
Chapitre 32 : La Voix
Je pris le chemin indiqué par Saphira en m'engouffrant dans la forêt. La pleine lune illuminait partiellement les feuillages alentours et le vent fouettait agréablement mon visage : un temps parfait pour une petite expédition. Je pris garde de ne pas m'emmêler les pieds avec les racines géantes d'un tilleul, et continuai mon chemin non sans lancer des regards inquiets derrière moi. Au moindre son ou le moindre frisson, mes épaules tressautaient abruptement. Je n'étais déjà pas friande des balades de nuit, surtout depuis le visionnage de L'île Meurtrière, un film d'horreur qui m'avait particulièrement marquée.
De fait, mon avancée était particulièrement lente. Après dix minutes de marche, ma respiration était déjà sifflante, mais l'espoir me submergea lorsque je vis un chêne, dont les feuillages étrangement coupés formaient une sorte de cœur. Saphira disait vrai, et cela était bon signe. Plus vite je reviendrais de la source, et mieux je me porterais, du moins c'était ce que je souhaitais du plus profond de mon âme. Je bifurquai à gauche, et continuai mon ascension accompagnée des hululements des hiboux. Très vite, ma respiration se fit de plus en plus difficile, certainement à cause de l'air ambiant devenu plus humide. L'odeur de pin et de pluie était d'autant plus forte, et la lune, maintenant couvertes par d'épais nuages, rendait la route comminatoire.
J'accélérai le pas, lorsque j'entendis au loin les hurlements de loups-garou. Saphira m'avait averti que la source se trouvait dans une grotte étroite, mais je ne voyais pour l'instant qu'une infinité d'arbres et de roches.
— Ta maîtresse ne se serait-elle pas trompée ? demandai-je à Larry, en caressant sa minuscule tête.
Sa présence était quelque peu rassurante, surtout lorsque la peur m'incitait à faire un brin de causette, histoire de me réconforter. Mieux valait parler à un animal plutôt que seul, surtout quand ce dernier était soit-disant « particulier ».
Je me figeai brusquement sur place. Au loin, derrière une rangée de sapin, j'aperçus une grande falaise, contre laquelle le lichen et des orties rongeaient les parois rugueuses. J'arrivai rapidement à son niveau, mais aucune grotte n'était dans mon sillage. Je tâtai au hasard les parois, comme persuadée qu'une porte dérobée s'ouvrirait, mais rien y fit. Alors que j'allais rebrousser chemin, désormais que les hurlements des loups se faisaient plus forts, Larry descendit de mon épaule et courut le long des roches, slaloma entre les plantes, pour enfin se planter devant une petite jonquille.
— Tu connais le chemin ?
Je le suivis prestement, en regardant toutefois dans toutes les directions possibles. J'ignorai où me rendre, jusqu'à ce qu'un endroit bien précis de la falaise brille comme un phare dans mon esprit. Je marchai à ta-ton, puis calai ma main contre la paroi sombre. Aussi, au lieu de sentir l'habituelle roche froide, je faillis trébucher en avant.
— 'tain de trou !
Tel un petit lapin dans son terrier, je me faufilai dans l'ouverture en me positionnant à quatre pattes, avec Larry en guise de guide. Mes tendances claustrophobes me donnèrent quelques sueurs froides, surtout lorsque la lumière de la lune disparut soudainement. La boue, les plantes, les toiles d'araignées et autres créatures non identifiées s'accrochaient douloureusement à mes cheveux. Je me mordis les lèvres pour m'empêcher de hurler comme une chochotte.
Je n'avais nullement peur des insectes, mais il y avait une différence entre les observer calmement dans son jardin depuis sa piscine, plutôt que les sentir se coller à vous. Je m'extirpai enfin de ce trou, en jurant toutefois dans ma barbe à cause de mes pieds emmêlés dans une racine. Je me relevai péniblement, époussetai mes vêtements pleins de saletés et de boue puis me tournai vers Larry.
— Waouh !
Larry se tenait devant une immense grotte où des millions d'améthystes jonchaient le sol et le plafond. Malgré l'obscurité, leur reflet, qui donnait une teinte violette à la grotte ainsi que la vapeur épaisse de la source, rendait l'endroit comme enchanté. Je n'avais jamais vu pareil paysage, et de loin. Avant d'explorer la grotte, et trouver la source, je me retournai une dernière fois pour bien observer où se situait le trou. Je n'avais nullement l'envie de rester coincée ici une éternité entière.
Je partis enfin, avec Larry sur mon épaule en quête de mes ancêtres. Je ne m'étais pas encore rendue compte que ma peur avait diminué de moitié. Je ne saurais comment l'expliquer, mais cet endroit était la promesse d'un apaisement. Comme lorsque nous mourions de soif, et qu'une fabuleuse oasis se tenait à nos pieds, je ne ressentais seulement le besoin de trouver cette source et m'y plonger dedans. La trouver ne paraissait pas bien compliqué, il suffisait seulement de suivre les bruits de gouttelettes et l'épaisse brume.
Après quelques minutes, les améthystes quittèrent petit à petit l'espace, pour laisser place à des plantes gigantesques : amaryllis, chrysanthème, jonquille, dahlia, delphinium, lys oriental. Je fus d'abord étonnée que de telles espèces soient présentes au même endroit, puis me rendis très vite compte d'où j'étais réellement. Diafosa était le refuge de milliers d'êtres surnaturels où tout était possible, les mauvais cauchemars comme les plus beaux rêves. Happée par la source, je ne tergiversai pas plus et accélérai le pas. Je la sentais toute prochaine, il me suffisait presque de tendre la main pour sentir son délicat liquide.
Quand enfin, la grotte s'élargit pour laisser la place à l'immense source, je crus rêver. Des stalagmites et stalactites entouraient un petit point d'eau tel un rituel sacré, les fleurs colonisaient le moindre centimètre de la grotte, mais ce qui me fit écarquiller les yeux de plaisir fut la disparition du plafond. La pleine lune était encore plus belle que jamais et se reflétait sur la source, calme, paisible. Dans un état second, je déposai les quelques affaires qui m'encombraient et partis m'agenouiller au bord de la source. Je voulus toucher ce délicieux liquide, lorsqu'un pincement m'arracha un cri. Larry était descendu de mon épaule, avant de me mordre la main.
— Que t'arrive-t-il enfin ?
Il pointa avec sa queue mon corps entier. Bon sang, comment un animal pouvait-il être aussi malin ? J'hésitai d'abord en regardant dans tous les recoins de la grotte. Je savais qu'il n'y avait personne, mais me mettre nue comme un vers dans cet endroit m'intimidait. J'enlevai finalement chaque vêtement à une vitesse fulgurante, puis me levai avec le dos courbé. Malgré le mois de septembre, les nuits à Ogden n'étaient plus tout à fait chaudes, je ramenai donc mes mains sur mes parties intimes, soudain prise d'un frisson.
— Il caille !
Larry m'intima d'aller dans la source, toujours en pointant cette dernière avec sa queue, ce qui me fit écarquiller de grands yeux. Je doutais que Larry soit un simple furet, mais je ne me fis pas prier, et mis un pied dans l'eau brûlante. Entrer dans la source fut plus difficile que ce que je pensais, l'eau était si chaude qu'elle brûlait la moindre partie de mon corps. Cette sensation me rappelait que fort bien mes sorties avec ma mère à Phoenix. Nous avions pour habitude de nous détendre une fois par mois dans les nombreuses stations thermales de notre ville, connues pour leurs eaux de grandes qualités.
Pourtant ces vieux souvenirs me paraissaient aujourd'hui beaucoup plus ternes. J'étais tout de même dans une source, nue, à attendre la venue d'un quelconque esprit. Si un jour quelqu'un m'avait annoncé que je vivrai une telle vie, je crois bien que je lui aurai ri au nez. Je pensais que tout mon avenir était tracé avant de déménager dans cette foutue ville. Certes, je n'avais aucune idée du métier que je voulais faire, mais j'avais tout de même quelques idées en tête. Partir étudier à l'étranger, rencontrer l'homme de mes rêves dans un campus universitaire, puis travailler sur une île paradisiaque. Ça ne cassait pas des briques, mais jusqu'à maintenant, l'idée me semblait être la plus adéquate pour moi.
Le problème était que je n'avais jamais vraiment oser me lancer. J'étais beaucoup trop peureuse à l'idée de quitter mon confort et ma famille, chose dont j'avais extrêmement honte. Angie n'avait pas hésité à partir seul ici, alors que moi j'avais gentiment suivi ma mère. Peut-être que si j'avais été plus courageuse, j'aurai pu rester seule à Phoenix, sans rencontrer les divinités ni ce merdier dans lequel j'étais maintenant ...
— Je ne sais plus, soupirai-je en scrutant la lune. Qu'est-ce que je dois faire papa ?
Cette phrase était simplement sortie toute seule de ma bouche, je n'attendais aucune réponse à ce moment là. Pourtant, je crus rêver lorsque le centre de la source se mit soudainement à bouillir. Mes bras étant encore sur le bord de la source, j'enfonçai avec plus de force mes ongles dans la terre, par peur que l'eau ne se mette à m'engloutir toute entière. Larry, encore sur le rivage, partit se cacher derrière une crevasse. Cela n'annonçait rien de bon.
J'attendis en scrutant la source, non sans lâcher la berge des mains. J'allais avoir un sacré torticolis, à force de me tordre de cette façon, mais l'effet de surprise m'empêchait à ce moment de faire d'autres mouvements. Ce qui ne me faisait pas encore quitter la source en hurlant de peur était certainement les informations que l'on m'avait données. Parler avec des esprits n'était pas une chose banale, alors je m'attendais dès le départ à des apparitions pour le moins étranges.
Ambre Riva, avoir peur de l'eau ? Je ne l'accepterais jamais.
Pourtant le masque de l'héroïne courageuse s'effrita en quelques secondes, quand je vis l'eau former une silhouette masculine et opalescente. Je ne rêvai pas, il s'agissait bien là d'un large torse, d'une mâchoire carrée et des cheveux coupés courts. Cette fois, je ne pus réprimer un cri de terreur avant de me lever brusquement pour sortir de la source, mais je m'arrêtai net lorsque cette forme étrange se mit à parler d'une voix si familière :
— Viens.
Ce n'était qu'un seul mot, venant d'une illusion qui était sûrement née de mes plus beaux rêves, mais cette voix avait fait naître un espoir nouveau, et pourtant si fragile. Un seul mot, qui prenait tout son sens désormais, et m'attirait, me provoquait, et se délectait probablement de mon hésitation. Un seul mot, qui allait provoquer ma perte. J'ignorai si j'étais consciente, lorsque je murmurai d'une voix chevrotante :
— Papa, c'est toi ?
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Bonjouuuur,
C'est avec un peu de retard que je poste le chapitre 31. Je vous avais précédemment annoncé qu'il allait être super long, mais finalement j'ai préféré couper (comme ça y a encore du suspens hihi).
N'hésitez pas à me faire part de vos théories. Est-ce qu'Ambre a réellement rencontré l'esprit de son père ? Quelle est sa véritable nature ? Que va-t-il se passer par la suite ? Faîtes vous plaisir, j'adore quand vous me faîtes part de vos réflexions !
Bon confinement 🤧
/)/)
(\( ^3^) /)
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