Chapitre 2 : Fissure
Les lits froids et poussiéreux de l'infirmerie accueillirent des corps fatigués, tandis que la Salle de Convergence, jadis le lieu de leur entraînement, résonnait désormais du murmure étouffé des esprits en quête de sommeil. Les divergences d'opinions persistantes semblaient hanter les rêves des Élus, une disharmonie palpable dans l'obscurité paisible de la nuit.
Au sein de ces deux refuges préservés, les pensées s'entremêlaient à l'écho de discussions inachevées. Les regards se perdaient dans l'obscurité, cherchant des réponses aux questions qui hantaient leurs esprits. Chacun, enveloppé dans sa propre nuit intérieure, espérait trouver le calme nécessaire pour apaiser les tensions qui menaçaient l'unité fragile de leur groupe.
Dans l'obscurité, Marcus s'éloigna des ruines du manoir, traversant les décombres avec détermination. Les étoiles au-dessus de lui semblaient assister silencieusement à son départ solitaire. Il atteignit la ville, où les rues vides témoignaient de la tristesse qui avait envahi la cité. Les citadins, silhouettes furtives aux fenêtres, osaient à peine jeter un regard sur l'Élu, marqué par la tragédie.
Chez le marchand, Marcus trouva refuge. Là, dans un coin sombre, loin des regards indiscrets, il se laissa sombrer dans la fatigue qui pesait sur lui. Le propriétaire, semblant percevoir la détresse qui habitait le cœur de Marcus, ne dit pas un mot. Les heures s'écoulèrent dans le silence, laissant la nuit engloutir les émotions enchevêtrées.
Pendant ce temps, dans la Salle de Convergence et l'infirmerie, le sommeil peinait à envelopper les esprits tourmentés des Élus. Les échos des débats résonnaient toujours dans l'air, tandis que le désir de comprendre l'emportait sur la fatigue.
Les échos de la tragédie toujours dans la tête, tandis que le désir d'oublier l'emportait sur celui de comprendre. Chacun s'abandonna finalement à un sommeil agité, se préparant ainsi pour le jour à venir.
Le lendemain matin, le soleil timide se leva sur les ruines du manoir. Les Élus, émergeant de leurs refuges nocturnes, se rassemblèrent, conscient de la journée qui les attendait. Les tensions de la nuit précédente étaient encore palpables, mais une résolution silencieuse flottait dans l'air. Les yeux fatigués reflétaient une détermination nouvellement forgée.
Alors que Marcus se rendait au halo au cœur de la ville à l'heure convenue, seuls Rita et Felix étaient présents. Les autres Élus, peut-être indécis ou submergés par leurs propres dilemmes, brillaient par leur absence. Un silence lourd et chargé de tension s'installa entre eux, reflétant l'importance des décisions à prendre et les chemins encore incertains à emprunter.
— J'ai vendu toutes mes armes au marchand, annonça Marcus d'une voix calme mais résolue, comme s'il venait de prendre une décision importante. Il m'a donné 16 500 Ayúqin en échange.
Leurs regards, remplis de surprise et de perplexité, se tournèrent vers lui.
— Pourquoi tu as vendu toutes tes armes ? demanda Felix.
Marcus, ajustant son sac sur son épaule, esquissa un léger sourire.
— Parce que je pense qu'on n'a plus besoin de s'entraîner à ... tuer. À partir de maintenant, notre objectif, c'est là-bas.
Il désigna d'un geste la direction de Riona.
— Et cet argent ? Comment va-t-on l'utiliser pour le voyage ? s'enquit Rita.
— Le marchand nous a aussi proposé quelques provisions en échange. L'argent, on pourra l'utiliser pour des choses plus importantes.
Le groupe se mit en route, l'esprit tourné vers l'avenir incertain qui les attendait à Riona. La décision de Marcus marquait un tournant dans leur démarche, symbolisant une transition vers l'inconnu où les véritables épreuves allaient commencer.
Ils passèrent par le marché animé de la ville, cherchant des fournitures et des provisions pour leur périple. Les rues grouillaient de monde, mais une étrange atmosphère d'incertitude persistait. Les citadins évitaient le regard des Élus, comme s'ils ressentaient à la fois de la crainte et de la honte.
Arrivés chez le marchand, ils furent accueillis par des regards suspicieux. Le marchand, imperturbable malgré les événements, les observa avec un mépris à peine dissimulé.
— Des provisions, cette fois ? lança-t-il d'un ton moqueur.
Marcus hocha la tête et lui expliqua qu'ils avaient besoin de vivres pour leur expédition à Riona. Tandis que le marchand préparait les sacs remplis de nourriture, d'eau et d'articles indispensables, Felix ne put s'empêcher de glisser une remarque.
— Je ne comprendrai jamais pourquoi il fallait mettre l'entrée dans un cimetière. C'est loin d'être accueillant.
Le marchand ignora son commentaire, concentré sur sa tâche. Les Élus prirent leurs provisions tout en restant sur leurs gardes, méfiants envers le vendeur.
— Si vous avez des informations utiles, c'est maintenant qu'il faut parler, déclara Marcus.
— Si vous avez besoin de quelque chose d'autre, vous savez où me trouver, répondit le marchand avec un sourire énigmatique.
Le groupe quitta le cimetière, transportant leurs sacs avec précaution. Les rues de la ville, malgré les récentes épreuves, semblaient paisibles. Mais au fond d'eux, ils savaient que le chemin vers Riona serait semé d'embûches.
Après une brève discussion, Marcus confia à Rita un badge que le marchand lui avait remis la veille.
— Ça me fait mal de l'admettre, mais tu es la plus responsable et fiable d'entre nous, dit-il en lui tendant le badge.
Felix, feignant d'être vexé, fit une moue exagérée. Ensemble, ils empruntèrent les ruelles de la ville. La carte numérique qu'ils avaient téléchargée à partir du badge leur indiquait un itinéraire complexe. Ils allaient devoir éviter les zones les plus dangereuses pour maximiser leurs chances de rejoindre leur destination en un seul morceau.
Marcus estimait qu'il leur faudrait environ huit jours pour atteindre Riona, en fonction des obstacles qu'ils pourraient rencontrer en chemin.
En quittant les limites de la ville, une sensation étrange les envahit, comme s'ils traversaient un champ de force invisible. Rita, légèrement surprise, supposa que ce champ était en place pour protéger les habitants des créatures dangereuses qui rôdaient dans les environs.
Quelques kilomètres plus loin, une présence inquiétante se fit sentir. Une créature semi-transparente, ressemblant à un félin, se déplaçait furtivement entre les ombres des arbres. Sans prévenir, elle bondit sur Felix, qui, pris par surprise, ne réalisa pas immédiatement le danger.
Heureusement, Rita réagit instinctivement. Elle s'empara de la dague de Marcus et parvint à repousser la bête de justesse, sauvant ainsi Felix d'une mort certaine. La tension monta d'un cran au sein du groupe, chacun se mettant en alerte, conscient que leur voyage venait de devenir bien plus périlleux.
Rita, un sourire confiant aux lèvres, se tourna vers ses compagnons.
— Vous voyez, vous pouvez compter sur moi, dit-elle.
Impressionné, Felix lui donna une tape amicale dans le dos.
— Je savais pas que tu étais aussi rapide, admit-il, toujours sous le choc.
— Le plus rapide, ça reste Marcus, plaisanta-t-elle ensuite.
Marcus, amusé, rétorqua en taquinant Felix :
— À ce rythme, tu risques de mourir très, très vite.
Felix, éclatant de rire nerveusement, répondit avec un sourire en coin :
— Crois-moi, je préfère ne pas vérifier cette théorie.
Pour renforcer leur sécurité, Rita proposa de marcher en formation triangulaire, offrant ainsi une meilleure défense. Elle prit la tête du groupe, en pointe, tandis que Marcus et Felix marchaient derrière elle.
Organisés de cette manière, ils s'engagèrent dans les profondeurs de la forêt dense. Au bout d'un moment, le silence pesant se fit trop lourd, et les Élus décidèrent d'engager une discussion pour alléger l'atmosphère.
— Marcus, Felix ? appela la mexicaine, hésitante. Vous ne vous rappelez vraiment pas de tout ce qu'il s'est passé lors de l'attaque d'y hier ?
L'aînée du groupe, brisant la glace, s'adressa à Marcus. Elle évoqua le moment où, durant un combat, son corps s'était comme déconnecté de sa volonté, laissant une autre entité prendre les commandes. Lorsque Natalia avait essayé de comprendre qui ou quoi se cachait derrière, l'entité qui habitait Marcus lui avait simplement dit qu'elle n'avait « pas besoin de savoir ».
Marcus, marchant d'un pas agacé, répondit qu'il n'en avait aucun souvenir précis. La seule chose qui lui revenait en tête, c'était une voix féminine disant avec déception :
—'Et dire que c'est toi... '
Cette réminiscence semblait l'irriter profondément.
Felix, visiblement encore marqué par sa propre expérience, enchaîna :
— Moi, elle m'a dit ' Quelle humiliation '. Sérieusement, quelle humiliation ?
À cette remarque, Marcus et Rita éclatèrent de rire, mais le son résonna creux, presque forcé. Leurs épaules tremblaient, mais leurs regards restaient fuyants, et l'éclat dans leurs yeux était absent.
Rita porta une main à son visage, couvrant à moitié sa bouche pour masquer un sourire qui ressemblait davantage à un rictus. Marcus, lui, se passa nerveusement une main dans les cheveux, sa mâchoire crispée trahissant que son hilarité n'était qu'une fuite, un moyen désespéré de relâcher la pression.
Felix ne partageait pas leur amusement. Il serra les dents, ses doigts tambourinant sur sa cuisse comme s'il tentait de canaliser une énergie nerveuse. Ses yeux, rougis par le manque de sommeil, lançaient des regards tranchants entre ses compagnons. Il laissa finalement échapper un soupir brusque, agacé, presque douloureux, et leva une main pour interrompre leur pseudo-échange.
— Natalia aussi, murmura-t-il, sa voix plus tendue qu'il ne l'aurait voulu. Vous avez oublié ? Elle a vécu un truc similaire.
La mention fit l'effet d'un coup de fouet. Marcus arrêta de bouger, ses doigts s'immobilisant dans ses cheveux emmêlés. Il fronça les sourcils, une ride profonde barquant son front. Ses yeux, encore hantés par des visions récentes qu'il ne parvenait pas à chasser, se posèrent sur Felix.
— Quoi ? Quand ? demanda-t-il, presque sur le ton d'un accusé cherchant une explication.
Adossée contre un arbre, Rita releva enfin la tête. Ses cheveux sombres, humides de sueur et collés à son front, semblaient alourdis par plus que la fatigue. Elle prit une inspiration profonde, ses narines se dilatant légèrement alors qu'elle tentait de stabiliser sa voix.
— Tu n'étais pas là, Marcus, murmura-t-elle, sa voix rauque, presque brisée. Mais c'était...
Elle déglutit, sa gorge se contractant, et s'avança d'un pas hésitant. Ses bras croisés sur sa poitrine, comme pour contenir un frisson qui n'avait rien à voir avec le froid, trahissaient sa tension. Ses doigts s'enfonçaient dans ses coudes, laissant de petites marques rouges sur sa peau.
— La première fois que ça a dérapé, continua-t-elle enfin, son regard se perdant dans un point invisible, loin devant.
— Oui, au 4e étage, Natalia nous a raconté ce qu'il s'était passé avec Prag.
Son amie prit une profonde inspiration avant de raconter à nouveau l'expérience de leur amie aux cheveux bouclés. Prag l'avait attaquée juste après avoir blessé Tashi. Dans un dernier effort pour l'arrêter, elle avait ressenti comme un trou noir l'envelopper, et ses souvenirs s'étaient effacés. Quand elle avait repris conscience, Prag gisait inconscient contre un mur, et une douleur brutale à la main la ramenait à la réalité.
Le groupe, absorbé par ce récit, se perdit dans une réflexion collective sur ces mystérieuses entités qui semblaient prendre le contrôle d'eux à des moments critiques. Chacun avait vécu des expériences similaires, des moments où leurs corps semblaient animés par une volonté extérieure.
— 'Pour découvrir votre véritable pouvoir, il vous faudra fouiller en vous-mêmes, explorer vos sensations et vos intuitions', cita Marcus, se souvenant des mots de Madame Windel.
— Vous croyez qu'elle parlait de ça ? demanda Felix, perplexe. De ces trucs... qui prennent possession de nous sans nous demander notre avis ?
— Difficile à dire, répondit Marcus en soupirant. Même si les preuves sont là... C'est toujours arrivé pour nous protéger, on dirait.
— Ou pour nous donner l'avantage dans un combat, renchérit Rita.
— C'est vrai, continua l'allemand. Natalia a neutralisé Prag toute seule !
— Et toi, Felix, tu as repoussé ta portée maximale grâce à ça, énonça Rita en souriant légèrement. Tu t'en souviens ?
Felix fronça les sourcils, perplexe.
— J'ai fait ça ?
— Hm hm. Une sphère de Blund allait frapper Natalia, Tashi et Marcus, et c'est grâce à ta transe que tu les as sauvés.
Le jeune français, soudainement ému, s'arrêta et se tourna vers Felix. Sans prévenir, il l'enlaça, un geste chaleureux de reconnaissance.
— Merci, murmura-t-il. Tu m'as sauvé la vie.
Felix, d'abord surpris, finit par sourire et répondit à l'étreinte avec une tape dans le dos.
Rita, observant cette scène, ne put s'empêcher de sourire à son tour. Le groupe semblait plus soudé que jamais, malgré les mystères qui planaient toujours sur eux.
— Comme je le disais, ces trucs, ces ... entités savent visiblement mieux utiliser nos pouvoirs que nous. Elles en savent ... beaucoup ... sur nous.
Un silence lourd retomba sur le groupe, jusqu'à ce que Felix lance une idée qui fit frémir tout le monde :
— Et si c'étaient juste... nos pouvoirs ?
Le silence était devenu plus pesant, chacun plongé dans ses réflexions, tentant de digérer cette nouvelle hypothèse qui bouleversait leur perception des événements.
— Bon... Windel nous a dit de « fouiller en nous-mêmes », de creuser nos sensations et nos intuitions, commença l'Élue au yeux océan. Mais c'est étrange... dès qu'on maîtrise nos auras ou qu'on éveille nos pouvoirs, on commence à avoir des transes et des visions de ces entités. Des entités qui semblent... nous...
— Nous dénigrer ? proposa le jeune français.
— Exactement ! Comme si elles étaient dégoûtées de ce qu'on faisait, poursuivit Marcus.
— Ou plutôt, de ce qu'on faisait d'elles, corrigea Rita, l'air pensive.
— Vous pensez qu'on pourrait leur parler directement ? demanda le jeune français, un peu hésitant.
— Peut-être. Ou peut-être pas. Mais c'est plausible. Elles sont sûrement toujours avec nous et elles sont capables de nous parler quand on est inconscients, compléta Rita avec.
— Un peu comme quand on dort ?
— C'est possible. Si tu veux, je peux essayer de forcer le contact. Qu'est-ce que t'en dis ? lança-t-elle en plaisantant.
— Je décline avec politesse ! répondit Felix, faussement effrayé.
Le groupe resta silencieux un instant, ne sachant pas trop quoi ajouter. Après cette courte pause, ils se remirent en marche. Soudain, Felix sentit une sensation familière, semblable à celle ressentie lors du « Chemin vers la Liberté ». Il entendit des bruits lointains, se propageant sous terre.
Le jeune homme allemand s'accroupit pour écouter le sol. Les autres s'arrêtèrent immédiatement, inquiets. Se redressant, il leur ordonna d'activer leurs auras : un danger approchait, et vite. Ils se mirent à courir à toute allure, sans se poser de questions.
L'entraînement qu'ils avaient subi portait enfin ses fruits. Ils atteignirent une zone moins dense, où de grandes branches imposantes laissaient filtrer la lumière du soleil. Alors qu'ils reprenaient leur souffle, Felix leur dit que le troupeau les suivait encore et qu'ils devraient envisager de passer à leur aura colorée, au lieu de rester aux prémices.
— C'était plus facile que pr- ! commença Marcus, à peine le temps de finir sa phrase qu'il fut entouré de lianes.
Il fut aussitôt tiré vers la forêt, disparaissant dans les ombres. Ses amis crièrent son nom, paniqués, tandis que le jeune homme noir s'éloignait à une vitesse effrayante.
Felix les alerta : le troupeau les avait rattrapés et, en plus, ils devaient maintenant retrouver Marcus. Bientôt, les bêtes émergèrent des bois. Les Élus furent frappés par la vision surréaliste de sangliers massifs, leur peau verdâtre recouverte de lianes, avec des cornes végétales.
Le cœur battant à tout rompre, Rita essaya de garder son calme. Elle respirait profondément pour ralentir les battements de son cœur, s'efforçant de réprimer la panique. On a beaucoup progressé, ils ne devraient pas poser problème, tenta-t-elle de se rassurer. Elle s'écria, convaincue que leur nouvelle maîtrise de l'aura suffirait à les vaincre :
— Un tir de Blund par cible, et on devrait s'en sortir !
Ne trouvant aucun bâton à proximité, elle joignit ses mains et concentra son énergie. Elle chargea une sphère d'aura et tira sur le sanglier le plus proche, visant avec précision. Mais à son grand étonnement, l'aura rebondit contre la peau épaisse de la bête comme une balle, heurtant un arbre derrière eux qui s'effondra dans un craquement assourdissant.
Rita resta figée, la bouche entrouverte, déconcertée. Son style de combat, qu'elle croyait efficace, venait de se révéler inefficace. Le sanglier ne montrait aucun signe de blessure, et elle sentait la panique monter en elle.
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