Chapitre Second
- LISBETH -
Les nénuphars se déploient progressivement dans l'eau. Le bleu nacré semble parlé aux algues montantes qui se putréfient. Je les regarde calmement. Elles s'unissent une à une dans une harmonie fascinante, comme si le génie mystifiait le paysage - telle une peinture neuve sur le corps vieillit de la terre - rien que pour moi. Mon âme écoute calmement le bruissement de l'eau, et étrangement, mon cœur bat à l'accalmie.
— Splendide...
Après plusieurs minutes d'observation, j'exhale nonchalante l'air de ma bouche. Je souris en voyant une fumée grise s'échapper de mes lèvres rosées. Puis je touche délicatement le sol de mes mains dégantées. Ma peau se raidit au contact de l'herbe mouillée. Je sens le froid s'infiltrer aux extrémités de mes doigts alors qu'une nouvelle brume se forme autour de mes orles charnus. Enfin un moment de repit. Un sourire naïf s'en étire, presque insouciant et cruel. Je sens la vie battre contre ma poitrine avec calme et serenité. J'étends mes bras dans un excès de doléance, les paumes vers le ciel, le regard conflué vers le berger qui, progressivement, apparait dans le ciel rouge - cobalt. Aucun être humain à l'horizon.
— Rien que moi et toi, dis-je à la lune.
Pas a pas, la nature devient hostile à toute chaleur. J'inspire l'air frais et me laisse aller à mes reveries. Mes yeux mis-clos sont en sommeil et mes lèvres encerclées par la tranquillité du moment. Le mélange d'amertume et d'aménité se donne l'armistice dans ma poitrine, et je me contente de sourire finement. Les étoiles apparraissent lentement une a une dans le ciel me rappellant que bientôt, je les verrais se mélanger aux feux d'artifice de l'autre côtés du mur pour la première fois. Mon coeur s'accélère d'excitation déclenchant la sonnerie mélodramatique de mon tempomettre.
DING. Dans un bruit assourdissant, il semble crier au monde mon état d'âme, élevant la voix sur ma poitrine, osant faire echos aux sentiments que je ne cesse d'ensevelir. Le regard affligé de Mère passe brusquement devant mes yeux, en mirage. Un rire étranglé sort de ma gorge alors que les souvenirs refont surfaces. Jamais elle n'aurait approuvé cette mélodie qui pour elle n'est que déception et vacarme. Un sourire crispé au lèvre, je finis par sangloter. Les larmes affluent en ruisseaux sur mes joues et mon cœur bat en tornade. Je me mords la lèvre inférieure dans l'espoir d'arrêter cette inondation intérieure, en vain.
Le cœur alourdi, je finis par me relever pour observer les vagues se casser sur mes jambes et la lueur du couchant s'émietter sur leurs courbes. Il me faut être courageuse, car le courage est la plus grande force des êtres sans pouvoirs. Comme pour chasser celles qui m'engloutissent, mes pieds se balancent frénétiquement dans l'eau. Le bassin croule sous leur battements frénétiques. Mes yeux se lèvent vers la lune qui se révèle au ciel, pointant le bout de son nez au dessous de la muraille d'Atrix. Je me surprends à imaginer ce monde qui existe par delà ces murs : les arbres des prairies qui chavirent lorsque le vent de l'est se lève, et les torrents qui tapent sur les carreaux des voituro-spaces lors des tempêtes tropicales. Mon regard entrevoie les animaux courants dans la forêt et les hommes travaillant dans des villes si colorées que les nuances s'entrechoquent pour en former d'autres. Mon sourire béat se déforme en une grimace amer. Je ne sortirais du château qu'une fois la couronne mise sur ma tête et jamais le monde ne me connaîtra libre. Ils ne verront que le pouvoir du bout de féraille qui trônera sur mon crâne. Je ferme les yeux et me rallonge quelque instant, subitement essoufflée. Il est temps pour moi de réaliser le dernier voeux sur ma liste.
Je me relève d'un bon, déterminée a ne pas me défiler, et trottine jusqu'à ce mur face au bassin. J'entreprends ensuite de déplacer la pierre angulaire déposé ici quelque jour plus tôt. En dessous trônent les affaires usées de Lucie, dérobés quelque jour auparavant. Je souris, triomphante, et m'accorde un instant pour savourer cette petite victoire du jour. Personne n'a encore découvert le pot au rose. J'arrache ensuite mon tempomèttre de ma poitrine pour enfiler rapidement la robe rosé et blanche, parfaite pour se fondre dans la masse. J'arbore fierement mon canetier parsemée de fleur fraichement cueillit du matin, et attache mon sac à la ceinture. Apprétée, je longe le muret tout en regardant ma montre au poignet. Il ne me reste environ que cinq minutes avant que le portail celeste se déploie sur l'entiereté du domaine Alphatique. Petit pas par petit pas, je m'approche prudemment de l'arrière des jardins, là où la sortie des domestiques s'effectue loin du regard de la foule mais proche, malheureusement, de celui des gardes royaux.
***
- NERJI -
Je me promène tranquillement entre les bassins et les parterres de fleurs exotiques. L'ennuie est à son comble. Ayant pour seul ami une lune naissante, je balaye l'herbe fraiche à l'aide de mes richelieux quelque peu usés. Devant moi s'étend une nouvelle fontaine. Le regard lasse, je fixe l'entrée de ce nouveau jardin. Ils se ressemblent tous. On s'emmerde royalement ici. Je m'aprête à faire demi tour lorsque mon regard est attiré par une silouhette s'agitant au loin. Je m'avance prudemment jusqu'à être assez proche pour déposer un regard complet sur elle. Je me rends rapidement compte qu'elle est à moitié nue sous le regard de la nature et maintenant du mien. Je me fige, d'abord étonné avant de détourner le regard de sa discrete poitrine qui, quelque seconde plus tôt, m'étais entierement dévoilée. Je déglutis, à la fois mal à l'aise et fascinée par son imprudence. Je converge de nouveau un regard curieux vers cette créature, qui, au vue de sa robe abimée, semble être une servante du chateau. Intrigué, je m'adosse contre le tronc d'un arbre qui accompagne l'entrée de la clairière et décide de l'observer marcher le long de la muraille interne. Face à son allure lente et amblée, je fronce les sourcils, décontenancé. Que fabrique-t-elle ? Un demi sourire aux lèvres, je regarde dans une perplexité non dissimulée cette femme gracieuse aux allures de scélérate en cavale. Je décide de la suivre dans son périple et lui emboite le pas. Après quelque minutes de marche, je la vois s'arreter, essouflée. Grace aux lanterne, j'entrevois au loin la relève royale s'en aller. Je regarde ma montre. 17h55. Un sourire franc s'étire sur mon visage. L'heure pour le cercle de se déployer. Je reporte mon intention sur la jeune femme, et alors qu'elle était sur le point de se faufiler discrètement vers la porte arrière, son pied heurte une mote de terre la faisant s'étaler lourdement sur le sol dans un bruit sourd. Un rire irréfléchis et sincère sort de ma bouche, m'exposant malencontreusement à elle. Ses yeux effrayés convergent vers moi.
— Vous là !
Je relève la tête et aperçoit au loin la garde faire demi-tour dans ma direction.
— Restez où vous êtes !, m'hurlent-ils.
Je reporte un regard amusé sur elle.
Les lèvres pincées par la frustration et la tête pleine de sable, je la vois se relever lentement en soutenant mon regard. Son visage est implorant. On se fixe un instant avant qu'elle ne recule et se plonge dans le noir mordant de la nuit qui tombe. Au même moment, mon portable s'allume m'annonçant la fin de l'entrevue de la reine avec Alarick. Ce n'est pas trop tôt.
— Que faites-vous ici ?, lance une voix au loin attirant mon attention.
Je lève les yeux, retrouvant mon serieux.
— Je suis Nerji Alomar, attendant du grand Maitre Alarick Alomar. Veuillez me pardonner, je me suis égaré et j'ai rit de ma bétise.
Les gardes restent de glace, impassibles, pointant leur armes sur moi.
— Se balader en pleine nuit dans un endroit que vous ne connaissez que très mal, c'est une bien mauvaise idée vous ne trouvez pas ? expliqué-je d'une voix legère, les mains en évidence.
Ils me regardent à tour de rôle : Suis-je une menace ? Ou un simple invité egaré ? Toutes ces questions danse dans leur yeux à la lumière du feu qui nous éclaire. Je décide de devancer la procédure et leur tend directement mon poignet avec assurance afin qu'il puisse verifier mon identité. Au touché du magneton, la carte qui s'affiche à l'écran semble rassurer les gardes :
— Vous avez raison, ce n'est pas très prudent. Veuillez nous suivre, nous allons vous racompagner.
Je leur souris :
— Avec grand plaisir !
Sans un regard en arrière, je me contente d'arborer un air satisfait, ravi d'avoir pimenter cette sortie qui s'annonçait mortellement ennuyeuse.
***
- LISBETH- Au même moment...
Un oiseau passe au-dessus de moi dans un croassement presque dramatique, me rappelant à la réalité. Dans le ciel quasi-nocturne, le soleil ne résiste que faiblement à l'horizon des montagnes. Je reste figée, dans le noir, à me demander quand est-ce que l'étranger leur dira se qu'il se passe. Après quelque minutes d'attente silencieuse, je m'aperçois que plus personne n'arbore les environs. Je me laisse m'évanouir dans cette nature assombri, le coeur soulagé. Quelque minutes passe avant que je me decide à reprendre la route, le visage rougis par l'émotion.
***
- LISBETH -
Quelques heures plus tard
Je traverse les quelque jardins qui me séparent du chateau. Arrivées à l'une des dernière fontaine, je decide de m'y assoir un instant pour savourer cette fin de soirée et prolonger ce moment.
J'embrasse une dernière fois du regard la lune qui rayonne faiblement sur ma peau. Il est temps pour moi de faire face à cette vie qui met toute tracée. Un frisson me parcourt l'échine.
— On se prélasse, ma sœur ?
Je me retourne en sursautant. Marco s'avance à la lumière et vient s'assoir près de moi. Il met une main sur ma cuisse avant de glisser à mon oreille :
— Quelqu'un d'autre aurait pu te voir sortir en douce et faire parler les commères du Château.
Je repense à l'étranger, entevu il y a quelque heures, et mon sourire disparaît. Je me replonge dans le souvenirs de ses yeux rieurs et atrocement agaçant.
— Ce n'était pas prudent, surtout aujourd'hui.
Sans le regarder, je rétorque à demi-amusée :
— Heureusement que ce n'était que toi, mon demi-frère.
Un court silence s'abat avant qu'il ne reprenne sèchement :
— En effet.
Je m'attarde sur son visage crispé. Qu'y a-t-il ? Marco expire en silence, une cigarette entre les doigts, et tourne ensuite la tête de sortes à se mettre face à moi, les yeux maintenant insufflés d'une étrange tendresse.
Je fronce légèrement les sourcils, perdue entre ces deux sauts d'humeur. Flippant.
N'osant pas en rajouter, je souris tristement avant de reporter mon attention sur les montagnes d'en face : les Monts du Royaume de Tirax faiblement éclairé par la lune. Marco me racontait toutes sortes d'histoires terrifiantes à leur propos lorsque j'étais enfant. Il est dit que ces monts transportent dans leur sillage les sauvages mémoires de la sombre guerre. Cette zone du pays est interdite au publique et semble condamnée à être oubliée et abandonnée par notre civilisation. Mon enfance a été bercé par les contes de ces monts. Ils sont si mystérieux que j'en suis tombée amoureuse au fils des années passées à les scruter, complètement charmée. Un jour j'irais là-bas. Un jour fait d'aventure, je me retrouverais sur ces sentiers et marcherais jusqu'à trouver la raison qui fait frémir le cœur de tout le royaume.
***
- MARCO -
Je continue de l'examiner du coin de l'œil. Je la vois sourire, et la trouve presque naïve sur le moment. Un pincement au cœur vint me rappeler ce que sera sa vie dans quelques jours.
Brusquement, j'aspire l'arax (susbtances/ nicotine trouvé dans les pierres solaires) brûlant qui se loge entre mes doigts, comme pour m'empêcher de ressentir la culpabilité qui me transperce, chaque fois que je la vois s'émerveiller.
Je tire une dernière fois sur ma cigarette pratiquement morte. Lisbeth a une sensibilité à part. Une sensibilité qui ne peut qu'être voué à mourir en souffrance.
Une marque de répulsion nait sur mon visage avant que je puisse la retenir. C'est agaçant. Dès que je la croise, une colère me tient la gorge. Plus le jour approche, plus j'ai du mal à afficher de l'indifférence. Un sentiment d'écrasement s'est logé au creux de mon ventre depuis le début de la semaine. J'expire longuement, essayant de me controler.
— Bien ma sœur, dis-je d'un air faussement nonchalant, je vais rentrer au domaine. Ne tarde pas trop, Mère t'attend.
Le visage de Lisbeth se tourne vers moi, une marque de surprise dans le regard. Je serre la mâchoire.
— Que veut-elle ? fait-elle dans un murmure presque inaudible.
La cigarette entre les lèvres, je lance sèchement :
— Contente-toi d'aller voir Maman.
Elle parût étonnée de mon agressivité. Mais c'est tout ce que je pouvais lui donner à ce moment. Je la fixe sans compassion quelque instants et me détourne avant d'entendre le Temposphère biper. Je la regarde avec désapprobation.
Lisbeth ne sera qu'une pauvre souris dans ce nid de vipère. Elle n'est manifestement pas prête à être Reine.
— Bien, j'y serais mon frère, me dit-elle en se raclant la gorge, gênée.
Je mets une main ferme sur son épaule :
— Fait attention, lui soufflé-je avant de partir.
Elle ne me répond pas. Au lieu de ça, Lisbeth se détourne, une ombre grave sur le visage.
***
- LISBETH -
J'entends ses pas claquer sur les dalles blanches au rythme de mon Temposphère. Je me retourne et le vois marcher dignement jusqu'à l'entrée de la clairière face à lui, se mouvant gracieusement sous les arbres et le porche parfumé. Je ne peux m'empêcher de croire qu'il ferait un meilleur souverain que moi. Le trône aurait dû lui revenir. Malheureusement, la loi dispose que « pour qu'un héritier puisse acquérir le pouvoir royal, les deux parents doivent être aux commandes d'un royaume légalisé ». Et le père de Marco l'avait déserté.
C'est une histoire étrange que ma mère garde secrète. J'ai du mal à imaginer que ce comte familial soit aussi simple que ce que racontent les journaux officiels. Mais bon, quelle importance ? Le résultat est la. C'est à moi que revient la responsabilité de diriger. Je me tourne vers l'étang et souffle en regardant ma robe mouillée au flanc, imbibée d'eau claire. C'est peut-être la dernière fois que je sens le tissu brouillé par cette eau sur ma peau lisse. Je ferme les yeux et respire l'air froid une dernière fois avant de retire mes orteils du bassin avec une fausse détermination sur le visage. Il est temps pour moi de traverser la tempête.
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