Chapitre 59 : Avec Toi
La douce mélodie d'une harpe me tira de mon sommeil profond, durant lequel je crus rêver de Kallisté.
Qu'importe ...
J'ouvris lentement les yeux, profitant du confort de mon lit aussi haut et luxueux que ceux des rois et reines d'autrefois. La chambre des invités aux tons bleus et dorés se situait en haut de la tour Ouest, celle que j'avais pu voir depuis le village. L'admiration faisait briller mes yeux de petite fille, qui s'imaginaient être une riche duchesse. Les meubles d'époque, en bois et éclatants, étaient pour la plupart ornés de symboles étranges, certainement une langue ancienne qui m'était inconnue. Je voulus me pencher pour mieux lire les inscriptions, mais une crampe au bas ventre me ravisa.
Un soupir m'échappa lorsque je compris qu'en plus de devoir supporter mes maux de tête habituels, mes règles allaient en rajouter une « couche ». Mauvais jeu de mot ? Certainement, mais cela me fit rire intérieurement.
Sur le guéridon à ma gauche reposait mon téléphone portable ainsi que mes médicaments pour les douleurs crâniennes, mais comme une idiote, j'avais oublié la précieuse boîte héritée de génération en génération dans ma famille nommée : Flurbiprofen*.
Ainsi, je savais d'avance qu'une longue soirée d'agonie m'attendait ce soir, malgré ma bonne sieste requinquante.
Kate m'avait laissée seule il y a plus de quatre heures et lorsque j'avais eu le temps de toucher le moindre petit bibelot de la pièce, un cyclope était entré pour déposer mes bagages. Avec son exomide blanc, la tenue grecque des serviteurs, et son langage distingué, il m'avait presque fait penser à un majordome normal ... excepté pour son seul œil. Enfin, je m'y étais faites, surtout lorsque j'avais passé plus de vingt minutes depuis ma fenêtre à observer les cyclopes nettoyer la crasse des écuries.
- Zeus m'a ordonné que vous ne sortiez sous aucun prétexte. Sonnez à cette cloche, si vous avez besoin de quoi que ce soit.
J'avais hoché la tête sans vraiment l'écouter car la fatigue retenait suffisamment mon attention. Après une bonne douche et des vêtements tout propres et surtout plus légers sur ma peau, j'avais sauté dans le lit comme un bébé. Je me rendais compte que maintenant, être prisonnière du chateau, magnifique fut-il, n'allait pas me plaire longtemps. Le vibreur de mon téléphone me fit sursauter, mais mon cœur accéléra de plus belle lorsque je vis qui m'appelait.
Je m'éclaircis la voix avant de répondre.
- Oui ?
- Tu es enfin réveillée, se moqua Alec avec la voix grave. Je viens te chercher dans deux minutes.
Sa voix était déjà assez sexy lorsque vous l'aviez en face de vous, mais au téléphone ... mon dieu. Je n'avais pas les mots.
- Pardon ? Dans deux minutes ? paniquai-je en prenant enfin conscience de ce qu'il disait.
Il me sembla l'entendre sourire avant qu'il ne me raccroche au nez. Enfoiré.
Je me levai trop vite et tapai mon petit orteil sur le coin du guéridon en jurant comme un ogre.
Des vêtements, des vêtements, des vêtements !
Mon sac, toujours posé au même endroit était déjà ouvert et prêt à m'accueillir. Un t-shirt blanc et un jean feront l'affaire. Mes crampes m'empêchèrent d'aller aussi vite que je l'aurais voulu, mais lorsqu'Alec ouvrit la porte, je ne portais plus mon vieux pyjama.
- Merde, souffla-t-il en appuyant sons dos contre la porte qu'il venait de fermer de son pied. Je pensais te trouver dans une tenue plus ... indécente.
Son commentaire me parut insignifiant comparé à la tenue qu'il portait. Son himation, un vêtement de la Grèce antique fréquemment porté par les hommes, recouvraient seulement son épaule droite et le bas de son corps, laissant son torse musclé et bronzé sous les yeux avides de ... Stop !
- C'est quoi, cette guenille ? mentis-je aussitôt en désignant le tissue d'un vague geste de la main.
Rien de vaut la taquinerie pour refouler ses émotions, n'est-ce pas ?
- Profite bien de ce que tu as sous les yeux, je déteste porter ce genre de truc, fit-il en tournant sur lui même pour bien me montrer ses fesses moulées par le tissu.
- Je ... Qu'est-ce que tu crois ? Je t'ai déjà dit que ton torse imberbe ne m'intéressait pas.
- Ouais, c'est pour ça que tu t'es jeté sur moi quand ...
- Pardon ? le coupai-je en me rapprochant de lui. C'est toi qui m'as embrassé !
Alec balaya le sujet d'un revers de la main tout en me tendant un sac en toile.
- Mets ça, la cérémonie commence dans peu de temps, m'avertit-il en se dirigeant vers le grand fauteuil.
- Alors ... je vais vraiment participer à cette cérémonie ? m'exclamai-je en ramenant le paquet vers ma poitrine.
- Moi aussi ça m'étonne venant de Leith, il doit certainement préparer un sale coup ...
- Alec ..., me plaignis-je en grognant. Tu ne veux pas arrêter de te méfier de tout ? Ça fait longtemps que je ne suis pas partie en voyage et j'aimerais bien profiter un temps soit peu de l'Olympe.
Évidemment, je n'oubliais pas les paroles de Kallisté. J'étais avant tout ici pour récolter des informations, mais ... m'amuser un peu n'allait pas empiéter sur la mission que je m'étais fixée. En tout cas, j'essayais de m'en persuader.
- Tu ne te rends pas compte d'où tu es, me coupa-t-il avec son regard sérieux. Mon avertissement est toujours le même, méfie toi de tout le monde y compris de moi. Si Leith nous donne l'ordre de te tuer, nous devrons le faire sans discuter. J'ai du te répéter cette phrase au moins mille fois.
- Donc, tu serais prêt à me tuer juste parce qu'il te le demande ?
Ma bonne humeur vola en éclat.
- C'est plus compliqué que ça, Ambre, voulut-il me réconforter en se dirigeant vers moi. La malédiction oblige les descendants à obéir à Leith, c'est ... c'est comme une force, une emprise sur nos corps et notre âme. Nous ne sommes plus nous même et ... je pourrais très bien t'arracher la tête à ce moment là, finit-il en posant délicatement ses doigts sur mon cou.
Sean avait déjà évoqué la malédiction à plusieurs reprises, mais je ne pensais pas qu'Alec en était également victime. Du moins, c'était ce qu'avait affirmé Sean.
- Je pensais que tu étais le seul à pouvoir t'opposer à Leith.
- Il a moins d'emprise sur moi que les autres, mais le pacte que nous avons fait est bien plus que de simples paroles. Lui seul peut le révoquer, et je suis toujours à sa merci.
- Sean semble l'ignorer, remarquai-je en pinçant le tissu du fauteuil.
Alec pouffa de rire, mais se reprit immédiatement. Ses doigts dansaient toujours sur mon cou dans des mouvements circulaires, de quoi faire vaciller ma concentration.
- Leith s'amuse à faire croire aux autres que je suis « libre » et que ma loyauté est un choix. Sean se doute depuis des années que j'ai fait un pacte avec Leith, mais il garde cette information pour lui. Sait-on jamais quand est-ce que cela lui sera utile dans ses propres intérêts. Tu comprends quand je te dis qu'il peut te tuer à tout moment ?
- Je ne crois pas que Leith soit capable ...
Alec s'éloigna brusquement en jurant, ne laissant que du froid et des frissons là où ses doigts s'étaient posés plus tôt.
- Tu as peut-être l'impression qu'il s'est adouci, et je te l'accorde, il est de très bonne humeur en ce moment, mais ... j'ai vu de mes propres yeux ce gosse se transformer en monstre ! Toi aussi, tu l'as vu, il est pire qu'une bête et son père m'inquiète encore plus que lui.
- Écoute, Alec, hésitai-je en m'asseyant à mon tour sur le fauteuil. Leith est cruel. Je le sais. Mais ... je ne pense pas qu'agir de cette façon soit une solution. J'ai l'intime conviction que ce garçon a besoin ... a besoin ... d'amour. Un amour sincère et non illusoire provenant d'une stupide malédiction.
Le regard noir d'Alec me fit m'enfoncer d'autant plus dans mon fauteuil. S'il avait pu me tuer là maintenant, je n'aurais certainement pas mis la faute de son geste sur ce fichu pacte. Ses yeux m'analysèrent sous toutes mes coutures comme pour y déceler une mauvaise blague.
- Je rêve où t'es en train de le défendre ? demanda-t-il avec calme et froideur.
- Non, je te donne seulement mon point de vue, répondis-je sur le même ton. La perte de sa gouvernante a du provoquer une sorte de ... de ... traumatisme, j'en sais rien ! Tu ne vois pas que c'est pire depuis qu'il a perdu le descendant de Poséidon ? Je ne dis pas que ses agissements sont défendables et je sais très bien que tu le connais depuis plus longtemps que moi, mais tu ne t'es jamais dit que ta haine t'empêchait de voir certaines choses ? finis-je, presque essoufflée.
- Je pensais que tu comprendrais, avoua-t-il en mettant sa tête en arrière.
Il se mordit les lèvres, tout en évitant mon regard. Sa déception me paralysa sur place, et l'idée même qu'il puisse m'ignorer me donna des vertiges.
- Ne me regarde pas comme ça, murmurai-je en sentant mon nez picoter. Je suis de ton côté, tu le sais très bien ! Je serai toujours de ton côté !
Alec se déplaça à grands pas devant le fauteuil, et son regard fou se perdit dans le mien lorsqu'il s'abaissa à ma hauteur.
- Alors, déteste le ! hurla-t-il en me serrant brusquement par les épaules.
- Tu ... tu te rends compte de ce que tu me demandes ? criai-je en essayant de le repousser en vain.
Ses mains tremblantes s'agrippèrent avec plus de force sur mes épaules. Dans moins d'une minute, mon corps sera réduit en compote. Mais la douleur physique n'était rien face à mon ahurissement.
- Ambre, j'ai peur pour toi, m'avoua-t-il en baissant la tête. Tu es exactement comme Aria, je ne veux pas que tu finisses comme elle ! Tu entends ? Il faut que tu restes éloigné de Leith ! me cria-t-il au visage cette fois en me maintenant par le menton.
Des taches jaunâtres s'agitèrent dans ses beaux yeux verts. Je me laissai faire, comme une poupée de chiffon, certainement parce que je ne connaissais pas ce garçon dominé par la folie. Je n'avais plus Alec devant les yeux, mais un étranger capable de n'importe quoi.
- Alec, tu me fais mal ! gémis-je en tentant de lui donner un coup de pied bien placé.
Ce dernier s'éloigna brusquement en reprenant ses esprits sans que j'aie eu besoin de le toucher. La peur lui avait fait perdre tous ses moyens et c'était bien la première qu'une telle chose se produisait depuis notre rencontre. Il voulut partir sans plus d'explication, mais je le retins en me jetant sur son dos.
Le refus qu'il m'imagine contre lui était certainement la pire chose au monde à ce moment là. Je ne le laisserai pas partir, jamais.
- Je resterai toujours avec toi, Alec, soufflai-je en levant la tête. Tu n'es plus tout seul, maintenant.
Sa respiration aussi haletante que la mienne résonnait dans la grande chambre. Mes aveux sonnaient plus comme une supplication, alors je continuai toujours en le serrant fort dans les bras, de peur qu'il ne prenne la fuite.
- Je ... Je pense que mes origines ont un rapport avec vous. Alors, il faut que je reste. Je veux savoir, tu comprends ?
Hors de question de révéler l'existence des Dragons et de Kallisté tant que je n'y mettais pas plus d'ordre, même si cela me déchirait le cœur de devoir lui cacher la vérité. Pourtant, Alec ne sembla pas surpris d'une telle révélation.
- Tout le monde le sait, m'avoua Alec avec une petite voix, tu ne serais pas ici dans cet état sinon, mais ... J'ai l'impression que tu sais beaucoup plus de choses que nous à ce sujet.
Il se retourna et me fit face, et cette fois, je reconnus l'Alec maitrisé et confiant que j'aimais tant. Je voulus répondre, mais il m'en empêcha en levant sa main en l'air.
- Je sais que tu ne dois pas m'en parler. J'ai compris dès que tu as évoqué la voix que toi seule entend. Il n'y a que les divinités qui ont des apparitions de ce genre.
- Je vois, soufflai-je en évitant son regard. Je suis désolée de ne pas pouvoir me livrer autant que tu l'as fait.
- Ne t'excuse pas, je l'ai fait délibérément et en connaissance de cause. Tu n'as pas à te sentir redevable de quoi que ce soit, avoua-t-il avec un demi-sourire. Je ... je suis désolé d'avoir peté un câble comme ça, mais je ne supporte pas l'idée de te voir copiner avec Leith et les descendants, tu as bien vu de quoi était capable Vlad. Si tu savais combien de fois j'ai voulu les tuer, confessa-t-il en contractant la mâchoire.
- Ne t'inquiète pas pour moi, je suis bien plus forte que tu ne le penses, et ... je suis très bien entourée.
Alec leva les yeux au ciel, certainement parce qu'il ne me croyait pas, mais au moins l'animosité l'avait quitté.
Je ne sais combien de temps nous avions passé à nous regarder en silence, dans cette petite bulle qui me réconfortait tant. Imaginait-il sa vie à mes côtés si il n'y avait pas les descendants, comme moi je m'amusais souvent à le faire ?
Un soupire lasse lui échappa et il fut le premier à briser notre contact visuel.
- Je crois qu'on va rater la cérémonie.
Je baissai les yeux en maudissant ma naïveté et mes sentiments qui me consumaient petit a petit de l'intérieur. J'avais beau me mentir à moi-même, la douleur ne disparaissait pas.
J'étais folle amoureuse d'Alec Walker, et lorsque les divinités olympiennes ne seront plus un problème, je jure qu'il sera à moi.
Note :
* Le flurbiprofen est l'équivalent de l'Antadys aux Etats-Unis. Il s'agit d'un médicament pour calmer les règles douloureuses, tu coco.
____
Yooooo
J'ai écrit ce chapitre en une soirée, je sais pas ce qu'il m'a pris, mais le voilà. Dîtes moi ce que vous en pensez !
Ceux qui sont sur Instagram ont eu un avant goût du chapitre. Je culpabilise moins en me disant que la plupart des lecteurs soutiennent Alec 😭
MAIS ! Pour la team Leith, ne vous inquiétez pas, notre beau jeune homme n'est pas prêt de disparaître ou de se faire petit, c'est même tout le contraire 😅
À dimanche, kiss kiss !
Rq : Je tenais à préciser que même si Alec s'est éloigné d'Hélène lors du voyage, cette dernière n'a pas retrouvé la mémoire pour autant. Ça sera expliqué dans les prochains chapitres ☺️
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