Chapitre 50 : Vlad
Le temps s'était couvert en seulement quelques minutes. Il m'avait fallu du temps pour monter les escaliers, mais depuis l'étage, les nuages gris dansaient dangereusement autour du soleil. J'aurais peut-être dû interpréter cette météo comme un mauvais signe, mais ma détermination n'avait toujours pas bougé d'un iota.
Le couloir, pourtant étroit et lugubre il y a une heure, me paraissait bien plus rapide à traverser. Il faut dire que j'étais pressée de rejoindre Hélène pour notre initiation « Miyazaki » avec Saphira. Cette petite n'avait jamais regardé un seul dessin animé de sa vie, chose inconcevable pour la gamine que j'étais.
J'arrivai bientôt dans la salle d'examen, qui était désormais vide. Je rebroussai chemin, me demandant comment j'avais pu manquer Alec, puis trouva vite une réponse. La téléportation.
Pourtant, le détour en valu la chandelle.
J'aperçus dans un petit coin de la salle de conférence, au rez-de-chaussée, le dos bien droit de Vlad. En face de cette fenêtre imposante, il paraissait regarder le monde de haut. Les moulures au plafond aussi dorées que sa barbe et sa longue chevelure contrastaient avec les tableaux gris et noirs qui encadraient le grand bureau. Cette décoration se trouvait être similaire à la chambre de Leith. Ses bras étaient toujours croisés sur son torse, même lorsque je signalai ma présence par un raclement de gorge.
- Tu as fini par revenir, me félicita-t-il en me faisant face. Je t'attendais.
Un soudain mal de crâne fit tomber la paperasse que je tenais encore au coude il y a quelques secondes. Mes migraines n'avaient pas fait leur apparition depuis un moment, et l'effet de surprise était telle que je mis du temps avant de reprendre mes esprits.
- J'ai lu des légendes sur des créatures immondes qui te ressemblaient, avoua-t-il avec sa bouche tordue par le dégoût. Cheveux noirs, yeux dorés, grande taille. Les femmes de ce clan avaient une beauté à couper le souffle.
Je préservai une distance de sécurité entre nous, sait-on jamais de quoi ce type était capable. Sous ses airs de trentenaire célibataire et avantageux, le grand Vlad cachait bien son jeu, du moins, tout mon entourage m'avait mise en garde contre lui. Similaire à Leith, il semblait vouer une haine viscérale à Hadès, si ce n'était qu'à toutes les personnes en ce monde qui foulaient ces terres. Le roi et le petit peuple, voilà une image qui correspondrait parfaitement à sa vision des choses. Et pourtant, il fallait admettre que cet homme avait la prestance d'un grand souverain. Alec et Leith faisaient pâle allure face à son charisme prédominant. Une taille et un corps à faire jalouser les plus beaux d'entre nous, des vêtements soignés, un vocabulaire riche, des connaissances que j'estimai illimitées et ... des promesses fallacieuses. Vlad avait tout d'un descendant de Zeus.
Le père de Leith lâcha un sourire en coin, me détailla des pieds à la tête comme le ferait un chasseur avec sa proie, puis commença à combler la distance qui nous séparait. Mon corps réagit au quart de tour. Une nuée de picotements s'abattirent le long de ma colonne vertébrale jusqu'à hérisser tous les poils de ma nuque. Les bourdonnements m'empêchèrent d'entendre le début de sa phase, mais la fin fut pourtant limpide.
- ... Mais, tu es bien trop idiote et faible pour que je puisse te comparer à eux, se rassura-t-il en levant la main. Tenter de m'humilier pour ensuite partir comme une lâche ? Cela ne leur ressemblait pas. Ils étaient forts, courageux, et personne ne leur faisait peur, y compris mes prédécesseurs.
Forts et courageux ? Mes pensées se tournèrent immédiatement vers Kallisté et les Dragons, mais aussi à ce fossé qui nous séparait et dont j'avais si honte. Même si je descendais des Dragons, un clan autrefois puissant et redouté de tous, mon âme appartenait clairement à celle des humains. La nature ne m'avait pas gâtée ... Je maîtrisais mal mes dons, et la peur et l'angoisse m'avaient fait fuir la queue entre les jambes à maintes reprises. Je n'étais pas digne de porter ce nom, voilà la triste vérité, et pourtant ... et pourtant le fait que Vlad soit persuadée de ma non-appartenance à cette prestigieuse famille me fendit le cœur.
- Quelles étaient ces créatures ? demandai-je en sachant pertinemment la réponse.
Vlad n'avait jamais connu les Dragons, j'en été convaincue. Mon clan avait disparu il y des millénaires, mais pour la première fois, quelqu'un semblait connaître leur existence, que cela s'agisse d'un mythe ou non. Cette piste ne devait, sous aucun prétexte, être laissée aux abandons. Vlad avait des informations précieuses qu'il semblait cacher à son fils, et je ferai tout pour lui faire cracher le morceau.
- Ils sont tous morts, cracha-t-il en se retournant brusquement. Mais j'aurais aimé goûter au plaisir de les exterminer jusqu'au dernier.
Je n'eus pas le temps de réagir, lorsque son poing s'abattît avec force sur ma joue. La puissance fut telle que je m'écrasai quelques mètres plus loin contre une petit commode dont un vase en porcelaine de brisa en morceaux. Sous le choc, je mis du temps avant de bouger à nouveau. Sa rapidité et sa puissance n'avaient rien à envier à aucun surnaturel du campus. Malgré ma faible expérience en combat, je pouvais sans mal affirmer qu'il était l'un des plus redoutables descendant olympien.
Les boues de verre s'enfoncèrent dans ma paume, lorsque je tentai de me relever. La douleur me fit grimacer, mais elle était infime comparé à la panique qui me faisait tourner la tête. Je ne pouvais pas rivaliser avec lui, je n'avais aucune chance ne serait-ce que de le toucher.
On parlait tout de même de Vlad, un descendant de Zeus qui avait réussi à faire de son fils un descendant lui aussi. Je doutais même qu'il ait perdu ses dons.
Je me préparer tout de même à riposter en formant une défense ridicule avec mes bras.
- Je n'irai pas plus loin, Ambre Riva, s'avisa-t-il en nettoyant ses mains avec du gel hydroalcoolique sortit de sa poche. Les descendants olympiens semblent s'être amourachés d'une sale gamine, je voulais voir à qui j'avais affaire. Au vu de cet visage habité par la peur, je n'ai rien à craindre de toi.
Ces dernières paroles me donnèrent des frissons. La honte me paralysait sur place.
- Je n'ai rien avoir avec eu, m'empressai-je tout de même d'ajouter en haussant la voix.
- Ce n'est pas ce que j'ai pu constater. Mon fils n'aurait jamais délaissé ses fonctions pour une ... femme. Il ne m'a jamais rien caché, et cela me contrarie fortement.
- Croyez-moi, Leith est loin d'être devenu aussi humain que moi et mes amis, mais j'espère bien le faire changer !
Cette phrase était sortie bien avant que j'y réfléchisse. Moi, aider Leith ? Ce garçon était un cas désespéré. Et puis ... en quoi une fille comme moi pouvait le faire évoluer ?
Son rire grave fit soudainement écho dans la grande salle. Je cachai mes mains tremblantes derrière mon dos, prête à le voir bondir poing en avant.
- J'aimerais bien voir ça. Leith est aussi fou que moi, ce n'est pas pour rien qu'il est mon fils.
Vlad s'avança de plusieurs pas, jusqu'à rejoindre l'endroit où j'avais atterri plus tôt. Durant ce laps de temps, je n'avais pas bougé d'un centimètre. Ma respiration s'était coupée, et la tête me tournait. Jamais, je n'avais été aussi vulnérable et désemparée qu'aujourd'hui.
Son visage n'était plus qu'à quelques centimètres du mien et sa bouche s'approcha de mon oreille au point que je sente sa longue barbe blonde contre ma joue. Je fermai avec force les yeux en hoquetant de surprise.
- Laisse les divinités tranquille, ou je te ferai disparaître, me chuchota-t-il.
Le vide, l'épouvante, le désespoir, la perte. Ces quatre mots défilaient sans cesse dans mon esprit.
- Ambre !
Je sursautai et revins sur terre, lorsqu'Alec entra en trombe par la porte arrière. Vlad en profita pour s'éloigner, et ma respiration reprit de nouveau. J'avalai de grandes goulées d'air en toussotant et me relever avec difficulté tout en cachant mes paumes derrière mon dos. Je retardai le moment de vérité, qui pourtant, sautait aux yeux lorsque l'on regardait le vase brisé au sol. Alec ne devait pas me voir aussi faible, hors de question.
Ses yeux verts passèrent du sol à ma joue puis à Vlad en une seconde à peine. Il inspira bruyamment, puis ferma les yeux quelques instants. Au vu de son poing serré, Alec semblait se retenir d'éclater la tête de ...
- Je te cherchais, dit-il calmement. Tu as oublié de me donner la feuille de barème.
Enfin, c'était ce que je croyais jusqu'à cette phrase.
- Je l'ai gardé au dortoir, lui répondis-je toujours en gardant un œil au père de Leith.
Je ne pouvais me résoudre à le regarder dans les yeux. La peur était peut-être redescendue, mais elle demeurait toujours. Mes doigts fébriles tremblaient encore.
- Tu récupères toujours aussi vite, s'étonna faussement Vlad. Et dire que tu n'étais pas capable de bouger il y a quelques heures.
Alec ne dit rien, et je compris immédiatement que Vlad était le responsable de son état.
- C'est vous qui ...
- Alors, c'est toi qui l'as aidé ? me coupa-t-il en me foudroyant des yeux. Et qu'est-ce que tu faisais dans le dortoir des garçons à cette heure ?
Je reculai de deux pas jusqu'à ce que ma tête se cogne contre le mur. Vlad m'incitai implicitement de ne plus approcher ses propriétés.
- Elle était censée me rejoindre pour travailler notre oral, certifia avec nonchalance Alec.
- Et tu penses que je vais te croire ?
Leith en profita pour entrer à ce moment, accompagné de Sean et Seth.
Génial, je suis entourée des pires créatures que le monde ait connu. On ne peut pas rêver mieux ...
- Il dit la vérité, Père, je le sais.
Vlad haussa un sourcil, mais se détendit aussitôt.
- Je vous laisse à vos occupations. Quant à toi, ajouta-t-il dans ma direction, je t'ai à l'œil.
Le père de Leith partit d'une démarche confiante, sans se retourner. Sa présence en ses lieux n'annonçaient rien de bon, je le savais depuis le début, mais jamais j'aurais aimé que la situation dérape ainsi. Ambre Riva, en plus d'avoir toutes les divinités du campus à ses fesses, devait s'attirer les foudres du plus terrible d'entre eux.
Les portes claquèrent lourdement lorsqu'il fut parti, mais je restai encore contre ce fichu mur.
Un gros coup sur la tête me fit pourtant tribucher en avant. Je me rattrapai de justesse contre le torse de Sean en jurant comme un ogre. La peur s'était envolée, pour laisser place à la colère.
- C'est pas possible d'être aussi débile ! hurla Leith avec la pile de livres qu'il avait utilisée pour me frapper.
- Ça fait mal !
- C'est mérité ! Si on était pas intervenu, tu serais peut-être morte. Remercie nous au lieu de te plaindre !
- Je maîtrisais parfaitement la situation ! ne pus-je m'empêcher de mentir. Je n'ai pas besoin de toi, ni de qui que soit pour me défendre. Et d'abord, qu'est-ce que ça peut te foutre ? C'est à cause de toi si je suis mêlée à vos histoires !
- Leith a raison, avoua Alec. Nous ne pouvons pas nous imposer face à Vlad, personne ne le peut. Tu ne peux plus retourner en arrière maintenant, alors il faut que tu fasses plus attention.
Alec n'ajouta rien de plus et commença à se diriger vers la sortie. Sean haussa les épaules et fit de même, non sans ricaner comme une hyène. Il ne restait plus que Leith et moi, et je maudissai l'ignorance d'Alec en cet instant. Peut importe ce qu'il pouvait m'arriver, il s'en foutait complètement.
- Donne, m'ordonna Leith en saisissant avec force ma main.
Ma bouche se tordit de douleur, mais aucun son ne s'en échappa pas. Il enleva les bouts de verre sans effort, puis colla son autre main contre la mienne, encore ensanglantée, malgré mes protestations. Mes tremblements ne s'étaient toujours pas arrêtés, et j'espérai qu'il mette ça sur le compte de la douleur et non de ma peur viscérale.
- Qu'est-ce que tu ...
Des picotements et une chaleur émanèrent à notre contact, comme un feu qui crépitait au creux de ma paume. Des petits points lumineux et bleus jaillirent subitement de mon poignet qui tournoyèrent autour de nos mains. Leith semblait concentré sur sa tâche et quitta des yeux son travail seulement lorsqu'il finit. J'observai ma main avec stupeur, qui avait retrouvé son état d'origine. Plus aucun saignement, ni entailles n'étaient visibles.
- Impressionnant ! m'exclamai-je en tournant et retournant mon bras. Merci.
- Pourquoi tu me remercies ? s'enquit-il en me tournant le dos.
Je le suivis, en descendant les marches de l'estrade. Mes jambes pouvaient de nouveau bouger.
- Bah ... tu viens de me soigner ?
- Pas du tout ! s'offusqua-t-il en me lançant un regard étrange. J'ai hérité des dons de Poseidon à sa mort, cela faisait un moment que je voulais essayer, mais ... je n'allais quand même pas me faire mal exprès.
Un sourire en coin illumina son visage. Je ne dis rien, bien trop gênée et en colère pour répondre quoi que ce soit. Puis ... qu'est-ce que je pouvais ajouter ? J'étais assez ridicule comme ça.
- Bon ... on se voit ce week-end alors.
- Pardon ?
Je m'arrêtai brusquement sur la route pavée de la fontaine.
- Tu as oublié notre marché ? Tu as promis de venir sur nos terres si ...
- Stop ! le coupai-je en me tenant face à lui. Je n'ai pas dit que j'étais d'accord pour CE week-end, sans oublier que les notes n'ont même pas encore été affichées !
- Et dire que tu tremblais encore de peur, il y a quelques secondes, se moqua-t-il en me foudroyant des yeux. Tu as l'air d'aller mieux, maintenant.
- Ton père me fait bien plus peur que toi, avouai-je en détournant le regard.
- Donc, tu admets avoir peur de moi aussi ?
J'hésitai quelques secondes. La menace Leith avait disparu depuis des semaines. Je le savais capable de tout et dangereux, mais mon aversion a son égard s'était transformée en autre chose.
- Je pense pas que tu sois mauvais, au fond.
Je crus que Leith fut paralyser pendant quelques secondes. Ses yeux s'ouvrirent comme deux grandes soucoupes et sa bouche resta entre-ouverte, mais je ne pus m'empêcher de rire.
- Tu n'as pas répondu à ma question pour les notes, ajoutai-je lorsque je remarquai qu'il n'avait toujours pas bougé.
Leith sembla reprendre contenance. Il secoua négativement la tête, comme pour oublier mes paroles.
- Je connais déjà la vôtre. Un beau H.
- Qu'est-ce que tu racontes, ça n'existe même pas ! m'écriai-je en ignorant son sourire en coin.
- H comme horrible, c'est ce que m'a dit mon père, s'amusa-t-il en se grattant le menton.
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Coucouuu :3
Le petit Vlad a pêté son câble, c'est de famille apparemment 😅
Pour le prochain chapitre, nous aurons un chapitre Ambalec car si vous n'avez pas oublié, Leith a promis d'accorder quelques jours de repos à notre grand garçon d'amour 🥰
N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé du chapitre, histoire que je puisse améliorer les fautes / incohérences.
Bonne fin de semaine !
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