
Chapitre 19 : P'tit Gars
C'était la troisième fois que j'utilisais mes flammes. Je mentirais en affirmant me sentir aussi faible que je ne l'étais en intégrant Diafosa, mais Leith ne se laisserait certainement pas avoir par mon mensonge. Je n'avais aucune idée de comment j'avais encore réussi. Je n'avais pas oublié l'entraînement d'Alec, pourtant, ses conseils ne semblaient pas s'appliquer dans mon cas. J'avais toujours la sensation qu'une énergie puissante trouvait son origine dans mon estomac, puis parcourait le moindre centimètre de mon corps, jusqu'à finalement atteindre mes mains. Le problème, c'était que cela arrivait lors d'émotions ou d'événements intenses. Alec m'avait, certes, rassuré en affirmant que nos dons étaient stimulés par nos émotions, mais je n'étais pas comme la plupart des étudiants du campus. Je ne pouvais pas utiliser mes flammes quand je le voulais, mais plutôt quand j'en avais besoin, chose que je trouvais à la fois rassurant et agaçant.
Après tout, qui aurait besoin de flammes qui ne pouvaient pas s'éteindre ? À l'exception d'un pyromane, je ne trouvais pas d'autres réponses.
Comme les autres fois, j'avais certainement eu de la chance que les flammes ne s'étendent pas et ne blessent des innocents. Perdre le contrôle me terrifiait, mais je devenais de plus en plus accro à ce sentiment de puissance, qui devenait de plus en plus fort à chaque utilisation.
J'espérais que mon petit manège ait prouvé à Leith, que je n'étais pas une fille aussi inutile qu'il le pensait. C'était la seule solution pour qu'il me garde encore en vie, du moins avant que je sache réellement me défendre par moi-même. Peut-être avec un peu de chance, réussirai-je à le dissuader de me faire quoi que ce soit ?
J'étais dubitative. Il n'avait plus ce sourire amusé sur le visage, lorsque j'avais balançé ce que j'avais dans le sac. Lui, comme les autres divinités, semblaient abasourdis.
Mais, qu'est-ce qu'il m'avait pris ?
J'imaginais déjà Alec en train de me torturer des heures et des heures durant, puis Leith venir achever le travail avec un sabre.
Comment pouvais-je encore aller à ce foutu match ?
— Et si je simulais un mal de ventre ? pensai-je tout haut.
— C'est inutile, fit une voix enfantine, derrière mon dos.
Je sursautais, en regardant rapidement en direction de la forêt. Les feuillages des châtaigniers ne laissaient filtrer qu'un fin rayon de soleil. J'avais toujours eu un bon instinct pour sentir les personnes qui m'observaient en douce, certainement du au fait que je sois "spéciale", comme aimait le dire Saphira. Je pouvais même voir un ruisseau au pied d'une montagne ! Pourtant, ma vision paranormale me faisait défaut.
Aucune personne, quelle qu'elle soit, se tenait devant moi.
— Ce n'est pas le moment de jouer à cache-cache, je ne suis pas d'humeur, crachai-je en scrutant les buissons alentours à la recherche d'un quelconque individu.
Un petit garçon, d'environ cinq ans, se faufila hors des hibiscus. Son petit nez en trompette était parsemées de jolies taches de rousseur. Il avait les cheveux châtain en bataille, comme s'il venait de sortir du lit. Malgré son visage innocent, son regard vicieux me rappelait celui des adultes.
— Qui es-tu, petit ? T'es-tu perdu ?
Je m'approchai discrètement de lui. Bien que les enfants n'étaient pas ma tasse de thé, je ne pouvais le laisser seul ici – avec des créatures sauvages prêtes à lui trancher la tête à la moindre agitation.
Mais je doutais qu'il me suive.
Jamais aucun gosse ne s'était approché de moi. En général je leur faisais peur à cause de mon regard froid et plein de dégoût. Ma mère me sermonnait constamment à ce sujet. « Mais enfin Ambre dis lui bonjour à ce petit ange ! » Et je lui répondais inlassablement la même chose : « A quoi ça sert ? Il ne se souviendra pas de moi de toute façon. »
N'imaginez pas que je les déteste à ce point. Ils me mettaient seulement mal à l'aise à toujours chialer, ou faire des caprices pour un oui ou pour un non.
L'enfant n'avait toujours pas bougé d'un poil. Il me faisait légèrement flipper à me fixer avec ce petit sourire sadique. Je l'attendais à tout moment sortir un couteau de sa poche, et me poursuivre à travers la forêt.
— Petit, en me fixant comme ça tu me fais sérieusement penser à Chucky. Arrête ça, dis-je avec des frissons dans le dos.
Le gamin explosa soudainement de rire. Devais-je courir maintenant ou attendre un peu ? Il continuait à s'esclaffer, en se tenant le ventre, ce qui avait le don de diminuer ma patience de moitié.
— Tu ne vas pas taper un gamin, si ? dit-il en faisant la mou. Je suis si mignon avec ma tête d'an...
Je ne le laissai pas finir sa phrase et l'attrapai par l'oreille. Je le tirai, ou plutôt le traînai en direction du campus, sans faire attention à ses protestations.
— Ça suffit, je te ramène chez tes parents, l'avertis-je avec une voix menaçante.
— Ambre ! Stop, stop ! C'est moi ! cria-t-il en me tirant le poignet.
Surprise qu'il connaisse mon prénom, je le lâchai et le scrutai curieusement. Je n'étais pas folle, je n'avais jamais rencontré ce gamin de ma vie.
— C'est moi, Sean, ajouta-t-il fièrement avec les deux mains sur les hanches.
— Sean ?! Mais qu'est-ce que tu...
— Quand j'utilise trop mes dons mon corps rajeunit. Passons ! me coupa-t-il d'un revers de la main. Je suis ici pour t'aider.
— Attends, tu étais dans la cantine il y a à peine dix minutes ! Quand as-tu utilisé tes pouvoirs ? m'exclamai-je.
— Leith a pété un câble après ton manège. Alec ne voulait pas le calmer, donc j'ai dû m'en occuper, comme d'hab. D'ailleurs, tu cherches à mourir ou quoi ? J'apprécie en général ton tempérament explosif, mais là c'était du suicide !
— Le jour où vous me laisserez tranquille, peut-être que j'arrêterai, maugréai-je.
— C'est notre boulot de nous occuper des enfants à problème comme toi. Après seulement quelques jours, t'as failli cramer le campus ! Sans oublier que tu es au courant pour l'attaque d'Atlanta. Alors non, on ne peut pas te laisser papillonner comme si de rien était, rappliqua-t-il d'une traite.
— Ce n'est pas comme si je n'avais pas coopéré. Je me suis entraînée avec l'autre psychopathe, jusqu'à ce qu'il essaye de me tuer. J'estime avoir fait suffisamment d'efforts.
Je me retournai, bien décidée à rejoindre ma chambre et déprimer dans un coin, mais il courut à mes cotés, tentant de marcher à mon allure malgré ses petites jambes. Je le voyais déjà suer, incapable de suivre mon rythme à l'en trouver presque mignon.
— Il faut... que tu m'écoutes... dit-il essoufflé. Et arrête... de marcher... j'ai plus d'énergie...
Je ne l'écoutai pas et continuai à marcher, mais ralentis toutefois mon rythme.
— Si tu m'écoutes... je te montrerais... les trophées de ton père, reprit-il.
Je me stoppai net. Avoir un souvenir tel que celui-là entre mes mains me faisait presque baver. Ma mère serait tellement contente, quand je le lui montrerai ce soir. À part sa collection d'objets, nous n'avions quasiment rien eu de son héritage. Je n'avais rencontré mes grands-parents paternels qu'en de rares occasions. Mon père disait qu'il était en froid avec eux, et qu'il valait mieux pour lui comme pour nous de ne pas les rencontrer. À l'annonce de sa mort, ils s'étaient présentés devant notre porte un dimanche matin. Ils ne semblaient ni tristes, ni en colères, seulement lasses d'avoir à se déplacer un week-end. En seulement quelques heures, ils avaient complètement vidés la maison. Heureusement ma mère avait fermé à clé la caverne, sinon je n'aurais certainement aucun souvenir de mon père à l'heure qu'il était
— Tu m'écoutes ?
Sean avait les bras croisés, la moue boudeuse.
— Je t'écoute.
Foutu pour foutu, autant lui faire plaisir pendant cinq minutes.
Il me regarda dans les yeux, ses pupilles étaient étrangement dilatées, comme si il était sous l'emprise de produits illicites. Il prit soudainement un air grave.
— Il faut que tu arrêtes de provoquer Leith. Que tu tiennes à la vie ou non au final, c'est pas mon problème. Mais récolter les pots cassés, alors que j'ai mieux à faire, il en est hors de question.
C'était la meilleure. Ce type m'avait presque enfoncé une dague dans le cœur, et je devais sagement me taire ?
— Donc, je te propose un deal, reprit-il. Je promets de t'aider dans ta quête, mais en échange, je ne veux plus qu'on entende parler de toi.
— C'est justement ce que je demande ! Mais merde, tu comprends pas que je ne fais rien du tout ? hurlai-je en me pointant du doigt. Ça me retombe toujours dessus.
— Justement ! Subis, mais en silence. Je t'assure qu'ils se lasseront à un moment. Il suffit que tu écoutes mes conseils.
Dans tous les cas, je n'avais plus aucune option. Sean était arrivé au bon moment pour me décharger d'un fardeau. Je ne savais pas si je pouvais réellement lui faire confiance, étant donné sa proximité avec Leith. Son comportement était pour le moins déstabilisant, tantôt à suivre Leith et ses pairs comme un toutou, tantôt à se rebeller et manigancer contre eux. Je devais néanmoins garder un dieu olympien de mon côté, afin de savoir ce qu'il se tramait au sein du conseil. D'abord parce que je n'avais aucune connaissance de leur monde, et ensuite parce que le seul allié dont je m'étais entiché, à savoir un certain Alec, avait très clairement trahi ma confiance. Un guide dans toute cette pagaille ne serait donc pas à négliger, surtout si je ne voulais pas mêler Hélène ou qui que ce soit dans cette histoire.
Sean reprit son air moqueur, et commença à enrouler une mèche de cheveux autour de son petit doigt.
— Allez, suis moi. La suite va te plaire. Et je t'assure que tu as fait le bon choix, tu peux me faire confiance.
— Pour la confiance ne t'emballe pas. En ce moment je suis un peu paumée, donc je m'en remets à toi, le nain, répondis-je en lui tendant la main.
Il empoigna ma main avec énergie, puis un sourire espiègle éclaira son visage. Malgré son corps de bambin, sa poignée de main était étonnement forte.
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