Chapitre 28 : Projet d'Étude
Quelques minutes plus tard, nous avions enfin rejoint la bibliothèque du campus. La pièce sentait les vieux livres et le café chaud, et à cette heure-ci il n'y avait plus grand monde. Nous nous étions assis l'un en face de l'autre, autour d'une petite table ronde en plastique jaune moutarde entouré de dizaines de bibliothèques remplies à craquer de bouquins en tout genre. Cet endroit pouvait presque donner à n'importe qui l'envie d'étudier avec assiduité.
J'étais toujours sceptique quant à Alec. Loin de là m'imaginer avoir une quelconque relation intime avec lui, je savais que les rares personnes dont il était proche, si il y en avait, devraient affronter tôt ou tard Leith et les autres divinités. Il était seul, et le resterait certainement toute sa vie, comme Hadès avant lui.
— On a déjà perdu une heure, essayons d'être productif, conseilla-t-il avec une main sous son menton.
Ce soir non plus, il ne portait pas son uniforme. Seulement un t-shirt noir, plutôt large d'ailleurs, et un jean bleu foncé. Ses cheveux étaient encore en bataille, certainement dû à sa petite sieste de tout à l'heure. Je sortis les quelques papiers que j'avais emportés dans mon sac et les étalai sur la table.
— Je pense que tu seras assez surpris, mais j'ai choisi Hadès comme sujet d'étude et ...
— Stop. Il leva sa main qui resta suspendu en l'air. Hadès est l'exact opposé d'un héros. Tu es complètement hors sujet.
— Pourquoi ne serait-il pas un héros ?
— Oh je ne sais pas, peut-être parce qu'il règne sur les enfers, qu'il a fait prisonnière Perséphone, qu'il est égoïste et immature ? ironisa-t-il avec un geste de la main.
— Tu ne donnes qu'une simple définition de ce qu'est un dieu. Ils sont tous égoïstes, et ont déjà fait du tort à leurs semblables ou aux mortels pour satisfaire leurs propres désirs. N'oublions pas non plus qu'il a enlevé Perséphone, seulement parce que Zeus l'y autorisait. Puis, il la laisse repartir vers les siens six mois dans l'année, ce n'est pas faire preuve d'un minimum de générosité pour un dieu soit-disant abominable ?
Il secoua la tête en soufflant bruyamment.
— Tu veux te faire haïr par toute l'école ou quoi ? Arrête d'avoir pitié de moi, je suis loin d'être à plaindre, crois moi.
Je me levai de ma chaise, les poings sur la table en plongeant mon regard dans ses yeux verts.
— Je jure que je n'ai pas pitié. Hadès est l'un des dieux que je préfère depuis que je suis enfant. J'en suis convaincue Alec, Hadès a été sacrifié et tu suis exactement le même chemin que lui.
Il secoua de nouveau la tête, cette fois en évitant mon regard.
— Tu ne sais même pas de quoi tu parles. Tu étais une simple humaine y a de ça quelques semaines, tout ce que tu as appris à l'école est complètement faux et ...
— C'est mon père qui me l'a appris, mes connaissances ne sont pas erronées, le coupais-je.
— Arrête ça de suite, siffla-t-il d'un air mauvais. Tu ne sais absolument pas dans quoi tu t'embarques. Il soutint de nouveau mon regard. Je te comprends pas. Il y a quelques jours à peine, tu nous hurlais au visage de te laisser tranquille, et maintenant tu te mêles de nos affaires ? Qu'est-ce que tu cherches à la fin ?
Évidemment, il ignorait certainement qu'une divinité avait potentiellement tué mon père.
— Vous ne m'avez pas laissé le choix. Que je le veuille ou non, je suis concernée désormais. J'ai besoin d'en savoir un peu plus sur vous, ne serait-ce que pour me sentir moins menacée que je ne le suis déjà. Je ne veux plus faire les choses à moitié. Si je veux que Leith me laisse en paix, je dois tout savoir de lui, en particulier ses faiblesses. Je me rassis en soufflant bruyamment. Raah je ne sais même pas pourquoi je te dis ça, tu es de son côté.
— Je suis loin d'être de son côté, mais ce n'est pas pour autant que j'ai envie de t'aider, me répondit-il d'un air amusé en jetant un regard sur mes jambes qui tressautaient nerveusement sous la table. Mon avertissement dans le Styx ne t'a pas suffi ?
— J'en garde un merveilleux souvenir, je t'en remercie. Bon assez parlé. Je ferais ce projet que tu sois d'accord ou pas. Je m'arrêtai soudainement de m'agiter. En fait, je me fous de ce que tu penses, je ferai absolument tout ce que tu me diras de ne pas faire.
Son sourire arrogant refit surface. Comment faisait-il pour avoir une expression à la fois craquante et malfaisante.
— C'est une menace ?
— Non, seulement un avertissement. Je veux que tu respectes mon choix et qu'on travaille sur ce que J'AI décidé. Les autres ne sauront même pas que tu m'as aidée, donc tu ne risques rien non ? À moins que tu ne t'inquiètes pour moi Alec ? roucoulai-je en soutenant son regard hypnotique.
Il ferma les yeux quelques secondes puis regarda de nouveau le plafond.
— Pas le moins du monde.
Lorsque je relevai le bout du nez des tonnes de papiers qui recouvraient entièrement la table, l'horloge indiquait 20h56. Alec était resté une heure de plus afin que nous puissions terminer nos plans et quels éléments primordiaux que nous mettrions sur papier. Son analyse était très pragmatique et raisonnée, beaucoup plus que la mienne qui se perdait en détails futiles.
— Tu ne m'as rien appris aujourd'hui, finit-il par dire en s'étirant bruyamment.
— Toi non plus, répondis-je en retenant un bâillement.
— J'avoue que tu es plutôt calée, mais il y a beaucoup de choses que tu ignores.
— Comme quoi ?
Tout en m'aidant à ranger la paperasse, il sembla hésiter quelques secondes.
— Tu peux me faire confiance, je ne dirais rien à ta femme.
— Ma femme ? répéta-il en haussant un sourcil.
— Leith.
Je m'esclaffai lorsque ses yeux doublèrent de volume. Il me lança un regard lourd de sous entendu et reprit la parole sur un ton plus sérieux.
— Sean t'est reconnaissant pour ce que tu as fait.
— À quel sujet ?
Il n'avait pas répondu de suite car nous traversions maintenant la bibliothèque où quelques étudiants travaillaient en silence. Lorsque nous descendîmes les dernières marches de l'escalier, nous étions sur le sentier qui nous menait aux dortoirs.
— Les divinités ont toutes une faiblesse, commença-t-il à dire doucement. Sean devient un petit enfant inoffensif lorsqu'il use de ses pouvoirs en trop grande quantité. Nous essayons tous de garder ce secret pour nous, au risque que Leith ou d'autres élèves l'utilisent contre nous. Quand il s'est montré sous cette forme tu ne l'as répété à personne, c'est ... Il hésita quelques secondes ... honorable.
— Et toi ? Me fais-tu confiance ? rappliquai-je en me penchant légèrement sur le côté pour scruter son visage.
— J'en sais rien, fit-il en poussant doucement ma tête, certainement pour que j'arrête de le fixer.
Il était évident qu'Alec et moi n'étions pas amis, mais plus les moments comme celui-ci se multipliaient et plus je me rendais compte que ce garçon était torturé. Il m'était très difficile de l'admettre, mais je cherchais constamment à le blâmer lui, plutôt que les véritables responsables de mes malheurs.
— Tu devais répondre à une de mes questions si je gagnais, non ?
— Exact. Mais tu as perdu, me vanna-t-il en scrutant la forêt.
— Quoi ?! m'offusquai-je en me tordant le cou. Mais tu n'as pas ...
Avant que je puisse finir ma phrase, mes pieds s'emmêlèrent je-ne-sais-comment et mon corps partit à la renverse. Mais au lieu de m'étaler de tout mon long sur le sentier poussiéreux et jonché de petits cailloux, mon visage resta à quelques centimètres du sol.
— Comment as-tu fait pour rester en vie jusqu'à maintenant ? rouspéta-t-il d'une voix grave.
Il tenait encore fermement la capuche de ma veste d'une main ferme. Le col de mon manteau, désormais complètement tiré en arrière, m'étranglait la gorge. Je m'accrochai à la seule prise à porter de main, soit le bas de son pull. Il me laissa faire, sans m'aider toutefois, et me lâcha en soupirant lourdement.
Malgré mes joues cramoisies, et qui, vu le petit sourire en coin d'Alec, devaient se voir à des kilomètres à la ronde, je tentai de reprendre un visage et une démarche impassible.
— Qu'est-ce que tu disais déjà ? Avant de te casser la figure ?
Jamais je n'avais été aussi morte de honte.
— Si j'ai légèrement trébuché, c'est à cause des conneries que tu peux ...
— Légèrement trébuché ? me coupa-t-il avec des yeux rieurs. Sans moi, ton visage serait déformé à l'heure qu'il est.
— On s'en fiche ! Maintenant remplis tes engagements et réponds à ma question.
Alec se figea quelques secondes en plissant ses yeux. Il semblait fixer quelque chose dans la forêt. Son regard s'assombrit passant d'un vert de jade à un vert sinople. Je regardai alors dans la même direction mais je ne sentis rien d'anormal.
— On en discutera plus tard.
Sur ces mots, il s'évapora en une vapeur sombre et épaisse. Quant à moi, je demeurai au milieu du sentier les bras ballants, à la fois agacée par son indifférence et curieuse de ce qui avait bien pu le faire partir.
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Hellooooo ! 😁
Je poste enfin ce chapitre ! Désolée pour le retard, mais vous savez ce que c'est les études, hein ? 😰
J'espère que ce petit moment Ambec ? Alebre ? ( les deux noms sont horribles mais passons 😂 ) vous ont plu. Pour le prochain chapitre, on se recentre sur le cœur de l'histoire à savoir la nature de notre cher petite Ambre et les mystères de l'école ;)
J'essaye de vous poster ça très vite, et vous annonce à l'avance qu'il sera plus long que celui-là.
Bonne reprise pour ceux qui étaient en vacances, et bon courage pour les autres. Des bisous !
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