
Chapitre 36 : Contrat
Les secousses et le poids contre mon ventre me faisaient penser à un voyage sur un bateau. Si auparavant j'adorais voguer sur les océans en quête de nouvelles destinations, aujourd'hui le mal de mer menaçait de me faire régurgiter le peu d'aliments que j'avais avalés.
— Je vais vomir, réussis-je à articuler avec une voix pâteuse.
Mon œil droit était toujours clos, et le sol tanguait dangereusement à quelques centimètres de mon visage.
— Retiens toi, m'ordonna une voix grave en jurant dans sa barbe.
Le sol en bois s'éloigna de nouveau d'une vingtaine de centimètres et les secousses se firent plus rapides. Le bateau sur lequel je voyageais était bien pressé d'arriver à quai. J'écoutai les ordres du commandant de bord en essayant de retenir les hoquets coincés dans ma gorge. Il n'était jamais bon de désobéir au capitaine d'un navire, au risque qu'il vous abandonne comme une bouée à la mer dans un océan rempli de requins affamés et de déchets plastiques.
Il faisait bien noir dans cette cabine au sol si onduleux. Les couleurs changeaient les unes après les autres, passant d'un marron laqué à un blanc immaculé. Mon œil gauche qui peinait à rester encore ouvert avait du mal à suivre. Après quelques minutes à retenir ma respiration, un hoquet plus fort que les autres menaça de sortir de ma bouche déjà entrouverte.
— Capitaine, je crois qu'il faut vraiment que ...
Le capitaine me prit alors brusquement dans ses bras, ou peut-être y étais-je déjà ? Je n'en avais aucune idée. Tout ce que je voulais, était de soulager mon estomac qui gargouillait désormais.
Une forte lumière illumina alors la pièce dans laquelle je me trouvais. Un petit lavabo sur une commode en marbre, une douche à l'italienne ornée de petits carreaux verts irlandais ainsi qu'un tapis à la texture aussi duveteuse qu'un pelage de chat. Mais le plus beau était certainement ces toilettes à la brillance impeccable qui m'incitait à lui révéler mes secrets les plus fous.
C'est ce que je fis. Je vomis pendant de longues minutes.
Une exclamation d'horreur derrière mon dos me motiva à me retourner. Aussitôt de puissantes mains encadrèrent mon visage.
— Si tu te retournes, c'est la fin pour toi.
Le capitaine était décidément bien énervé, chose que je comprenais. Je venais tout de même de vomir dans sa cabine personnelle.
Quelques instants plus tard, je me sentais beaucoup mieux malgré les brûlures à mon visage qui continuaient de me chatouiller. Je m'essuyai la bouche avec un mouchoir que le capitaine me tendit, puis bus d'une traite le verre d'eau à ma gauche.
Je me retournai en remerciant poliment la gentillesse du capitaine, puis faillis de nouveau vomir en voyant le visage dégoûté de Leith qui se tenait à trois bons mètres de moi désormais.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— Tu ne te souviens de rien ? me demanda-t-il avec une grimace.
Je passai une main sur ma bouche en tentant de me remémorer pourquoi j'étais dans une telle pièce avec cet imbecile.
— C'est pas plus mal.
Un détail me sauta soudainement aux yeux. Le t-shirt de Leith était en lambeaux, c'était à peine s'il recouvrait son torse.
— Qui as-tu encore tué ? m'égosillai-je en me relevant.
— C'est plutôt l'inverse cette fois. Le coup d'état d'Adam, ton mur de flamme, ça te revient ? D'ailleurs, j'ai pas du tout apprécié ton aide. Je me débrouillais très bien seul et ...
— Mais oui ! Les loups ! Comment ai-je pu oublier ?
Les souvenirs de cette nuit se bousculèrent si vites dans ma tête que j'en fus prise de vertiges. Pourtant, un sentiment étrange me titillait. J'avais l'impression d'oublier une chose très importante.
— Que s'est-il passé ? Comment me suis-je retrouvée ici ?
— Coupe moi la parole encore une fois et je t'enfonce ma dague en plein cœur. Tu es seule cette fois ma belle, personne n'entendra tes hurlements, me menaça-t-il avec un sourire satisfait.
Je lui souris gentiment à mon tour en me dirigeant vers le lavabo, parfaitement consciente que Leith ne me ferait rien. Il fallait que je me calme, à l'heure qu'il était une centaine de cadavres de loups jonchaient certainement la forêt, et si par malheur Angie se trouvait parmi eux, je craignais de faire un massacre. Cette dernière phrase sonna faux dans mon esprit, et l'humiliation que je ressentis alors me susurra de garder le silence pendant quelques minutes. Mais qu'avais-je donc ?
Alors que je m'approchai du robinet pour me rafraîchir le visage et mes idées par la même occasion, mon reflet dans le miroir me laissa sans voix. Mon œil droit était à moitié fermé, et violet, ma mâchoire était gonflée et des petites rougeurs coloraient mon visage. Du sang séché était resté collé à mon nez et ma bouche.
— C'est toi qui as ...
— Jamais laisser nos ennemis vivants. C'est la règle.
— Alors comment est-ce arrivé ?
— Je l'ignore. Je t'ai perdu de vue pendant quelques minutes le temps de m'occuper de ces chiens et tu avais disparu. Les flammes nous ont arrêtés quelques minutes, puis je t'ai retrouvé en contre bas complètement en sang sûrement à cause de la chute.
Son explication ne m'avait pas convaincue, mais Angie était plus important que mon visage boursoufflé.
— Alors les loups-garous sont toujours en vie ?
— Plus ou moins. Une petite correction s'imposait, je ne risque pas de les revoir de sitôt, ricana-t-il en enlevant son t-shirt.
— Dis Leith, je me demandais, commençai-je en ignorant ses larges épaules, tu n'as aucun don ?
Il secoua alors énergiquement la tête, comme si la question était stupide.
— C'est une plaisanterie ?
— Tu te laissais dévorer, alors j'ai pensé que ...
— Je ne gaspillerai jamais de l'énergie pour des êtres aussi misérables qu'eux, je pensais te l'avoir déjà dit. Si tu penses que je suis moins puissant que ce que tu croyais, tu te trompes, m'avisa-t-il avec un sourire carnassier. Tu viens te laver ?
— Dans tes rêves.
Je sortis de la salle de bain en claquant la porte avant de souffler bruyamment. Je désirais tant prendre une douche avec toute la crasse que je sentais sur ma peau, mais je n'arrivais toujours pas à croire que j'avais oublié une partie de la soirée. L'explication de Leith me semblait trop invraisemblable, et je ne cessai d'y penser.
La pièce voisine donnait sur une immense chambre aux allures royales. Un grand lit à baldaquin jonché de paperasse en tout genre dont les rideaux argentés fondaient harmonieusement avec les murs bleu lagon. Les moulures au plafond me firent tourner la tête. La salle était décorée avec tant d'objets luxueux que j'osai à peine les regarder, par peur de les souiller.
Un bâillement m'échappa lorsque je déposais mes yeux sur le canapé blanc couvert d'un plaid en velours couleur taupe. Quand mes fesses se posèrent sur le délicieux divan, un soupir d'extase m'incita à m'allonger de tout mon long. Les ruissèlements de la douche comme fond sonore me bercèrent jusqu'à ce que je succombe au sommeil.
Cette nuit-là, mes rêves étaient hantés par la main de Zeus dans la poitrine de cette jeune adolescente. Le cœur encore palpitant, couvert de sang, le regard sans vie de cette petite, le sourire de Zeus, l'impuissance de Kallisté ... et la mienne. Je ne l'avais jamais connue, et pourtant, je me réveillai en sursaut en hoquetant de surprise comme si c'était moi qui subissais cette infamie.
Je mis quelques secondes avant de me souvenir d'où j'étais. Je posai une main sur mes joues toutes chaudes et encore marquées par les coussins en coton blanc. Une larme était nichée au creux de mon pouce.
— Réveillée ? s'enquit Leith assis sur sa chaise de bureau en cuir. J'ai du annuler un rendez-vous urgent par ta faute.
Je jetai un coup d'œil à l'horloge murale qui indiquait dix heures.
— Tu aurais du me laisser dans ce cas, soupirai-je en m'étirant comme un chat.
— Pour que tu fouilles dans mes affaires en mon absence ? Bien essayé.
Leith désigna une chaise à ses côtés.
— Nous devons parler. Je ne passerai pas par quatre chemins, je vais réquisitionner tes flammes pour un projet, mais avant ça, prends une douche, tu empestes.
Mon regard passa de ses yeux bleus électriques, à la chaise, puis à la porte de la salle de bain, avant de me demander comment ce garçon pouvait être aussi sûr que j'allais l'aider.
— Qu'est-ce que tu attends ?
— Je n'ai pas de vêtements de rechange, m'empressai-je d'ajouter en désignant mes habits en lambeaux.
— Je t'ai tout préparé. Tu as cinq minutes, sinon je viendrais te chercher, capitaine ... minauda-t-il en tapotant sur son bureau.
Je me retins de me couvrir le visage de honte avant d'entrer dans la salle de bain. Sans réfléchir, je me déshabillai puis me jetai sous le pommeau de douche. L'eau glacée me permit d'y voir plus clair. Peu importe ce que Leith allait me proposer, je devais accepter. Mieux valait rester près de lui et connaître ses petits secrets, plutôt qu'être l'ignorante de service.
Trois minutes plus tard, je sortis de la salle de bain avec mes cheveux encore dégoulinants. Le t-shirt de Leith m'arrivait aux cuisses, mais l'air frais me permettait de me tenir dignement droite.
Son regard amusé ne m'échappa pas, mais je m'assis telle une aristocrate en prenant grand soin de plier mes jambes.
— Je t'écoute.
— C'est toi qu'ils cherchent, commença-t-il en ramenant une tasse de café fumante à ses lèvres.
— De quoi parles-tu ?
— Ceux qui ont attaqué Atlanta te cherchent, et je compte bien t'utiliser pour les tuer jusqu'au dernier.
— Comment peux-tu en être aussi sûr ? demandai-je en haussant le ton. Et pourquoi feraient-ils une telle chose ?
— Ça, je l'ignore, mais ce n'est qu'une question de temps avant que je le découvre, me promit-il en posant sa tasse sur un sous-verre. Sais-tu où est Atlanta, Ambre ?
J'arquai un sourcil en hésitant à répondre. Sa question était bien trop idiote.
— En Georgie, évidemment.
Leith répondit négativement d'un geste de la main.
— Atlanta est le nom de l'école surnaturelle de Phœnix. Est-ce que cette preuve te suffit ?
Mes yeux faillirent sortir de leurs orbites. Atlanta était donc à Phoenix ? La ville où j'avais passé toute ma vie ?
— Ça ne suffit pas comme ...
— Si j'ai toléré ta présence ici, c'est bien pour cette seule raison. Te voir arriver ici comme une fleur m'a terriblement mis en colère. La première fois que je t'ai vu, j'ai réellement songé à détruire ce petit visage, affirma-t-il en caressant ma joue.
— Qu'est-ce qui t'en a empêché ?
— Le descendant de Poseidon était le président du conseil d'Atlanta. Mon fidèle bras droit et meilleur ami, fit-il en souriant tristement. Il est mort lors de l'attaque, mais avant de rendre son dernier souffle, il m'a communiqué une information cruciale. Ceux qui les avaient attaqué cherchaient une fille aux cheveux et aux flammes noires.
Je soufflai du nez en me rendant compte combien ma description était simple et encore plus lorsque le mot « meilleur ami » était sorti de sa bouche.
— Quand j'ai réussi à m'échapper des griffes de ces créatures et que j'ai vu ta chevelure aussi sombre que celle d'Alec, j'ai bien cru ne jamais réussir à me retenir. Mais, tuer une étudiante n'aurait pas été une bonne idée, et puis ... je n'avais encore aucune connaissance de tes dons.
— Alors, quand tu l'as su, tu as voulu m'utiliser pour ...
— Exactement. Et aujourd'hui, j'ai bien peur qu'avec la rébellion des loups garous, je ne réussisse pas à mettre la main sur eux.
L'occasion était bien trop rêvée. Pour Kallisté et l'honneur de mon père, je devais savoir ce qu'il se tramait chez les divinités. Le père de Leith me paraissait être un bon commencement, et si je réussissais à mettre le descendant de Zeus de mon côté, avoir toutes les informations que je désirais serait un jeu d'enfant.
— Je sais ô combien ma vie est importante désormais, le provoquai-je en caressant son bras, alors Leith, que me proposes-tu en échange de ma coopération ?
À ce moment, la porte s'ouvrît à la volée. Angie, Sean et Alec se tenaient sur le battant de la porte, prêts à en découdre. Voir Angie présent dans ce bureau me soulagea d'un poids immense.
— Ma chère et tendre, continua Leith en prenant une mèche de mes cheveux, je t'offrirai tout ce que tu désires, à condition que notre relation reste secrète.
Ce message sibyllin m'arracha un sourire, malgré le sérieux de la situation. Ne rien dire sur notre petit secret ? J'étais totalement d'accord.
Angie fut le premier à prendre la parole.
— Je croyais t'avoir dit de rester dans ta chambre cette nuit ! Qu'est-ce que tu fiches ici ?
— Et toi ? J'ignorais que tu comptais faire sauter le conseil, répliquai-je en me levant. On en reparle plus tard, je dois rejoindre Hélène.
Je pris soin de partir en faisant de petits pas, tout en bousculant Alec par l'épaule. J'ignorai pourquoi j'étais si en colère contre lui. Certes, il n'était pas là hier soir lorsque tout avait dégénéré, mais cette raison était insuffisante. Quant à Angie, une part signifiante de soulagement s'était emparée de mon esprit quand je l'avais vu sain et sauf avec ses cheveux blonds en bataille. Pourtant, la seconde d'après je me souvenais parfaitement du coup d'état d'Adam. Jamais ce grand gaillard n'avait osé défier une seule divinité, et depuis qu'Angie était entré dans la meute, les loups devenaient de plus en plus téméraires. J'aurais mis ma main à couper qu'il était derrière tout ça.
— Tu tombes bien, le toutou, fit Leith avec une lueur inquiétante dans les yeux. J'ai bien peur de devoir te tuer si ...
— Tu as massacré la moitié des loups du campus ! hurla Angie en crispant les poings. Je ne te pardonnerai jamais !
Angie courut vers Leith avec des griffes acérées sorties de ses paumes. Désormais au battant de la porte, je voulus le rejoindre en accourant à mon tour, mais Sean me retint par le bras. Angie poussa d'un revers de la main les quelques meubles sur son passage qui s'écrasèrent en morceaux contre les murs, comme s'ils étaient de vulgaires poupées de chiffon.
Je me débattis en hurlant toutes les insanités que j'avais dans mon vocabulaire. Il y en avait beaucoup trop pour calmer le feu qui brûlait dans ma poitrine, et face à la force de Sean, je ne faisais malheureusement pas le poids.
Leith avait esquivé avec aisance le coup de mon ami d'enfance, puis avec un mouvement habile de la main, il l'empoigna par le col et le plaqua violemment contre le mur qui laissa un impact d'une profondeur à faire peur.
— Je ne demande pas ton pardon, Wolverine, ricana-t-il en le plaquant encore plus haut, ce n'était que de la légitime défense.
Le visage d'Angie se tordit en une grimace de douleur, pendant quelques instants je crus qu'il ne respirait plus. Je mordis le bras de Sean qui se plia de rire tout en me plaquant contre lui.
— Ça ne sert à rien, je subis ce genre de choses tous les soirs, m'avertit-il avec un clin d'œil pervers.
Je maudis ce sado-maso tout en me concentrant sur Angie. Il sembla reprendre des couleurs quand Leith reprit la parole.
— À l'heure qu'il est, ton petit Adam doit terriblement s'en vouloir ... Ah non pardon, il est mort, lui susurra-t-il à l'oreille. Tu n'aurais jamais du me sous-estimer, et pour ça, je compte bien te punir. L'ordre, c'est moi, et jamais je n'accepterai qu'un pouilleux dans ton genre sème le trouble sur mon terrain de jeu.
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Holaaaa ! ~
Je tiens à me féliciter d'avoir fini ce chapitre en avance, je crois que c'est la première fois. Il faut dire que vos derniers commentaires m'ont vachement motivée ! Je vous remercie encore pour tout 😭
Je finis ce chapitre sur les paroles pleines de sagesse de notre cher Leith, un homme calme et respectueux dont les yeux emplis de gentillesse nous font fondre en multimédia 🙃
Que pensez-vous de cette nouvelle alliance ? À votre avis, que va demander en échange notre petite Ambre ?
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