Chapitre 4 : Diafosa
Hélène essayait de me faire penser à autre chose avec des blagues, et j'avouais que ça marchait, mais le chemin soudain devenu plus étroit ranima mon angoisse. L'air ambiant était désormais glacial et lourd, comme si la forêt voulait nous avertir d'un danger imminent. Au bout de ce passage exigu, un portail qui m'avait l'air d'ailleurs vachement facile à monter, nous fit face.
— Votre sécurité est pitoyable, lâchai-je dans un soupir.
— Détrompe-toi. Une barrière ensorcelée entoure tout le territoire de l'école. Une fois qu'un être humain traverse le portail, nous sommes immédiatement avertis. Mais on t'expliquera tout ça en cours, finit-elle avec un sourire.
— Évidemment, une barrière magique, ironisai-je avec un rire amer. Donc personne ne savait que j'étais entrée ?
— Exactement. Seul Alec t'a sentie apparemment, mais bon ça ne m'étonne pas de lui, soupira-t-elle.
Nous avons ouvert les portes et avons commencé à avancer le long d'un chemin pavé qui nous mena droit sur une mini-ville. À la seconde même où j'avais passé l'entrée, les murs pourtant si minuscules, s'étaient transformés en une muraille immense. La forêt, qui nous entourait pourtant il y a quelques secondes, avait été remplacée par des bâtisses aux briques oranges et jaunes et quelques fontaines aux colonnes flamboyantes. Un parc, à la pelouse parfaitement tondue, s'étendait sur des dizaines de mètres avec çà et là des statues en marbre gris ternies par le temps où quelques étudiants se prélassaient au soleil. L'architecture au style anglais me rappelait mon voyage scolaire à Manchester, et malgré l'odeur des petits gâteaux au four, cet endroit me foutait une peur bleue. La crainte de découvrir des choses dont je n'avais aucune explication logique me faisait trembler des pieds à la tête.
— L'énorme bâtiment que tu vois au fond sont les salles de classe. Celui collé au grand, c'est le réfectoire, mais il y a aussi des restaurants et des cafés à l'étage. Les dortoirs sont un peu plus loin, je te montrerai tout à l'heure, commença-t-elle en me montrant du doigt le paysage environnant.
— T'es sûre que j'ai le droit d'être ici ? Et comment je vais pouvoir changer d'école en si peu de temps ? Il me faut l'accord de ma mère et aussi que je ramène mes papiers puis...
J'étais désormais hésitante à l'idée de rester dans un tel endroit, et si la moindre excuse pouvait dissuader Hélène de m'emmener, j'en serais ravie. Je ne pouvais toujours pas expliquer comment la forêt avait laissé place à une mini ville en un claquement de doigt. Un fond vert ? Des effets spéciaux ? Bordel, j'en savais rien !
— Ne t'inquiète pas, tout est prévu. Ta mère doit sûrement être au courant. Naphira sait déjà que tu es ici à mon avis, c'est la directrice de l'école, même si elle a peu de pouvoir ici. Elle s'occupe seulement de la paperasse des élèves. Puis, en tant que vampire, elle sait être très persuasive.
— Je suppose que par vampire, tu sous entends hypnotiseur. Je refuse qu'on hypnotise ma mère, d'ailleurs ! m'empressai-je d'ajouter en la secouant par l'épaule.
— Je n'ai pas dit ça ! Il s'agit bien de vampire, Ambre, ceux qui boivent du sang, tu sais ? Et il est impossible de le faire au téléphone, ils ont nécessairement besoin d'un contact visuel, me coupa-t-elle. N'essaye pas de trouver des excuses à tout ce que tu vois, accepte-les seulement, même si c'est difficile à avaler.
J'ignorais si cette dernière phrase était rassurante ou non. Si cette fameuse Naphira avait prévenu ma mère, je doutais qu'elle ait eu du mal en réalité ... Mouais, j'étais même persuadée qu'elle avait prévenu toute la famille à l'heure qu'il était. Après tout, ma mère avait toujours admiré cette école, je mettrais même ma main à couper qu'elle allait m'accueillir en grande pompe ce soir. Sa fille, admise à Diafosa, une école prestigieuse où seuls les surdoués étaient acceptés. Comment allais-je me sortir de cette situation ?
— Les bureaux sont à l'étage, il suffit de traverser la cour Ouest.
C'était un vrai labyrinthe que je visitais désormais. Ainsi, je ne lâchai pas d'une semelle mon Minho qui me servait de guide.
Nous montâmes enfin les escaliers, lorsque je croisai certains étudiants en uniforme, tous absolument radieux. Un détail m'interpella cependant.
— Pourquoi les cravates des étudiants ne sont pas de la même couleur ? demandai-je en suivant un étudiant du regard. D'ailleurs, tu n'en portes pas.
— La cravate indique la section, fit-elle en scrutant la cravate rouge de l'étudiant. Nous sommes en vacances, même si la plupart reste ici plutôt que d'aller voir leur famille. Mes parents habitent au pied de la montagne, j'en profite donc pour leur faire un coucou de temps en temps, me répondit-elle en attachant ses longs cheveux roux. Le mec que tu viens de voir est un vampire, on ne se casse pas la tête avec le choix des couleurs.
— Section ? Tu veux dire les classes ?
— Il y a cinq sections qui forment l'ensemble du cœur étudiant. Chacune correspond à une espèce différente, et porte le nom de leur ancien créateur. Circë pour les sorciers, Lomelindi pour les fées et les nymphes, Sauron pour les vampires, Sindar pour les loups garous et les métamorphes. Enfin, Tilion qui regroupe les espèces dangereuses.
— Je parie que le psychopathe de tout à l'heure est un Tirion, osai-je en riant.
— Tilion, me corrigea-t-elle. Et si tu parles d'Alec, tu as raison, il en est même le gardien. Les Tilion sont les pires, ils regroupent des sorciers noirs, des alpha incontrôlables, quelques vampires aux dons rares et surtout les divinités, des créatures assez folkloriques et instables, fit-elle avec une grimace.
— Evidemment, des divinités, plaisantai-je en pouffant de rire.
J'avouais que leurs petites histoires commençaient à être de plus en plus intéressantes à écouter. Hélène leva les yeux au ciel, certainement déçue que je ne prenne pas tout cela au sérieux.
— Comment pouvez-vous vivre en communauté dans ces conditions ? Vous n'êtes pas mélangés, repris-je à toute vitesse, presque sur d'avoir trouvé une faille à ces bêtises.
— Nous sommes mélangés, justement ! Sinon l'école n'aurait aucun sens. Il y a simplement des cours aménagés pour faciliter l'apprentissage des pouvoirs et de l'histoire de chacune des espèces. Tu imagines bien qu'un loup et une fée n'ont absolument pas les mêmes compétences physiques. Puis, nos instincts nous obligent à rester avec nos semblables, en particulier pour les loups-garous. Il a été primordial de former une sorte de repère, où nous pouvons nous retrouver. Petit à petit, ce sont devenues des sections, où chacune à sa propre identité. Tu vas d'ailleurs être toute excitée pour ton premier tournoi de Capflag, s'extasia-t-elle en me touchant l'épaule.
— Mh, c'est un peu comme Harry Potter votre truc.
— C'est un peu l'idée, sauf qu'ici ce sont les élèves qui dirigent l'école. Chaque section est dirigée par un gardien qui sont sélectionnés lors d'examens extrêmement dangereux, puis il y a le président qui dirige tout ce beau monde. Apparemment, c'est assez traumatisant. Une année, une fée est restée dans le coma pendant cinq mois, fit-elle en souriant.
À ma grande déception, cette anecdote ne me fit pas autant rire qu'elle.
— Et les divinités alors ? Pourquoi n'ont-elles pas une section pour elles-seules ? Elles ne sont pas si dangereuses, si ?
— Déjà, ce ne sont pas vraiment des divinités, mais les descendants des dieux.
La différence m'importait peu à l'heure actuelle.
— Ils n'ont pas totalement leurs pouvoirs, sinon ça serait la fin du monde, expliqua-t-elle en évitant un géant cactus.
À la réflexion, la différence était cruciale.
— Toutefois, ce sont les plus puissants en matière de magie. Ils n'ont pas la même capacité que nous à puiser de l'énergie pour utiliser leurs pouvoirs. C'est un peu comme s'ils avaient un énorme stock d'énergie, comparé aux sorcières qui s'épuisent bien plus vite. Ils ont aussi beaucoup de mal à contrôler leurs dons, ce qui les rend d'autant plus dangereux. Tu suis ?
— On va dire que oui. D'ailleurs, tu ne m'as même pas dit ce que tu étais. Laisse-moi réfléchir, pensai-je tout haut.
Dans le cas d'Hélène, la réponse était comme écrite sur son front.
— Une fée ?
— Bravo Sherlock, tu t'adaptes vite ! Mais bon, ce n'est pas vraiment difficile dans mon cas. Tu m'as vue ? me questionna-t-elle en tournant sur elle-même.
Sa robe en flanelle rose ne lui donnait pas l'air d'un hypnoti ... euh ... vampire suceur de sang. Je pensais alors au garçon en uniforme qui m'avait étranglée. Ses yeux verts, pareils à du malachite, n'avait toujours pas quitté ma mémoire.
— Pitié, ne pense pas à Alec. Il est assez terrifiant comme ça, gémit Hélène.
— Je n'y peux rien, il a failli me tuer. Est-ce qu'il est un sorcier ? Son tour de magie était plutôt impressionnant.
— Aucun sorcier ne peut se téléporter à Diafosa. Alec descendant d'un dieu olympien, et pas n'importe lequel.
Ses sourcils se froncèrent et sa voix se fit plus basse comme si nous discutions d'un sujet tabous.
— Hadès.
Des frissons me parcoururent le dos. Même si tout ça me paraissait invraisemblable, je croyais les paroles d'Hélène pour la première fois. Il planait des ondes étranges autour de ce garçon, comme s'il incarnait la faucheuse en personne.
— Le descendant des enfers n'est pas à prendre à la légère, tu l'auras compris.
Oh ça, je m'en étais très vite rendue compte.
— Ça ne m'étonne même pas, ce mec est si cruel. Comment a-t-il pu être gardien ?
— Il a eu quatre-vingt-treize au test d'aptitude. C'est le deuxième meilleur score de l'école. Et encore, il n'a utilisé qu'un seul de ses dons lors de l'examen. Les Tilion respectent énormément Alec et ils ont surtout tous peur de lui. Il dirige cette section depuis qu'il a douze ans.
Elle termina sa phrase devant une énorme porte en bois, dont des inscriptions celtes étaient inscrites sur le cadran de la porte. Je priai intérieurement pour ne pas être dans cette section. Celle où les plus gros perturbés étaient rassemblés. Peut-être, seraient-ils cléments et me laisseraient-ils aux côtés d'Hélène. Elle ouvrit finalement la porte, après m'avoir lancé un sourire rassurant. Même si Hélène tentait de me calmer, des noeuds se formèrent dans mon estomac.
— Bienvenue à Diafosa, Ambre.
Une grande femme à la silhouette svelte et aux cheveux rouges se tenait derrière un bureau en verre. Elle ne se donna pas la peine de me regarder et tapota sur le clavier de son ordinateur. La pièce était ventilée, et une bonne odeur de café embaumait l'air.
— Asseyez-vous, nous ordonna-t-elle.
Inutile de le répéter deux fois. La balade en forêt et toutes ces émotions m'avaient exténuée. Je pris donc place dans le large fauteuil en velours noir et m'affalai comme une grosse larve. À coté, Hélène se tint parfaitement droite et prit même soin de plier ses jambes. J'étais à ce moment même la parfaite incarnation de Mimi-Siku.
— C'est un honneur d'accueillir la fille de Tristan Riva au sein de notre établissement. Je sais que tu as énormément de questions, mais quelqu'un s'occupera personnellement d'y répondre, m'expliqua-t-elle d'une voix lasse tout en ouvrant un gros dossier. Premièrement, j'ai appelé ta mère. Il n'est pas difficile d'inventer des excuses aux humains, ils croient tout ce qu'on leur dit, n'est-ce-pas ? Fournir tous les documents nécessaires à ton inscription devrait prendre plusieurs jours, mais nous te laissons tout de même t'installer dès aujourd'hui. Les frais de scolarité ne sont pas plus élevés qu'une autre école, et si ta famille a des difficultés financières, nous pourrons en reparler. Je doute toutefois que ce soit le cas, elle semblait satisfaite au téléphone. Des questions ? finit-elle en daignant enfin me regarder.
Elle n'aurait peut-être pas dû, ses yeux rouges étaient flippants. Une conjonctivite ? Des lentilles ? Je penchais plutôt vers ces options jusqu'à ce que ses canines brillent de mille feux.
- Euh je... Pour la section ? Et l'internat ? Et mes affaires ? commençai-je d'une traite. En fait, j'aimerais rentrer chez moi avant de ...
— Hors de question, me coupa-t-elle. Tu penses encore que les êtres surnaturels ne sont que futilités. Tu serais capable de révéler notre existence à ta mère, et c'est inconcevable. Tant que tu douteras de ce que tu es, je ne te laisserai pas partir. Tu sais donc ce qu'il te reste à faire.
Je me levai d'un bond, faisant tomber le fauteuil dans un bruit assourdissant.
— Ça s'appelle un kidnapping !
— Appelle-ça comme tu veux. Personne ne sait que tu es ici, alors je te conseille de collaborer. Tu as bien vu que nous te voulons aucun mal, Ambre. Rien ne t'empêche d'appeler ta mère non plus pour te convaincre de rester, tant que tu es surveillée. Je sais que tout ça est difficile à avaler, mais tu accepteras la situation bientôt.
J'en doutais fortement, mais je voulais pouvoir un jour retrouver ma mère, mieux valait que je me taise.
— Les étudiants partagent des appartements dans les dortoirs. Trois chambres, un salon, une cuisine. Nous privilégions des espèces différentes pour diminuer les phénomènes communautaires. Tu seras avec Hélène et une sorcière au bâtiment E, numéro 321, mais elle ne sera de retour qu'à la rentrée. Hélène, toi qui t'entendais mal avec tes camarades, je suppose que ça ne te pose pas de problème ?
La concernée sourit radieusement et secoua négativement la tête. Comment quelqu'un pourrait mal s'entendre avec Hélène ? C'était un ange. Enfin, une fée.
— Je te rappelle qu'il est strictement interdit que tu parles de ta nature, des activités, ou de quoi que ce soit d'anormal qui se passe dans cette école. Si jamais j'apprends le contraire, nous t'effacerons la mémoire immédiatement.
Cette dernière phrase m'arracha un sourire. Elle se leva doucement et commença à se rapprocher de la fenêtre. J'étais déçue à l'idée de ne pas passer la soirée avec ma mère, mais l'affronter avec toutes les choses que je devais lui cacher aurait été d'autant plus éprouvant, moi qui étais une piètre menteuse.
— Dernière chose, m'interpella-t-elle en se tournant. Le règlement intérieur est dans ta chambre, je veux que tu le lises avec attention. Concernant ton emploi du temps, tu verras tout cela avec Alec.
Le temps s'arrêta pendant lequel Hélène et moi échangeâmes un regard inquiet.
— Pardon ? Pourquoi lui ? demandai-je poliment sans toutefois retenir mes poings de se serrer.
Hélène semblait tout aussi surprise que moi. Elle avait à deux reprises ouvert de grands yeux ronds, un tic qu'elle faisait souvent apparemment.
— Ton père était un Tilion, et ne sachant pas l'étendue de tes pouvoirs, je préfère éviter une catastrophe. Mais ne t'inquiète pas, j'ai entendu parler de l'incident avec Alec. Tu ne seras avec ta section que deux heures par jour, lors des entraînements.
Deux heures ! C'était beaucoup trop ! J'espérais juste voir sa gueule le moins possible à celui-là. Non, en fait, je n'avais rien prévu du tout vu que j'étais censée intégrer une école normale. Traîner avec la section des anormaux ? Hors de question.
La vampire regarda mon visage inquiet et me lança :
— Tu n'as pas à t'inquiéter. Alec semble sévère comme ça, mais c'est l'un des meilleurs étudiants de notre école. C'est bien grâce à lui et le conseil que personne n'a encore osé franchir nos murs. Il t'a prise pour une intruse, et j'en suis profondément navrée. Il faut dire que nous ne recevons pas beaucoup de visite.
Elle me parlait d'un type qui avait failli me tuer. Pensait-elle que j'allais me jeter dans ses bras et le demander en mariage ?
— Hélène, je compte sur toi pour l'informer de tout ce qu'il y a à savoir. Pense à l'amener demain voir Alec. Quant à toi Ambre, n'hésite pas à venir me voir si quelque chose ne va pas. Vous pouvez partir maintenant.
Elle se rassit sur son grand fauteuil rouge, et continua de classer des dossiers. Hélène et moi quittâmes son bureau dans un silence de mort. Je ne m'attendais pas à revoir ce Alec aussi vite, et elle non plus. Il y avait au moins un côté positif, nous partagions le même appartement.
— Je me demande qui est l'imbécile qui a pensé à toutes ses règles ridicules.
— Le conseil, me répondit Hélène en arrangeant sa robe.
Je haussai un sourcil interrogateur.
— Tu te souviens des gardiens dont je t'ai parlé ?
— Comment pourrais-je oublier ce psychopathe ? déclarai-je en serrant les poings.
— Les cinq gardiens composent le conseil en plus du président. Ce sont eux qui dirigent l'école en gérant le budget, les partenariats, et surtout la sécurité. En réalité, certains professeurs y participent, mais ils sont seulement là pour les conseiller.
— Le président est également un étudiant ? Et pourquoi ce ne sont pas les professeurs qui dirigent, ils ont beaucoup plus d'expérience que ces merdeux, crachai-je.
— C'est la tradition de Diafosa. Nous sommes l'une des rares écoles dans ce cas.
— Attends, t'es en train de me dire qu'y a d'autres écoles comme celle-ci ?
Mon dieu, je ne pensais pas que la situation serait aussi catastrophique.
— Bien sûr, il y en a dans toutes les grandes villes du monde ! Une fois par an, nous recevons d'ailleurs des étudiants étrangers, puis ensuite, c'est à nous de leur rendre visite. Seul l'équipe de Capflag et quelques élites intellectuelles de l'école peuvent participer. Quant au président du conseil, il s'agit de Leith, lui aussi descendant d'une divinité. Mais il est en déplacement en ce moment. Il ne rentrera que dans quelques jours.
— Tu ne m'as toujours pas expliqué ce qu'était le Capflag, mais je suppose que ça doit être un sport violent qui a fait plusieurs blessés, c'est ça ? la taquinai-je en faisant danser mes sourcils.
— Mhh ... de mémoire elle n'a fait que quatre morts l'année dernière, ce qui est peu.
Je m'étranglai avec ma propre salive au point où Hélène du me taper dans le dos pour me calmer.
— Q-quatre morts ? C'est quoi ce sport ?
— Une sorte de capture du drapeau, façon surnaturel, répondit-elle avec un clin d'œil. Les règles sont assez simples. Chaque équipe possède un drapeau qu'il faut défendre. L'objectif est de capturer le drapeau adverse pour le ramener dans son camp sans se faire attraper. M. Hanz t'expliquera tout ça mieux que moi, c'est l'entraîneur.
— Je refuse catégoriquement, protestai-je. Et c'est légal au moins ? Dis-moi, vos professeurs se font inspecter ici, parce que ça me paraît vachement gros là.
Hélène secoua la tête.
— Tout ce que tu as vu ne te suffit pas comme preuve ?
— Tout ce que je vois me prouve que cette école devrait se manger un procès au cul !
Elle laissa retomber mollement son bras contre son flanc.
— Ambre, s'il-te-plait, il faut que tu me fasses confiance. Je te promets que tout te sautera bientôt aux yeux, mais peux-tu me promettre d'être davantage ... ouverte d'esprit ?
— Comment le pourrais-je ? Je viens à peine de débarquer dans votre monde, et je n'ai jamais été du genre à croire à toutes ces bizarreries comme les fantômes ou je-ne-sais-quoi.
— Il y a une différence entre ne pas y croire et refuser d'y croire. Alec s'est téléporté devant tes yeux, j'ai lu tes pensées, tu as rencontré un vampire ... accepte-le et tout ira mieux.
À ce moment là, je faillis y croire. Réellement. Surtout lorsque je me revoyais plus jeune, étant la plus forte et la plus rapide des filles de ma classe. Ma mère m'avait emmenée chez un médecin qui n'avait pas pu trouver d'explications. Oui, j'étais spéciale, mais ce qu'il se passait à Diafosa l'était d'autant plus.
— Bon, me coupa-elle. Je te laisserai tout le temps qu'il te faut pour t'adapter, et je suis là en cas de problème. Sache seulement que tu n'as pas le choix, le Capflag est un cours obligatoire. Mais ne t'inquiète pas, les cours sont beaucoup moins violents que les matchs. Lors des tournois, tout est permis.
C'était bien la première fois qu'Hélène ne réussissait pas à me rassurer. Heureusement, nous arrivâmes désormais dans une magnifique forêt, me faisant ainsi légèrement oublier ce qui m'attendrait prochainement à la rentrée. Comme le soleil commençait déjà à se coucher, un somptueux halo de lumière teintait la nature environnante d'un sublime orange saumon. Les hiboux commençaient à hululer, ce fond sonore d'eau ruisselante et le chant des criquets me remémoraient ces bons souvenirs d'étés à Phoenix. J'aurais pensé être dans un rêve, si Hélène ne s'était pas brusquement arrêtée devant moi.
Plus loin, un fantastique chalet en bois trônait fièrement en équilibre sur de grandes roches. En hauteur, à gauche, l'aile en pierre était parcourue de lianes feuillues. La nature avait complètement pris possession du lieu. J'admirai au travers de ces grandes fenêtres, une multitude de coussins au sol et une large bibliothèque plus au fond. Des étudiants étaient confortablement assis et bavardaient.
— C'est la salle commune. Quand tu veux éviter tes colocs ou ne pas rester seule dans ta chambre, c'est l'endroit parfait.
— Dans ce cas, tu n'y mettras plus un pied.
Elle sourit timidement mais ne répondit rien. Apparemment ses colocataires avaient été odieuses avec elle. Dans un élan de réconfort, je mis mon bras sur ses épaules et la secouai dans tous les sens. Pas très malin, mais c'était la première idée qui m'était venue à l'esprit. Avec Angie, ça marchait tout le temps.
— Allez allez, si tu es sage, je te laisserai voir ma collection.
— Ta collection ?
— La collection des Riva, depuis des générations, ma petite, dis-je fièrement.
— Tu veux dire que ça appartenait à ton père ?
Ses yeux commençaient déjà à s'illuminer. Apparemment mon père était beaucoup plus réconfortant que moi.
— La plupart, oui.
— Alors, dépêchons nous d'entrer !
— Ma collection est dans ma chambre à l'heure qu'il est, pas à Diafosa.
— Naphira a sûrement oublié de te le dire, mais les sorciers peuvent téléporter quelques objets. Tant que ta mère ne s'en rend pas compte, c'est ok.
Elle me prit soudainement la main et courut en direction de la porte. Nous montâmes les escaliers à une telle vitesse que j'avais à peine eu le temps d'admirer l'intérieur.
— Le n°321 est au dernier étage, mais j'ai complètement oublié la clé ! Je reviens, ne bouge pas d'ici. Oh, et j'en profite pour leur demander quelques affaires à toi !
L'intérieur du bâtiment était épuré, parfaitement décoré et une douce odeur de vanille envahissait le couloir. Je montai désormais les quatre étages et cherchai donc ma nouvelle chambre, tout en tapotant les murs pour vérifier si je ne rêvais pas ... sait-on jamais.
— Ambre ?
Cette voix ne m'était que trop familière. Je me tournai rapidement et aperçus Angie avec un visage paniqué. Ses cheveux blonds étaient ébouriffés comme si il venait de se battre, et sa tenue de sport tâchée de boue et de sang. Pourtant, il semblait en grande forme.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Comment t'as pu entrer ? me cria-t-il en me détaillant des pieds à la tête. Viens, il faut que tu partes !
Son comportement commençait déjà à m'énerver. J'avais littéralement risqué ma vie pour le voir, et en plus il n'était pas content que je sois là.
— Réponds ! C'est super danger...
— Tais-toi ! Oui, je voulais te voir, oui, je suis entrée à Diafosa et je le regrette tellement ! Maintenant je suis embarquée dans toute cette histoire. Qu'est-ce que j'ai été bête de vouloir te faire cette surprise.
J'avais depuis tout l'après midi ce besoin de me défouler sur quelqu'un, bien que j'avais conscience qu'Angie subissait les dommages collatéraux.
— Ils pensent que les êtres surnaturels existent, que j'en suis une et que ... c'est des malades ! Je veux qu'on rentre à la maison.
Angie resta paralysé sur place et réfléchit plusieurs secondes pour emmagasiner tout ce que je venais de lui révéler.
— C'est pas ce que tu penses, Ambre. Calme toi d'abord, respire profondément, m'encouragea-t-il en me soutenant pas le bras.
Je sentais que la panique commençait à me faire perdre les pédales. Aussi, j'écoutai ses conseils en respirant plus doucement. Mon meilleur ami était enfin devant moi, je n'avais plus rien à craindre.
— J'ai agi comme ça justement parce que je ne voulais pas que tu viennes ici. Tu sais maintenant ce qu'il se cache derrière l'école, et ... je suis tellement désolé que ça se passe comme ça. Écoute bien ce que je vais te dire. Tu ... Je ...
Mes yeux étaient rivés sur sa bouche, et mes oreilles sifflaient presque tant j'étais concentrée sur ses paroles.
— Ce ne sont pas des mensonges, Ambre. Si tu es ici, c'est parce que tu es un être surnaturel, comme ton père. Je ... je pensais que tu étais une humaine comme ta mère, alors je ne t'ai jamais rien dit, bredouilla-t-il en passant les mains dans ses cheveux. J'ai toujours senti que ton père était différent, mais il n'a jamais rien dit à mes parents alors ...
— Angie, jure moi que tu ne mens pas, le suppliai-je en retenant mes larmes. Je ne comprends rien, rien de rien, et j'ai mal, suffoquai-je en appuyant sur mon cœur.
— Là, ce n'est rien, me réconforta-t-il en me caressant les joues. Tu es seulement choquée par la nouvelle, mais je te promets que tout ira mieux demain, d'accord ? Fais moi confiance.
La vérité avait un goût amer, et elle était si douloureuse. J'étais spéciale, de la même façon qu'Hélène et Angie, et je ne voulais même pas l'avouer. Je pleurais pendant des minutes et des minutes entières dans ses bras jusqu'à ce que je n'ai plus suffisamment de liquide lacrymal.
— Tu me le caches depuis toujours ? finis-je par demander en essuyant mon nez contre son t-shirt.
— Je ne sais pas vraiment, avoua-t-il en regardant la fenêtre puis en écartant mon nez plein de morve. Je pense que ... je m'en moquais, parce qu'il n'y avait aucune différence pour moi. Je t'ai accepté que tu sois humaine ou non.
— Alors, tu es un vampire ? Ou une fée ?
Cette dernière remarque le fit rire.
— Je suis avec les Sindar. Je voulais pas t'impliquer Ambre, et mes parents m'ont toujours juré de ne rien dire. Si il n'y avait pas eu ma famille, je t'en aurai parlé, je te le jure. Être un loup-garou implique de prendre soin des autres, tu comprends ?
Angie était parfaitement sincère, je voyais très bien dans ses yeux qu'il était rongé par la culpabilité. Et maintenant, c'était à mon tour. À sa place, j'aurais certainement réagi de la même façon. Comment pouvais-je être aussi égoïste ?
— Je ne t'en veux pas Angie, mais il me faudra du temps pour digérer tout ça.
— Bien sûr ! Si tu savais comme je suis content que tu saches tout, s'exclama-t-il avec un sourire resplendissant. On va même pouvoir fréquenter le même établissement comme à Phoenix ! Dis, à quelle section t'a-t-on assigné ?
— Les Tilion, soufflai-je. Mais ce n'est que temporaire pour le moment. D'après ce que j'ai compris, il faut juste que je prouve que mes pouvoirs, si j'en ai réellement, ne sont pas dangereux.
Son visage se tordit en une grimace.
— Les Tilion sont les pires, surtout leur gardien. J'aimerais tellement lui arracher la tête à ce type, avoua-t-il dans un grognement guttural.
— Le psychopathe aux cheveux noirs ? Ne m'en parle pas, il a failli me tuer tout à l'heure.
— Quoi ? Je vais l'étriper !
Angie commençait déjà à se tourner en vitesse.
— Arrête ! C'est fini maintenant ! Il pensait que j'étais une intruse ou je sais pas quoi...
— Il aurait vraiment pu te tuer. Ce type a anéanti toute sa famille à seulement huit ans.
— Anéanti ?
Mes yeux allaient presque sortir de leurs orbites.
— Ouais, mais c'est un sujet tabou ici, puis j'ai pas envie de te faire flipper.
Il était malheureusement trop tard pour ça.
— Dans tous les cas, méfie-toi de lui et ne reste jamais seule. Je sais que ta laideur d'ogre est impressionnante, mais à mon avis il en faudra plus pour l'atteindre... se moqua-t-il en éclatant de rire.
Cette remarque me fit étonnamment rire. Nos taquineries me redonnaient du baume au cœur. J'en avais bien besoin en ce moment. Je lui racontai finalement mon histoire, comment j'avais rencontré Alec et Hélène, mon inscription dans l'école, et tous mes doutes également. À la fin de mon récit, la fatigue faillit me coucher par terre. Nous avions bien parlé quarante minutes jusqu'au retour d'Hélène. Angie m'avait accompagnée devant ma chambre en me promettant de venir le voir jouer au prochain match. Etant désormais avec ma nouvelle colocataire, je ne pensais qu'à ma prochaine rencontre avec Alec, qui avait lieu le lendemain.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro