⇢ sept
Felix ouvrit les yeux. La lumière du soleil baignait la pièce de ses chauds rayons en se reflétant sur les quatre murs d’un blanc immaculé. Le jeune homme plissa les paupières, complètement désorienté.
Il ne savait plus où, quand, ni qu'est-ce qu'il faisait ici. Était-ce sa chambre ? Non, ce n'était pas la même atmosphère, la même sensation. Le tissu de la couverture était imprégné d'une autre odeur ; celle d'un parfum aux notes boisées et vanillées. Sa tête roula sur la droite, et aussitôt, il sentit la fraîcheur de l’air entrer en contact avec l’arrière de son crâne trempé de sueur. Une grimace tira les commissures de ses lèvres vers le bas. Il détestait cette sensation, elle lui rappelait les lendemains de soirée, et la dernière en date avait été une catastrophe.
Et puis, soudain, il la sentit. La présence à côté de lui. Ses pupilles s'écarquillèrent alors que tous les événements de la veille déboulaient dans sa mémoire comme une foule lors d’un concert. Il eut des flashs, des lumières bleues et vertes, des hachures de souvenirs, paradoxalement tout aussi flous que très clairs dans son esprit. Il voulut porter une main à sa bouche avant de se rendre compte qu’il était nu sous les draps. Peu à peu, il prit conscience de chaque muscle, chaques terminaisons nerveuses de son corps, ce qui eut pour effet de faire rejaillir d’autres morceaux de mémoire à la surface, mais ceux-là étaient beaucoup moins candides. Le jeune homme sentit ses joues s’empourprer alors qu’il avait la sensation que son bassin bouillonnait en lui comme un four.
“Putain…” jura-t-il en son for intérieur. Maintenant qu’il se souvenait de tout, la gêne s’empara de tout son être, ou peut-être était-ce de la timidité ? Il n’en savait foutrement rien. Tout était encore trop récent pour mettre le doigt sur ce qu’il ressentait concernant les événements. Mais ce qui le tracassait davantage, c’était plutôt l’avis de Changbin.
En pensant à ce dernier, Felix remit doucement son crâne dans le bon sens. Il voulut voir s’il était réveillé mais ne trouva pas le courage de se tourner de son côté, alors ses yeux roulèrent à gauche dans l’espoir d'apercevoir le moindre indice qui pourrait l’aider à examiner la situation. À force de persévérance et de grimaces, il finit par conclure que son patron était encore plongé dans le sommeil. Sa respiration semblait paisible et régulière à en constater le rythme auquel la couverture se soulevait et s’abaissait.
Felix ne savait pas s’il en était soulagé ou inquiet. D’un côté, ça aurait été très gênant de se réveiller en même temps, mais d’un autre, il se demandait comment est-ce qu’il allait bien pouvoir réussir à partir d’ici. Devait-il lui fausser compagnie maintenant ? Ses dents enfermèrent sa lèvre inférieure. Il se voyait très mal se lever d’un coup et s’enfuir sans un mot. Ce n’était pas vraiment poli, non ? Et Changbin n’aimait pas qu’on lui manque de respect. Mais en même temps, que pouvait-il bien lui dire ? “C’était super, merci, au revoir…” Felix rougit, mort d’embarras alors qu’il faisait de son mieux pour ne pas gesticuler, il avait la sensation d’être sur le point d’exploser tant il avait chaud et que son cerveau tournait à plein régime. Jamais il ne s’était retrouvé dans une situation similaire, il perdait totalement ses moyens. Déjà qu’il avait du mal à s’en sortir socialement parlant, là, c’était un tout autre niveau de difficulté.
– Felix ?
Le concerné sursauta et ouvrit grand les yeux. Son souffle s'était coupé. Changbin était réveillé… Changbin était réveillé. Changbin était réveillé ! Des sirènes lumineuses pareilles à celles de camions pompiers venaient de s’enclencher dans son cerveau. Le son de sa voix rauque l’avait littéralement électrisé.
– O-oui, finit-il par bégayer en serrant la couverture entre ses doigts, chef…
Il semblait que ce dernier mot n'était pas vraiment adapté à la situation… Il sonnait étrange à ses oreilles, comme s’il lui mordait les tympans. Changbin, lui aussi très peu à l’aise, toussota puis reprit d'une voix encore un peu plus éraillée que la première fois :
– Pourquoi t'es pas parti en douce quand je dormais ?
– J-j'aurais dû ?
– Ça aurait été moins gênant.
Felix hocha la tête en se remémorant l’occasion manquée qu’il avait laissé filer.
– J'aurais dû.
– Hm.
Un ange passa et Felix déglutit. Le dialogue avait été amorcé et il se doutait bien que c’était le bon moment pour détaler d’ici au plus vite, mais sans qu’il ne puisse se retenir, il laissa le son de sa voix vacillante déséquilibrer le silence de la pièce :
– Est-ce que… vous êtes fâché ?
Changbin ne répondit pas tout de suite mais Felix put tout à fait deviner qu’il était en train de froncer les sourcils. Il le faisait toujours quand il trouvait que le plus jeune disait des choses stupides.
– Pourquoi je le serais ?
– Vous l’êtes tout le temps quand je fais une bêtise…
– Tu n’es pas le seul fautif dans l’histoire, Felix. On l’a fait à deux cette erreur.
Un long soupir rempli d’amertume fila entre ses lèvres, broyant le coeur du cendré au passage. Il l’avait dit de lui-même, c’était… une erreur. Tout ceci n’était rien d’autre qu’une sortie de parcours, un dérapage qu’il regrettait. Les yeux de Felix s’embuèrent de larmes. Il s’empressa de cligner rapidement des paupières pour les refouler. Il se sentait tellement stupide d’avoir eu l’espoir - même minime - qu’il aurait pu en être autrement. Changbin ne l’aimait pas, il le détestait d’ailleurs et de surplus, il était son patron. Tout ça été voué à l'échec, depuis le début.
Felix prit une grande inspiration alors que ses paumes se serraient contre la couverture afin de la plaquer avec un peu plus de force contre son torse. Il voulait partir d'ici. Tout de suite. Il prit son élan et se redressa en position assise, le linge bien serré contre sa poitrine. Puis son cou se tourna de lui-même vers le noiraud, ce qui s’avéra bien vite être une très mauvaise idée.
Changbin avait les cheveux en pagaille, sa longue frange corbeau venait chatouiller ses cils et ne laissaient voir de ses yeux que le bas de ses pupilles noires. Il avait ramené un de ses bras musclés derrière sa tête pour la maintenir légèrement surélever, les pectoraux à l’air libre, alors que les draps s’emmêlaient autour de son corps, lui donnant une allure de dieu grec vêtu de somptueuses étoffes.
Leurs regards se croisèrent, Felix ravala sa salive. Cette vue le mettait dans tous ses états, il était incapable de s'en détourner. Il savait qu’il l’avait observé d’une façon beaucoup trop appuyé pour que Changbin ne l’ait pas remarqué, mais ce dernier n'était pas en mesure de lui en tenir rigueur puisque son regard avait lui aussi dévié sur son dos découvert. Il le fixait avec ces mêmes yeux luisants d'étoiles, scrutant chacun de ses muscles si désirables... jusqu'à descendre à la naissance de ses fesses.
Ils s’humidifièrent les lèvres en même temps. Felix en eut le souffle court, son estomac se tordit. Il avait envie de se recoucher à ses côtés et de l’embrasser pendant des heures…
Son coeur cogna fort dans sa poitrine, bourdonna dans ses oreilles, frappa ses tempes, et puis, il se pencha sur Changbin pour venir happer ses lèvres avec les siennes. Cet act de courage fut chaste et bref, un simple baiser silencieux. Et quand il recula son visage, Felix se mordit fort l’intérieur des joues comme s’il ne se rendit compte qu’après coup ce qu’il venait de faire.
Sans un mot, ils se fixèrent droit dans les yeux, immobiles. Ce fut comme si le temps s’était mit sur pause... avant de redémarrer à pleine puissance.
Les deux jeunes hommes se sautèrent dessus en synchronisation pour trouver la douceur de leurs lippes respectives. Le contact était brûlant, passionné, fiévreux. Ils perdaient le sens de la réalité autour d'eux. Changbin enlaça le corps de Felix puis se laissa tomber en arrière, emportant son partenaire avec lui. La collision contre le matelas leur fit échapper un gémissement qui se fondit instantanément aux bruits humides produit par le frottement de leurs lèvres.
Les pensées de Felix étaient sens dessus-dessous. Leurs peaux nues se touchaient et se frôlaient sans cesse, il sentait la chaleur du noiraud se mêler à la sienne et pouvait deviner à quel point elle était bouillante sous le fin tissu du drap qui les séparait ci et là. Ses doigts qui avait atterri sur le torse de Changbin commencèrent à le caresser, provoquant de longs soupirs au plus vieux. Ce dernier prit le visage de Felix entre ses mains tout en laissant glisser adroitement sa langue entre ses lippes. Le cendré n’attendit pas une seconde pour lui laisser l’accès. Leurs muscles roses se rencontrèrent et commencèrent une danse endiablée, se caressant l’une l’autre dans des mouvements rapides, presque brusques.
À bout de souffle, ils finirent par se séparer à contre coeur. Felix dévia le regard, les joues rouges. Il avait beau avoir adoré ce qu’il venait de se passer, il n’en était pas moins encore gêné. Il tenta de se redresser mais les bras de Changbin se ressérèrent dans son dos.
Un cri lui échappa alors qu’il retombait lourdement contre son torse.
Quand il releva la tête, son visage n’était plus qu’à quelques centimètres de celui du noiraud. Le rouge de ses joues redoubla d’intensité tandis que son patron lui caressait le bout du nez à l'aide de son pouce. Ils restèrent un instant dans cette position, et petit à petit, Felix se détendit contre son corps, laissant reposer son menton contre les pectoraux du plus vieux. C'était comme lui faire un câlin, il aimait ça.
Dans un silence absolu, ils se contentèrent de profiter de la chaleur de l'autre, se caressant de temps à autre, toujours de manière furtive, comme s'ils craignaient de se faire prendre la main dans le sac. Felix soupira de bonheur en laissant sa joue se coller au torse de son partenaire. Il se sentait tellement bien ici, comme ça, il ne voulait plus bouger.
Changbin frôla sa chevelure du bout des doigts puis s'amusa à replacer quelques mèches, histoire de leur donner un semblant d'ordre. Il sentit Felix sourire contre sa peau, le faisant sourire à son tour. Il n'y avait pas besoin de mot à cet instant, ils n'en voulaient pas, des mots, surtout pas Felix. Il avait beaucoup trop peur de lui demander s'il croyait toujours ce qu'il lui avait dit plus tôt, que tout ceci n'avait pas lieu d'être. Non, tout de suite, il voulait juste profiter. Au maximum.
Après plusieurs minutes passées à se câliner, Changbin plaça ses doigts sous la mâchoire du plus jeune pour lui faire relever la tête. Il déposa un rapide baiser contre ses lèvres, puis le libéra en même temps de son emprise. Son regard fuyait désormais celui de Felix.
Ce dernier cligna plusieurs fois des paupières, non certain de ce qu’il essayait de lui faire comprendre. Est-ce que c’était… finit ? Pour aujourd'hui, ou pour toujours ? Devait-il partir maintenant ? Les questions se bousculèrent dans son esprit avant qu’il ne décide d’y couper court. À en constater les pupilles impassibles du noiraud, ce n’était pas vraiment le bon moment pour parler. Lentement, Felix se redressa sur le matelas, prenant soin de garder le drap enroulé autour de lui.
– Je… je peux m'en aller ? demanda-t-il d'une petite voix.
L'ombre d'un rictus passa sur le visage de Changbin avant qu'il ne reprenne de sa rudesse habituelle.
– Tu n'as pas besoin de mon accord.
Felix gigota sur le matelas, il ne savait plus par où commencer. Finalement, il se tourna de nouveau vers son hôte, les yeux ronds et remplis de malaise.
– Est-ce que vous pourriez fermer les yeux s'il vous plaît ?
Changbin fronça les sourcils.
– Je… n’ai pas des vêtements… spécifia-t-il.
Un rire fila sur les lèvres du plus vieux avant qu’il ne pose une main sur ses yeux pour les dissimuler.
– Bien sûr, vas-y.
Les oreilles en feu, Felix s’assura qu’il ne regardait vraiment pas en agitant sa main devant lui. Changbin n’eut aucune réaction, le cendré souffla de soulagement avant de poser un pied au sol. Ce dernier lui sembla glacial, bien loin de chaleur du lit. Hésitant, il jeta un dernier coup d’oeil à son patron puis se décida à délaisser le drap pour ramasser ses affaires.
Il grimaça, son bassin était encore quelque peu douloureux et il lui fallut faire quelques pas pour retrouver une démarche à peu près stable. Les mains tremblantes, il enfila d’abord son t-shirt en boule au pied du lit, puis ses chaussettes. Il mit un instant à trouver son caleçon, jeté négligemment contre des cadres photos.
Felix déglutit en pinçant le tissu à l’aide de son index et de son pouce, dévoilant petit à petit les visages heureux de personnes qu’il supposa être de la famille de son boss. Il avait beau être le seul à assister à ce spectacle, il se sentit tout de même mort de gêne. Les traits joyeux de la femme au centre du cliché s’imprima sur sa rétine et il pria pour ne jamais devoir la rencontrer en personne. Ni officiellement, ni par hasard dans la rue. “Tiens, votre visage m'est familier...”
– C’est bon tu as trouvé tous tes vêtements ?
Felix sursauta. Il se détourna du cadre au plus vite et se hâta de mettre son jean.
– O-ui, souffla-t-il en enfilant la seconde jambe, c’est bon.
Changbin découvrit ses yeux lentement, observant Felix qui était encore en train de se débattre avec sa ceinture.
– Tu vas y arriver ?
– Oui ! s’exclama le plus jeune alors que le bruit métalique de sa boucle de ceinture résonnait dans la pièce.
Quand il réussit enfin à la serrer, il releva la tête, croisant le regard du noiraud en face de lui qui était toujours autant beau (et nu). Il lui faisait vraiment perdre ses moyens, plus que n’importe qui d’autre. Ses mains se joignirent l’une contre et il les frotta machinalement.
– Bon… je… je… hm… bafouilla-t-il tout bas.
Felix venait de puiser dans toutes ses ressources si bien qu’il ne savait plus comment se comporter, ni quoi dire. Bon sang, il avait juste à partir, pourquoi se mettait-il autant la pression ? Paniqué, il recula d’un pas pour s'agripper fermement à la poignée de la porte comme si le simple fait de la toucher pouvait le faire disparaitre d’ici. Il cherchait encore ses mots, mais les phrases qu’il essayait de construire dans son esprit finissait toujours par s’effondrer. Finalement, il en prononça une tout d’une traite, aussi rapide que la lumière :
– C’était super, merci, au revoir.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro