Cinquante-trois. Voilà le nombre de feuilles qu'avait coupées le jardinier. Enfin, le « géant » jardinier. Avec ses deux mètres et demi, aucun arbre ne pouvait lui résister. Je bloquai sur le sécateur et le drôle de son qu'il produisait, couic-couic, couic-couic. Cinquante-quatre, désormais.

Plantée sous le soleil du petit matin, la joie ne m'avait pas quittée depuis que le maudit Khiton de la veille avait glissé au sol. T-shirt large et petit short en jean, je me sentais enfin moi-même. Au saut du lit, une cyclope m'avait fait parvenir un petit bout de parchemin sur lequel était soigneusement écrit :

Rdv temple d'Athéna 9h.
_ A

Vous aussi, ça vous rappelait un vieil épisode de Pretty Little Liars ?

Mieux valait affronter A en personne plutôt que l'expéditeur de ce message. À votre avis, Alec ou Amael ? Je me posais encore la question. Pour sûr, plus le temps passait et plus je penchais pour Amael. Alec n'était jamais en retard. Lorsque j'aperçus une petite tête blonde à l'autre bout du chemin, un petit cri de joie sortit de ma gorge. Génial, j'allais pouvoir me dégourdir les jambes !

- Désolé, je me suis perdu, avoua Amael avec sérieux.

- Pas de problème, lui répondis-je en me retenant d'éclater de rire.

Avec un garçon aussi solennel que lui, je m'attendais à une toute autre réponse. Plutôt un : « Désolé, je lisais le chant V de l'Odyssey », oui, voilà qui lui ressemblait mieux.

- Je t'ai cherché un moment avec Alec, hier soir, poursuivis-je en me levant pour me mettre à sa hauteur.

- J'aurais du te prévenir, la cérémonie de naissance m'a fatigué.

Mon regard curieux l'intima à continuer ses explications.

- Pendant la cérémonie, je ne reçois pas seulement le trident. Lorsque Leith nous tend notre arme, il nous transmet également nos pouvoirs, seulement dans le cas où le prédécesseur décède, fit-il en mimant le geste.

- Leith est donc une sorte de médiateur entre deux descendants qui se succèdent ?

- C'est ça. En attendant qu'un nouveau descendant se manifeste, Leith garde ce don et peut l'utiliser dans une moindre mesure.

J'enregistrai dans un coin de ma tête cette information en me souvenant de ses pouvoirs de guérison hérités de Poséidon.

- Du coup, hésitai-je en faisant la moue, tu m'as apporté le livre sur les Dragons ?

Mon excitation était tant à son paroxysme que j'en faillis oublier Vlad.

- Il n'y en a aucun du genre, me répéta-t-il, mais je peux peut-être t'apporter quelques informations pertinentes, se reprit-il lorsqu'il vit ma mine de déterré. Essayons de nous isoler un peu d'abord. La fête s'est terminée il y a trois heures à peine, donc tout le monde dort, mais les domestiques pourraient surprendre notre conversation.

J'appréciai son sens du détail et le suivis sans plus de cérémonie. Amael disait vrai, seuls des cyclopes et des géants s'activaient à nettoyer le bazar de la veille. Pour le peu d'invités qui étaient présents, les dégâts pesaient lourds. Du verre brisés ci et là, des confettis parsemés dans les jardins, des khiton lâchés dans la nature ..., les divinités se comportaient comme de véritables sauvages derrière leur apparence pompeuse et sophistiquée.

Amael s'engouffra bientôt dans un grand bâtiment à l'architecture gothique. Derrière le grand vitrail qui occupait toute la façade avant du bâtiment, des milliers de bibliothèques se tenaient fièrement sur plusieurs étages.

- Énorme !

- Toutes les archives mythologiques se trouvent ici. Il n'y aura certainement personne là-bas.

Une fois confortablement installé sur des fauteuils en cuir et à l'abris des regards, après avoir monter deux étages, Amael se détendit enfin. Les manches de sa chemise étaient assez retroussées pour apercevoir ses tatouages, pour le grand plaisir de mes petits yeux.

- Qu'est-ce que tu sais au juste sur les Dragons ? Que sais-tu faire jusqu'à maintenant ? me demanda-t-il en sortant une feuille et un crayon.

- Hm, réfléchis-je en pensant à ces derniers mois. J'ai toujours eu de très bonnes capacités en sport, malgré des migraines qui me pourrissent toujours la vie. J'ai commencé à me poser des questions à mon arrivée à Ogden. Ma vision s'est considérablement améliorée au point de voir de simples rochers à plusieurs kilomètres. En entrant à Diafosa, tout s'est précipité. J'ai découvert avoir une super force au point d'avoir sauté un bond enoooorme, racontai-je avec enthousiasme. Ensuite sont venues les flammes. Et depuis, rien de nouveau.

- Ça colle avec mes recherches, m'avoua-t-il avec un sourire radieux.

- Pourquoi mes capacités se sont développées maintenant ? Et pourquoi personne ne sait rien à notre sujet ?

- Chaque chose en son temps, me coupa-t-il en refreinant mon énergie. Les Dragons découvrent leurs capacités à l'âge de dix, onze ans, peut-être moins pour les plus précoces. Les étapes sont toujours les mêmes. L'enfant développe d'abord sa vue, puis viens la force et cela dur jusqu'à l'adolescence. Les flammes sont un don assez rare que seuls les meilleurs d'entre eux réussissent à maîtriser à l'âge adulte. C'est ce qui vous a valu le surnom de « Dragons », même si vous descendez plus ou moins de ces créatures magiques.

- De vrais dragons ?!

- C'est un peu compliqué. Les Dragons sont des divinités protectrices qui transmettent leurs souvenirs et les messages des Dieux aux hommes. Ils volent dans les cieux pour finalement prendre forme humaine sur terre. Mais, étant en contact direct avec les humains, ils ont été les premières victimes de leur manque de croyance et de tous leurs vices. J'ai deux hypothèses concernant ton petit retard. Soit il s'agit de ton sang, si seulement un seul de tes parents est un Dragon tout s'expliquerait. Soit parce que ton déménagement et le stress emmagasiné à développer tes pouvoirs. Pour ce qui est des flammes, je n'en ai aucune idée. Comment les as-tu développés précisément ? Que ressentais-tu ?

- Je venais d'entrer à Diafosa et ... je te passe les détails, dis-je avec un revers de la main, mais Alec m'a foutue en rogne. À vrai dire, je ne m'en souviens pas très bien.

- Nous avons une bonne piste dans ce cas. Es-tu allée faire un tour dans la source des brumes ?

Je ne répondis pas sur le coup. Fallait-il cacher l'existence de Kallisté ? Le mettre au courant de la malédiction ? M'en voudrait-il dans ce cas ?

- Je prends ce silence pour un oui, souffla-t-il avec un regard amusé.

- N-non ! Enfin, je n'ai rien dit.

- Tu veux avoir des réponses à tes questions, Ambre ? Je comprends que tu n'aies pas confiance en moi, mais je ne suis pas comme les autres descendants, d'accord ?

Ses yeux verrons se plantèrent dans les mieux. J'y décelai une détermination démesurée et de l'excitation. Exactement le même état dans lequel je me trouvais.

Je devais avoir des réponses, merde !

- J'ai- j'ai pu parler à mon ancêtre.

- Fascinant ! s'exclama brusquement Amael en bavant presque sur la table.

Ce type a en fait le même problème que moi. Plutôt que de jouir devant une collection de bibelots, il fantasme sur des créatures magiques.

- Que t'a-t-il dit ?

- Je ne sais pas si ça va te plaire, avouai-je en reculant mon fauteuil. Tu avais raison lorsque tu disais que les Dragons étaient les pires ennemis des Dieux Olympiens. J'ai-j'ai vu de mes propres yeux ce qu'il s'est passé le jour où mon peuple a visité ces lieux et ...

- Tu veux parler de la malédiction, c'est ça ? me coupa Amael en chuchotant comme ci ce mot était interdit.

- Kallisté, le chef des Dragons, est venu ici-même lors d'une fête organisée par Zeus. Elle devait être le gage d'une paix retrouvée et d'un nouveau départ, mais ... Zeus s'est servi de nous et a massacré toutes les jeunes filles du clan !

Repenser à ses images me donnèrent les larmes aux yeux, mais je continuai malgré la bille qui montait dans ma gorge.

- Il voulait récupérer quelque chose, une sorte de trésor, peut-être ? De quoi s'agit-il ?

Amael resta accrochés à mes lèvres et fixa longuement mon visage d'un air livide.

- Un trésor, répéta Amael en articulant à peine. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle chose, se rembrunit-il en s'enfonçant dans son fauteuil qui couina désagréablement. Ça ne serait pas une métaphore plutôt ?

- Une métaphore ? Il n'y aurait donc aucun trésor ? pensai-je tout haut. Mais ...

Kallisté avait bien parlé de mon cœur, serait-ce la clé de tout ce mystère ? Comment mon cœur pourrait-il être précieux ?

- Je vais essayer de me renseigner, m'avertit Amael en se levant de sa chaise. Si ce que tu dis est vrai, je ne crois pas que tu sois la seule de ton clan encore en vie.

- C'est possible ? demandai-je en mordillant mes lèvres.

- Si Vlad te veut pour avoir en sa possession ce « trésor », il doit bien se douter que tu ignores tout de ton clan. Cela fait à peine quelques mois que tu as appris l'existence de tes pouvoirs. À quoi cela servirait-il de te garder en vie si tu n'as aucune information à fournir ? m'expliqua-t-il en tripotant le livre de la commode. Tu es une monnaie d'échange, enfin ... c'est ce que Vlad pense et cela confirme donc bien l'existence d'autres Dragons ! À moins que tu ne me caches autre chose ?

- Non ! Enfin, je ne pense pas, lui répondis-je avec un air dubitatif.

- Il va me falloir du temps pour en savoir plus et je ne te promets pas de trouver quelque chose. J'ai suffisamment eu du mal à avoir ces informations là.

- Comment les as-tu eues ?

- Une femme lors d'une ...

Amael ne termina pas sa phrase et sa bouche resta entrouverte comme si son corps avait tout simplement fait pause.

- Quoi ? criai-je presque après quelques secondes.

- Ce n'était pas anodin. Elle le savait. Elle savait que j'allais devenir le futur descendant.

- De quoi parles-tu enfin ! Qui est cette femme ?

- Elle ne m'a pas dit son prénom, mais elle en savait beaucoup sur les Dragons. Après des années de recherches et sans trouver le moindre indice pertinent, je suis allée dans un bar à Ogden. J'y étais allé pour consulter les archives de Diafosa, sans succès. C'est là que je l'ai vue. Une femme aux cheveux courts, noirs et des yeux similaires aux tiens. Elle avait des balafres sur le visage, ce détail m'avait beaucoup marqué.

Balafres ? Pourquoi diable ça me dit quelque chose ?

- Attends, le coupai-je en appuyant ma main sur ma tempe, j-je crois que ça me parle.

- Tu la connais ? s'enquit-il avec un regard curieux.

- N-non, raaah j'en sais rien ! Mais j'ai soudainement cru me souvenir de quelque chose lorsque tu as évoqué ses cicatrices. C'est assez flou.

- On t'a effacé la mémoire, fit-il brusquement. Et à moi aussi.

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Yoooo,
Comment allez-vous ?

Voici le chapitre 66 avec notre petit nouveau Amael et Ambre. J'espère qu'il vous plaira !

Bonne lecture et à jeudi 🖤