Le Jour du Dépassement, la Troisième Guerre Mondiale, l'Hiver Noir, la Pluie de Dard, la Fonte. Ces événements, connus de tous, ont été largement provoqués par les hauts dirigeants des grandes nations.

Dans un monde où les stigmates des tragédies passées persistaient, l'année 2133 apporta un semblant de quiétude, même si elle fut entachée par des disparités économiques de plus en plus criantes. Le jour du 4 octobre 2133, se révéla être le point de basculement pour l'ensemble de l'humanité.

À midi, heure française, un événement extraordinaire eut lieu, captivant l'attention du monde entier. Les savants et les penseurs ont qualifié ce mystérieux épisode d' « hallucination collective », une expérience transcendantale au cours de laquelle une voix, se présentant comme celle de Dieu, s'est manifestée pour s'adresser à l'ensemble de l'humanité.

Dans cette déclaration céleste, cette voix supérieure a soulevé des vérités troublantes. Déclarant que l'humanité persistait dans un cycle implacable de haine et d'erreurs, celle-ci souligna que ces répétitions constantes avaient atteint un seuil critique de tolérance divine. C'était comme si la Création elle-même avait eu assez de leurs manquements collectifs.

Cette entité divine, se présentant comme le père de l'humanité, prit alors la décision solennelle de nous infliger une punition, laissant la planète en proie à un état de choc et d'incertitude. Les conséquences de cette annonce transcendante ont généré un mélange de terreur et de réflexion chez certains, les plongeant dans une période de questionnement existentiel et de recherche de rédemption.

Chez d'autres, cet avertissement n'a suscité ni réelle attention ni changement. À l'exception des fervents religieux et notamment des chrétiens, qui au cours des deux années suivantes, ont entrepris une fervente mission de conversion mondiale au christianisme.

En 2134, les Nouveaux États-Unis d'Amérique, soutenus par le Vatican, ont lancé une guerre contre l'Iran sous le prétexte de sa conversion. Derrière cette action en apparence religieuse se cachait cependant des motivations économiques, notamment liées aux mines de Krix, un minerai apparu en Afrique à la suite de l'Hiver Noir, et un profond sentiment d'islamophobie.

Même sous un nouveau nom, une population ne change pas nécessairement. Ainsi, cette déclaration marqua le commencement d'une croisade, opposant les chrétiens au reste du monde. Étonnamment, cette guerre n'entraîna aucune victime.

Au moment où la guerre fut déclarée contre l'Iran, Dieu lui-même descendit sur Terre. Sa déclaration ne fut pas simplement visionnée, mais plutôt ressentie comme une éclipse.

— Mes chers enfants, malgré tout l'amour que je vous ai prodigué, vous persistez inlassablement à commettre des actes condamnables. Je vous ai envoyé des messies, y compris mon propre fils, que vous avez également sacrifié. Vous, si avides de destruction, je vais désormais satisfaire l'appétit des êtres inférieurs que vous êtes.

Confrontée à l'insensibilité persistante de l'humanité à ses avertissements, l'entité divine décida de privilégier une méthode d'enseignement plus directe. Dans une nouvelle proclamation, elle souligna que s'en prendre aux adultes ne changerait rien. En tant qu'être supérieur, il opta donc pour une approche différente afin que l'humanité puisse enfin tirer des leçons de ses erreurs.

Cependant, même si cette nouvelle initiative suscita une réception mitigée, l'impact fut différent cette fois-ci. Toute l'humanité avait été témoin de la descente de Dieu sur Terre et de ses paroles, forçant les États du monde entier à reconnaître la gravité de la situation.

C'est dans ce contexte là que notre protagoniste, Marcus Ateyaba, un jeune homme noir de 17 ans vivait. Il était un jeune homme légèrement plus grand que la moyenne, mesurant 1m78. Il portait des lunettes. Sa coupe de cheveux était courte, et il arborait un collier en forme de boussole.

Il résidait dans le sud de la France, à Montpellier. Une ville touchée par la « Fonte », une accélération colossale de la fonte des glaces continentales et du réchauffement de l'eau, provoquant une hausse drastique du niveau de l'eau. Un nouveau phénomène d'activité apparu suite à cette catastrophe environnemental : « Les Vestiges du Passé ». Un mouvement de tourisme aquatique où le but était de visiter les sites submergés de ces villes.

Un soir inoubliable, le mardi 25 janvier 2135. Alors qu'il savourait son repas en solitaire, une jeune fille thaïlandaise de 13 ans du nom de Suksi Aphinya apparut à l'écran d'une chaîne de télévision. Elle partagea son rêve étrange dans lequel elle se retrouvait chez elle, mais seule.

À la recherche de ses parents, elle découvrit le vide absolu dans sa maison. Ni canapé, ni chien, ni fratrie : le lieu était dépourvu de toute présence, laissant place à une solitude pesante. Descendant avec appréhension dans les rues désertes de Bangkok, elle constata que la solitude y régnait également.

Soudain, une enveloppe tomba du ciel, attirant le regard de Suksi. La jeune fille la saisit promptement. On pouvait y apercevoir :

« À toi, ma première brebis ».

Sans plus attendre, elle ouvra l'enveloppe et y lut :

« Varia Yurieva, le destin t'a été favorable en tant que première Élue. Tu fais désormais partie des êtres qui pourront quitter mon échec, ce monde. 53122010. »

Marcus trouva cela particulièrement étrange, car Varia Yurieva n'était pas la personne qui s'exprimait à la télévision.

Cependant, toujours attentif, il continua à regarder. Il s'avéra que Varia Yurieva était une jeune Russe de 12 ans originaire de Nijni Novgorod. La diffusion continuait depuis la Russie, et les parents expliquaient qu'ils ne souhaitaient absolument pas communiquer à ce sujet, affirmant qu'il ne s'agissait de rien de plus qu'une farce de mauvais goût.

Le lendemain, mercredi 26, Marcus débuta sa journée comme à l'accoutumée et se rendit au lycée. Il rejoignit son groupe habituel qu'il fréquentait depuis son entrée au lycée. Dans ce groupe, hormis le protagoniste, ils étaient 4 : Lia Oz, Karim Allaoui, Julien Da Costa et Helma Jäger. Lia et Marcus se connaissaient depuis bien plus longtemps. Pendant leur enfance, ils étaient voisins de quartier.

Après son déménagement, ils se perdirent de vus, avant d'être dans le même collège suite au retour de Marcus dans sa ville natale, en 4e. Ce n'est que l'année suivante qu'ils rencontrèrent Karim et enfin à leur entrée au lycée, le groupe compta tous ses membres avec l'arrivé d'Helma et Julien. Au cours de l'année qui suivit, suite à quelques péripéties, Lia et Julien sortirent ensemble, et le furent encore au moment des faits.

Rapidement, la discussion se tourna vers les événements du journal de la veille. Un de ses camarades, Julien, pointa les tendances sur le réseau social Echo, où les internautes ne parlaient que de cette étrange proclamation. Malgré cela, nombre d'entre eux demeuraient incrédules, se demandant comment Dieu pouvait châtier l'humanité de cette manière. Certains arguèrent qu'une intervention divine aurait dû se produire bien avant, remettant en question la légitimité de cette « punition ».

La jeune brune, Lia, interrogea ses amis :

— Vous feriez quoi si vous étiez choisi ?

Un éclat de rire général résonna. Elle poursuivit, affirmant que même si par un extraordinaire hasard ils étaient choisis, le prétendu châtiment divin ne pouvait être aussi grave et disproportionné que ce qui était décrit dans la lettre. 

— Il paraît qu'une réunion de l'ONU s'organise à distance pour ne pas alerter les populations, mentionna Karim. 

La sonnerie interrompit leur conversation, les obligeant à se rendre en classe. Les heures passèrent, la journée toucha à sa fin, et au fil des jours, de nouveaux témoignages émergèrent. D'autres adolescents prétendaient avoir eu des visites pendant leurs rêves, répétant inlassablement le même message tragique : un nom, un prénom, suivi de l'affirmation implacable :

« Le destin t'a été favorable. Tu fais désormais partie des êtres qui pourront quitter mon échec, ce monde ».

La seule divergence résidait dans la suite de chiffres inconnus. Parmi tous ceux ayant fait cette expérience, beaucoup présentaient une différence d'1 à 3 chiffres.

Au fil des jours, le nombre de cas augmentait, et certains scientifiques expliquaient cela par une psychose généralisée, tandis que d'autres attribuaient le phénomène au besoin d'attention de certains adolescents. Au fur et à mesure que les jours passèrent, les jours se ressemblèrent tous, du moins jusqu'au mardi 1er février 2135.

Après avoir terminé son cours de physique-chimie, Marcus consulta son HoloWrist et constata que les notifications Echo s'accumulaient. Varia Yurieva, la première Élue, était portée disparue. Se hâtant de rentrer chez lui pour suivre les chaînes d'information, il fut surpris de ne trouver aucune mention de cet événement.

Sa première réaction fut de penser à une éventuelle « fake news » et de passer à autre chose. Cependant, sa curiosité le poussa à rester sur Echo et à lire attentivement. Bien qu'il espérait que la disparition soit fausse, l'éventualité d'une manifestation divine l'intriguait.

Marcus découvrit une vidéo qui semblait provenir d'une caméra de surveillance de rue. Au début, rien d'anormal, mais soudain, une lumière aveuglante apparut près d'une fenêtre. À mesure qu'elle s'étendait, on pouvait distinguer l'enfant bouger derrière la fenêtre. Comme si elle tentait de se débarrasser de la lumière qui enveloppait son corps.

Soudain, un éblouissement de lumière. La vidéo se termina sur cette note. Marcus, toujours sceptique, commenta sur la publication, soulignant la facilité de créer des vidéos de qualité à leur époque.

Les médias ne diffusèrent plus aucune information supplémentaire, et renforçant même l'idée de phénomène de mode. Ces actions furent vu pour beaucoup de sceptiques, comme une volonté d'étouffement de l'affaire.

La même routine ennuyeuse mais paisible reprit son cours. Toutefois, le calme fut rompu le samedi de la même semaine. En une du journal de 13 heures : Varia Yurieva portée disparue depuis le 1er février.

La surprise fut telle que Marcus manqua de s'étouffer avec son verre d'eau en entendant cette nouvelle.Le reportage se poursuivit alors que la journaliste se tenait devant la maison des parents de Varia Yurieva.

Les images montraient un quartier paisible, en contraste avec le désarroi visible sur le visage des parents de la jeune fille. La mère, les joues et les yeux rougis. Les uns par le froid, les autres par la désespoir. Dans une tentative d'appel à l'aide, elle s'adressa à la caméra d'une voix tremblante.

— Nous ne savons pas ce qui est arrivé à notre fille. Elle était une enfant normale, pleine de vie. S'il vous plaît ... aidez-nous à la retrouver !

Le père, à côté d'elle, tentait de masquer son émotion. Il ne parlait pas, stoïque. Mais ses yeux, eux, ils parlaient. Un regard, plein de détresse, d'incompréhension et de fatigue. Voilà

Les parents exprimèrent leur désespoir et leur inquiétude pour le sort de Varia. Chacun à leur façon. Ils lancèrent un appel urgent aux gouvernements du monde entier, demandant une collaboration internationale pour résoudre cette mystérieuse disparition.

La mère implora une nouvelle fois :

— Nous ne comprenons pas pourquoi cela arrive ... mais nous sommes prêts à tout pour retrouver notre fille. Aidez-nous ... je vous en supplie.

La scène se termina sur un plan de la journaliste, visiblement émue, annonçant que dans les jours suivants, une réunion de l'ONU était prévue pour discuter de ce phénomène, de cette menace sans précédent. Elle expliqua que des représentants de diverses religions avaient également été invités pour aider à déchiffrer les avertissements du Créateur lui-même.

La caméra s'éloigna lentement de la maison, laissant les parents de Varia Yurieva dans leur douleur, symbolisant la détresse d'une famille confrontée à l'inexplicable. La journaliste conclut le reportage en soulignant l'importance de cette réunion internationale et en appelant à la coopération mondiale pour comprendre et résoudre cette situation exceptionnelle.

Marcus éteignit la télévision avec un sentiment de dégoût. Pour lui, cette réunion de l'ONU semblait être une manœuvre politique vide de sens. Avec une disparition d'origine divine, il semblait impossible d'agir, de résister ou de changer le cours des événements. Le lundi de la semaine suivante, la réunion tant attendue eut lieu, mais les résultats s'avérèrent effroyables.

On évoqua près de 31 162 individus portés disparus depuis le 1er février, tous dans des conditions identiques. L'ONU conseilla aux personnes ayant reçu cette « invitation » de s'entourer de monde pour éviter leur disparition. Malgré cela, la réunion ne déboucha sur aucune solution concrète, mettant en évidence la soumission implacable de l'humanité face au divin.

Cependant, quelques informations émergèrent de la discussion :

1) la liste de chiffres lue à l'envers donnait la date à laquelle l'individu disparaîtrait.

2) Il était impossible de recevoir une invitation à son propre nom.

3) Les invitations ne se limitaient plus aux heures nocturnes, certains individus étant pris de crises de narcolepsie.

4) Chaque individu ayant reçu une lettre durant leur sommeil, posséderait une preuve de son invitation dès son réveil, généralement sous la forme de celle vue en rêve.

Malgré le manque cruel de solutions, l'organisation demanda, selon les mots de Marcus, « avec un certain culot », aux populations de leur faire confiance. Une confiance difficile à accorder face à une menace aussi mystérieuse et insaisissable.  Cela suscita chez Marcus, un dégoût profond envers cette réunion et sa soi-disante capacité à apporter une réelle résolution.

Durant les jours suivants, une atmosphère de panique et de désespoir s'empara des parents. Ils se ruaient vers les lieux religieux, tels que des églises, pour demander aux prêtres et aux leaders spirituels de prier en leur faveur, espérant ainsi obtenir l'annulation de cette décision divine.

En vain.

Cet événement tragique, déchirant, traumatisant fut alors baptisé par les internautes :

« The Vanishing ».