envie de penser à lui durant tout le week-end, même si désormais, ça s'annonçait compliqué. Après ce qu'ils avaient vu, il était certain qu'ils en parleraient encore longtemps. Oh non, ça n'allait pas se passer comme ça. Jisung voulait faire abstraction du travail, et surtout de son imbécile de chef. Chef qui visiblement, avait un gros faible pour un de ses subordonnés.

— On peut juste oublier et se mettre en route ? proposa Jisung.

— Tu as raison. Oublions.

Minho démarra la voiture et s'engouffra dans le trafic. Ce dernier était encore dense, mais bientôt, ils rejoindraient les routes plus tranquilles qui les mèneraient hors de la capitale.

***

Après une heure de trajet, ils arrivèrent devant le grand hôtel. Tout sourire, Jisung descendit et Minho ouvrit le coffre. Ils sortirent leurs affaires, deux sacs et deux vestes, puis rejoignirent le hall de réception. C'était la première fois qu'ils testaient cet établissement, mais Minho avait fait pas mal de recherches et les avis étaient tous excellents. L'accueil était immense, épuré et décoré de manière sobre. En tant que PDG d'une entreprise de décoration d'intérieur, Minho ne pouvait pas s'empêcher d'analyser scrupuleusement ce qui l'entourait. Et il devait bien avouer qu'ici, les couleurs étaient harmonieuses et apaisantes. Il se sentait déjà bien dans cet endroit et il avait hâte de découvrir la chambre. Il avait réservé une suite avec un jacuzzi et une vue sur la mer. Ils pourraient également profiter du room-service ainsi, ils n'auraient pas à quitter leur chambre pour ce soir.

Ils récupérèrent leur clé et montèrent au troisième étage. Une fois la porte déverrouillée, Jisung laissa éclater sa stupéfaction. La pièce était grande, presque aussi grande que la pièce à vivre de l'appartement de Minho. Elle était composée d'un salon avec une télévision sur la droite, puis d'une espace avec un lit king-size et de grands placards aux portes coulissantes recouvertes de miroirs. La baie vitrée laissait voir la mer et les quelques bateaux qui étaient accostés au port. À côté du salon, une porte permettait d'accéder à une salle de bain. Celle-ci aussi était d'une taille impressionnante. Et il y avait bien le jacuzzi.

— Alors, tu en penses quoi ?

Jisung resta émerveillé, les yeux grands ouverts et la mâchoire prête à se décrocher. C'était sans doute un des plus beaux hôtels dans lequel il avait mis les pieds.

— C'est… magnifique…

— J'étais sûr que ça te plairait.

Il se tourna vers Minho et alla enrouler les bras autour de son cou. Il déposa un petit baiser sur ses lèvres et lui murmura un « Merci ». Ils s'embrassèrent encore, jusqu'à ce que l'estomac de Jisung décide de se faire entendre.

— Viens, on va commander quelque chose à manger.

— Et après on ira dans le jacuzzi ?

— Oui, bien sûr.

Jisung sourit. Ils s'installèrent dans le canapé et demandèrent au room-service de ramener deux omelettes aux légumes ainsi que deux fricassées de gambas. Minho avait hésité à faire venir une bouteille de champagne, mais Jisung lui avait dit d'attendre le lendemain, qu'ils puissent la déguster au restaurant. Les plats mirent un peu plus d'un quart d'heure à arriver et il fallut autant de temps au couple pour tout avaler. La journée de travail et la route leur avaient donné faim. Maintenant, ils n'avaient plus qu'à se détendre.

Ils redéposèrent les plats sur la desserte dans le couloir et allèrent dans la salle de bain pour enfin se prélasser dans l'eau. Elle était chaude et les fines bulles venaient se glisser sur leurs corps pour les masser. Jisung aurait presque pu s'endormir, mais Minho s'était rapproché de lui et avait enfoui le visage dans son cou. Il bascula la tête en arrière et soupira d'aise. C'était agréable. Les lèvres de Minho sur sa peau, ses mains sur sa taille… Ses baisers se firent plus appuyés et il remonta sur sa mâchoire, puis s'empara de ses lèvres. Mais soudain, il s'arrêta.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Jisung, inquiet.

— Rien. C'est vraiment rien.

Minho secoua la tête et ravala sa salive.

— Oh non... Tu penses encore à…

— Désolé, c'est plus fort que moi ! J'arrive pas à… Je sais pas !

Jisung pouffa de rire. Il mentirait s'il disait qu'il avait déjà oublié ce qu'il avait vu sur le parking un peu plus tôt. Il n'y faisait que d'y penser et pourtant, ça ne le regardait pas. Mais il ne comprenait pas Jeongin et comment il pouvait faire semblant. Lui aussi jouait un peu un rôle en cachant sa relation avec Minho, mais ce n'était pas comparable. Il ne le détestait pas, lui. En revanche, Jeongin était censé détester Chan. Il avait un peu peur que son collègue se fasse un malin plaisir de révéler ce qu'ils pouvaient bien raconter dans le dos de leur chef. Il espérait se tromper.

Et il espérait aussi pouvoir penser à autre chose qu'à tout cela. Il était avec Minho, ils devaient se concentrer sur eux avant tout.